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14 mai 2012

TAF, 14 mai 2012, B-3896/2011 (d)

medialex 3/2012, p. 173-174 (rés.) « Tarif commun 3a, chambres d’hôtels et d’hôpitaux, logements de vacances » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun 3a, pouvoir de cognition, autonomie des sociétés de gestion, compétence matérielle, surveillance des sociétés de gestion par l’IPI, divertissement de fond ou d’ambiance ; art. 49 PA, art. 46 LDA, art. 53 LDA, art. 54 LDA, art. 55 LDA ; cf. N 609 (TF, 13 novembre 2012, 2C_580/2012 ; sic! 3/2013, p. 154-157, « GT 3a » ; medialex 1/2013, p. 49-50 ; arrêt du TF dans cette affaire).

La surveillance exercée par l'IPI sur la gestion des sociétés doit être distinguée de la surveillance des tarifs par la CAF. D'après l'art. 55 al. 1 LDA, cette dernière est compétente pour approuver les tarifs. Elle ne peut donc vérifier le respect des obligations des sociétés de gestion que dans le cadre d'une procédure d'approbation tarifaire. Si une société réclame des redevances sans être au bénéfice d'un tarif approuvé par la CAF, cette violation de l'art. 46 LDA (al. 1 et 3) ne relève pas de la compétence d'approbation de la CAF, mais de la surveillance de la gestion incombant à l'IPI (c. 2.2). En matière tarifaire, la cognition du TAF n'est pas limitée. Il fait toutefois preuve d'une certaine retenue lorsque la CAF, en tant qu'autorité spécialisée, a examiné des questions complexes de droit de la gestion collective, lorsqu'elle a soupesé les intérêts en présence ou lorsqu'elle a sauvegardé l'autonomie tarifaire des sociétés de gestion. Pour cette raison, le TAF n'examine en principe des formulations tarifaires qu'avec un effet cassatoire. Il ne peut les modifier lui-même qu'exceptionnellement (c. 2.2). L'obligation de l'IPI d'impartir à une société de gestion un délai convenable pour régulariser la situation, avant de prendre d'autres mesures, ne vaut que si la société de gestion s'abstient d'agir conformément à ses obligations, pas si elle agit d'une manière contraire à la loi. Dans ce dernier cas, l'IPI peut prononcer une interdiction d'agir sans impartir de délai préalable (c. 4.2). Dans les chambres d'hôtels ou d'hôpitaux, de même que dans les logements de vacances, la réception d'émissions de radio ou de télévision est au premier plan. On ne peut donc pas parler de divertissement de fond ou d'ambiance au sens du Tarif commun 3a (c. 5.3). [VS]

13 novembre 2012

TF, 13 novembre 2012, 2C_580/2012 (d)

sic! 3/2013, p. 154-157, « GT 3a » ; medialex 1/2013, p. 49-50, « Tarif commun 3a, chambres d’hôtels et d’hôpitaux, logements de vacances » (Egloff Willi, Hinweis) ; gestion collective, recours en matière de droit public, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun 3a, interprétation des tarifs, perception de redevances, redevances, divertissement de fond ou d’ambiance, obligation de gérer ; art. 95 LTF, art. 44 LDA, art. 46 LDA ; cf. N 604 (TAF, 14mai 2012, B-3896/2011 ; medialex 3/2012, p. 173-174 [rés.] ; arrêt du TAF dans cette affaire).

