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27 octobre 2009

HG SG, 27 octobre 2009, HG.2005.14-HGK (d)

sic! 6/2010, p. 441- 453, « Dichtmasse II » (Stieger Werner, Anmerkung [critique au sujet du c. III.2]) ; conditions de la protection du brevet, nouveauté, non-évidence, homme de métier, produits chimiques, optimisation, action en constatation de la nullité d’un brevet, brevet européen, OEB, exposé de l’invention, contrat de licence, qualité pour agir du preneur de licence, suspension de procédure, violation d’un brevet, expert, récusation, partialité, expertise, expertise sommaire, mesures provisionnelles, fardeau de la preuve, avance de frais, demande reconventionnelle, décision étrangère ; art. 83 CBE 2000, art. 1 al. 2 LBI, art. 7 al. 1 et 2 LBI, art. 50 al. 1 LBI, art. 128 lit. b LBI.

Afin d'éviter que la procédure ne soit retardée de manière excessive, l'art. 128 lit. b LBI ne permet la suspension d'une action en nullité de la partie suisse d'un brevet européen (à l'exclusion d'un brevet suisse) qu'en présence d'un motif sérieux et/ou lorsque qu'un jugement en nullité de l'Office européen des brevets (OEB) est imminent (c. II.2). Un contrat de licence exclusive oral peut valablement conférer la qualité pour agir au preneur de licence (c. II.3). Les experts sont soumis aux mêmes motifs de récusation que les juges. Un expert n'est en principe pas empêché d'établir une expertise dans une procédure au fond par le seul fait qu'il a déjà établi une expertise sommaire dans la procédure de mesures provisionnelles. Ne constituent pas des indices de partialité d'un expert le fait que cet expert en chimie n'a pas d'expérience pratique dans le domaine spécialisé en cause (chimie des polymères) et le fait que son expertise sommaire a été critiquée (de manière peu approfondie) par la partie à laquelle elle était défavorable (c. III.1.b)aa). Même s'il n'est pas spécialisé dans la chimie des polymères, un chimiste est en mesure de se prononcer, dans le cadre d'une expertise sommaire, sur la validité de l'exposé (inexistant en l'espèce) d'une invention au sens de l'art. 50 al. 1 LBI. Il peut également valablement décider qu'il n'a pas besoin du concours d'un autre expert, spécialisé dans le domaine (c. III.1.b)bb). En l'occurrence, l'expert nommé est à même de se prononcer sur la question de l'existence des brevets litigieux (c. III.1.c). Selon le Handelsgericht, il revient à la partie qui fait valoir une violation de la partie suisse de son brevet européen d'en prouver l'existence et d'avancer les frais de l'expertise, bien que la partie adverse fasse valoir à titre reconventionnel la nullité du brevet suisse (à ce sujet, voir la critique de Stieger [sic! 6/2010, p. 451-453]). Cette position est justifiée par la similitude des brevets et par le fait que l'expertise sommaire nie l'existence du brevet suisse (c. III.2). En l'absence d'une nouvelle expertise (en raison du non-paiement de l'avance de frais [c. III.2 in fine]), il convient de rendre le jugement au fond sur la base de l'expertise sommaire, qui conclut à la nullité du brevet suisse en raison d'un exposé de l'invention insuffisant (ne permettant pas à un homme de métier [de] l'exécuter [art. 50 al. 1 LBI]) et de l'absence de nouveauté (art. 7 al. 1 et 2 LBI) et de non-évidence (art. 1 al. 2 LBI) de l'invention. La simple optimisation, accessible à l'homme de métier, des propriétés d'une composition ne constitue pas une invention. Pour breveter une nouvelle composition dotée de nouvelles propriétés spéciales, il est indispensable d'en décrire le contenu et le mode de fabrication. En l'espèce, le brevet suisse est jugé nul par le Handelsgericht (c. III.3.a)aa). Vu sa presque identité avec le brevet suisse, la partie suisse du brevet européen doit également être considérée comme nulle. La divulgation d'un concept spécial détruit la nouveauté du concept général (c. III.3.a)bb). La nullité des brevets litigieux est confirmée par un jugement du Bundespatentgericht allemand (selon lequel le brevet allemand — pratiquement identique [c. III.4.a) in fine] — est nul à défaut de nouveauté de l'invention) et par une décision incidente de la division d'opposition de l'OEB (selon laquelle le brevet européen ne contient pas un exposé suffisant de l'invention [art. 83 CBE 2000]) (c. III.4).

