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26 février 2013

OG ZH, 26 février 2013, LK100007 (d)

sic! 9/2013, p. 518-526, « Landschaftsfotografien » (Laux Christian, Anmerkung) ; droits d’auteur, œuvre photographique, droit d’accès, action en exercice du droit d’accès, transfert de droits d’auteur, reprise de commerce, succession, droits moraux, cessibilité de droits moraux, transfert à cause de mort, partage successoral, droits strictement personnel de l’auteur, interprétation du contrat, théorie de la finalité ; art. 2 al. 1 LDA, art. 2 al. 2 lit. g LDA, art. 10 LDA, art. 14 al. 1 LDA, art. 16 al. 3 LDA.

Le caractère individuel d'une œuvre peut résulter de la composition de l'image, du jeu de lumière, du travail réalisé sur le négatif au moment du développement ou du choix de l'objet photographié. L'activité créatrice humaine peut se manifester dans un cadrage particulier, une perspective inhabituelle, le choix d'un film couleur ou noir et blanc, celui d'un film plus ou moins sensible à la lumière, le recours à une certaine lentille ou à un diaphragme, ou encore dans l'utilisation d'un filtre (c. III.3.1). En présence d'œuvres non encore inventoriées et en la possession de la défenderesse seule, cette dernière ne saurait empêcher l'exercice du droit d'accès de l'art. 14 LDA en soutenant qu'elles ne seraient pas protégées par le droit d'auteur si elle a omis de contester de manière étayée la qualité d'œuvre des images concernées. L'exercice du droit d'accès doit ainsi être autorisé en admettant que les photographies atteignent le niveau d'individualité requis pour leur ouvrir la protection du droit d'auteur, d'autant que leur auteur est reconnu comme un des photographes marquants des années 1920 dans notre pays (c. III.3.2). L'art. 16 LDA ne soumet le transfert des droits d'auteur au respect d'aucune exigence de forme. Un transfert peut ainsi intervenir tacitement dans le cadre d'une reprise de commerce. La question du transfert des droits d'auteur et celle du transfert de la propriété d'une œuvre doivent être traitées et jugées indépendamment l'une de l'autre (art. 16 al. 3 LDA) (c. III.4.2). Le transfert des droits d'auteur est soumis aux mêmes règles dans le cadre d'un partage successoral et peut donc, dans ce cas aussi, intervenir tacitement (c. III.4.3). Dans le cas d'espèce, le fils du photographe avait repris l'ensemble du commerce de son père et le tribunal a admis que cette cession de l'ensemble des actifs et passifs de l'entreprise comprenait les droits d'auteur (c. III.4.4.1). Le fait que l'ensemble des acteurs à la procédure, et aussi des personnes prédécédées, comme le père du demandeur (qui est lui-même le petit-fils de l'auteur et le neveu du fils ayant repris le commerce de l'auteur) et ses tantes, aient tous connu l'existence d'une convention de cession des droits d'auteur conclue en 1977 par le fils du photographe avec un tiers et ne l'aient jamais remise en question jusqu'à la procédure intentée en 2010, conforte le tribunal dans l'admission de l'existence d'un premier transfert des droits d'auteur dans le cadre de la reprise du magasin de photographie entre le photographe et son fils, puis d'un deuxième transfert entre ce dernier et un tiers en 1977 (c. III.4.4.2-4.4.5). Le fils du photographe a ainsi valablement pu céder l'ensemble des droits d'auteur sur l'héritage photographique laissé par son père et le cessionnaire a acquis ces droits, sauf pour ce qui est des droits de la personnalité incessibles qui sont demeurés aux héritiers (c. III.5.1). La question de savoir si le droit d'accès peut être transféré est controversée dans la doctrine, en lien avec la question plus générale de la cessibilité des droits strictement personnels de l'auteur. Il convient de la trancher en fonction de chaque droit moral concerné (c. III.5.2). Le droit d'accès a été introduit par le législateur pour éviter que la vente d'une œuvre équivaille à une cession des droits d'auteur la concernant, puisqu'en présence d'un exemplaire unique d'une œuvre, l'auteur privé de la possibilité d'y accéder se serait de facto trouvé empêché d'exercer ses droits d'auteur (en particulier ses droits de reproduction, notamment par la réalisation de photographies). C'est donc la volonté d'assurer l'exercice des droits patrimoniaux de l'auteur qui est à l'origine de la création de ce droit moral particulier d'accès à l'œuvre qui n'est pas un droit strictement personnel de l'auteur, mais un droit patrimonial à caractère moral qui peut valablement être cédé (c. III.5.3-5.4). [NT]

19 mars 2013

TF, 19 mars 2013, 4A_598/2012 (d)

sic! 10/2013, p. 600-605, « Roter Vari » ; droits d’auteur, contrat de durée, clause d’exclusivité, résiliation, juste motif de résiliation d’un contrat, pouvoir d’appréciation, pesée d’intérêts, transfert de droits d’auteur, droits moraux, interprétation du contrat, vari rouge ; art. 4 CC, art. 1 CO, art. 18 CO, art. 11 al. 2 LDA.

Un contrat de durée peut être résilié de manière anticipée pour de justes motifs qui rendent l'exécution du contrat intolérable pour une partie. De tels justes motifs doivent être admis en cas de violations particulièrement graves du contrat, mais aussi en cas de violations moins importantes qui se répètent malgré des avertissements ou des mises en demeure, de sorte que la partie lésée puisse admettre que l'autre partie en commettra d'autres. L'existence de tels justes motifs relèvent du pouvoir d'appréciation du juge au sens de l'art. 4 CC, si bien que le TF revoit la décision librement, mais avec une certaine retenue (c 4.2). Dans un contrat où l'auteur cède ses droits à son partenaire et renonce à faire valoir ses droits moraux, on peut admettre que le but d'une clause d'exclusivité, par laquelle cet auteur se réserve le droit de procéder lui-même à des modifications de l'œuvre, est purement économique et vise à se procurer des mandats supplémentaires. Par conséquent, la violation de cette clause n'est pas un juste motif permettant la résiliation du contrat si l'auteur fait valoir que la poursuite des relations contractuelles est intolérable pour lui en raison d'une atteinte à sa réputation professionnelle (c. 5.2). Lorsqu'il recherche l'existence d'un juste motif, le juge peut mettre en balance les différents intérêts en présence. Il est permis d'exiger d'une partie qu'elle agisse en exécution du contrat plutôt qu'elle ne résilie ce dernier, si les inconvénients que causerait la résiliation sont plus importants que ceux découlant de la poursuite des rapports contractuels (c. 5.4). Dans la pesée des intérêts, le juge doit également prendre en compte les conséquences que la résiliation aurait pour un tiers, si les parties au contrat savaient que celui-ci était conclu dans l'intérêt de ce tiers (c. 5.5). Puisque l'auteur a cédé ses droits à son cocontractant, il ne peut pas fonder l'existence de justes motifs sur des violations de ses droits d'auteur (c. 5.6). De plus, on peut exiger de lui qu'il exerce la résiliation en dernier recours, et qu'il soumette auparavant au juge les litiges portant sur l'interprétation d'une clause contractuelle d'importance secondaire (c. 5.7). Un comportement dérogeant au texte du contrat n'est pas forcément déterminant pour l'interprétation de celui-ci, puisqu'il peut s'agir d'une tolérance à bien plaire (c. 6.2.1). Le recours est rejeté. [VS]

Fig. 3 – « Roter Vari »
Fig. 3 – « Roter Vari »