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19 décembre 2013

TF, 19 décembre 2013, 4A_412/2013 (f)

Registre du commerce, fondation de prévoyance, intérêt digne de protection, réinscription au registre du commerce ; art. 164 al. 2 ORC.

Le recourant qui entend faire condamner une fondation de prévoyance à lui verser des prestations d'invalidité, puis, si nécessaire et au stade de l'exécution forcée, se faire céder la prétention correspondante de la débitrice contre une autre compagnie, a un intérêt digne de protection au sens de l'art. 164 al. 2 ORC, pour autant que l'obligation de la fondation soit vraisemblable. Il peut donc requérir la réinscription d'une entité juridique radiée (c. 2). Le recours est admis et la réinscription de la Fondation de prévoyance est ordonnée (c. 4). [AC]

27 juin 2014

TAF, 27 juin 2014, B-2385/2013 (d)

sic! 12/2014, p. 776-779, « GT 12 : Catchup- TV » (FabianWigger, Anmerkung), medialex 4/2014, p. 214, « Tarif commun 12 » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun 12, qualité pour recourir, intérêt digne de protection, intérêt divergent, formalisme excessif ; art. 48 PA, art. 46 LDA.

La qualité pour recourir est une condition du procès qui se juge exclusivement d’après l’art. 48 PA, indépendamment du droit d’auteur matériel (c. 2). L’exigence d’avoir pris part à la procédure devant l’autorité précédente tombe lorsque cette participation a été refusée au recourant. Tel est le cas si une erreur de l’autorité l’a empêché de se constituer en tant que partie alors qu’il en avait le droit (c. 2.1.1). En outre, le recourant doit être plus fortement atteint par la décision attaquée qu’une personne ordinaire. Dans le domaine du droit d’auteur, il faut partir du principe que les intérêts des ayants droit sont sauvegardés par les sociétés de gestion, que ce soit lors des négociations de tarifs ou pour les règles de répartition. En cas d’intérêts divergents de certains ayants droit, la qualité pour recourir peut exceptionnellement leur être reconnue. Mais ils doivent alors prouver non seulement qu’ils sont atteints par la décision, mais aussi que leurs intérêts divergent de ceux représentés par les sociétés de gestion. Du côté des utilisateurs, il y a moins de risques que certains intérêts diffèrent de ceux défendus par les associations représentatives: tous les utilisateurs ont un intérêt économique commun à ce que les redevances tarifaires soient les plus basses possible (c. 2.1.2). En l’espèce, la recourante (qui est ayant droit) n’a pas participé à la procédure de première instance et n’a pas demandé à le faire (c. 2.1.4 et 2.1.5). Il n’est pas possible de dire après coup si l’autorité de première instance aurait accepté sa participation. En effet, cette autorité n’a pas encore une jurisprudence constante et vérifiée par les autorités de recours s’agissant des ayants droit qui ont des intérêts divergents. Par conséquent, il n’est pas à exclure qu’une demande de participation aurait été admise par l’autorité précédente (c. 2.1.5.1). Dans ces circonstances, refuser la qualité pour recourir au motif que la recourante n’a pas participé à la procédure de première instance ne relève pas du formalisme excessif : toute la procédure tarifaire est orientée vers la négociation et la recherche d’un compromis. Les parties doivent donc connaître les intérêts en jeu et savoir qui pourrait attaquer la décision d’approbation du tarif. En outre, les négociations seraient rendues plus compliquées si des personnes pouvaient remettre en cause un tarif seulement devant les autorités de recours, sans avoir participé à la procédure auparavant (c. 2.1.5.3). Au surplus, la recourante ne démontre pas en quoi ses intérêts divergeraient de ceux des autres ayants droit défendus par les sociétés de gestion (c. 2.1.5.3). [VS]

18 février 2014

TAF, 18 février 2014, B-6003/2012 (d)

sic! 9/2014, p. 538-544,Yacht Club St. Moritz (Kaiser Markus, Remarque) ; irrecevabilité, motifs absolus d'exclusion, intérêt digne de protection, commune, office du tourisme, droit au nom ; art. 48 al. 1 lit. b PA, art. 48 al. 1 lit. c PA.

Refus d’entrer en matière sur le recours de l’office du tourisme de la commune de Saint-Maurice, titulaire de plusieurs marques contenant l’élément « St.Moritz », contre l’enregistrement de la marche YACHT CLUB ST. MORITZ (c. 3). En l’espèce, la question de savoir si l’enregistrement d’une marque constitue une décision contre laquelle un tiers peut recourir au Tribunal administratif fédéral peut être laissée ouverte (c. 1.4 et 1.5), en raison du défaut de légitimation active du recourant. L’art. 48 al. 1 lit. b et lit. c PA pose en effet la condition qu’il soit « spécialement atteint par la décision attaquée », et qu’il ait « un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification ». En l’espèce, le simple fait que la marque enregistrée et les marques du recourant contiennent le même élément « St.Moritz » n’est pas suffisant (c. 2.3). Le recourant ne peut pas non plus invoquer une atteinte au droit au nom de la commune, car rien n’indique qu’il ait reçu l’autorisation de faire valoir ce droit en son nom propre (c. 2.4). [SR]

15 avril 2015

TF, 15 avril 2015, 4A_688/2014 (d)

sic! 9/2015, p. 526-528, « Patent Assignment » ; capsule de café, droit à la délivrance du brevet, contrat de travail, recours en matière civile, décision finale, cas clair, invention de service, droit d’être entendu, devoir de fidélité du travailleur, arbitraire, devoir de motivation, pesée d’intérêts, intérêt digne de protection ; art. 29 al. 1 Cst., art. 75 al. 1 LTF, art. 90 LTF, art. 321a CO, art. 321a al. 1 CO, art. 332 al. 1 CO, art. 257 al. 1 CPC, art. 257 al. 1 lit. a CPC ; cf. N 918 (TFB, 30 octobre 2014, S2014_007).