25 août 2015

TFB, 25 août 2015, O2013_008 (d)

Conditions de la protection du brevet, nouveauté, non-évidence, homme de métier, état de la technique, violation d’un brevet, contrefaçon, brevet européen, décision étrangère, action échelonnée, jugement partiel, action en cessation, action en fourniture de renseignements, action en dommages-intérêts, action en remise du gain, dommage, pistolet de pulvérisation ; art. 66 lit. a LBI, art. 66 lit. b LBI, art. 85 CPC.

La défenderesse, accusée par la plaignante d’avoir violé le brevet européen qu’elle détient sur un pistolet de pulvérisation, allègue un défaut de nouveauté par rapport à deux brevets existants. Le TFB rejette cet argument, et cite une décision concordante du Bundespatentgericht allemand (c. 4.3). La défenderesse allègue également une absence d’activité inventive par rapport au premier des deux brevets cités, l’invention découlant d’une manière évidente de l’état de la technique, qu’elle exemplifie en citant plusieurs autres brevets. Le TFB considère, contrairement au Bundespatentgericht allemand, que les documents cités ne rendent pas l’invention litigieuse évidente pour l’homme du métier (c. 4.4). L’objet réalisé par la défenderesse remplissant toutes les caractéristiques de la première revendication de la plaignante, il constitue une contrefaçon de l’invention brevetée au sens de l’art. 66 lit. a LBI (c. 4.5). La demanderesse prend des conclusions en cessation du trouble, en fourniture de renseignements et en reddition de comptes. Elle conclut en outre à ce qu’il lui soit donné la possibilité, dans une deuxième étape, d’établir et de chiffrer son dommage ou le gain dont elle pourrait demander la délivrance, sans, à ce stade de la procédure, prendre de conclusions chiffrées ou chercher à établir que les conditions d’une action en dommages-intérêts ou en délivrance du gain seraient remplies (c. 5.1). L’action échelonnée suppose l’existence d’une prétention de droit matériel en fourniture de renseignements et en reddition de comptes (c. 5.3). Le TFB considère qu’une telle prétention de droit matériel découle de l’art. 66 lit. b LBI (c. 5.4). Il fait donc droit aux conclusions en cessation et à celles en fourniture de renseignements et en reddition de comptes (c. 5.5). Et puisque la demanderesse a requis et obtenu que la procédure soit suspendue en ce qui concerne les actions pécuniaires jusqu’à droit connu sur l’existence d’une violation et sur l’action en fourniture de renseignements et en reddition de comptes, on ne peut pas lui faire grief de n’avoir pas allégué et établi que les conditions d’une action en dommages-intérêts ou en délivrance du gain seraient remplies (c. 5.6). [SR]

11 juillet 2014

TFB, 11 juillet 2014, S2013_011 (d) (mes. prov.)

sic! 1/2015, p. 54-57, « Muffenautomat II » ; mesures provisionnelles, mesures superprovisionnelles, compétence internationale, convention internationale, droit international, brevet européen, violation d’un brevet, fait dommageable, exécution de jugement à l’étranger, description à des fins de renseignement, preuve à futur, procédure contradictoire, droit d’être entendu ; art. 5 ch. 3 CL, art. 31 CL, art. 26 al. 1 lit. b LTFB, art. 77 LBI, art. 158 al. 1 lit.b CPC; cf. N 755 (vol. 2012-2013 ; TFB, 14 juin 2012, S2012_007) et N 928 (TFB, 30 août 2013, S2013_008 ; sic! 3/2014, p. 160-162, « Muffenautomat »).

Le demandeur A est une personne physique de nationalité autrichienne, détentrice d’un brevet européen pour la Suisse concernant un procédé de fabrication de formes plastiques façonnées à l’état chaud. Il soupçonne C Gmbh, une société en commandite de droit autrichien, de violer son brevet en Suisse par l’intermédiaire de sa société commanditaire I AG dont le siège et l’activité se situent en Suisse. À ouvre action devant le TFB contre C Gmbh et requiert le prononcé de mesures superprovisionnelles et provisionnelles imposant à I AG une inspection de ses locaux au cours de laquelle il devra être procédé à une description de machines. Parallèlement, A requiert que les données mesurées au cours de l’inspection soient recueillies comme preuves à futur au sens de l’art. 158 CPC. Au cours de la procédure, I AG accepte amiablement que A procède à une inspection de ses locaux, à la suite de quoi A estime que les machines de I AG ont été partiellement démontées en vue de l’inspection. Les deux parties au litige étant autrichiennes, le TFB examine d’office sa compétence internationale. Si le fait dommageable au sens de l’art. 5 ch. 3 CL (actes délictuels) risque de se produire en Suisse, les tribunaux suisses sont potentiellement compétents pour statuer sur le fond (c. 11-14). Des règles particulières s’appliquent toutefois lorsqu’un tribunal suisse est saisi en vue de prononcer d’uniques mesures provisionnelles (conservation des preuves par description ou preuve à futur) susceptibles d’être exécutées ultérieurement dans un État contractant de la CL. Selon la jurisprudence de la CJUE applicable pour l’interprétation de la CL ainsi que la jurisprudence du Tribunal fédéral, des mesures (super-)provisionnelles appelées à être exécutées dans un État contractant doivent impérativement faire l’objet d’une procédure contradictoire entre les parties. Reconnaître l’inverse permettrait en effet de priver la partie intimée de son droit d’être entendue dans l’État où la mesure doit être exécutée (c. 18). En l’espèce, des mesures superprovisionnelles ne peuvent pas être prononcées puisque le droit suisse ne prévoit pas de procédure contradictoire pour ce type de procédure. L’examen du litige est par conséquent limité à l’éventuel prononcé de mesures provisionnelles, soit en l’espèce à l’administration ou non d’une preuve à futur (c. 15-19). Dans la mesure où A a pu visiter les locaux de I AG et y prendre des mesures, aucune mise en danger des preuves n’a en l’espèce été suffisamment rendue vraisemblable. Les conditions nécessaires à l’administration d’une preuve à futur ne sont par conséquent pas remplies. La demande est rejetée. [FE]

