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09 juillet 2007

TF, 9 juillet 2007, 4A_78/2007 (d)

ATF 133 III 568 ; sic! 1/2008, p. 31-35, « Weitersenderecht II » ; medialex 4/2007, p. 185-190 (Gilliéron Philippe, Remarques) ; JdT 2008 I 374 ; gestion collective, droit de diffusion, droit de retransmission, organismes de diffusion, droits voisins, recours obligatoire aux sociétés de gestion, interprétation conforme au droit international ; art. 11bis ch. 1 CB, art. 13 lit. a CR, art. 15 ch. 2 CR, art. 9 ch. 1 ADPIC, art. 14 ch. 3 et 6 ADPIC, art. 22 al. 1 LDA, art. 37 lit. a LDA, art. 38 LDA.

L'art. 22 al. 1 LDA, auquel renvoient les art. 37 lit. a et 38 LDA, s'applique par analogie à la diffusion de droits voisins et a pour effet que la perception des droits par les sociétés de gestion collective remplace la possibilité d'exercer les droits exclusifs individuels en interdiction qui n'ont dès lors plus leur place. Ce principe ne souffre aucune exception en faveur des organismes de diffusion. Lorsqu'un programme est mis à disposition en clair par un organisme de diffusion, ce dernier ne peut plus par la suite s'opposer à ce qu'il soit retransmis en Suisse par un tiers, si ce dernier s'acquitte des droits à rémunération correspondants. Le fait qu'il n'existe pas en Suisse d'exception à ce principe pour les organismes de diffusion n'est pas en contradiction avec les engagements internationaux (CB, CR et ADPIC) qui n'exigent pas que les entreprises de diffusion soient investies de leur propre droit d'agir.

ADPIC (RS 0.632.20)

- Art. 14

-- ch. 6

-- ch. 3

- Art. 9

-- ch. 1

CB (RS 0.231.15)

- Art. 11bis

-- ch. 1

CR (RS 0.231.171)

- Art. 15

-- ch. 2

- Art. 13

-- lit. a

LDA (RS 231.1)

- Art. 37

-- lit. a

- Art. 22

-- al. 1

- Art. 38

30 juin 2008

CAF, 30 juin 2008, Zusatztarif zum Tarif A Radio (SWISSPERFORM) (d)

sic! 39 9/2009, p. 597-604, « Ergänzung Sendetarif » ; gestion collective, Tarif A Radio, droit de reproduction, droit de mise à disposition, droit de diffusion, droits voisins, triple test, tarif ; art. 16 ch. 2 WPPT, art. 22c LDA, art. 24b LDA, art. 35 al. 1 LDA, art. 60 al. 2 LDA.

En édictant les art. 22c et 24b LDA, le législateur a respecté le triple test de l'art. 16 ch. 2 WPPT. Comme la mise à disposition constitue une utilisation distincte, le tarif de SWISSPERFORM n'épuise pas déjà la limite de 3 % pour les droits voisins. Le législateur n'ayant pas prévu de licence gratuite pour la reproduction de phonogrammes du commerce à des fins de diffusion, une indemnité supplémentaire à la rémunération de l'art. 35 al. 1 LDA est due aux ayants droit. Les reproductions à des fins de diffusion n'ont pas à être limitées dans le temps et peuvent subsister tant qu'un organisme de diffusion a l'intention de les utiliser plus tard pour ses émissions. Il en est tenu compte dans la fixation de l'indemnité dont un dépassement du taux maximal est exceptionnellement possible.

21 septembre 2012

TC NE, 21 septembre 2012, CCIV.2011.10 (f)

sic! 2/2013, p. 93-94, « Diffusion de musique par DJs dans le bar R » ; œuvre, droit d’auteur, droits voisins, musique improvisée, gestion individuelle ; art. 33 ss LDA.

La protection des artistes interprètes est accordée à la personne qui a exécuté l'œuvre ou qui a collaboré à l'exécution sur le plan artistique. Ce qui est protégé, c'est l'exécution d'une œuvre, soit d'une création de l'esprit. Lorsque l'action créatrice et l'exécution coïncident de manière à ne pas pouvoir être séparées, on ne pourra accorder en principe que la protection du droit d'auteur, puisqu'au moment de la prestation immatérielle il n'y a pas encore d'œuvre qui pourrait être exécutée. Cela vaut notamment pour la musique improvisée (c. 3.a). En cas de diffusion de musique par la TV, les droits voisins sont dus en plus des droits d'auteur, même si les DJs touchent eux-mêmes un cachet et s'il leur arrive d'utiliser des phonogrammes qu'ils ont eux-mêmes créés ou d'accompagner la diffusion des mix d'une animation à caractère artistique (c. 3.b). [VS]

11 octobre 2012

TF, 11 octobre 2012, 6B_584/2011 (f)

sic! 3/2013, p. 144-147, « Canal+ I » ; medialex 1/2013, p. 42-43 (rés.), « Canal+ Distribution SAS et consorts » ; Canal+, CanalSat, droits d’auteur, droits voisins, droit de retransmission, droit de diffusion, œuvre audiovisuelle, services cryptés, cryptage, programme TV, prescription, action pénale, appareil de décodage, décodeur, organisme de diffusion, partage de code, mesures techniques de protection, contournement ; art. 10 al. 2 lit. d LDA, art. 37 LDA, art. 39a LDA, art. 67 al. 1 lit. h LDA, art. 69 al. 1 lit. g LDA, art. 69a LDA, art. 150bis CP ; cf. N 771 (ATF 139 IV 17 ; sic! 3/2013, p. 148- 151, « Canal+ II ») et N 594 (ATF 139 IV 11 ; sic! 3/2013, p. 151-153, « Canal+ III »).