Le recours en matière civile est ouvert contre les décisions finales du TFB en vertu des art. 75 al. 1 et 90 LTF (c. 1). Un cas clair ne peut être admis lorsque la défenderesse soulève des objections substantielles et décisives qui ne peuvent, du point de vue des faits, pas immédiatement être contredites et qui sont de nature à ébranler la conviction que le Juge s’était déjà forgée. À l’inverse, un cas clair doit être retenu lorsque sur la base des pièces le Tribunal acquiert la conviction que la prétention de la demanderesse est établie et qu’une clarification détaillée des objections de la défenderesse ne pourrait rien y changer. Des contestations manifestement infondées ou inconsistantes de la prétention ne suffisent pas à refuser un cas clair (c. 3.1). En l’espèce, il est incontesté par les parties que le recourant a participé dans le cadre de son contrat de travail à la réalisation d’une invention de service. Il est incontesté que l’intimée a demandé au recourant de signer un document de transfert nécessaire pour obtenir l’enregistrement du brevet aux États-Unis. L’intimée a pu immédiatement établir que les connaissances linguistiques du recourant lui permettaient de comprendre la portée de ce document, et le recourant méconnaît que son refus de signer le document en question entraînerait des complications dans l’obtention du brevet. Il est enfin admis que l’intimée a offert de relever le recourant de tout dommage éventuel pouvant découler pour lui de la signature des documents nécessaires à l’enregistrement du brevet aux États-Unis. Le TF retient ainsi que l’état de fait du cas d’espèce est en grande partie incontesté et a pu être, pour le reste, prouvé immédiatement au sens de l’art. 257 al. 1 lit. a CPC (c. 3.2). Le TF relève que le TFB a considéré à juste titre que le droit à la délivrance du brevet comportait également le droit de déposer des demandes de brevet pour l’invention concernée partout dans le monde (c. 3.3.2). Pour le TF, l’obligation de motivation de leur jugement découlant pour les autorités du droit d’être entendu des art. 53 al. 1 CPC et 29 al. 2 Cst. n’exige pas que tous les arguments avancés par les parties soient examinés séparément et que chaque argument soit expressément contredit. Contrairement à ce que soutient le recourant, le TFB a examiné la cause de manière concrète et a tenu compte de ses intérêts et de ses considérations. L’autorité précédente est ainsi arrivée à la conclusion qu’il n’avait, par la signature du document demandé, qu’à confirmer ce qui était d’ailleurs généralement admis et qu’il serait indemnisé au cas où un éventuel dommage en découlerait pour lui. Le TFB a relevé que le recourant ne faisait pas valoir d’autres risques non couverts et a ainsi motivé en quoi le devoir de diligence et de fidélité du travailleur impliquait qu’il signe dans le cas particulier le document de transfert. Le TFB n’est ainsi pas tombé dans l’arbitraire (c. 3.3.3). Le TF relève qu’il n’a jusqu’à présent jamais eu l’occasion de trancher si le devoir de diligence et de fidélité découlant de l’art. 321a al. 1 CO pour le travailleur comporte une obligation du travailleur de collaborer à la procédure d’enregistrement d’une invention qu’il a réalisée. La doctrine l’admet toutefois à juste titre de manière incontestée. S’il en allait autrement, l’employeur ne pourrait pas utiliser pleinement les inventions de service qui lui reviennent en vertu de l’art. 332 al. 1 CO. Le devoir de collaborer du travailleur perdure ainsi au-delà de la relation de travail lorsque, comme dans le cas d’espèce, une déclaration de l’inventeur est exigée dans le cadre de la procédure d’enregistrement. Le recourant soutient que l’autorité précédente aurait dû procéder à une pesée d’intérêts, ce que ne permet pas la procédure des cas clairs de l’art. 257 CPC. Il méconnaît que l’instance précédente a tenu compte de ses arguments (voir c. 3.3.3). Elle a ainsi retenu justement que le recourant a obtenu un engagement de le relever de tout dommage éventuel. Le recourant n'a pas fait valoir d’autres risques dans le cadre de la procédure devant l’autorité précédente qui n’auraient pas été constatés et dans la procédure devant le TF, il ne soulève pas non plus de manière concluante qu’il existerait d’autres intérêts dignes de protection opposables à ses devoirs de signer le patent assignment requis. Une pesée d’intérêts plus étendue ne se justifie ainsi pas. Il découle bien plus de l’art. 321a al. 1 CO sans autre que le recourant est tenu de signer le patent assignment. Le TFB n’a donc pas violé l’art. 257 al. 1 CO en considérant que ses conditions d’application étaient remplies (c. 3.3.4). Le recours est rejeté. [NT]

06 octobre 2014

TFB, 6 octobre 2014, S2014_006 (d) (mes. prov.)

sic! 3/2015, p. 177-181 « Kaltmilchschäumer » ; mesures provisionnelles, action en interdiction, intérêt digne de protection, risque de récidive, urgence, conclusions précises, photographie, usage antérieur, conditions de la protection du brevet, nouveauté en droit des brevets, vraisemblance, témoin, allégation des parties, sûretés, procédé de fabrication, mousse de lait, machine à café ; art. 59 al. 2 lit. a CPC, art. 261 al. 1 CPC, art. 264 CPC.

Le litige porte sur un procédé de fabrication automatique de mousse de lait « Milchschaum » froide (c. 1.3). Les demanderesses requièrent des mesures d’interdiction de fabrication, d’offre, de promotion, de vente ou de mise sur le marché des machines à café de la défenderesse (c. 2.1). Elles sont en effet susceptibles d’être équipées d’un système de fabrication de mousse de lait qui viole leurs brevets suisse et européen (c. 2.2). La défenderesse fait valoir la nullité du droit conféré par les brevets en raison de l’absence de nouveauté (c. 2.8). En l’espèce, une récidive est à craindre, car la défenderesse n’a pas contesté que son produit constitue une violation de brevet. Elle conteste la validité du brevet et n’a fait aucune déclaration d’abstention inconditionnelle. Elle a également continué à produire et distribuer le produit jusqu’à épuisement de son stock, cinq mois après avoir reçu un avertissement de la demanderesse. On peut considérer dans un tel cas qu’un risque de violation existe et que l’intérêt digne de protection pour une action en interdiction « Unterlassungsbegehren » est donné (art. 59 al. 2 lit. a CPC) (c. 5.2). Le tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu’une prétention dont il est titulaire est l’objet d’une atteinte ou risque de l’être et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (art. 261 al. 1 CPC). La condition de l’urgence est en l’espèce remplie, la requête de mesures provisionnelles ayant été déposée peu après qu’une décision sur opposition confirmant la validité du brevet fut rendue par l’OEB (c. 13). La formulation d’une requête de mesures provisionnelles doit être précise. Une photo peut suffire à concrétiser la forme et les dimensions d’un objet et est donc formellement admissible (c. 7.2 et 7.3). Le manque de nouveauté découlant d’un usage antérieur ne peut être pris en considération sur la base d’une simple déclaration non substantifiée par des documents supplémentaires tels que des photos ou des dessins techniques lorsque les faits remontent à plus de dix ans et que l’allégation se fonde sur la seule mémoire de celui qui la formule. Même dans le cas de mesures provisionnelles, les critères relatifs à l’usage antérieur doivent être appliqués strictement, en particulier lorsqu’il s’agit de déterminer si ce sont effectivement les mêmes spécificités techniques qui ont été rendues accessibles au public (c. 10.2). Dans la mesure où la défenderesse argumente que les machines incriminées ne sont plus commercialisées, des mesures provisionnelles d’interdiction ne sont pas susceptibles de lui causer un dommage (art. 264 CPC) (c. 14). [CH]