02 mai 2019

TFB, 2 mai 2019, S2018_007 (d)

sic! 1/2020, p. 38-42, « Sägebletter » ; conditions de la protection du brevet, nouveauté en droit des brevets, revendication, interprétation de la revendication, homme de métier, état de la technique, divulgation antérieure, brevet européen, violation d’un brevet, caractéristiques de l’invention, description de l’invention, dessin, mesures provisionnelles, vraisemblance ; art. 69 al. 1 CBE 2000, art. 1 LBI, art. 7 al. 1 LBI, art. 7 al. 2 LBI, art. 51 al. 3 LBI, art. 77 LBI, art. 261 al. 1 CPC.

Les plaignantes, co-titulaires d’un brevet sur un outil destiné à être utilisé avec une machine, réclament le prononcé de mesures provisionnelles contre la défenderesse (c. 1), en invoquant une violation de la partie suisse de leur brevet européen (c. 7). Selon l’art. 77 LBI, en lien avec l’art. 261 al. 1 CPC, le juge doit ordonner les mesures provisionnelles nécessaires lorsque la partie requérante rend vraisemblable qu’une prétention dont elle est titulaire a été l’objet d’une atteinte ou risque de l’être (art. 261 al. 1 lit. a CPC) et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (art. 261 al. 1 lit. b CPC). Un fait allégué est vraisemblable lorsque certains éléments parlent en faveur de son existence, même si le tribunal tient encore pour possible qu’il ne se soit pas produit. Les exigences en matière de vraisemblance dépendent du caractère plus ou moins incisif des mesures requises. Si elles affectent gravement la partie adverse, les exigences sont plus élevées. Si à l’inverse les mesures l’affectent peu, notamment lorsqu’elles sont purement conservatoires, les exigences sont plus faibles (c. 8). L’homme du métier pour lequel l’activité inventive est évaluée n’est ni un expert du domaine technique dans lequel se pose le problème résolu par l’invention, ni un spécialiste disposant de connaissances exceptionnelles. Il ne connaît pas l’état de la technique dans son ensemble, mais il dispose de solides connaissances et compétences dans la branche en question, et est au bénéfice d’une bonne formation et d’une expérience suffisante et, ainsi, du bagage nécessaire pour aborder le domaine technique concerné. Ce personnage fictif est dépourvu d’intuition ou de capacité associative (c. 11). Les revendications doivent être interprétées du point de vue de l’homme du métier, à la lumière de la description et des dessins (art. 51 al. 3 LBI), ainsi que des connaissances techniques générales. Si le dossier de brevet ne définit pas un terme différemment, il faut présumer de la compréhension habituelle dans le domaine technique concerné. Les revendications doivent être interprétées de manière fonctionnelle, en ce sens qu’une caractéristique doit être interprétée de telle sorte qu’elle puisse remplir la fonction prévue. La revendication doit être lue de manière à ce que les modes de réalisation divulgués dans le brevet soient littéralement couverts. En outre, la formulation de la revendication ne doit pas être limitée à ces modes de réalisation si elle en couvre d’autres. Lorsque la jurisprudence fait référence à une « interprétation la plus large » des caractéristiques d'une revendication, la caractéristique doit toujours pouvoir remplir sa fonction dans le contexte de l’invention. La revendication ne doit ainsi, en principe, pas être interprétée de manière à inclure les modes de réalisation qui ne produiraient pas l’effet prévu par l’invention (c. 14). Une invention doit être nouvelle, en ce sens qu’elle ne doit pas être comprise dans l’état de la technique (art. 1 et 7 al. 1 LBI). L’état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt ou de priorité par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen (art. 7 al. 2 LBI). La nouveauté d’une invention n’est détruite que lorsque toutes ses caractéristiques ont été divulguées dans un seul document avant la date pertinente. L’existence d’une divulgation dans un document s’apprécie du point de vue de l’homme du métier concerné. Il faut pour ce faire prendre en compte ses connaissances et compétences à la date pertinente (date de dépôt ou de priorité) de l’invention à examiner. N’est considéré comme divulgué que ce qui est directement et clairement évident pour l’homme du métier sur la base du document pertinent. Cela comprend également les informations qui ne sont pas explicitement divulguées dans le document, mais qui le sont de manière implicite, compte tenu des connaissances et des compétences de l’homme du métier (c. 17). [SR]

