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11 octobre 2012

TF, 11 octobre 2012, 6B_584/2011 (f)

sic! 3/2013, p. 144-147, « Canal+ I » ; medialex 1/2013, p. 42-43 (rés.), « Canal+ Distribution SAS et consorts » ; Canal+, CanalSat, droits d’auteur, droits voisins, droit de retransmission, droit de diffusion, œuvre audiovisuelle, services cryptés, cryptage, programme TV, prescription, action pénale, appareil de décodage, décodeur, organisme de diffusion, partage de code, mesures techniques de protection, contournement ; art. 10 al. 2 lit. d LDA, art. 37 LDA, art. 39a LDA, art. 67 al. 1 lit. h LDA, art. 69 al. 1 lit. g LDA, art. 69a LDA, art. 150bis CP ; cf. N 771 (ATF 139 IV 17 ; sic! 3/2013, p. 148- 151, « Canal+ II ») et N 594 (ATF 139 IV 11 ; sic! 3/2013, p. 151-153, « Canal+ III »).

La fourniture d’un service permettant la réception de programmes TV précédemment cryptés au moyen d’un appareil de décodage ne tombe pas sous le coup de l’art. 150bis CP. La mise à disposition d’un serveur Internet auquel les appareils vendus peuvent se connecter pour décrypter des programmes constitue un acte distinct et indépendant qui n’est visé par aucune des hypothèses prévues par l’art. 150bis CP. Seule la mise sur le marché et la vente d’appareils permettant de décoder sans droit des programmes TV cryptés sont pertinentes au sens de la prescription de l’action pénale en relation avec la violation de l’art. 150bis CP qui, in casu, était acquise avant que le jugement de première instance n’ait été rendu (c. 2.3). La diffusion est une première transmission par rapport à la retransmission et vise la transmission simultanée d’une œuvre par des moyens techniques de télécommunication à un nombre indéterminé de personnes. La diffusion d’émissions codées, dans le cadre de la télévision par abonnement (pay per channel) ou de la télévision sur demande (pay per view) tombe sous le coup de l’art. 10 al. 2 lit. d LDA lorsqu’un nombre important de personnes disposent d’un décodeur leur permettant d’assister simultanément aux émissions. Il y a retransmission lorsqu’un programme diffusé est répercuté simultanément par un tiers (personne physique ou morale) autre que l’organisme responsable de la diffusion originale. La retransmission peut notamment intervenir au moyen d’Internet (c. 4.1.1). L’art. 69 LDA n’assure pas la protection du droit d’auteur,mais des droits voisins, soit en particulier ceux des organismes de diffusion. L’art. 69 al. 1 lit. g LDA réprime le comportement de celui qui intentionnellement et sans droit retransmet une émission. Cette disposition sanctionne la violation du droit exclusif de l’organisme de diffusion de retransmettre son émission selon l’art. 37 lit. a LDA, et la notion de retransmission ne diffère pas de celle de l’art. 10 al. 2 lit. d LDA. La retransmission consiste en la transmission d’une émission au moyen d’installations techniques, quelles que soient les techniques et méthodes de retransmission utilisées, par un autre que l’organisme de diffusion d’origine (c. 4.1.2). Dans le cas d’espèce, le procédé de partage de cartes mis en place par le recourant ne s’accompagnait pas d’une transmission par le recourant à ses clients, par câble, par Internet ou par d’autres conducteurs, du signal diffusé par Canal+ et CanalSat qu’il avait préalablement capté. Le recourant n’a donc pas répercuté les émissions diffusées par les intimées auprès de tiers, le procédé utilisé permettant uniquement un partage de code. Le système du recourant permettait de contourner des mesures techniques destinées à limiter l’accès aux programmes des intimées à leurs seuls abonnés,mais pas de communiquer à ses clients les images diffusées par les intimées. Le recourant n’a ainsi pas procédé à une retransmission des émissions produites ou diffusées par les intimées au sens des art. 67 al. 1 lit. h et 69 al. 1 lit. g LDA (c. 4.3). Le comportement visant à contourner une mesure de cryptage (qui constitue une mesure technique de protection au sens de l’art. 39a LDA, dont le contournement est réprimé par l’art. 69a LDA) adopté par le recourant l’a été à un moment où la LDA ne l’interdisait pas encore. Ainsi, avant l’entrée en vigueur des art. 39a et 69a LDA, un tel comportement ne constituait pas une violation des dispositions de la LDA (c. 4.5). [NT]