La fourniture d’un service permettant la réception de programmes TV précédemment cryptés au moyen d’un appareil de décodage ne tombe pas sous le coup de l’art. 150bis CP. La mise à disposition d’un serveur Internet auquel les appareils vendus peuvent se connecter pour décrypter des programmes constitue un acte distinct et indépendant qui n’est visé par aucune des hypothèses prévues par l’art. 150bis CP. Seule la mise sur le marché et la vente d’appareils permettant de décoder sans droit des programmes TV cryptés sont pertinentes au sens de la prescription de l’action pénale en relation avec la violation de l’art. 150bis CP qui, in casu, était acquise avant que le jugement de première instance n’ait été rendu (c. 2.3). La diffusion est une première transmission par rapport à la retransmission et vise la transmission simultanée d’une œuvre par des moyens techniques de télécommunication à un nombre indéterminé de personnes. La diffusion d’émissions codées, dans le cadre de la télévision par abonnement (pay per channel) ou de la télévision sur demande (pay per view) tombe sous le coup de l’art. 10 al. 2 lit. d LDA lorsqu’un nombre important de personnes disposent d’un décodeur leur permettant d’assister simultanément aux émissions. Il y a retransmission lorsqu’un programme diffusé est répercuté simultanément par un tiers (personne physique ou morale) autre que l’organisme responsable de la diffusion originale. La retransmission peut notamment intervenir au moyen d’Internet (c. 4.1.1). L’art. 69 LDA n’assure pas la protection du droit d’auteur,mais des droits voisins, soit en particulier ceux des organismes de diffusion. L’art. 69 al. 1 lit. g LDA réprime le comportement de celui qui intentionnellement et sans droit retransmet une émission. Cette disposition sanctionne la violation du droit exclusif de l’organisme de diffusion de retransmettre son émission selon l’art. 37 lit. a LDA, et la notion de retransmission ne diffère pas de celle de l’art. 10 al. 2 lit. d LDA. La retransmission consiste en la transmission d’une émission au moyen d’installations techniques, quelles que soient les techniques et méthodes de retransmission utilisées, par un autre que l’organisme de diffusion d’origine (c. 4.1.2). Dans le cas d’espèce, le procédé de partage de cartes mis en place par le recourant ne s’accompagnait pas d’une transmission par le recourant à ses clients, par câble, par Internet ou par d’autres conducteurs, du signal diffusé par Canal+ et CanalSat qu’il avait préalablement capté. Le recourant n’a donc pas répercuté les émissions diffusées par les intimées auprès de tiers, le procédé utilisé permettant uniquement un partage de code. Le système du recourant permettait de contourner des mesures techniques destinées à limiter l’accès aux programmes des intimées à leurs seuls abonnés,mais pas de communiquer à ses clients les images diffusées par les intimées. Le recourant n’a ainsi pas procédé à une retransmission des émissions produites ou diffusées par les intimées au sens des art. 67 al. 1 lit. h et 69 al. 1 lit. g LDA (c. 4.3). Le comportement visant à contourner une mesure de cryptage (qui constitue une mesure technique de protection au sens de l’art. 39a LDA, dont le contournement est réprimé par l’art. 69a LDA) adopté par le recourant l’a été à un moment où la LDA ne l’interdisait pas encore. Ainsi, avant l’entrée en vigueur des art. 39a et 69a LDA, un tel comportement ne constituait pas une violation des dispositions de la LDA (c. 4.5). [NT]

11 octobre 2012

TF, 11 octobre 2012, 6B_167/2012 (f)

ATF 139 IV 11 ; sic! 3/2013, p. 151-153, « Canal+ III » ; medialex 1/2013, p. 42-43 (rés.), « Canal+ Distribution SAS et consorts » ; droits d’auteur, conclusion nouvelle, droits voisins, droit de faire voir ou entendre, droit de retransmission ; art. 99 al. 2 LTF, art. 10 al. 2 lit. f LDA, art. 37 lit. b LDA, art. 67 al. 1 lit. h LDA, art. 67 al. 1 lit. i LDA, art. 69 al. 1 lit. e LDA ; cf. N 593 (TF, 11 octobre 2012, 6B_584/2011 ; sic! 3/2013, p. 144-147, « Canal+ I » ; medialex 1/2013, p. 42-43) et N 771 (ATF 139 IV 17 ; sic! 3/2013, p. 148-151, « Canal+ II »).

En instance cantonale, les recourantes n'avaient pris aucune conclusion basée sur l'art. 67 al. 1 lit. h LDA concernant le droit de retransmettre une œuvre. Une telle conclusion devant le TF est donc nouvelle et, partant, irrecevable d'après l'art. 99 al. 2 LTF (c. 1.2). L'art. 67 al. 1 lit. i LDA réprime pénalement la violation du droit accordé à l'auteur par l'art. 10 al. 2 lit. f LDA de faire voir ou entendre son œuvre. Comme exemples d'application de cette dernière disposition, la doctrine cite le cas du restaurateur dont la clientèle peut voir une émission télévisée, celui du grand magasin qui diffuse de la musique ou celui du coiffeur qui travaille avec un poste de radio allumé. En revanche, elle considère que le cas de l'hôtelier dont les clients ont la possibilité de regarder la télévision ne constitue pas une mise à disposition au sens de l'art. 10 al. 2 lit. f LDA (c. 2.1.1). L'art. 69 LDA n'assure pas la protection du droit d'auteur mais celle des droits voisins. L'art. 69 al. 1 lit. e LDA sanctionne une infraction au droit exclusif de l'organisme de diffusion de faire voir ou entendre son émission selon l'art. 37 lit. b LDA. Ce droit correspond à celui conféré aux auteurs par l'art. 10 al. 2 lit. f LDA (c. 2.1.2). En l'espèce, les œuvres diffusées n'étaient pas transmises par les intimés à leurs clients de manière à ce qu'ils puissent en profiter. La prestation des intimés consistait à permettre à leurs clients d'accéder à un serveur leur délivrant les codes de décryptage de programmes télévisés codés, cela sans payer l'abonnement officiel y relatif. Ainsi, les intimés ne diffusaient pas directement les programmes des recourantes sans installation supplémentaire, comme le restaurateur ou le coiffeur dans les exemples précités. L'hôtelier rend également « perceptible » à ses clients les programmes de télévision que ceux-ci peuvent visionner dans leurs chambres grâce à des postes de télévision. La doctrine considère cependant qu'il ne s'agit pas là d'un cas d'application de l'art. 10 al. 2 lit. f LDA. Cette disposition n'est donc pas violée en l'espèce (c. 2.4). [VS]

LDA (RS 231.1)

- Art. 69

-- al. 1 lit. e

- Art. 37

-- lit. b

- Art. 67

-- al. 1 lit. i

-- al. 1 lit. h

- Art. 10

-- al. 2 lit. f

LTF (RS 173.110)

- Art. 99

-- al. 2

« Tarif commun 3c 2008-2010 » ; gestion collective, droits voisins, équité du tarif, calcul de la redevance, public viewing, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun 3a, tarif commun 3c, tarifs séparés, conditions tarifaires non monétaires ; art. 60 LDA.