23 septembre 2014

TF, 23 septembre 2014, 4A_78/2014, 4A_80/2014 (d)

sic! 4/2015, p. 260-263, « Thermodiffusion II » ; procédure devant le TFB, devoir d’interpellation du tribunal, intérêt digne de protection, preuve, interruption des plaidoiries finales, égalité des armes, égalité de traitement, droit à la preuve ; art. 56 CPC, art. 150 CPC ; cf. N 746 (vol. 2012-2013 ; TFB, 24 juillet 2013, O2012_001 ; décision attaquée et confirmée par ce jugement).

Afin d’invoquer valablement une violation du devoir d’interpellation du tribunal au sens de l’art. 56 CPC, le demandeur doit démontrer quelles conséquences auraient découlé de l’exercice prétendument correct de ce devoir d’interpellation. À défaut, le demandeur n’a pas d’intérêt juridiquement protégé. En l’espèce, le recourant ne démontre pas qu’il aurait bénéficié d’un avantage particulier en cas d’interpellation du TFB. La question de savoir si le tribunal doit nécessairement faire usage de son devoir d’interpellation lorsque la partie adverse relève les manquements de la partie demanderesse peut rester ouverte en l’espèce (c. 3). Selon le TF, le droit à la preuve du recourant au sens de l’art. 150 CPC n’a pas non plus été violé dans la mesure où celui-ci n’a pas suffisamment démontré quelles allégations auraient été considérées à tort comme non contestées ou non pertinentes (c. 4). Des interruptions par le président du TFB au cours des plaidoiries finales (deux interruptions en l’espèce) sont admissibles et ne constituent pas une violation des règles de procédure, du principe d’égalité de traitement ou du droit à l’égalité des armes (c. 10). [FE]

20 décembre 2017

TAF, 20 décembre 2017, B-7169/2015 (f)

Vacherin Mont-d’Or, AOP/AOC, appellation d’origine protégée, cahier des charges, modification du cahier des charges, opposition, qualité pour faire opposition, conditionnement, couvercle de la boîte, aire géographique, qualité pour recourir, intérêt digne de protection ; art. 48 al. 1 lit. c PA, art. 1 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 1 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 5 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 6 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 6 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 7 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 7 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 8 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 9 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 10 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 10 al. 3 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 11 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 12 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 12 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 13 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 14 Ordonnance sur les AOP et les IGP.