05 mars 2020

TF, 5 mars 2020, 4A_453/2019 (d)

Etendue de la protection, interprétation de la revendication, revendication, description de l’invention, dessin, état de la technique, brevet européen, droit d’être entendu, arbitraire, mesures provisionnelles ; art. 69 CBE 2000, art. 9 Cst., art. 29 al. 2 Cst., art. 98 LTF, art. 51 LBI.

Le droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) exige que l’autorité entende effectivement les arguments des parties, qu’elle les examine et qu’elle en tienne compte dans sa propre décision. En outre, elle doit motiver sa décision, en indiquant au moins brièvement les considérations essentielles sur lesquelles elle s'est fondée. Par contre, il ne confère pas aux parties le droit d’être entendues sur leur appréciation juridique des faits qu’elles ont introduit dans la procédure. Le droit d’être entendu n’implique pas non plus que le juge doive aviser les parties à l’avance des faits sur lesquels il entend fonder sa décision. Il existe toutefois une exception à ce principe, lorsque le juge s’apprête à fonder sa décision sur un motif juridique dont les parties ne se sont pas prévalues et dont elles ne pouvaient raisonnablement supputer la pertinence (c. 4.1). L’arbitraire (art. 9 Cst.) ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution que celle retenue pourrait entrer en considération, ou même qu’elle serait préférable, mais uniquement du fait qu’une décision est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou encore qu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit manifestement insoutenable, mais il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (c. 5.1). Les recourantes ne parviennent à démontrer aucune violation arbitraire de l’art. 51 LBI ou de l’art. 69 CBE 2000, selon lesquels l’étendue de la protection conférée par le brevet européen est déterminée par les revendications, bien que les descriptions et les dessins soient aussi utilisés pour interpréter les revendications. Dans son appréciation de l'étendue de la protection du brevet en cause, l'instance inférieure est partie à juste titre du principe que la formulation des revendications constitue le point de départ de toute interprétation. Conformément aux normes précitées, elle a utilisé la description et les dessins. Comme les recourantes elles-mêmes l’admettent, la formulation de la caractéristique 6.1 de la revendication 1 du brevet européen en cause peut être interprétée de deux manières différentes. Contrairement à ce qu’elles affirment, une interprétation tenant compte de la description et des dessins n’a pas non plus permis d’aboutir à un résultat clair. L’instance précédente est seulement partie du principe que la description fournissait certaines indications étayant la compréhension des recourantes. Le fait qu’elle n’en soit pas restée là, mais qu’elle ait continué à examiner si la compréhension des recourantes était compatible avec une interprétation cohérente des revendications, en tenant compte des autres revendications (dépendantes), n’est pas arbitraire. Au contraire, les revendications dépendantes peuvent également fournir des indications pour la compréhension de la revendication interprétée. En outre, il ne faut pas perdre de vue que les connaissances techniques générales constituent également un moyen d’interprétation. On ne peut reprocher à l’instance précédente d’avoir agi de manière arbitraire en examinant si l'interprétation de la revendication 1 proposée par les recourantes, qui permettait d'éviter une incohérence entre la revendication 1 et la revendication 4, était techniquement pertinente en donnant aux caractéristiques un sens leur permettant de remplir la fonction qui leur est destinée dans le cadre de l'invention. Le reproche selon lequel l'instance précédente aurait pour ainsi dire « chamboulé » les règles d’interprétation faisant foi est tout aussi infondé que celui selon lequel elle aurait méconnu de manière flagrante le principe d’interprétation reconnu selon lequel le titulaire du brevet supporte le risque d'une définition inexacte, incomplète ou contradictoire. Elles ne démontrent pas non plus le caractère arbitraire de l’interprétation de l’instance précédente de la caractéristique 6.1, pas plus qu’elles ne parviennent à prouver que diverses prémisses juridiques et factuelles sur lesquelles l’instance précédente aurait fondé son « interprétation erronée » seraient infondées. Dans le passage qu’elles critiquent, l’instance précédente fait simplement référence à l’interprétation de la revendication 1 proposée par les recourantes, qui éviterait l’incohérence entre les revendications 1 et 4. La question de savoir si les considérations de l'instance précédente concernant la délimitation des deux revendications sont correctes, ou s’il faut plutôt suivre l’avis des recourantes concernant leur interprétation ne peut être examinée librement dans le cadre d’un recours contre une décision portant sur des mesures provisionnelles (art. 98 LTF). En tout état de cause, les considérations qu’émettent les recourantes ne laissent pas apparaître que l’interprétation faite par l’instance précédente de la revendication 1, qui est également couverte par le texte de la revendication, soit manifestement incorrecte (c. 5.2). Le recours est rejeté (c. 6). [SR]