Le recours en matière de droit public est ouvert contre une décision finale du TAF concernant un différend touchant à la surveillance fédérale sur l'application des tarifs de droit d'auteur (c. 1). Un tarif ne peut pas prévoir des redevances pour une utilisation libre d'après la LDA. L'approbation d'un tarif par la CAF ne peut pas créer des droits à rémunération qui ne découlent pas de la loi. À l'inverse, une redevance prévue par la loi ne peut pas être exercée s'il n'existe pas un tarif valable et approuvé (c. 2.2). Les tarifs au sens de l'art. 46 LDA sont fondés sur le droit fédéral. Des règlements édictés par des particuliers sur la base du droit fédéral sont eux-mêmes du droit fédéral au sens de l'art. 95 lit. a LTF. L'interprétation des tarifs est ainsi une question de droit fédéral que le TF examine avec un plein pouvoir de cognition (c. 2.3). Si certains cercles d'utilisateurs n'ont pas été impliqués dans la négociation du tarif — même à bon droit — une interprétation restrictive du tarif se justifie, conformément au principe in dubio contra stipulatorem (c. 2.5). La liste des lieux mentionnés au ch. 2.1 du tarif commun 3a n'est certes pas exhaustive, mais le fait qu'elle ne mentionne pas les chambres d'hôtel, d'hôpitaux et les logements de vacances appuie l'interprétation selon laquelle ce tarif ne vise que des lieux accessibles au public ou du moins à un grand nombre indéterminé de personnes (c. 2.6). Pour l'interprétation de la notion de divertissement de fond ou d'ambiance au sens du ch. 2.1 al. 2 du tarif commun 3a, c'est la perception de l'émission en tant qu'activité principale ou non qui est déterminante, et non la raison d'un séjour dans un hôtel ou un hôpital (c. 2.7). Les motivations du téléspectateur ou de l'auditeur sont certes difficiles à déterminer. Mais il faut se baser sur des situations typiques (c. 2.8). L'art. 44 LDA oblige les sociétés de gestion à n'être actives que vis-à-vis des ayants droit, il ne peut pas fonder un devoir de paiement à charge des utilisateurs dans les cas où il n'y a pas de tarif (c. 2.9). En résumé, le tarif commun 3a n'est pas applicable à la réception d'émissions dans des chambres d'hôtels, d'hôpitaux ou dans des logements de vacances. [VS]

« Tarif commun 3a complémentaire » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif 3a complémentaire, décision sur recours, instructions impératives à l’autorité précédente, divertissement de fond ou d’ambiance, divertissement ciblé, équité du tarif, forfait, redevance de réception radio, redevance de réception TV, effet rétroactif, entrée en vigueur rétroactive, approbation des tarifs rétroactive, introduction d’une redevance, édition du dossier, effets de la décision d’approbation, hôtellerie, logement de vacances ; art. 26 al. 1 Cst., art. 61 al. 1 PA, art. 46 LDA, art. 47 LDA, art. 60 LDA, art. 83 al. 2 LDA, art. 68 LRTV ; cf. N 27 (vol. 2007-2011 ; TF, 19 juin 2007, ATF 133 II 263 ; sic! 10/2007, p. 722-735, « MP3-Player II » ; JdT 2007 I 146) ; N 601 (vol. 2012- 2013 ; CAF, 17 novembre 2011) ; N 603 (vol. 2012-2013 ; TAF, 3 janvier 2012, B-1769/2010 ; medialex 2/2012, p. 107-109 (rés.), « Tarif A télévision (Swissperform) ») ; N 609 (vol. 2012-2013 ; TF, 13 novembre 2012, 2C_580/2012 ; sic! 3/2013, p. 154-157, « GT 3a » ; medialex 1/2013, p. 49-50 ; N 611 (vol. 2012-2013 ; CAF, 30 novembre 2012) ; N 790 (TAF, 14 mars 2014, B-6540/2012 ; sic! 10/2014, p. 618-623, « Zusatztarif zumGT 3a ») , N 802 (TAF, 8 juillet 2015, B-3865/2015, « Tarif commun 3a complémentaire ») et N 1040 (TF,13 décembre 2017, 2C_685/2016, 2C_806/2016).