La redevance pour les droits voisins ne doit pas être réduite lorsque l'utilisation concerne seulement certaines catégories de titulaires de droits voisins, et non les trois (artistes interprètes, producteurs et organismes de diffusion) (c. 2.4). Le tarif commun 3c, qui concerne la réception d'émissions sur grand écran (public viewing), n'avait pas besoin d'être intégré dans le tarif commun 3a, qui se rapporte notamment à la réception d'émissions sur des écrans dont la diagonale est au maximum de trois mètres. En effet, le tarif commun 3a était en révision au moment de l'élaboration du tarif commun 3c, cette révision était incertaine et il était nécessaire d'adopter rapidement un tarif pour le public viewing en raison de l'imminence de l'Euro 2008 ; d'autre part les travaux de révision du tarif commun 3a auraient été compliqués par des questions juridiques supplémentaires; de plus, la redevance du tarif commun 3c est basée sur les recettes de l'organisateur, tandis que celle du tarif commun 3a est fondée sur les coûts de l'utilisation ; enfin, la clientèle visée par les deux tarifs n'est pas nécessairement la même: occasionnelle pour le tarif commun 3c, régulière pour le tarif commun 3a (c. 2.1). Il n'est pas exclu que des conditions non monétaires d'octroi de la licence soit intégrées dans un tarif, mais de telles conditions doivent être négociées entre les sociétés de gestion et les associations représentatives des utilisateurs (c. 2.3). [VS]

14 novembre 2011

CAF, 14 novembre 2011 (d)

Tarif commun Hb, gestion collective, droits voisins, règle des 3 %, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun Hb, équité du tarif, détérioration de la situation économique, qualité pour participer aux négociations tarifaires, Commission arbitrale fédérale, grief irrecevable, allégués tardifs ; art. 46 al. 2 LDA, art. 60 LDA.

Étant donné que le tarif commun Hb a été accepté par les utilisateurs, le taux de 4,5 % qu'il prévoit (dans certains cas) pour les droits voisins peut être accepté par la CAF, en partant du principe que les parties ont estimé qu'un dépassement des 3 % mentionnés à l'art. 60 al. 2 LDA était nécessaire pour qu'une gestion rationnelle procure aux ayants droit une rémunération équitable (c. 1). Un changement dans la situation économique ne suffit pas pour considérer qu'un tarif précédemment approuvé par la CAF est devenu inéquitable (c. 3). Ne peuvent participer aux négociations tarifaires que les associations représentatives d'utilisateurs, c'est-à-dire celles qui regroupent un nombre significatif d'utilisateurs concernés. Si les associations sont actives au niveau suisse, elles doivent représenter 20 à 25 % des utilisateurs visés par le tarif, et un tiers si elles sont actives dans une région linguistique (c. 2). Une association qui compte 17 membres en Suisse allemande, soit environ 10 % des utilisateurs de cette région, n'est pas représentative au sens de l'art. 47 al. 2 LDA (c. 2). Une association d'utilisateurs partie aux négociations tarifaires ne peut pas faire valoir ses griefs seulement devant la Commission arbitrale. Elle doit les exprimer déjà durant les négociations, faute de quoi ils doivent être considérés comme tardifs (c. 3). [VS]

03 janvier 2012

TAF, 3 janvier 2012, B-1769/2010 (d)

medialex 2/2012, p. 107-109 (rés.) « Tarif A télévision (Swissperform) » ; gestion collective, décision, approbation des tarifs, tarifs des sociétés de gestion, tarif A télévision, qualité pour recourir, effet rétroactif, pouvoir de cognition, autonomie des sociétés de gestion, tarifs séparés, obligation de collaborer, traités internationaux, applicabilité directe, droits voisins, support disponible sur le marché, intégration d'un enregistrement sonore dans un vidéogramme ; art. 19 CR, art. 2 lit. b WPPT, art. 5 Cst., art. 5 PA, art. 48 PA, art. 49 PA, art. 1 LDA, art. 33 LDA, art. 35 LDA, art. 46 LDA, art. 47 LDA, art. 74 al. 1 LDA, art. 9 al. 1 ODAu.

Les décisions de la CAF sont des décisions au sens de l'art. 5 al. 1 PA, qui peuvent faire l'objet d'un recours au TAF (c. 1.1). La SRG SSR, unique partenaire de négociation et unique personne obligée par le tarif, est destinataire de la décision d'approbation de ce tarif et est donc spécialement atteinte par celle-ci (c. 1.1). Elle a un intérêt digne de protection à sa modification, même si elle n'est pas une association d'utilisateurs au sens de l'art. 46 al. 2 LDA (c. 1.1). Lorsqu'un recours est déposé au TAF contre la décision d'approbation d'un tarif et qu'un effet suspensif est décrété, le tarif peut entrer en vigueur avec effet rétroactif s'il est approuvé par le TAF (c. 1.2). La CAF examine un tarif avec pleine cognition en veillant à sa conformité aux exigences légales, mais en respectant une certaine liberté de disposition et l'autonomie tarifaire des sociétés de gestion. Elle veille à trouver un équilibre des intérêts entre titulaires de droits et utilisateurs, qui serve la sécurité juridique. En cas de dispositions tarifaires approximatives ou d'inégalité de traitement, elle examine s'il faut empiéter sur l'autonomie tarifaire des sociétés de gestion. Des utilisations semblables d'un même cercle d'utilisateurs, ressortissant à la même société de gestion, doivent être réglées au sein d'un même tarif sauf s'il existe des raisons objectives pour créer plusieurs tarifs. Des utilisations non soumises à redevance d'après la loi doivent être exclues du tarif (c. 2.1). En matière tarifaire, la cognition du TAF n'est pas limitée. Il fait toutefois preuve d'une certaine retenue lorsque la CAF, en tant qu'autorité spécialisée, a examiné des questions complexes de droit de la gestion collective, lorsqu'elle a pesé les intérêts en présence ou lorsqu'elle a sauvegardé l'autonomie tarifaire des sociétés de gestion. Pour cette raison, le TAF n'examine en principe des formulations tarifaires qu'avec un effet cassatoire. Il ne peut les modifier lui-même qu'exceptionnellement (c. 2.2). En procédure tarifaire, les parties ont un devoir de collaboration. En cas de recours, elles doivent expliquer en détail pourquoi elles ne sont pas d'accord avec la décision de la CAF et prouver leurs allégations. La CAF ne doit s'écarter de l'état de fait allégué par les parties que si elle a des indices qu'il n'est pas correct. Si une partie manque à son devoir de collaboration, la CAF peut se baser uniquement sur les faits allégués par l'autre partie (c. 2.3). Les traités internationaux et le droit suisse forment un système unitaire, si bien que les premiers n'ont pas besoin d'être transposés en droit interne (c. 3.2). Un traité est directement applicable s'il contient des règles claires et suffisamment déterminées qui permettent une décision dans un cas concret, pas s'il s'adresse uniquement au législateur. Les WCT et WPPT ne sont que partiellement directement applicables, mais l'art. 15 WPPT dispose de cette qualité (c. 3.2). La notion de fixation, utilisée à l'art. 33 LDA, n'est pas liée à un support de données physique déterminé. Elle est un synonyme d'enregistrement, terme que l'on trouve aussi à l'art. 33 al. 2 lit. c LDA. En revanche, les mots phonogramme et vidéogramme employés par l'art. 35 LDA sont encore compris en relation avec des supports de données physiques. Mais ils n'impliquent pas une forme de publication particulière. La notion « disponible sur le marché » de l'art. 35 LDA doit être rapportée à la fixation plutôt qu'au support de données physique utilisé concrètement. Peu importe par conséquent que le support utilisé pour la diffusion ne soit pas disponible sur le marché si la fixation qu'il contient l'est quant à elle. L'interprétation de la loi doit tenir compte de l'évolution technique, si bien qu'il serait faux de réserver la notion « disponible sur le marché » aux seuls produits physiques. La fixation peut aussi être mise à disposition sur Internet à des fins de téléchargement gratuit ou payant (c. 5 et 6). L'intégration d'un enregistrement sonore dans un vidéogramme nécessite l'accord des titulaires de droits voisins sur cet enregistrement. Le droit voisin sur le vidéogramme s'étend ensuite aussi à la bande son (c. 7). [VS]

