04 février 2020

TAF, 4 février 2020, B-151/2018 (d)

sic! 9/2020, p. 512 (rés.) « BVLGARI VAULT / BVLGARI » ; Motifs d’exclusion absolus, marque verbale, signe appartenant au domaine public, signe banal, signe trompeur, cercle des destinataires pertinent, spécialiste, grand public, degré d’attention moyen, degré d’attention accru, nom géographique, marque imposée, imposition par l’usage, secondary meaning, exception produit de luxe, ; art. 2 lit. a LPM, art. 2 lit. c LPM, art. 47 al. 2 LPM.

« BVLGARI VAULT »

Demande d’enregistrement N°52787/2015 « BVLGARI VAULT »


Demande d’enregistrement N°52787/2015 « BVLGARI VAULT »

Liste des produits et services revendiqués

Les trois marques sont revendiquées pour de nombreux produits et services en classes 9,35, 36, 38, 42 et 43.

Cercle des destinataires pertinent

Certains des produits ou services s’adressent avant tout aux spécialistes qui font preuve d’un degré d’attention accru, tandis que d’autres s’adressent également au grand public qui fait preuve d’un degré d’attention moyen (c. 9.1-9.2.2). En l’espèce, il n’est pas nécessaire de déterminer si certains produits ou services s’adressent exclusivement aux spécialistes (c. 9.2.2). En effet, rien n’indique que les consommateurs faisant preuve d’un degré d’attention moyenne perçoivent les signes revendiqués différemment des spécialistes (c. 18.1.1.3).

Motif absolu d’exclusion examiné 

Signe trompeur, art. 2 lit. c LPM ; signe appartenant au domaine public, art. 2 lit. a LPM.

Conclusion

Le signe revendiqué « BVLGARI » ne correspond pas à un mot existant (c. 10.1.2). La suite de consonnes « BVLG » est difficilement prononçable et donc inattendue, mais le signe « BVLGARI » reste très proche du mot « Bulgarie », sur les plans sonores et visuels (c. 10.1.3-10.1.4.3). En conséquence, le signe revendiqué doit être considéré comme un nom géographique appartenant en principe au domaine public (c. 10.1.5). Cela ne signifie cependant pas encore que, concrètement, le signe revendiqué n’est pas considéré comme une référence à la provenance industrielle et non géographique des produits et services revendiqués (c. 10.2.2). Rien n’impose qu’un nom géographique se soit imposé comme marque au sens de l’article 2 let. a LPM pour constituer un cas d’application de l’article 47 al. 2 (c. 11.2.2-11.2.2.3). Il ne suffit pas que celui-ci se soit imposé comme marque pour nier son caractère trompeur selon l’article 2 let. c LPM. En effet, rien n’exclue qu’un signe imposé par l’usage n’induise pas en erreur les consommateurs sur la provenance géographique des produits ou services revendiqués (c. 12.1.2.1). Afin d’être protégé comme marque, un signe géographique doit avoir acquis un « secondary meaning », soit une autre signification qui devient prédominante au point d’exclure un risque de tromperie. L’examen du « secondary meaning » nécessite d’appliquer les exigences en matière d’imposition par l’usage avec une rigueur particulière (c.12.1.2.2). En conséquence, les six exceptions identifiées par le Tribunal fédéral ne s’appliquent pas de la même manière lors de l’examen de l’appartenance au domaine public d’un signe ou de son caractère trompeur (c. 12.2.1). Certes, dans l’ATF 128 III 454 « YUKON », le Tribunal fédéral prévoit qu’un signe qui remplit l’une des six conditions n’est pas propre à induire en erreur, mais il poursuit en ajoutant qu’un tel examen dépend du cas d’espèce (c. 12.2.2.1-12.2.2.2). Contrairement à l’avis de la recourante, il est justifié qu’un signe qui n’est pas doté d’une signification propre clairement prédominante soit refusé à l’enregistrement (c. 12.4). Il faut donc, en l’espèce, déterminer si les éléments apportés par la recourante permettent de retenir que le signe « BVLGARI » dispose d’une signification propre prédominante (c. 13.2). La recourante peut se prévaloir de son histoire plus que centenaire (c. 14.1.1.1), de son développement soutenu (14.1.1.2), ainsi que de la force de son réseau de distribution (c. 14.1.1.3). La recourante est implantée en Suisse depuis la fin du XIXe siècle, dispose d’un grand prestige dans le domaine des objets de luxe et réalise un chiffre d’affaires conséquent depuis de nombreuses années (c. 14.1.2.1-14.1.2.3). De plus, l’autorité inférieure retient que la marque « BVLGARI » peut se prévaloir d’un « secondary meaning » en lien avec divers produits en classes 3, 9, 14 et 18 (c. 14.1.3). En conséquence, la marque « BVLGARI » jouit d’un degré de connaissance hors du commun (c. 14.2). De l’autre côté, aucun élément dans le signe revendiqué ne vient affirmer un lien avec la Bulgarie (c. 15.1.1). Il n’existe pas de rapport particulier entre les produits et services revendiqués et la Bulgarie (c. 15.1.2), et les importations en Suisse de produits provenant de Bulgarie sont faibles (c. 15.1.3). Enfin, la graphie particulière et omniprésente, soit l’utilisation d’un « V » à la place d’un « U », conduit au fait que le signe « BVLGARI » sera compris comme une référence commerciale à la recourante et non géographique (c. 16.2). Les produits revendiqués ne sont pas proches des produits dont la recourante peut déjà se prévaloir d’un « secondary meaning », mais il est commun pour les entreprises de diversifier leurs offres, parfois dans des domaines très éloignés (c. 17). En conséquence, le signe « BVLGARI » n’est pas compris comme une référence à l’Etat de Bulgarie, mais bien comme une référence à la recourante (c. 18.1.1.1). Une telle qualification ne découle pas de l’éventuelle haute renommée de la marque « BVLGARI » (c. 18.2.2.2).

[YB]