En vertu de l’art. 61 al. 1 PA, une décision de renvoi du TAF est contraignante pour la CAF. Si le renvoi est effectué avec la formule « pour nouvelle décision dans le sens des considérants », le caractère impératif s’étend aux considérants. La CAF ne doit donc plus se prononcer sur la base légale du tarif et sur la possibilité d’établir un tarif séparé (c. 3). Dans le cadre de son arrêt du 14mars 2012 (recte : 2014) (cf. N 790), le TAF a estimé que l’utilisateur au sens du droit d’auteur, en cas de réception d’émissions dans des chambres d’hôtel, n’était pas le client,mais l’hôtelier. Il ne s’agit pas de simple divertissement de fond ou d’ambiance, mais de divertissement ciblé dûment choisi, ce qui pourrait plaider pour une utilisation plus intensive.Cependant, les émissions ne sont pas regardées longtemps et elles profitent à un plus petit nombre de personnes qu’en cas de diffusion dans un magasin, par exemple. Dans le cadre d’un tarif qui doit couvrir un grand nombre de situations, une réglementation forfaitaire est justifiée (c. 10). Une probable évolution technologique, qui rendrait désuète la réception d’émissions au moyen d’appareils radio / TV, n’a pas à être prise en compte pour juger de l’équité du tarif (c. 11). Ni la redevance selon l’art. 68 LRTV, ni les droits de retransmission payés par les câblodistributeurs n’empêchent un tarif de droits d’auteur et de droits voisins pour la réception d’émissions dans des chambres d’hôtel (c. 12). Dans le cadre d’un tarif forfaitaire, il n’est pas inéquitable que les exploitants de logements de vacances soient traités comme les hôteliers (c. 13). Un moyen de preuve concernant une question tranchée par le TAF (qui lie la CAF) n’est pas pertinent (c. 14). La question de l’entrée en vigueur du tarif, éventuellement rétroactive, relève du contrôle de l’équité (c. 16). Selon l’ATF 133 II 263 (cf. N 27, vol. 2007-2011, c. 11.2), l’entrée en vigueur rétroactive d’un tarif se décide au cas par cas, en fonction des circonstances de fait et de droit et des différents intérêts en présence. Il semble s’agir d’un examen sui generis, fondé sur d’autres critères que ceux concernant l’effet rétroactif dit « véritable » des actes administratifs, qui fait appel à deux éléments : d’une part la prévisibilité de l’obligation de payer, d’autre part le fait de pouvoir raisonnablement exiger des utilisateurs qu’ils provisionnent les montants litigieux. Les conditions de l’absence d’inégalités choquantes et de l’absence d’atteintes à des droits acquis sont également à observer, car elles valent dans tous les domaines du droit administratif. Le critère de la prévisibilité implique nécessairement une rétroactivité limitée dans le temps, à déterminer en fonction des circonstances du cas particulier. Enfin, le principe de la proportionnalité, fondamental en droit administratif, doit être respecté. Lorsque la CAF a approuvé un tarif, les utilisateurs doivent compter avec l’entrée en vigueur de ce tarif,même lorsque la décision d’approbation fait l’objet d’un recours avec effet suspensif. Sous l’empire de l’aLDA, l’entrée en vigueur et l’application rétroactives d’un tarif étaient exclues, car la loi ne consacrait que des droits exclusifs, si bien que les utilisations ne pouvaient pas être entreprises sans qu’un tarif soit applicable (c. 22). Aujourd’hui, l’art. 83 al. 2 LDA et la jurisprudence du TF dans l’affaire 2A. 142/173/174/1994 du 24 mars 1995 montrent que la procédure d’approbation tarifaire ne doit