Le cahier des charges est l’élément central de la demande et il constitue pour ainsi dire le mode d’emploi pour l’élaboration d’un produit agricole déterminé. Il doit permettre aux producteurs de la région ou du lieu concernés, comme aussi aux organes de contrôle, de juger si un produit concret répond ou non aux conditions d’utilisation de l’appellation d’origine. L’art. 7 al. 1 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP prévoit que le cahier des charges comprend le nom du produit comprenant l’appellation d’origine ou l’indication géographique (lit. a), la délimitation de l’aire géographique (lit. b), la description du produit, notamment ses matières premières et ses principales caractéristiques physiques, chimiques, microbiologiques et organoleptiques ; pour les produits sylvicoles et les produits sylvicoles transformés, il comprend la description de l’essence forestière et des caractères physiques ou d’autres caractéristiques intrinsèques (lit. c) ; la description de la méthode d’obtention du produit (lit. d) et la désignation d’un ou de plusieurs organismes de certification, ainsi que les exigences minimales relatives au contrôle (lit. e). Selon l’art. 7 al. 2 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP, le cahier des charges peut également comprendre les éléments spécifiques de l’étiquetage (lit. a), la description de la forme distinctive du produit si elle existe (lit. b), et les éléments relatifs au conditionnement, lorsque le groupement demandeur peut justifier que le conditionnement doit avoir lieu dans l’aire géographique délimitée afin de sauvegarder la qualité du produit et d’assurer la traçabilité ou le contrôle (lit. c) (c. 4.2.1). La jurisprudence rendue en application de l’art. 48 al. 1 PA considère comme intérêt digne de protection (art. 48 al. 1 lit. c PA) tout intérêt pratique ou juridique à demander la modification ou l’annulation de la décision attaquée que peut avoir une personne atteinte par cette dernière. L’intérêt digne de protection consiste ainsi en l’utilité pratique que l’admission du recours apporterait au recourant en lui procurant un avantage de nature économique, matérielle, idéale ou autre, ou en lui évitant de subir un préjudice que la décision attaquée lui occasionnerait. Il implique que le recourant soit touché de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que l’ensemble des administrés. L’intérêt invoqué – qui n’est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé mais qui peut être un intérêt de fait – doit se trouver, avec l’objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d’être pris en considération au regard du droit fédéral déterminant. Un intérêt digne de protection virtuel est une construction étrangère à l’art. 48 al. 1 PA et est dès lors insuffisant pour conférer la qualité pour recourir (c. 7.2.2.1). Le Tribunal fédéral considère que le cahier des charges est une réglementation générale et abstraite devant être concrétisée par des décisions individuelles dans des cas d’espèce (voir jurisprudence citée). Il estime par conséquent qu’il est possible, comme c’est le cas pour une ordonnance (cantonale) de vérifier, à titre préjudiciel et indépendamment du résultat de la procédure d’opposition, la conformité du cahier des charges à la loi ou à la constitution (ATF 134 II 272 c. 3.2 in fine « Gruyère [AOP] »). Selon une jurisprudence constante, la qualité pour recourir contre un acte normatif cantonal appartient à toute personne dont les intérêts sont effectivement touchés par l’acte attaqué ou pourront l’être un jour ; une simple atteinte virtuelle suffit, à condition toutefois qu’il existe un minimum de vraisemblance que le recourant puisse se voir un jour appliquer les dispositions contestées (ATF 136 I 17 c. 2.1, ATF 135 II 243 c. 1.2). Le Tribunal fédéral a laissé ouverte la question de savoir si un intérêt virtuel pouvait suffire dans le cadre d’une opposition contre l’enregistrement d’une AOP ou d’une IGP (c. 7.2.3, voir jurisprudence citée). Le recourant a qualité pour recourir devant le TAF contre une décision d’irrecevabilité pour défaut de qualité pour agir rendue par l’autorité inférieure. Peu importe que la décision d’irrecevabilité ait été rendue à juste titre ou à tort par l’autorité inférieure. Le recourant n’est pas tenu d’apporter de preuve supplémentaire d’un intérêt digne de protection à l’annulation de la décision d’irrecevabilité (c. 8.2). Du point de vue de la qualité pour recourir en lien avec la demande d’annulation de la rectification du cahier des charges, il n’est pas contesté que la boîte et la sangle font partie des caractéristiques organoleptiques du « Vacherin Mont-d’Or ». Il n’est pas non plus contesté que, du fait qu’elle est productrice de boîtes de « Vacherin Mont-d’Or », la recourante est concernée par la réglementation de l’AOP. Un tel intérêt reste toutefois trop général pour demander l’annulation de la rectification de l’art. 22 al. 1 du cahier des charges [commercialisation du « Vacherin Mont-d’Or » dans des boîtes ou des demi-boîtes avec un couvercle d’au maximum 6 mm d’épaisseur contre 5 mm précédemment]. La recourante n’explique en effet pas en quoi l’admission de son recours lui procurerait un avantage de nature économique, matérielle, idéale ou autre, ou lui éviterait de subir un préjudice (c. 9.2.2, voir jurisprudence citée). En lien avec l’art. 22 du cahier des charges, la recourante se limite pour l’essentiel à faire valoir les intérêts des consommateurs de « Vacherin Mont-d’Or » dont elle considère qu’ils sont trompés par l’augmentation potentielle du poids de la boîte [et la diminution proportionnelle de la part de fromage achetée]. Du moment qu’il ne ressort pas de son but social qu’elle puisse être considérée comme une consommatrice de « Vacherin Mont-d’Or », la recourante n’établit pas que l’admission de son recours lui procurerait un avantage de nature économique, matérielle, idéale ou autre, ou lui éviterait de subir un préjudice. Elle agit en réalité dans l’intérêt de la loi ou d’un tiers [les consommateurs auxquels il sera vendu plus de bois et moins de fromage pour un même poids], ce qu’elle confirme notamment en soutenant que l’autorité vise à codifier une pratique qui viole les règles découlant du cahier des charges (c. 9.3.2.1). Lorsqu’elle soutient que l’augmentation du poids de la boîte porte particulièrement atteinte à la réputation de l’AOP, la recourante ne défend d’ailleurs pas non plus ses propres intérêts, en tout cas pas d’une manière directe (c. 9.3.2.2). Enfin, si elle indique que la modification de l’épaisseur du couvercle ne répond à aucun intérêt pratique, la recourante ne soutient pas qu’elle en subit un inconvénient (c. 9.3.2.3). Force est dès lors de constater