20 août 2012

TF, 20 août 2012, 2C_146/2012 (d)

sic! 1/2013, p. 30-37, « Tarif A Fernsehen» ; medialex 4/2012, p. 230-232 (rés.), « Tarif A Fernsehen » ; gestion collective, décision, approbation des tarifs, tarifs des sociétés de gestion, recours en matière de droit public, interprétation des tarifs, tarif contraignant pour les tribunaux, droits voisins, vidéogramme disponible sur le marché, support disponible sur le marché ; art. 12 CR, art. 2 lit. b WPPT, art. 2 lit. c WPPT, art. 15 WPPT, art. 95 lit. a LTF, art. 35 LDA, art. 60 LDA.

Contre un arrêt du TAF concernant une décision d'approbation d'un tarif par la CAF, c'est le recours en matière de droit public qui est ouvert, même si la décision a interprété une notion de droit civil de la LDA à titre préjudiciel, d'autant qu'il faut aussi trancher dans la procédure tarifaire la question de principe du devoir de payer une rémunération (c. 1). En ce qui concerne les critères de l'art. 60 LDA, la CAF bénéficie d'une certaine liberté d'appréciation en tant qu'autorité spécialisée, que les tribunaux doivent respecter. En revanche, les tarifs ne peuvent pas définir les droits autrement que la loi. L'interprétation de ces tarifs est une question de droit que le TF examine avec pleine cognition sur la base de l'art. 95 lit. a LTF (c. 2.2). La question litigieuse est de savoir si c'est l'enregistrement ou un format déterminé de celui-ci qui doit être disponible sur le marché pour que le droit à rémunération de l'art. 35 LDA trouve application. Ni le texte de cette disposition (c. 3.3), ni les travaux préparatoires (c. 3.4) ne donnent une réponse claire. En cas de doute, on doit admettre que l'art. 35 LDA transpose l'art. 12 CR et l'art. 15 WPPT (c. 3.5.1). Or, l'art. 12 CR prévoit une rémunération pour les phonogrammes publiés à des fins de commerce et pour les reproductions de ceux-ci. Cela pourrait laisser entendre que ce n'est pas le phonogramme concrètement utilisé pour la diffusion qui doit être disponible sur le marché (c. 3.5.2). L'art. 35 LDA va au-delà du droit international, dans la mesure où il prévoit une rémunération non seulement pour les phonogrammes, mais aussi pour les vidéogrammes. Toutefois, comme le législateur a voulu placer ces deux notions sur un pied d'égalité, les dispositions conventionnelles concernant les phonogrammes peuvent aussi être utilisées pour interpréter la notion de vidéogrammes. Or, d'après l'art. 2 lit. b WPPT, un phonogramme est une fixation des sons provenant d'une interprétation ou exécution ou d'autres sons, ou d'une représentation de sons. La fixation est elle-même définie, d'après l'art. 2 lit. c WPPT, comme l'incorporation de sons, ou des représentations de ceux-ci, dans un support qui permette de les percevoir, de les reproduire ou de les communiquer à l'aide d'un dispositif. Cela laisse entendre que la notion de phonogramme concerne la fixation, c'est-à-dire l'enregistrement, et non un format déterminé de celui-ci (c. 3.5.3). D'un point de vue téléologique, l'art. 35 LDA semble avoir pour but de consacrer une redevance là où le prix de vente ne contient pas de rémunération pour les utilisations secondaires du support. Mais l'interprétation de la loi ne peut pas dépendre de la question de savoir si, dans les faits, une rémunération a été convenue contractuellement (c. 3.6.2). C'est plutôt la motivation à la base de la licence légale et de la gestion collective obligatoire qui doit être prise en considération, à savoir assurer une rémunération aux ayants droit aussi simplement que possible, car ils ne sont pas en mesure d'exercer eux-mêmes leurs droits dans les faits. Or, puisque les télévisions n'utilisent pas des formats disponibles sur le marché, rattacher la notion de vidéogrammes à ces formats aurait pour conséquence que les ayants droit devraient exercer individuellement leurs droits, ce qui ne serait guère praticable (c. 3.6.3). En résumé, cette notion concerne donc l'enregistrement lui-même et non le format de celui-ci. [VS]

30 novembre 2012

CAF, 30 novembre 2012 (d)

« Tarif commun 3a complémentaire » ; gestion collective, recours obligatoire aux sociétés de gestion, approbation des tarifs, preuve, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun 3a complémentaire, obligation de gérer, vide tarifaire, question préalable, tarifs complémentaires, négociation des tarifs, Commission arbitrale fédérale, obligation de collaborer, moyens de preuve nouveaux, droits d’auteur, droits voisins, droit de faire voir ou entendre, usage privé, équité du tarif, calcul de la redevance, augmentation de redevance, épuisement de la redevance ; art. 12 PA, art. 13 PA, art. 33 PA, art. 10 al. 2 lit. f LDA, art. 19 al. 1 lit. a LDA, art. 22 al. 1 LDA, art. 33 al. 2 lit. e LDA, art. 35 LDA, art. 37 lit. b LDA, art. 44 LDA, art. 46 al. 2 LDA, art. 47 LDA, art. 59 LDA, art. 60 al. 2 LDA.