11 octobre 2012

TF, 11 octobre 2012, 6B_156/2012 (f)

ATF 139 IV 17 ; sic! 3/2013, p. 148-151, « Canal+ II » ; medialex 1/2013, p. 42-43 (rés.), « Canal+ Distribution SAS et consorts » ; concurrence déloyale, droits d’auteur, droits voisins, œuvre audiovisuelle, mesures techniques de protection, contournement, partage de code, exploitation d’une prestation d’autrui ; art. 5 lit. c LCD, art. 23 LCD ; cf. N 593 (TF, 11 octobre 2012, 6B_584/2011 ; sic! 3/2013, p. 144-147, « Canal+ I ») et N 594 (ATF 139 IV 11 ; sic! 3/2013, p. 151-153, « Canal+ III »).

La disposition pénale de l’art. 23 al. 1 LCD est imprécise et doit donc être interprétée restrictivement en raison du principe de la légalité (c. 1.1). Les prestations ou les résultats du travail qui ne jouissent d’aucune protection comme biens intellectuels peuvent être exploités par quiconque. L’art. 5 lit. c LCD ne s’oppose à leur reprise ou à leur copie qu’en présence de circonstances conduisant à admettre une concurrence déloyale. Il n’interdit pas l’exploitation de la prestation intellectuelle matérialisée dans l’objet, mais l’utilisation du support matériel afin de réaliser un produit concurrent. L’illicéité découle du fait que le concurrent se voit privé des fruits de ses efforts parce que quelqu’un les reprend directement, en économisant les investissements objectivement nécessaires, et les exploite pour son profit (c. 1.3). En présence d’une prestation non matérialisée, comme une idée, une méthode ou un procédé, l’art. 5 lit. c LCD est inapplicable. Toutefois, la notion de « résultat du travail » doit être comprise de manière large et recouvre aussi des choses incorporelles comme des émissions de radio ou de télévision ou des représentations d’œuvres musicales. Le produit doit en outre être « prêt à être mis sur le marché », c’est-à-dire exploitable de manière industrielle ou commerciale (c. 1.4). Un procédé sera illicite au sens de l’art. 5 lit. c LCD s’il vise non à copier le produit d’un concurrent ou à le fabriquer en utilisant d’autres connaissances, mais à le reprendre sans aucun investissement pour l’adapter. Les procédés de reproduction ne sont pas définis, ce qui permet d’appréhender de nouveaux moyens techniques (c. 1.5). Pour que l’art. 5 lit. c LCD s’applique, il faut examiner si le premier concurrent a déjà amorti ses dépenses au moment de la reprise. Cela est important tant pour limiter la protection temporellement que pour examiner s’il existe un « sacrifice » (c. 1.6). Enfin, le résultat d’un travail doit être repris par un procédé technique de reproduction. Or, en l’espèce, les recourants permettaient à leurs clients de recevoir les programmes Canal+ et Canal Sat en partageant avec eux les codes de décryptage des cartes officielles qu’ils avaient régulièrement acquises en tant qu’abonnés (card sharing). Ils n’ont donc pas repris les programmes diffusés ou les systèmes de décryptage par un procédé technique de reproduction. De surcroît, la décision cantonale ne contient aucun élément relatif à l’amortissement des coûts investis par les sociétés qui diffusent les programmes. Il n’y a donc pas d’infraction à l’art. 5 lit. c LCD (c. 1.9). [VS]