que, tant en lien avec la rectification de l’art. 22 al. 1 du cahier des charges que, de manière plus générale, en lien avec la version modifiée de l’art. 22 du cahier des charges, la recourante n’établit pas que le maintien de l’épaisseur du couvercle de la boîte à 5 mm lui procurerait un avantage ou lui éviterait de subir un préjudice (c. 9.3.3). Dans la mesure donc où elle conclut à l’annulation de la rectification de l’art. 22 al. 1 du cahier des charges, la recourante n’a pas qualité pour recourir contre la décision attaquée (c. 9.4). Par contre, la qualité pour recourir (art. 48 al. 1 PA) doit être reconnue à la recourante dans la mesure où cette dernière conclut à l’annulation de la partie de la décision attaquée par laquelle l’autorité inférieure déclare irrecevable l’opposition déposée en ce qui concerne les art. 2, 5 et 22 du cahier des charges, y compris la répartition des frais et des dépens y relative (c. 10). En l’espèce, la recourante se limite à critiquer le fait que l’aire géographique comprend des territoires situés en France. Elle ne conteste en revanche pas les explications de l’autorité inférieure selon lesquelles la modification de l’art. 2 du cahier des charges n’a aucune incidence sur l’aire géographique [mais ne constitue qu’une modification formelle qui a pour but de tenir compte du remaniement des districts et des fusions des communes]. Elle n’indique par ailleurs pas en quoi elle aurait un intérêt digne de protection (même virtuel) à l’annulation de cette modification purement formelle (c. 13.3.1.1). Elle ne précise en outre nullement en quoi la distorsion de la concurrence qu’elle allègue serait due à la simple modification formelle de l’art. 2 du cahier des charges, qui a pour but de tenir compte du remaniement des districts et des fusions de communes (c. 13.3.1.2). La recourante n’a ainsi pas qualité pour faire opposition contre la modification de l’art. 2 du cahier des charges. D’ailleurs, vu l’art. 14 al. 2 lit. c de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP, les modifications du cahier des charges qui touchent la description de l’aire géographique font l’objet d’une procédure simplifiée si elles résultent du fait que les entités géographiques sont renommées, notamment en cas de fusion de communes. Or, en procédure simplifiée, il est en particulier renoncé à la publication la décision prévue à l’art. 9 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP et la procédure d’opposition prévue aux art. 10 et 11 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP ne s’applique pas (art. 14 al. 3 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP) (c. 13.3.1.3). En se limitant à critiquer le fait que l’aire géographique définie à l’art. 2 du cahier des charges comprend des territoires situés en France, la recourante ne s’en prend en réalité pas à la version modifiée de l’art. 2 du cahier des charges, mais bien à la version actuelle de cette disposition. Or, l’aire géographique, telle qu’elle ressort de la version actuelle de l’art. 2 du cahier des charges, a fait l’objet d’une décision rendue antérieurement par l’autorité inférieure. Cette décision antérieure est entrée en force, de sorte que l’aire géographique qui y est définie ne peut plus être attaquée dans le cadre d’une procédure de modification du cahier des charges qui ne la modifie pas. Peu importe en particulier que la recourante ait ou non fait opposition contre cette décision antérieure (c. 13.3.2.2). Par ailleurs, même s’il devait être considéré que, par son opposition, la recourante formule une demande en constatation de la nullité de l’art. 2 du cahier des charges, il convient d’admettre que l’autorité inférieure n’a pas à entrer en matière. La recourante ne prouve en effet pas qu’elle a un intérêt digne  de protection à ce que l’aire géographique de l’AOP « Vacherin Mont-d’Or » définie par l’art. 2 du cahier des charges ne comprenne pas des pâturages franco-suisses. Une vérification de la conformité à la loi et à la Constitution du cahier des charges demeure en revanche possible, à titre préjudiciel, dans le cadre d’une éventuelle demande de certification (c. 13.3.2.3, voir jurisprudence citée). Le déplacement à l’art. 22 du cahier des charges des caractéristiques de la boîte prévues à l’art. 5 in fine du cahier des charges n’entraîne aucune modification matérielle (c. 15.1.1). Sur ce point, la recourante ne saurait être suivie lorsqu’elle affirme que les caractéristiques organoleptiques de la boîte sont requalifiées et reléguées au rang de simples exigences de conditionnement. Dans la nouvelle teneur de l’art. 5 du cahier des charges, la boîte et la sangle en épicéa demeurent des caractéristiques organoleptiques du « Vacherin Mont-d’Or ». N’y change rien le fait que la version modifiée de l’art. 5 du cahier des charges ne répète pas que la boîte est en épicéa. Peu importe d’ailleurs que la version modifiée de l’art. 5 du cahier des charges ne donne pas les dimensions détaillées de cette boîte et ne précise pas que le bois est issu de l’aire géographique. De telles caractéristiques ne jouent en effet pas de rôle sur le plan organoleptique (c. 15.2.1.1). En outre, les indications présentes dans le paragraphe consacré à la « Boîte » dans la version actuelle de l’art. 5 du cahier des charges (en particulier le fait que le bois servant à la fabrication de la boîte est issu de l’aire géographique) sont intégralement reprises dans la version modifiée de l’art. 22 al. 1 du cahier des charges (c. 15.2.1.2). La modification des art. 5 et 22 du cahier des charges ne saurait dès lors faire l’objet d’une opposition. Elle n’entraîne en effet (sous réserve de la modification des dimensions de la boîte) aucun changement matériel par rapport à la version actuelle des art. 5 et 22 du cahier des charges (c. 15.2.1.3). Contrairement aux autres modifications du cahier des charges examinées plus haut, la modification des dimensions de la boîte introduites par le nouvel art. 22 du cahier des charges entraîne un changement matériel de la réglementation. Il n’en demeure pas moins que la recourante doit avoir un intérêt digne de protection à l’annulation de cette modification matérielle (c. 16.1). Par ses écritures, la recourante n’établit pas que le maintien de la hauteur du couvercle de la boîte à 5 mm lui procurerait un avantage ou lui éviterait de subir un préjudice. Elle ne peut par conséquent pas se prévaloir d’un intérêt digne de protection (même virtuel) à l’annulation de la modification de l’art. 22 du cahier des charges. Dans ces conditions, il convient de retenir que la recourante n’a pas qualité pour faire opposition contre la modification de l’art. 22 du cahier des charges (c. 16.2). Le recours est rejeté. [NT]