pas conduire à des périodes d’utilisations sans redevances, cela aussi bien dans le domaine des droits exclusifs que dans celui des droits à rémunération. Sinon le droit de la gestion collective interférerait sur le droit d’auteur matériel, qui est couvert par la garantie de la propriété au sens de l’art. 26 al. 1 Cst. (c. 23). La CAF a déjà accepté l’entrée en vigueur rétroactive d’un tarif, par sa décision du 17 novembre 2011 (cf. N 601, vol. 2012-2013) (c. 25). La doctrine va dans le même sens (c. 26). Il faut distinguer l’approbation avec effet rétroactif d’un tarif en première instance et l’entrée en vigueur rétroactive d’un tarif suite à une procédure de recours. En l’espèce, cette procédure de recours concerne un tarif complémentaire, ayant pour but de compléter un tarif commun dont la durée est limitée à quelques années. Si l’on excluait l’entrée en vigueur rétroactive d’un tarif complémentaire suite à une procédure de recours (qui peut durer deux à trois ans), l’institution même des tarifs complémentaires pourrait devenir obsolète. La procédure d’approbation tarifaire (y compris les éventuels recours) ne doit pas être un moyen d’obtenir des périodes d’utilisation gratuites, sinon les recours deviendront la règle (et la gestion collective ira à l’encontre de ce que permet la gestion individuelle). De plus, les autorités ne doivent pas être livrées aux circonstances de chaque cas particulier pour déterminer si d’autres moyens que l’effet rétroactif (comme un supplément sur la redevance courante) sont admissibles ou non (c. 27). Depuis la première décision de la CAF (cf. N 611, vol. 2012-2013) les utilisateurs devaient compter avec l’introduction d’une redevance. Admettre une réalisation de la condition de prévisibilité seulement si un tarif antérieur existait déjà ne découle ni de l’art. 83 al. 2 LDA, ni de la jurisprudence, en particulier de l’arrêt du TAF du 3 janvier 2012 (cf.N 603, vol. 2012- 2013) (c. 28). D’autre part, on pouvait raisonnablement exiger des utilisateurs qu’ils provisionnent les montants litigieux,même si leurs associations avaient fait recours en contestant la base légale du tarif (c. 29). La longueur de la procédure n’est pas seulement imputable aux sociétés de gestion. Par sa prise de position concernant l’effet suspensif dans la procédure de recours, Hotellerie-suisse a montré qu’elle était consciente du risque que le tarif entre en vigueur rétroactivement (c. 30). Enfin, l’effet rétroactif ne cause pas d’inégalités choquantes ou de distorsions dans les rapports de concurrence, et il ne porte pas atteinte à des droits acquis.Compte tenu des circonstances de fait et de droit et des différents intérêts en présence, il est admissible que le tarif entre en vigueur au 1er janvier 2013. Le TAF a d’ailleurs déjà admis un effet rétroactif d’environ deux ans (cf. N 603, vol. 2012-2013) (c. 31). L’édition du dossier de la procédure de recours devant la CAF n’est pas recevable, car la requérante n’indique pas pour quelles questions concrètes elle entend se prévaloir de ce dossier. De plus, le TAF a probablement déjà retourné les pièces aux parties et il n’est pas sûr que la CAF ait les moyens juridiques d’exiger une telle édition (c. 33). Le TC 3a complémentaire est donc approuvé.Mais, comme les associations d’utilisateurs peuvent difficilement recourir sans disposer de la décision motivée par écrit, il convient de préciser que cette décision ne prendra effet qu’à l’échéance du délai de recours (c. 35). [VS]