D'après l'art. 12 PA, l'autorité constate les faits d'office. Les parties ont cependant un devoir de collaboration selon l'art. 13 PA qui, d'après la jurisprudence, est même plus important en procédure d'approbation tarifaire. La CAF ne doit toutefois admettre les moyens de preuve offerts que s'ils paraissent propres à élucider les faits (art. 33 PA). En l'espèce, les preuves complémentaires offertes par les sociétés de gestion sont admissibles, étant donné que les parties adverses ne s'y sont pas opposées et que les documents ont été produits plus de cinq jours ouvrables avant l'audience (c. 5). Lorsqu'il n'existe aucun tarif pour des droits relevant de leur domaine d'activité, les sociétés de gestion doivent en établir un d'après l'art. 44 LDA. La question de savoir si un tarif complémentaire est admissible ne concerne pas la recevabilité de la requête, mais relève du droit. Cas échéant, un état de vide tarifaire ne serait dans l'intérêt d'aucune des parties. Si les sociétés de gestion sont habilitées à faire valoir des droits pour la réception d'émissions dans les chambres d'hôtels et d'hôpitaux, dans les logements de vacances ou dans les cellules de prison, elles ont la possibilité de demander une interdiction de ces utilisations devant le juge civil. Il y a donc un intérêt juridique important à ce que la CAF se prononce sur cette question, serait-ce à titre préjudiciel (c. 2). En l'espèce, un tarif complémentaire est admissible car la situation est semblable à celle créée par l'entrée en vigueur de la nouvelle LDA. Celle-ci avait introduit les droits voisins, pour lesquels des tarifs complémentaires étaient possibles (c. 3). L'existence de divergences quant à la base légale d'un tarif n'est pas pertinente pour examiner le respect du devoir de négocier. Il appartient en effet à la CAF de se prononcer sur cette question à titre préjudiciel (c. 4). L'utilisation d'appareils de radio/télévision et de phono/vidéogrammes dans des chambres d'hôtels et d'hôpitaux, dans des logements de vacances ou dans des cellules de prison, n'est pas un usage privé au sens de l'art. 19 al. 1 lit. a LDA. Il s'agit en effet d'un cas d'application du droit exclusif de faire voir et entendre des œuvres (art. 10 al. 2 lit. f LDA, art. 33 al. 2 lit. e LDA et art. 37 lit. b LDA), lequel ne peut être exercé que par les sociétés de gestion d'après l'art. 22 al. 1 LDA, ou du droit voisin de l'art. 35 LDA. Ce n'est pas la jouissance de l'œuvre par le client ou le patient qui est déterminante au niveau du droit d'auteur, mais le fait que celle-ci soit transmise par l'exploitant de l'hôtel, du logement de vacances ou de l'hôpital. La situation est semblable à celle régie par le tarif commun 3b, auquel les compagnies d'aviation sont assujetties parce qu'elles mettent un équipement de divertissement à disposition des passagers (c. 6.1). En droit européen, la Cour de justice a aussi estimé le 18 mars 2010 (C-136/09) qu'il y avait une communication publique lorsqu'un hôtelier place des appareils de télévision dans les chambres et les relie à une antenne centrale (c. 6.2). Comme des recettes sont réalisées grâce aux chambres d'hôtels, d'hôpitaux et grâce aux logements de vacances, il n'est pas exclu de se baser sur ces recettes pour calculer la redevance due pour la réception d'émissions dans de tels locaux. Mais il faut prendre en compte le fait que lesdites recettes ne sont pas directement en rapport avec les utilisations pertinentes selon le droit d'auteur (c. 7). D'après la pratique de la CAF, les pourcentages maximaux de 10 % et de 3 % prévus par l'art. 60 al. 2 LDA ne peuvent pas être épuisés sans autre, particulièrement en cas de nouveaux tarifs. En l'espèce, un tel épuisement serait problématique aussi parce que les recettes ne sont réalisées qu'accessoirement grâce aux biens protégés par la LDA (c. 8). Comme la réception d'émissions dans les locaux susmentionnés n'a jamais fait l'objet d'un tarif, on ne peut pas parler d'augmentation abrupte de la redevance à payer. Toutefois, comme les pourcentages de l'art. 60 al. 2 LDA ne peuvent pas être épuisés, la CAF ne peut pas approuver un tarif qui conduirait à une redevance plus importante que celle prévue par le tarif commun 3a pour la réception d'émissions dans d'autres locaux que ceux faisant l'objet de la procédure (c. 9). [VS]

02 juillet 2013

TAF, 2 juillet 2013, B-2612/2011 (d)

medialex 4/2013, p. 203-204 (rés.), « Tarif commun S » ; gestion collective, surveillance de la Confédération, droit d’auteur, droits voisins, gestion individuelle, tarifs des sociétés de gestion, tarifs communs, tarif commun S, équité du tarif, règle des 10 %, règle des 3 %, calcul de la redevance, convention internationale, applicabilité directe, interprétation téléologique, comparaison avec l’étranger, preuve, Commission arbitrale fédérale, allégué tardif, moyens de preuve nouveaux, réparation d’un vice de procédure en instance de recours, réparation de la violation du droit d’être entendu ; art. 11bis ch. 2 CB, art. 15 WPPT, art. 16 WPPT, art. 29 al. 2 Cst., art. 32 al. 2 PA, art. 47 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA, art. 9 ODAu.