Ordonnance sur les AOP et les IGP (RS 910.12)

- Art. 13

- Art. 12

-- al. 2

-- al. 1

- Art. 11

- Art. 5

-- al. 1

- Art. 1

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-- al. 2

- Art. 10

-- al. 3

-- al. 2

- Art. 14

- Art. 7

-- al. 2

-- al. 1

- Art. 9

-- al. 2

- Art. 8

- Art. 6

-- al. 2

-- al. 1

PA (RS 172.021)

- Art. 48

-- al. 1 lit. c

16 août 2017

HG BE, 16 août 2017, HG 15 100 (d)

« Blocage de sites internet illicites » ; action en cessation, blocage de sites internet, fournisseur d’accès, intérêt digne de protection, novae, droit d’auteur, précision des conclusions, qualité pour agir, qualité pour défendre, usage privé, piraterie ; art. 28 CC, art. 50 CO, art. 19 al. 1 lit. a LDA, art. 62 al. 1 LDA, art. 62 al. 3 LDA, art. 59 al. 2 lit. a CPC, art. 229 CPC.

La demanderesse conclut à ce qu’il soit ordonné à la défenderesse, un fournisseur d’accès à Internet, de prendre  des mesures techniques appropriées empêchant ses clients d’accéder à divers sites, lesquels fournissent des liens vers d’autres sites qui mettent à disposition des films de manière illicite (c. 1 à 13). Elle a un intérêt digne de protection à la demande, au sens de l’art. 59 al. 2 lit. a CPC, même si les mesures de blocage pourraient être contournées et même si les films litigieux resteraient disponibles sur d’autres sites (c. 17.3). Il est douteux que les conclusions soient suffisamment précises, car la demanderesse mentionne trois mesures de blocage sans expliquer laquelle lui donnerait satisfaction. De plus, si les conclusions étaient reprises telles quelles dans le dispositif, la défenderesse ne saurait pas comment s’exécuter (c. 18.5). Des novas – aussi bien proprement dits qu’improprement dits – ne sont plus admissibles après la clôture des débats principaux, lorsque le jugement est en délibération (c. 22.3.4). Le droit suisse est applicable en l’espèce, puisque la demanderesse et la défenderesse ont leurs sièges et leurs activités en Suisse, cela même si les sites internet litigieux sont étrangers (c. 23). La demanderesse dispose de la légitimation active, car il y a suffisamment d’éléments pour admettre qu’elle est licenciée exclusive au sens de l’art 62 al. 3 LDA (c. 25.7.7). Lorsque l’auteur principal d’une violation du droit d’auteur agit grâce aux services d’un tiers, il se pose la question de la participation de ce dernier à l’acte illicite et de sa légitimation passive (c. 26.2). Cette question se résout d’après l’art. 50 al. 1 CO, et non d’après l’art. 28 CC. En effet, les droits d’utilisation selon la LDA ont essentiellement une nature patrimoniale, tandis que le droit de la personnalité a une signification psychologique et spirituelle. Les deux domaines ne sont donc pas comparables. De surcroît, une application de l’art. 50 al. 1 CO n’empêche pas une approche unitaire de la légitimation passive dans tous les domaines de la propriété intellectuelle (c. 26.3.4). Pour qu’il y ait une participation au sens de l’art. 50 al. 1 CO, il doit y avoir une violation du droit d’auteur par un tiers et une contribution juridiquement pertinente de la part du participant. De plus, la doctrine exige parfois la réalisation de certains éléments subjectifs concernant la conscience de participer à un acte illicite avec un tiers (c. 28). D’après le Conseil fédéral, les « déclarations communes » concernant le WCT excluent seulement que la fourniture d'installations techniques constitue un acte principal de communication au public au sens de l’art. 8 WCT ; elles n’empêchent pas la responsabilité en tant que participant secondaire (c. 29.1 et c. 29.2). Les conclusions de la demanderesse sont orientées vers le comportement des clients de la défenderesse, à savoir des internautes. Elles ne visent pas directement les personnes qui mettent les films à disposition sur Internet (c. 32.1.1). Or, les actes des internautes sont couverts par l’exception d’usage privé au sens de l’art. 19 al. 1 lit. a LDA et ne sont pas illicites. La première condition à laquelle la défenderesse pourrait se voir reprocher une participation au sens de l’art. 50 al. 1 CO n’est donc pas réalisée (c. 32.1.2 et c. 32.1.3). Au surplus, la défenderesse fournit un accès (automatique) à Internet. Elle intervient « en fin de chaîne » dans le processus de communication des œuvres et n’est pas très proche des actes illicites d’origine (c. 32.2.2). Sa prestation n’est pas apte à favoriser les infractions d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience générale de la vie. Elle n’est donc pas dans un rapport de causalité adéquate avec les actes illicites et n’apporte aucune contribution juridiquement pertinente à ceux-ci (c. 32.2.3). La défenderesse n’est ainsi pas légitimée passivement, si bien que la question de savoir si des éléments subjectifs sont nécessaires peut être laissée ouverte (c. 32.4). Même si la défenderesse disposait de la légitimation passive, les mesures de blocage demandées devraient satisfaire au principe de la proportionnalité, ce qui signifie qu’elles devraient être appropriées pour atteindre le but visé, qu’elles ne devraient pas aller au-delà de ce qui est nécessaire et qu’elles devraient être raisonnables compte tenu du rapport entre la fin et les moyens (c. 34). La première condition serait remplie, même si une partie des utilisateurs pouvaient contourner les mesures de blocage et même si les films continuaient à être disponibles sur d’autres sites internet (c. 34.1.3). En revanche, il serait douteux que la deuxième condition soit réalisée, car la demanderesse a investi de grands moyens pour agir contre la défenderesse, alors qu’elle s’est contentée de mesures limitées à l’encontre des auteurs principaux des violations (c. 34.2.3). La réalisation de la troisième condition serait également discutable car les blocages concerneraient aussi des films non visés par la demande, car l’accès à du contenu licite pourrait être bloqué collatéralement (« overblocking ») et car ces blocages pourraient avoir des effets techniques indésirables (c. 34.3.1). Le caractère raisonnable des mesures demandées serait douteux, car il faudrait au moins veiller à réduire au minimum le risque d’atteindre des tiers non concernés par le litige (c. 34.3.5). Enfin, le projet de révision de la LDA du 22 novembre 2017 prévoit divers nouveaux moyens de lutte contre le piratage, mais il a renoncé à instaurer des mesures de blocage à charge des fournisseurs d’accès (c. 36). La demande doit donc être rejetée. [VS]

07 mai 2018

TAF, 7 mai 2018, B-5220/2014 (d)

« ProLitteris » ; gestion économique, société de gestion, qualité pour recourir, intérêt digne de protection, action en constatation, droit d’être entendu,  réparation de la violation du droit d’être entendu, principe de la proportionnalité, surveillance des sociétés de gestion par l’IPI ; art. 29 al. 2 Cst, art. 25 al. 2 PA, art. 48 al. 1 lit. c PA, art. 45 LDA, art. 50 LDA, art. 54 LDA.