11 mai 2020

TF, 11 mai 2020, 4A_613/2019 (d)

Conditions de la protection du brevet, objet du brevet, étendue de la protection, nullité d’un brevet, revendication, demande de brevet, demande initiale, demande divisionnaire, demande parente, modification des revendications en cours de procédure, limitation de revendications, combinaison de caractéristiques, homme de métier, date de dépôt, brevet européen, gold standard, singling out, sécurité du droit, motivation du recours, frais et dépens, frais de conseil en brevets, conclusion subsidiaire, décision étrangère ; art. 69 CBE 2000, art. 76 al. 1 CBE 2000, art. 123 al. 2 CBE 2000, art. 138 al. 1 lit. c CBE 2000, art. 42 al. 2 LTF, art. 32 LTFB, art. 33 LTFB, art. 3 lit. a FP-TFB, art. 9 al. 2 FP-TFB, art. 26 al. 1 lit. c LBI, art. 51 al. 2 LBI, art. 58 al. 2 LBI.

Le recours au Tribunal fédéral doit être suffisamment motivé (art. 42 al. 2 LTF) (c. 1.1). Cela ne s’applique toutefois pas sans autres aux conclusions subsidiaires, par lesquelles la recourante conteste les frais et dépens de la décision attaquée, indépendamment du fait qu’elle ait ou non gain de cause sur le fond (c. 1.2.1). En principe, les conclusions ayant pour objet une somme d’argent doivent être chiffrées, même lorsqu’elles portent sur la contestation des frais et dépens prononcés par la juridiction inférieure indépendamment du sort de la cause principale. Toutefois, dans de tels cas, il suffit en réalité que la motivation du recours indique dans quel sens la décision attaquée doit être modifiée (c. 1.2.2). En l’espèce, les dépens alloués par le Tribunal fédéral des brevets (TFB) se partagent entre une somme allouée pour les frais de conseil en brevets et une autre, moins importante, pour les frais de représentation par un avocat. La recourante se plaint du fait que la première somme soit plus importante que la seconde, et demande que les dépens soient au moins réduits de la différence. A cet égard, les conclusions subsidiaires peuvent être considérées comme suffisamment motivées (c. 1.2.3). Selon l’art. 26 al. 1 lit. c LBI, le juge constate la nullité du brevet lorsque l’objet de ce dernier va au-delà du contenu de la demande de brevet dans la version qui a déterminé sa date de dépôt. Cette cause de nullité est tirée de l’art. 138 al. 1 lit. c CBE 2000. Ces deux dispositions sont liées, en ce qui concerne la procédure de délivrance européenne, à l’art. 123 al. 2 CBE 2000, qui limite la recevabilité des modifications dans la procédure de demande. En conséquence, la demande de brevet européen et le brevet européen ne peuvent être modifiés de telle manière que leur objet dépasse le contenu de la demande antérieure telle qu’elle a été déposée. De même, l’art. 76 al. 1 deuxième phrase CBE 2000 prévoit qu’une demande divisionnaire européenne ne peut être déposée que pour des éléments qui ne s’étendent pas au-delà du contenu de la demande antérieure telle qu’elle a été déposée (c. 2.1.1). Ces dispositions ont pour but d'éviter que le détenteur d’un brevet n’améliore sa position en revendiquant des protections pour des objets n’ayant pas été couverts par la demande de brevet initiale. Elles servent notamment un but de sécurité juridique, car le public ne devrait pas être surpris par des revendications qui ne pouvaient pas être attendues sur la base de la demande initiale (c. 2.1.2). Dans ce contexte, l’ « objet du brevet » (qui, selon l'art. 26 al. 1 lit. c LBI, ne peut aller au-delà du contenu de la demande de brevet) ne doit pas être compris comme l’ « étendue de la protection » au sens des art. 51 al. 2 LBI et 69 CBE 2000, telle que déterminée par les revendications. Il s'agit plutôt de l’ « objet » au sens de l'art. 123 al. 2 CBE 2000 (ou de l'article 58 al. 2 LBI), incluant l’ensemble des éléments divulgués dans la description et les dessins. Selon la jurisprudence de l'Office européen des brevets, l'art. 123 al. 2 CBE 2000 n'autorise une modification après le dépôt de la demande que dans les limites de ce que l’homme du métier est objectivement en mesure, à la date du dépôt, de déduire directement et sans équivoque du contenu global de la demande initiale telle qu’elle a été déposée, en se fondant sur les connaissances techniques générales dans le domaine considéré (test du « gold standard »). Les modifications inadmissibles peuvent consister tant en des ajouts qu’en des omissions d’informations (c. 2.1.3). D'un point de vue procédural, une