Une raison fréquente de la gestion collective surveillée par la Confédération est d'éviter que la gestion individuelle rende difficiles ou impossibles des formes populaires d'utilisations massives d'œuvres et de prestations protégées. En revanche, il ne s'agit pas de rendre les redevances meilleur marché pour les exploitants, lesquels bénéficient déjà d'une simplification pour l'acquisition des licences. D'après les art. 15 WPPT, 60 al. 2 LDA et 11bis al. 2 CB, la redevance doit être équitable. Par la gestion collective, les ayants droit ne doivent donc pas être moins bien traités qu'ils ne le seraient dans un marché libre (c. 3.1.1). L'équité s'apprécie cependant de manière globale, et non pour chaque œuvre ou prestation en particulier (c. 3.1.1 et 3.1.2). Le fait de prévoir un supplément sur la redevance concernant les droits voisins (et non sur celle concernant les droits d'auteur) n'est pas contraire à l'art. 47 LDA si les bases de calcul des redevances sont identiques pour les deux types de droits (c. 6). Un accord donné par une société de gestion à l'occasion d'une procédure tarifaire précédente ne la lie pas dans le cadre de la nouvelle procédure (c. 7.2). Les limites de l'art. 60 al. 2 LDA (10 % pour les droits d'auteur et 3 % pour les droits voisins) peuvent être dépassées si elles risquent de conduire à des redevances inéquitables. Cela est cohérent par rapport à l'interprétation téléologique selon laquelle la gestion collective doit rapporter aux ayants droit autant que ce qu'ils pourraient obtenir dans un marché libre. Ces limites ne doivent donc pas seulement être dépassées dans des cas exceptionnels. Ce n'est que si les preuves ne sont pas suffisantes pour déterminer des valeurs du marché fictives qu'elles peuvent servir d'aide pour fixer les redevances. Par conséquent, il n'y a pas de rapport fixe 10:3 entre les droits d'auteur et les droits voisins (c. 7.3). L'autorité tarifaire doit dépasser les limites chiffrées de l'art. 60 al. 2 LDA si cela est nécessaire pour que les redevances soient équitables au regard des valeurs du marché réelles ou hypothétiques (c. 7.4). Ainsi interprété, l'art. 60 al. 2 LDA est conforme aux art. 15 al. 1 et 16 WPPT. Cette dernière disposition n'est pas d'application directe (self-executing) pour les justiciables (c. 7.5). Comme il peut être difficile de connaître les valeurs du marché réelles, l'autorité tarifaire doit opérer sur la base d'une fiction, pour laquelle les conditions pratiquées à l'étranger n'ont qu'une importance limitée (c. 8.3 et 8.4). En l'espèce, les moyens de preuve apportés par la recourante sont insuffisants pour procéder à cette fiction (c. 8.7). Les moyens de preuve doivent en principe être produits avec la requête d'approbation tarifaire, c'est-à-dire au moins sept mois avant l'entrée en vigueur prévue du tarif (art. 9 al. 1 et 2 ODAu). Mais la CAF admet encore les pièces produites au moins cinq jours avant l'audience, parce que des allégués tardifs des parties sont admissibles s'ils paraissent décisifs (art. 32 al. 2 PA). Ces règles sont impératives pour la CAF, d'après la doctrine dominante. Leur violation peut cependant être réparée en instance de recours, par la production par la partie recourante des pièces que la CAF a refusé à tort (c. 4.3.2). De même, une violation du droit d'être entendu, due à un défaut de motivation de la décision de première instance sur certains points, peut être réparée en instance de recours, si la CAF s'explique suffisamment dans sa prise de position devant le TAF (c. 4.3.3). [VS]

28 novembre 2013

TAF, 28 novembre 2013, B-2429/2013 (d)

« Tarif A Radio (Swissperform) (2013-2016) » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif A Radio, pouvoir de cognition, tarifs contraignants pour les tribunaux, question préalable, équité du tarif, devoir d’informer les sociétés de gestion, obligation d’informer les sociétés de gestion, droits voisins ; art. 51 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA.

Le TAF examine avec une pleine cognition les griefs de violation du droit fédéral, de constatation inexacte ou incomplète des faits et d'inopportunité. Cependant, il fait preuve de retenue là où la CAF, en tant qu'autorité judiciaire indépendante et spécialisée, a tranché des questions complexes concernant la gestion collective ou a respecté l'autonomie tarifaire des sociétés de gestion (c. 2.1). D'après la doctrine et la jurisprudence, les autorités et les tribunaux administratifs peuvent examiner des questions préalables relevant d'autres domaines juridiques si la loi ne l'interdit pas et si les autorités compétentes ne se sont pas encore prononcées (c. 3.1). D'après l'art. 59 al. 3 LDA, les tribunaux civils ne peuvent plus examiner l'équité d'un tarif, c'est-à-dire le niveau de la redevance. En revanche, un tarif ne peut pas prévoir un droit à rémunération incompatible avec des dispositions légales impératives. Il s'ensuit que les tribunaux civils ne sont pas liés par les décisions des autorités tarifaires sur des questions préalables relevant du droit d'auteur matériel (c. 3.2). De telles décisions doivent obligatoirement être prises si elles sont nécessaires pour déterminer l'équité du tarif, mais elles ne peuvent donc pas créer une sécurité juridique absolue. La pratique de la CAF, qui consiste à ne pas trancher les questions préalables de droit matériel non liées à l'équité du tarif, est justifiée. En l'espèce, d'après le tarif, le taux de redevance varie en fonction de la part de phonogrammes diffusés protégés par les droits voisins. La question de savoir jusqu'où s'étend cette protection relève de l'application du tarif, et non de son équité. La CAF n'avait donc pas à l'examiner (c. 3.3 et 3.4). Une disposition concernant l'objet tarifaire ne doit pas figurer dans la partie du tarif qui concerne les redevances (c. 4.2). D'après l'art. 51 al. 1 LDA, tous les renseignements nécessaires à l'application du tarif et à la répartition des redevances doivent être fournis aux sociétés de gestion. Cette obligation n'existe toutefois que dans la limite du raisonnable, par quoi il faut comprendre qu'elle ne doit pas entraîner de frais excessifs pour l'utilisateur. Le devoir d'information est une obligation accessoire découlant de la licence légale, qui peut faire l'objet d'une action civile et d'une redevance complémentaire dans le tarif en cas de violation (c. 5.1.2). Il est inutile de préciser dans ce tarif que le code ISRC (servant à l'identification d'un enregistrement musical) ne doit être communiqué par le diffuseur à la société de gestion que s'il est effectivement remis à ce diffuseur par le fournisseur de l'enregistrement (c. 5.2). L'obligation d'annoncer systématiquement le code ISRC à la société de gestion occasionnerait d'importants coûts pour le diffuseur, car ce dernier serait tenu de veiller continuellement à ce que le code soit intégré dans ses systèmes informatiques. Cette obligation dépasse donc la limite du raisonnable au sens de l'art. 51 LDA (c. 5.3.1). Il n'est pas nécessaire de prévoir dans le tarif une obligation à charge du diffuseur de veiller à ce que ses systèmes informatiques futurs puissent lire le code ISRC, puisque ce diffuseur s'est déjà engagé devant la CAF à agir en ce sens (c. 5.3.3). [VS]