ProLitteris demande l’annulation d’une décision de l’IPI lui enjoignant de réclamer à trois anciens directeurs le remboursement des parts de l’employé sur des versements complémentaires effectués à des fins de prévoyance professionnelle. La société de gestion a un intérêt digne de protection à recourir, car elle sauvegarde son autonomie privée ; en revanche, il n’existe pas un tel intérêt au niveau pécuniaire, puisque l’exécution de la décision attaquée placerait la recourante dans une meilleure situation financière que son annulation (c. 1.2). Des conclusions en constatation de la licéité des versements litigieux ne sont pas recevables, vu que l’intérêt digne de protection de la recourante est déjà sauvegardé par les conclusions en annulation (c. 1.3). Une lettre précédente de l’IPI, par laquelle il avait considéré comme licites les paiements disputés, doit aussi être qualifiée de décision (c. 2.4.1). Cette dernière, de même que l’approbation du rapport annuel 2012 par l’IPI, se basaient toutefois sur des informations incomplètes (c. 2.4.3). Au surplus, elle n’est pas la cause des versements. La recourante ne peut donc pas invoquer la protection de sa bonne foi (c. 2.4.4). Elle ne prouve pas que le remboursement ordonné serait impossible à exécuter (c. 2.4.5). Une pesée des intérêts ne joue pas non plus en sa faveur : elle est certes une société privée, mais elle accomplit des tâches d’intérêt public, ce qui explique le contrôle de la Confédération. D’après l’art. 45 al. 1 et 3 LDA, elle doit administrer ses affaires selon les règles d’une gestion saine et économique et ne doit pas viser de but lucratif, ce qui optimise la rémunération des ayants droit. L’intérêt de ceux-ci a une importance particulière et l’emporte sur celui de la recourante ou de ses trois anciens directeurs (c. 2.4.7). La recourante a eu suffisamment l’occasion de s’exprimer sur les circonstances de l’affaire, mais elle n’a pas été transparente. Le rapport du Contrôle fédéral des finances, sur lequel se base la décision attaquée, ne repose pas sur des éléments inconnus de la recourante. Par conséquent, l’IPI n’était pas obligé de lui donner une nouvelle fois l’occasion de prendre position sur l’appréciation juridique des faits. Mais même s’il y avait eu une violation du droit d’être entendu, celle-ci aurait été réparée dans le cadre de la procédure de recours (c. 3.3.1). Un délai convenable pour régulariser la situation illicite a été imparti à la recourante, conformément à l’art. 54 al. 1 LDA. Elle n’avait pas droit à un avertissement préalable informel, vu que l’IPI était déjà intervenu à plusieurs reprises, vu qu’elle était tenue de renseigner l’autorité de surveillance d’après l’art. 50 LDA et vu qu’un tel avertissement informel n’est pas prévu par la loi. Sur la base des informations limitées données par la recourante, l’IPI pouvait considérer qu’un avertissement informel ne suffirait pas pour rétablir la légalité. Les mesures prises respectent donc le principe de la proportionnalité (c. 3.3.2). La décision attaquée a été suffisamment motivée (c. 3.3.3). Quant au fond, l’ubiquité des œuvres, le nombre d’utilisateurs et d’utilisations, de même que le progrès technique contraignent les auteurs à recourir à une société de gestion collective. Celle-ci agit comme intermédiaire entre les ayants droit et les utilisateurs, sur la base de tarifs négociés approuvés par la CAF (c. 4.2.1). La société répartit les redevances perçues en se fondant sur un règlement approuvé par l’IPI, selon les prescriptions de l’art. 49 LDA (c. 4.2.2). Les règles de l’art. 45 LDA protègent les ayants droit et les utilisateurs. Les sociétés de gestion agissent à titre fiduciaire et, pour cette raison, elles sont tenues d’administrer leurs affaires selon les règles d’une gestion saine et économique, ce qui implique de renoncer à tout arbitraire, de procéder selon des règles fixes et de minimiser les frais de gestion. L’obligation d’agir selon des règles déterminées et selon le principe d’égalité de traitement a pour corollaire d’exercer les tâches de manière transparente et prévisible. De là découle le devoir d’établir des règles de répartition et des tarifs. Si les sociétés de gestion ont l’interdiction de viser un but lucratif, c’est parce qu’elles sont au service des ayants droit originaires et qu’elles doivent leur reverser tout l’argent perçu, après couverture des frais. Enfin, l’obligation de conclure des contrats de représentation réciproque selon l’art. 45 al. 4 LDA a pour but d’offrir aux ayant droit suisses une gestion simple de leurs droits à l’étranger (c. 4.2.3). Le contrôle de la Confédération sur les sociétés de gestion concerne d’une part les tarifs, d’autre part la conduite des affaires. Le premier est exercé par la CAF et porte sur les rapports externes de la société avec les utilisateurs, le second est du ressort de l’IPI et concerne avant tout les relations internes de la société avec ses membres (c. 4.2.5). La surveillance de la CAF s’étend à l’équité du tarif, mais l’autorité reconnaît une certaine liberté de disposition et une certaine autonomie aux sociétés de gestion. En revanche, le contrôle de l’IPI est limité à la légalité (c. 4.2.6). L’abus, l’excès ou le non-exercice du pouvoir d’appréciation relèvent du contrôle de la légalité (c. 4.2.7). Avec la révision totale de la LDA en 1989, la surveillance de l’Etat sur les sociétés de gestion a été renforcée (c. 4.3.1). Elle doit assurer la protection des ayants droit et des utilisateurs et une gestion des droits efficiente ; mais au surplus, l’autonomie privée des sociétés doit être préservée (c. 4.3.2). L’ampleur des coûts totaux de gestion ne dit encore rien sur le respect de l’obligation d’agir économiquement selon l’art. 45 al. 1 LDA. C’est la finalité des moyens investis qui doit être conforme aux normes légales. Si ce n'est pas le cas, la gestion ne saurait être économique au sens de l’art. 45 al. 1 LDA. En l’espèce, les versements litigieux aux anciens directeurs ne peuvent être justifiés par une clause statutaire tolérant des frais administratifs allant jusqu’à un quart des recettes perçues. En effet, il est douteux que l’IPI ait approuvé cette clause, qui ne figure pas dans le règlement de répartition. La question peut toutefois rester ouverte : lesdits versements ont été effectués dans le seul intérêt des trois anciens directeurs, ce qui n’est pas conforme au but des normes réglant la gestion collective et n’est donc pas économique (c. 4.3.3). Le fait que la recourante soit une coopérative n’y change rien : son autonomie privée n’existe que dans le cadre des dispositions légales. Même s’il était usuel, dans l’économie privée, que l’employeur prenne à sa charge les parts de cotisations sociales dues par ses cadres, cela ne serait pas compatible avec la situation particulière de la recourante et les tâches publiques qu’elle accomplit (c. 4.3.4). Le respect de la gestion saine et économique est d’autant plus important que la recourante est en position de monopole, ce qui empêche les ayants droit de mandater une autre entité (c. 4.3.5). Les anciens directeurs sont eux-mêmes responsables de la couverture de prévoyance professionnelle insuffisante qu’ils ont tolérée pendant 20 ans. Par les versements complémentaires subséquents, ils sont mieux traités que si la couverture avait été adéquate dès le départ. La recourante ne prouve pas les raisons qui auraient justifié une prise en charge par l’employeur des parts de cotisations dues par l’employé. L’IPI devait intervenir d’office vu que la gestion n’a pas été saine et économique (c. 4.3.6). Les mécanismes de contrôle interne de la recourante n’étaient pas suffisants, car le Conseil d’administration avait lui-même décidé des versements litigieux. De plus, l’Assemblée générale n’a pas été informée de manière transparente et l’organe de contrôle n’avait pas à vérifier ces versements. Enfin, le cercle des ayants droit protégés par l’art. 45 LDA est plus large que celui des seuls membres de la recourante (c. 4.3.7). Il y a en l’espèce une faute qualifiée dans l’exercice du pouvoir d’appréciation, qui devait être sanctionnée par l’IPI dans le cadre de son contrôle de la légalité des actes de gestion (c. 4.3.9). [VS]