demande divisionnaire constitue une demande séparée, indépendante de la demande parente. Les modifications sont donc soumises aux exigences générales de l'art. 123 al. 2 CBE 2000. La question de savoir si la demande divisionnaire elle-même entre dans le champ d'application du contenu de la demande parente s’apprécie cependant selon l'art. 76 al. 1 deuxième phrase CBE 2000 (c. 2.2). En l’espèce, la juridiction inférieure a constaté que les documents de la demande initiale ne mettaient pas l’accent sur un rapport de poids de 2:1 ou sur la constipation en tant qu’effet secondaire pouvant être traité. Des exemples indiquant un rapport de poids de 2:1 des deux substances actives ont certes été mentionnés, mais il y avait aussi des exemples indiquant d’autres rapports de poids. Dans la description des effets secondaires, la constipation n'a été mentionnée que comme l'une des trois alternatives équivalentes. La constipation n’a été soulignée que dans la discussion sur l’état de la technique. Dans les exemples spécifiques de mise en œuvre, l’effet secondaire n'a pas du tout été abordé. Selon l’instance précédente, les documents soumis à l'origine n’indiquaient donc pas que le rapport de poids spécifique de 2:1 avait un lien particulier avec la réduction de la constipation. D'après elle, il n’y a eu de divulgation immédiate et sans équivoque ni du rapport de poids spécifique de 2:1 comme étant particulièrement privilégié, ni du traitement de la constipation comme étant associé à des avantages particuliers. Elle en déduit que l'inclusion de cette combinaison de caractéristiques dans la revendication 1 constituait une modification non autorisée, justifiant que la nullité du brevet soit prononcée (c. 2.4.2). La question est ici de savoir dans quelle mesure il est admissible, durant la procédure de demande, de choisir des éléments individuels dans plusieurs listes, chacune comportant plusieurs modes de mise en œuvre ou caractéristiques alternatives (problématique du « singling out ») (c. 3.1). La problématique de la suppression d'éléments de listes durant la procédure de demande a été souvent traitée dans la jurisprudence de l’Office européen des brevets. Le point de départ est la question de savoir si l'objet ou la combinaison d’éléments revendiqués dans le brevet litigieux peut être déduit directement et sans équivoque par l’homme du métier à partir des documents déposés dans la demande d’origine. Fondamentalement, la limitation d’une liste à une seule caractéristique est admissible. De même, la suppression d’éléments de plusieurs listes est en principe admissible si plusieurs alternatives sont encore revendiquées pour chacune d'elles, laissant ainsi subsister un groupe générique qui ne se distingue de l'objet de la demande initiale que par sa taille réduite. En revanche, la sélection d’un unique élément dans chacune des listes n’est généralement pas admise, dans la mesure où un tel procédé crée artificiellement une combinaison de caractéristiques précises, sans fondement dans la demande initiale. Dans un tel cas, la modification limite la protection du brevet, et apporte une contribution technique par rapport à l'objet initialement divulgué. La situation peut être différente s'il y avait déjà des références à cette combinaison dans la demande initiale, comme par exemple si les caractéristiques finalement sélectionnées avaient été indiqués comme « préférées ». Les circonstances spécifiques du cas d’espèce doivent toujours être prises en compte (c. 3.2). L’instance précédente n’a violé aucune des normes applicables en considérant que la partie suisse du brevet européen en cause est nulle (c. 3.5). Conformément à l'art. 32 LTFB, le TFB fixe les dépens selon le tarif visé à l’art. 33 LTBF. Selon l’art. 3 lit. a FP-TFB, les dépens alloués à la partie qui a gain de cause comprennent le remboursement des frais nécessaires. Ceux-ci comprennent l’indemnité du conseil en brevets, s’il intervient à titre de consultant uniquement (art. 9 al. 2 FP-TFB) (c. 5.1). Le TFB, qui peut apprécier librement si une dépense doit être remboursée en tant que dépense nécessaire, a indiqué que dans le cadre d’une action en nullité les frais du conseil en brevets peuvent dépasser ceux de représentation par un avocat. La recourante ne parvient pas à démontrer d’erreur d’appréciation du TFB qui puisse être corrigée par le Tribunal fédéral (c. 5.3). Le recours est rejeté (c. 6). [SR]