13 décembre 2017

TF, 13 décembre 2017, 2C_685/2016, 2C_806/2016 (d)

« Tarif commun 3a complémentaire » ; jonction de causes, motivation du recours, décision incidente, tarifs des sociétés de gestion, tarifs complémentaires, divertissement de fond ou d’ambiance, test des trois étapes, triple test, usage privé, équité du tarif, tarif contraignant pour les tribunaux, cognition de la CAF, pouvoir de cognition de la CAF, pouvoir de cognition du TAF, pouvoir de cognition du TF, effet rétroactif, effet suspensif; art. 11bis CB, art. 8 WCT, art. 6 WPPT, art. 8 Cst, art. 42 LTF, art. 71 LTF, art. 93 al. 3 LTF, art. 95 LTF, art. 97 LTF, art. 105 LTF, art. 106 LTF, art. 107 al. 2 LTF, art. 10 al. 2 lit. e LDA, art. 10 al. 2 lit. f LDA, art. 19 al. 1 lit. a LDA, art. 22 LDA, art. 46 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA, art. 83 al. 2 LDA, art. 24 PCF ; N 797 (CAF, 2 mars 2015)

Les recours concernent le même jugement, ils contiennent pour l’essentiel les mêmes conclusions et ils soulèvent des questions juridiques identiques. Il se justifie donc de joindre les procédures (c. 1.1). Contre une décision du TAF concernant l’approbation d’un tarif par la CAF, c’est le recours en matière de droit public qui est ouvert (c. 1.2). Le TF revoit l’interprétation du droit fédéral et des traités internationaux avec un plein pouvoir de cognition. Il base sa décision sur l’état de fait constaté par l’autorité inférieure, mais il peut le rectifier ou le compléter s’il apparaît manifestement inexact ou s’il a été établi en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (c. 1.3). Le TF applique le droit d’office et n’est pas lié par les arguments des parties ou par les considérants de la décision attaquée (c. 1.4). Les motifs du recours doivent exposer succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit. Cela implique que le recourant doit se pencher au moins brièvement sur ses considérants. En matière de violation des droits fondamentaux et de violation du droit cantonal ou intercantonal, il existe un devoir de motivation qualifié : le grief doit être invoqué et motivé précisément d’après l’art. 106 al. 2 LTF (c. 1.5). Les tarifs approuvés et entrés en force sont contraignants pour les tribunaux. Toutefois, un tarif ne peut pas prévoir de redevance pour une utilisation libre d’après la LDA. En cas de litige, il appartient au juge civil de décider de ce qui est couvert ou non par le droit d’auteur. L’approbation d’un tarif par la CAF ne peut pas créer des droits à rémunération qui ne découlent pas de la loi. A l’inverse, une redevance prévue par la loi ne peut pas être exercée s’il n’existe pas un tarif valable et approuvé. Les tarifs des sociétés de gestion sont donc soumis à un double contrôle complémentaire, d’une part par la CAF et d’autre part par les tribunaux civils (c. 2.2). Si une partie veut attaquer une décision incidente avec la décision finale, elle doit prendre une conclusion spéciale à cet effet, la motiver et expliquer en quoi la décision incidente influe sur la décision finale. Ces exigences sont implicitement respectées en l’espèce (c. 2.2). Lorsqu’un hôtel reçoit des programmes de radio et de télévision grâce à sa propre antenne et les diffuse dans les chambres, il y a un acte de retransmission au sens de l’art. 10 al. 2 lit. e LDA et non de « faire voir ou entendre » au sens de l’art. 10 al. 2 lit. f LDA, car il y a une nouvelle restitution à un cercle indéterminé de destinataires (c. 5.1). Il paraît douteux que l’exception de l’art. 22 al. 2 LDA puisse s’appliquer, vu le texte de la disposition («destinées à un petit nombre d’usagers ») et vu que le législateur voulait avant tout éviter la multiplication d’antennes sur le toit des maisons (c. 5.2.3). Il faut aussi prendre en compte le droit international, qui a évolué depuis 1993, en particulier le test des trois étapes prévu par la CB et les accords ADPIC, et les droits des art. 11bis CB, 8 WCT et 6 WPPT (c. 5.2.4). La CJUE a estimé, dans son arrêt du 7 décembre 2006 C-306/05, que les art. 11bis al. 1 chiffre 2 et 3 CB et 8 WCT s’opposaient à ce que la diffusion d’émissions dans des chambres d’hôtel soit libre sous l’angle du droit d’auteur. Cette décision n’est certes pas contraignante pour les tribunaux suisses, mais elle peut servir à l’interprétation de dispositions juridiques peu claires. Et le TF a déjà reconnu que l’idée d’une harmonisation avec le droit européen avait inspiré le droit d’auteur suisse (c. 5.2.5). Au vu de ce qui précède et des critiques de la doctrine, il faut admettre que la retransmission d’œuvres dans des chambres d’hôtel est une communication publique au sens de l’art. 11bis al. 1 CB, en partie au contraire de ce qui avait été retenu par l’ATF 119 II 51. L’art. 22 al. 2 LDA n’est donc pas applicable (c. 5.2.6). Un but lucratif est incompatible avec l’exception d’usage privé au sens de l’art. 19  al. 1 lit. a LDA. En cas de retransmission d’émissions dans des chambres d’hôtel, l’utilisation d’œuvres est réalisée par l’hôtelier et pas par le client de celui-ci. Cela résulte déjà du fait que les actes d’utilisation de l’art. 10 al. 2 lit. a à f se situent en amont de la jouissance de l’œuvre (c. 5.3.2). La « convergence des technologies » n’y change rien : l’obligation de payer des redevances dépend de l’ampleur de