11 octobre 2012

TF, 11 octobre 2012, 6B_156/2012 (f)

ATF 139 IV 17 ; sic! 3/2013, p. 148-151, « Canal+ II » ; medialex 1/2013, p. 42-43 (rés.), « Canal+ Distribution SAS et consorts » ; concurrence déloyale, droits d’auteur, droits voisins, œuvre audiovisuelle, mesures techniques de protection, contournement, partage de code, exploitation d’une prestation d’autrui ; art. 5 lit. c LCD, art. 23 LCD ; cf. N 593 (TF, 11 octobre 2012, 6B_584/2011 ; sic! 3/2013, p. 144-147, « Canal+ I ») et N 594 (ATF 139 IV 11 ; sic! 3/2013, p. 151-153, « Canal+ III »).

La disposition pénale de l’art. 23 al. 1 LCD est imprécise et doit donc être interprétée restrictivement en raison du principe de la légalité (c. 1.1). Les prestations ou les résultats du travail qui ne jouissent d’aucune protection comme biens intellectuels peuvent être exploités par quiconque. L’art. 5 lit. c LCD ne s’oppose à leur reprise ou à leur copie qu’en présence de circonstances conduisant à admettre une concurrence déloyale. Il n’interdit pas l’exploitation de la prestation intellectuelle matérialisée dans l’objet, mais l’utilisation du support matériel afin de réaliser un produit concurrent. L’illicéité découle du fait que le concurrent se voit privé des fruits de ses efforts parce que quelqu’un les reprend directement, en économisant les investissements objectivement nécessaires, et les exploite pour son profit (c. 1.3). En présence d’une prestation non matérialisée, comme une idée, une méthode ou un procédé, l’art. 5 lit. c LCD est inapplicable. Toutefois, la notion de « résultat du travail » doit être comprise de manière large et recouvre aussi des choses incorporelles comme des émissions de radio ou de télévision ou des représentations d’œuvres musicales. Le produit doit en outre être « prêt à être mis sur le marché », c’est-à-dire exploitable de manière industrielle ou commerciale (c. 1.4). Un procédé sera illicite au sens de l’art. 5 lit. c LCD s’il vise non à copier le produit d’un concurrent ou à le fabriquer en utilisant d’autres connaissances, mais à le reprendre sans aucun investissement pour l’adapter. Les procédés de reproduction ne sont pas définis, ce qui permet d’appréhender de nouveaux moyens techniques (c. 1.5). Pour que l’art. 5 lit. c LCD s’applique, il faut examiner si le premier concurrent a déjà amorti ses dépenses au moment de la reprise. Cela est important tant pour limiter la protection temporellement que pour examiner s’il existe un « sacrifice » (c. 1.6). Enfin, le résultat d’un travail doit être repris par un procédé technique de reproduction. Or, en l’espèce, les recourants permettaient à leurs clients de recevoir les programmes Canal+ et Canal Sat en partageant avec eux les codes de décryptage des cartes officielles qu’ils avaient régulièrement acquises en tant qu’abonnés (card sharing). Ils n’ont donc pas repris les programmes diffusés ou les systèmes de décryptage par un procédé technique de reproduction. De surcroît, la décision cantonale ne contient aucun élément relatif à l’amortissement des coûts investis par les sociétés qui diffusent les programmes. Il n’y a donc pas d’infraction à l’art. 5 lit. c LCD (c. 1.9). [VS]

Tarif A Fernsehen (Swissperform) ; gestion collective, droit à rémunération, vidéogramme, tarif des sociétés de gestion, tarif A télévision, SWISSPERFORM, droits voisins, support disponible sur le marché, œuvre musicale non théâtrale, recettes brutes, devoir d’informer les sociétés de gestion, code IRSC ; art. 22c LDA, art. 24b LDA, art. 33 LDA, art. 35 LDA, art. 60 LDA.

D’après les arrêts du TAF du 20 janvier 2012 (recte: 3 janvier 2012) et du TF du 20 août 2012 sur le tarif A télévision de Swissperform, le droit à rémunération de l’art. 35 LDA ne s’éteint pas lorsqu’un phonogramme disponible sur le marché est intégré dans un vidéogramme. Mais le support est alors protégé uniquement comme vidéogramme. Si ce vidéogramme est réalisé en vue d’une diffusion, il ne sera généralement pas disponible sur le marché, si bien que c’est la protection de l’art. 33 al. 2 LDA qui s’applique, pas celle de l’art. 35 LDA. L’artiste a le droit exclusif de déterminer si le phonogramme contenant sa prestation sera intégré dans un vidéogramme. Si ce dernier est reproduit à des fins d’émission, l’art. 24b LDA ne s’applique pas puisque le vidéogramme n’est pas disponible sur le marché. En revanche, l’artiste peut faire valoir son droit exclusif selon l’art. 33 al. 2 lit. c LDA. Quant à la mise à disposition du support selon l’art. 22c LDA, elle est soumise à la gestion collective obligatoire même si ce support n’est pas disponible sur le marché, pour autant qu’il contienne des oeuvres musicales non théâtrales (c. II 3.2. d). La musique contenue dans des films musicaux n’est pas de la musique non théâtrale au sens des art. 22c et 24b LDA, car elle a une plus grande valeur que le film et ne lui est pas subordonnée. De surcroît, elle n’est pas interchangeable puisqu’elle détermine la dramaturgie du film. Enfin, le film ne peut pas être joué sans la musique (c. II 3.3.b). Les revenus qu’un diffuseur réalise grâce à la vente de ses programmes ou aux licences données sur ceux-ci sont directement en relation avec les activités de diffusion et font donc partie des recettes brutes sur lesquelles doit être calculée l’indemnité prévue à l’art. 60 LDA (c. II 3.5. b). D’après ce principe des recettes brutes, il faut de plus prendre en compte les recettes publicitaires et de sponsoring sans déduction des frais d’acquisition correspondants. Le fait qu’une telle déduction ait été tolérée dans le passé d’un commun accord n’y change rien: les diffuseurs n’ont pas de droit à une telle déduction (c. II 3.6. b). Le code ISRC doit en principe être communiqué à Swissperform par le diffuseur. S’il n’a pas été délivré, le tarif prévoit la remise d’autres données à titre subsidiaire. Le passage du tarif selon lequel le code IRSC doit être livré pour autant qu’il soit étayé par des documents ou qu’il ait été communiqué à la SSR sous une forme lisible par le fournisseur de l’enregistrement au moment de la livraison, à partir de l’entrée en vigueur du tarif doit être supprimé. Quant au code ISAN destiné à identifier les films musicaux, il ne doit être communiqué à Swissperform que si la SSR l’a reçu dans une forme lisible par ses systèmes informatiques (c. II 3.7. b). [VS]