11 mai 2020

TF, 11 mai 2020, 4A_613/2019 (d)

Conditions de la protection du brevet, objet du brevet, étendue de la protection, nullité d’un brevet, revendication, demande de brevet, demande initiale, demande divisionnaire, demande parente, modification des revendications en cours de procédure, limitation de revendications, combinaison de caractéristiques, homme de métier, date de dépôt, brevet européen, gold standard, singling out, sécurité du droit, motivation du recours, frais et dépens, frais de conseil en brevets, conclusion subsidiaire, décision étrangère ; art. 69 CBE 2000, art. 76 al. 1 CBE 2000, art. 123 al. 2 CBE 2000, art. 138 al. 1 lit. c CBE 2000, art. 42 al. 2 LTF, art. 32 LTFB, art. 33 LTFB, art. 3 lit. a FP-TFB, art. 9 al. 2 FP-TFB, art. 26 al. 1 lit. c LBI, art. 51 al. 2 LBI, art. 58 al. 2 LBI.

Le recours au Tribunal fédéral doit être suffisamment motivé (art. 42 al. 2 LTF) (c. 1.1). Cela ne s’applique toutefois pas sans autres aux conclusions subsidiaires, par lesquelles la recourante conteste les frais et dépens de la décision attaquée, indépendamment du fait qu’elle ait ou non gain de cause sur le fond (c. 1.2.1). En principe, les conclusions ayant pour objet une somme d’argent doivent être chiffrées, même lorsqu’elles portent sur la contestation des frais et dépens prononcés par la juridiction inférieure indépendamment du sort de la cause principale. Toutefois, dans de tels cas, il suffit en réalité que la motivation du recours indique dans quel sens la décision attaquée doit être modifiée (c. 1.2.2). En l’espèce, les dépens alloués par le Tribunal fédéral des brevets (TFB) se partagent entre une somme allouée pour les frais de conseil en brevets et une autre, moins importante, pour les frais de représentation par un avocat. La recourante se plaint du fait que la première somme soit plus importante que la seconde, et demande que les dépens soient au moins réduits de la différence. A cet égard, les conclusions subsidiaires peuvent être considérées comme suffisamment motivées (c. 1.2.3). Selon l’art. 26 al. 1 lit. c LBI, le juge constate la nullité du brevet lorsque l’objet de ce dernier va au-delà du contenu de la demande de brevet dans la version qui a déterminé sa date de dépôt. Cette cause de nullité est tirée de l’art. 138 al. 1 lit. c CBE 2000. Ces deux dispositions sont liées, en ce qui concerne la procédure de délivrance européenne, à l’art. 123 al. 2 CBE 2000, qui limite la recevabilité des modifications dans la procédure de demande. En conséquence, la demande de brevet européen et le brevet européen ne peuvent être modifiés de telle manière que leur objet dépasse le contenu de la demande antérieure telle qu’elle a été déposée. De même, l’art. 76 al. 1 deuxième phrase CBE 2000 prévoit qu’une demande divisionnaire européenne ne peut être déposée que pour des éléments qui ne s’étendent pas au-delà du contenu de la demande antérieure telle qu’elle a été déposée (c. 2.1.1). Ces dispositions ont pour but d'éviter que le détenteur d’un brevet n’améliore sa position en revendiquant des protections pour des objets n’ayant pas été couverts par la demande de brevet initiale. Elles servent notamment un but de sécurité juridique, car le public ne devrait pas être surpris par des revendications qui ne pouvaient pas être attendues sur la base de la demande initiale (c. 2.1.2). Dans ce contexte, l’ « objet du brevet » (qui, selon l'art. 26 al. 1 lit. c LBI, ne peut aller au-delà du contenu de la demande de brevet) ne doit pas être compris comme l’ « étendue de la protection » au sens des art. 51 al. 2 LBI et 69 CBE 2000, telle que déterminée par les revendications. Il s'agit plutôt de l’ « objet » au sens de l'art. 123 al. 2 CBE 2000 (ou de l'article 58 al. 2 LBI), incluant l’ensemble des éléments divulgués dans la description et les dessins. Selon la jurisprudence de l'Office européen des brevets, l'art. 123 al. 2 CBE 2000 n'autorise une modification après le dépôt de la demande que dans les limites de ce que l’homme du métier est objectivement en mesure, à la date du dépôt, de déduire directement et sans équivoque du contenu global de la demande initiale telle qu’elle a été déposée, en se fondant sur les connaissances techniques générales dans le domaine considéré (test du « gold standard »). Les modifications inadmissibles peuvent consister tant en des ajouts qu’en des omissions d’informations (c. 2.1.3). D'un point de vue procédural, une