l’infrastructure mise à la disposition du client (c. 5.3.3). En cas de recours au TF, les griefs doivent porter sur les considérants de l’arrêt du TAF, pas sur ceux de la décision de la CAF (c. 6.1). L’industrie de l’électronique qui loue des appareils de réception n’est pas dans la même situation que l’hôtelier : il n’y a donc pas de violation de l’égalité de traitement si elle ne doit pas payer de redevance de droit d’auteur (c. 6.3). La redevance de réception selon la LRTV ne couvre pas les droits d’auteur et les droits voisins : elle profite à d’autres ayants droit et elle relève du droit public, alors que l’indemnité tarifaire relève du droit privé (c. 6.4). Les critères de l’art. 60 LDA sont contraignants pour la CAF et ils ne représentent pas seulement des lignes directrices pour l’exercice de son pouvoir d’appréciation. Ils sont des notions juridiques indéterminées, dont le TF revoit l’interprétation et l’application. Toutefois, ce dernier fait preuve d’une certaine retenue dans le contrôle des décisions prises par des autorités spécialisées, lorsque des aspects techniques particuliers sont en discussion. Cette retenue vaut aussi pour le TAF, malgré sa cognition illimitée selon l’art. 49 PA (c. 7.2.1). Comme la CAF est une autorité spécialisée, le TAF doit respecter son pouvoir d’appréciation dans l’application des critères de l’art. 60 LDA, ce qui revient finalement à ne sanctionner que les abus ou les excès (c. 7.2.2). En l’espèce le TAF s’est tenu à juste titre à ces exigences (c. 7.2.3). En ce qui concerne l’entrée en vigueur d’un tarif, il faut s’en tenir en principe à l’interdiction d’un effet rétroactif. Pour éviter d’autres retards, le TF peut renoncer à renvoyer l’affaire à la CAF et trancher lui-même la question de l’entrée en vigueur et de la durée de validité du tarif, en application de l’art. 107 al. 2 LTF (c. 8.3). La jurisprudence distingue entre la rétroactivité véritable et la rétroactivité impropre. Dans le premier cas, un acte applique le nouveau droit à un état de fait révolu au moment de son entrée en vigueur. Pour que cette rétroactivité proprement dite soit admissible, il faut qu’elle soit expressément prévue par la loi ou qu’elle en résulte clairement, qu'elle soit raisonnablement limitée dans le temps, qu'elle ne conduise pas à des inégalités choquantes, qu'elle réponde à un intérêt public digne de protection et, enfin, qu'elle respecte les droits acquis. En cas de rétroactivité improprement dite, la nouvelle règle s'applique à un état de fait durable, qui a débuté sous l’ancien droit mais qui n’est pas entièrement révolu au moment de l’entrée en vigueur du nouveau droit. La rétroactivité impropre est en principe admise si elle ne porte pas atteinte à des droits acquis. En ce qui concerne l’exigence de la limitation dans le temps, un effet rétroactif d’une année a déjà été admis. Cette exigence découle du principe de la proportionnalité, et avant tout de ce qui est raisonnable. Lorsque la rétroactivité favorise certaines personnes et en désavantage d’autres, comme en l’espèce, les conditions susmentionnées doivent être remplies (c. 8.4). Une entrée en vigueur rétroactive d’un tarif n’est pas exclue, mais elle doit être limitée dans le temps (c. 8.5.1). En l’espèce, la CAF a admis un effet rétroactif de deux ans et deux mois, ce qui est excessif. Les recourantes devaient certes s’attendre à l’introduction du tarif, mais on ne peut pas leur reprocher d’avoir retardé la procédure de manière inconvenante (c. 8.5.3). Une si longue rétroactivité poserait aussi des problèmes pratiques et soulèverait des questions d’égalité de traitement, par exemple lorsque des hôtels ont cessé leur activité ou ont changé de propriétaires (c. 8.5.4). La question de l’effet rétroactif doit cependant être distinguée de celle de la liquidation de l’effet suspensif ordonné suite aux recours (c. 8.6). En principe, l’effet suspensif ne doit pas favoriser matériellement la partie qui succombe au détriment de la partie qui l’emporte (c. 8.6.1). Lorsque le recours est rejeté ou qu’il est irrecevable, l’effet suspensif tombe et un examen du cas particulier conduit en général à admettre que la décision attaquée entre en vigueur avec effet au moment où elle a été rendue, pour ne pas favoriser indûment le recourant (c. 8.6.2). En l’espèce, l’effet suspensif n’avait été ordonné que partiellement et les redevances litigieuses sont perçues depuis le 8 juillet 2015. Il ne paraît pas justifié que le tarif entre en vigueur le 2 mars 2015, soit à la date de la décision de la CAF (c. 8.6.3). Pour les raisons pratiques et juridiques déjà évoquées en relation avec la rétroactivité, il se justifie que le tarif entre en vigueur au 8 juillet 2015. Cela permet aussi d’accorder un délai d’introduction aux recourantes, ce qui se justifie vu la longueur de la procédure qui ne leur est pas imputable (c. 8.6.4). [VS]

CB (RS 0.231.15)

- Art. 11bis

Cst. (RS 101)

- Art. 8

LDA (RS 231.1)

- Art. 83

-- al. 2

- Art. 59

- Art. 22

- Art. 60

- Art. 46

- Art. 19

-- al. 1 lit. a

- Art. 10

-- al. 2 lit. e

-- al. 2 lit. f

LTF (RS 173.110)

- Art. 71

- Art. 93

-- al. 3

- Art. 106

- Art. 107

-- al. 2

- Art. 42

- Art. 95

- Art. 105

- Art. 97

PCF (RS 273)

- Art. 24

WCT (RS 0.231.151)

- Art. 8

WPPT (RS 0.231.171.1)

- Art. 6