19 mars 2014

TF, 19 mars 2014, 4A_482/2013 (d)

sic! 7-8/2014, p. 448-453, « Gemeinsamer Tarif K / Basel Tattoo » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun K, tarif contraignant pour les tribunaux, motivation du recours, règle du ballet, droit d’être entendu, œuvre, individualité de l’œuvre, œuvre chorégraphique, droits voisins, recueil ; art. 29 al. 2 Cst., art. 42 LTF, art. 106 al. 2 LTF, art. 2 al. 2 lit. h LDA, art. 4 LDA, art. 34 al. 3 LDA, art. 59 al. 3 LDA, art. 60 LDA.

Le TF n’est lié ni par l’argumentation du recourant, ni par celle de l’autorité de première instance. Cependant, vu l’obligation de motiver le recours (art. 42 al. 1 et 2 LTF), le TF ne traite en principe que des griefs allégués, sauf si d’autres lacunes juridiques sont évidentes. En matière de violation des droits fondamentaux et de violation du droit cantonal ou intercantonal, il existe un devoir de motivation qualifié : le grief doit être invoqué et motivé précisément (art. 106 al. 2 LTF). Par exemple, il ne suffit pas de prétendre que la décision attaquée est arbitraire. Il faut montrer dans les détails pourquoi elle est manifestement insoutenable (c. 1.3). D’après l’art. 59 al. 3 LDA, les tarifs lient le juge lorsqu’ils sont en vigueur. Cette disposition sert la sécurité du droit : le juge civil ne doit pas à nouveau examiner l’équité d’un tarif puisque cette question est traitée dans le cadre de la procédure administrative d’approbation de ce tarif. Toutefois, le juge civil peut et doit vérifier que les sociétés de gestion, sur la base d’un tarif, ne font pas valoir de droits à rémunération incompatibles avec les dispositions impératives de la loi, en particulier lorsque l’utilisation est libre d’après la LDA (c. 2.2.1). Les critères de l’art. 60 LDA servent à la fixation des redevances tarifaires et à leur contrôle par les autorités judiciaires administratives, mais ils ne donnent pas un droit individuel à ce que les rémunérations dues sur la base des tarifs correspondent à ces critères dans chaque cas. La compatibilité avec l’art. 60 al. 1 lit. c LDA des conditions tarifaires d’octroi d’une réduction de la redevance (fondée sur l’exécution simultanée d’autres prestations en application de la règle du ballet) est une question qui relève exclusivement de la procédure administrative d’approbation du tarif. Elle ne peut pas être réexaminée par le juge civil (c. 2.2.2). La règle du ballet a pour but de tenir compte de l’existence dans le spectacle d’autres œuvres protégées par le droit d’auteur, dont les droits ne sont pas gérés collectivement. Il s’agit de faire de la place pour ces autres œuvres. S’il n’y a pas d’autres ayants droit protégés par le droit d’auteur, la règle du ballet ne doit pas être appliquée. Il convient d’interpréter le chiffre 15 de l’ancien tarif K dans ce sens (c. 2.2.3). Le droit d’être entendu implique que l’autorité motive ses décisions, mais pas qu’elle traite en détail et contredisent tous les arguments des parties. Il suffit que la décision puisse être attaquée de manière appropriée (c. 3.1). Le caractère individuel d’une œuvre n’implique pas une originalité dans le sens que l’œuvre devrait porter l’empreinte personnelle de son auteur. Le caractère individuel doit provenir de l’œuvre elle-même. Il n’est pas contesté que les différents numéros du « Basel Tattoo » 2007 et 2009 puissent être des œuvres chorégraphiques au sens de l’art. 2 al. 2 lit. h LDA. En revanche, il n’est pas démontré que les spectacles dans leur ensemble aient le caractère individuel nécessaire pour être protégés (c. 3.2.2). De même, il n’est pas démontré que ces spectacles soient des recueils au sens de l’art. 4 LDA, ce qui impliquerait qu’ils aient une certaine unité en raison du choix et de la disposition du contenu. Du reste, dans ce cas, l’élément protégé serait l’agencement des différentes parties, ce qui n’entrainerait pas l’application de la règle du ballet vu l’exigence de simultanéité entre la musique et l’autre prestation protégée (c. 3.2.3). La prestation du metteur en scène relève des droits voisins (cf. art. 34 al. 3 LDA) et il n’est pas prouvé qu’elle soit aussi protégée par le droit d’auteur (c. 3.2.4). Par conséquent, il est juste d’examiner pour chaque numéro du spectacle si les conditions d’application de la règle du ballet sont réalisées. Pour décider si la musique a un rôle subordonné, la durée de celle-ci dans le spectacle n’est pas déterminante puisque le chiffre 14 du tarif tient déjà compte de la règle pro rata temporis (c. 3.3). Les mouvements de fanfares militaires relèvent fréquemment de la tradition et paraissent fortement répondre à des normes préétablies. On ne peut donc pas partir du principe que la protection du droit d’auteur soit donnée facilement (c. 4.1.2). [VS]

Cst. (RS 101)

- Art. 29

-- al. 2

LDA (RS 231.1)

- Art. 34

-- al. 3

- Art. 4

- Art. 59

-- al. 3

- Art. 60

- Art. 2

-- al. 2 lit. h

LTF (RS 173.110)

- Art. 106

-- al. 2

- Art. 42