demande divisionnaire constitue une demande séparée, indépendante de la demande parente. Les modifications sont donc soumises aux exigences générales de l'art. 123 al. 2 CBE 2000. La question de savoir si la demande divisionnaire elle-même entre dans le champ d'application du contenu de la demande parente s’apprécie cependant selon l'art. 76 al. 1 deuxième phrase CBE 2000 (c. 2.2). En l’espèce, la juridiction inférieure a constaté que les documents de la demande initiale ne mettaient pas l’accent sur un rapport de poids de 2:1 ou sur la constipation en tant qu’effet secondaire pouvant être traité. Des exemples indiquant un rapport de poids de 2:1 des deux substances actives ont certes été mentionnés, mais il y avait aussi des exemples indiquant d’autres rapports de poids. Dans la description des effets secondaires, la constipation n'a été mentionnée que comme l'une des trois alternatives équivalentes. La constipation n’a été soulignée que dans la discussion sur l’état de la technique. Dans les exemples spécifiques de mise en œuvre, l’effet secondaire n'a pas du tout été abordé. Selon l’instance précédente, les documents soumis à l'origine n’indiquaient donc pas que le rapport de poids spécifique de 2:1 avait un lien particulier avec la réduction de la constipation. D'après elle, il n’y a eu de divulgation immédiate et sans équivoque ni du rapport de poids spécifique de 2:1 comme étant particulièrement privilégié, ni du traitement de la constipation comme étant associé à des avantages particuliers. Elle en déduit que l'inclusion de cette combinaison de caractéristiques dans la revendication 1 constituait une modification non autorisée, justifiant que la nullité du brevet soit prononcée (c. 2.4.2). La question est ici de savoir dans quelle mesure il est admissible, durant la procédure de demande, de choisir des éléments individuels dans plusieurs listes, chacune comportant plusieurs modes de mise en œuvre ou caractéristiques alternatives (problématique du « singling out ») (c. 3.1). La problématique de la suppression d'éléments de listes durant la procédure de demande a été souvent traitée dans la jurisprudence de l’Office européen des brevets. Le point de départ est la question de savoir si l'objet ou la combinaison d’éléments revendiqués dans le brevet litigieux peut être déduit directement et sans équivoque par l’homme du métier à partir des documents déposés dans la demande d’origine. Fondamentalement, la limitation d’une liste à une seule caractéristique est admissible. De même, la suppression d’éléments de plusieurs listes est en principe admissible si plusieurs alternatives sont encore revendiquées pour chacune d'elles, laissant ainsi subsister un groupe générique qui ne se distingue de l'objet de la demande initiale que par sa taille réduite. En revanche, la sélection d’un unique élément dans chacune des listes n’est généralement pas admise, dans la mesure où un tel procédé crée artificiellement une combinaison de caractéristiques précises, sans fondement dans la demande initiale. Dans un tel cas, la modification limite la protection du brevet, et apporte une contribution technique par rapport à l'objet initialement divulgué. La situation peut être différente s'il y avait déjà des références à cette combinaison dans la demande initiale, comme par exemple si les caractéristiques finalement sélectionnées avaient été indiqués comme « préférées ». Les circonstances spécifiques du cas d’espèce doivent toujours être prises en compte (c. 3.2). L’instance précédente n’a violé aucune des normes applicables en considérant que la partie suisse du brevet européen en cause est nulle (c. 3.5). Conformément à l'art. 32 LTFB, le TFB fixe les dépens selon le tarif visé à l’art. 33 LTBF. Selon l’art. 3 lit. a FP-TFB, les dépens alloués à la partie qui a gain de cause comprennent le remboursement des frais nécessaires. Ceux-ci comprennent l’indemnité du conseil en brevets, s’il intervient à titre de consultant uniquement (art. 9 al. 2 FP-TFB) (c. 5.1). Le TFB, qui peut apprécier librement si une dépense doit être remboursée en tant que dépense nécessaire, a indiqué que dans le cadre d’une action en nullité les frais du conseil en brevets peuvent dépasser ceux de représentation par un avocat. La recourante ne parvient pas à démontrer d’erreur d’appréciation du TFB qui puisse être corrigée par le Tribunal fédéral (c. 5.3). Le recours est rejeté (c. 6). [SR]