08 février 2019

TF, 8 février 2019, 4A_433/2018 (d)

« Blocage de sites internet illicites » ; action en cessation, blocage de sites internet, fournisseur d’accès, responsabilité du fournisseur d’accès, solidarité, acte illicite, acte de participation, causalité adéquate, intérêt digne de protection, droit d’auteur, précision des conclusions, usage privé, piraterie ; art. 8 WCT, art. 42 al. 2 LTF, art. 76 al. 1 lit. b LTF, art. 106 al. 2 LTF, art. 4 CC, art. 28 CC, art. 50 CO, art. 19 al. 1 lit. a LDA, art. 24a LDA, art. 62 al. 1 LDA, art. 62 al. 3 LDA, art. 110 LDIP.

La recourante a un intérêt digne de protection à l’annulation ou à la modification de la décision. Son recours en matière civile est donc recevable, sous réserve qu’il soit suffisamment motivé (c. 1.1). Le droit d’auteur ne connait pas de disposition comme l’art. 66 lit. d LBI ou l’art. 9 al. 1 LDes qui traiterait des actes de participation. L’art. 50 CO ne règle pas seulement la responsabilité solidaire pour la réparation d’un dommage, mais il constitue la base légale de la responsabilité civile des participants. Cette disposition peut être invoquée non seulement en cas d’action réparatoire, mais aussi en cas d’action en cessation. Les normes particulières du droit de la personnalité – art. 28 al. 1 CC – ou des droits réels ne sont pas applicables en droit d’auteur. Comme l’action en dommages-intérêts, l’action en cessation suppose une violation du droit d’auteur et un rapport de causalité adéquate entre la contribution du participant attaqué et cette violation (c. 2.2.1). Les clients de l’intimée, auxquels celle-ci confère l’accès à Internet, n’accomplissent aucune violation du droit d’auteur en consommant des films : l’exception d’usage privé est applicable, même si ces films ont été mis à disposition illicitement. Il ne peut donc pas y avoir de responsabilité de l’intimée pour un acte de participation (c.2.2.2). La protection de la LDA s’étend aussi aux actes commis à l’étranger mais produisant leurs effets en Suisse (c. 2.2.3). La question est de savoir si l’intimée, qui fournit l’accès à Internet, répond selon l’art. 50 al. 1 CO pour une participation à la mise à disposition illicite des films. Le rapport de causalité adéquate doit être apprécié dans chaque cas particulier selon les règles du droit et de l’équité au sens de l’art. 4 CC. Il implique donc un jugement de valeur. Pour qu’une participation soit adéquate, il faut un rapport suffisamment étroit avec l’acte illicite (c. 2.3.1). La prestation de l’intimée se limite à fournir un accès automatisé à Internet. Elle n’offre pas à ses clients des contenus déterminés. Les copies temporaires qu’implique son activité sont licites d’après l’art. 24a LDA. La déclaration commune concernant l’art. 8 WCT exclut que la fourniture d'installations techniques constitue un acte principal de communication au public ; elle n’empêche toutefois pas une responsabilité pour participation secondaire. En l’espèce, les auteurs principaux des violations ne sont pas clients de l’intimée et n’ont aucune relation avec elle. L’acte de mise à disposition est accompli déjà lorsque les films sont placés sur Internet de sorte à pouvoir être appelés aussi depuis la Suisse. L’intimée ne contribue pas concrètement à cet acte. Admettre le contraire sur la base de l’art. 50 al. 1 CO conduirait à retenir une responsabilité de tous les fournisseurs d’accès en Suisse, pour toutes les violations du droit d’auteur commises sur le réseau mondial. Une telle responsabilité « systémique », impliquant des devoirs de contrôle et d’abstention sous la forme de mesures techniques de blocage d’accès, serait incompatible avec les principes de la responsabilité pour acte de participation. Il n’y a donc aucun rapport de causalité adéquat avec les violations, justifiant une action en cessation. Une implication des fournisseurs d’accès dans la lutte contre le piratage nécessiterait une intervention du législateur (c. 2.3.2). [VS]

29 mai 2019

TF, 29 mai 2018, 4A_12/2018 (d)

Harry Potter, préservatif, produits pornographiques, marque combinée, remise du gain, fourniture de renseignements, jugement partiel, action échelonnée, obligation de renseigner, intérêt digne de protection, fardeau de la preuve, fardeau de l’allégation, appréciation des preuves, arbitraire, maxime des débats, participation à l’administration des preuves, droit d’être entendu ; art. 9 Cst., art. 29 al. 2 Cst., art. 8 CC, art. 42 al. 2 CO, art. 55 CPC, art. 59 al. 2 lit. a CPC, art. 164 CPC ; cf. N415 (vol. 2007-2011 ; KGSZ, 17 août 2010, ZH 2008 19 ; sic ! 2/2011, p. 108-110, « Harry Potter / Harry Popper (fig.) ») ; N900 (TF, 7 novembre 2013, 4A_224/2013 ; sic ! 3/2014, p. 162-163, « Harry Potter / Harry Popper (fig.) II ») et N902 (TF, 26 janvier 2015, 4A_552/2014).

Selon l’art. 42 al. 2 CO, le dommage qui ne peut pas être exactement établi doit être déterminé par le Juge équitablement en considération du cours ordinaire des choses et des mesures prises par le lésé. Hormis dans le cas rare de la prise en compte des principes abstraits déduits de l’expérience, cette détermination équitable du dommage se base sur une appréciation de l’état de fait et relève ainsi de la détermination des faits qui n’est revue par le TF qu’en cas d’arbitraire. Il incombe au Juge dans le cadre d’un exercice correct de sa liberté d’appréciation de faire la lumière sur les critères de décision dont il envisage de tenir compte, respectivement sur ceux pour lesquels il a besoin d’informations complémentaires. La latitude donnée au Juge de considérer le dommage comme établi sur la base d’une simple estimation n’a pas pour but d’exonérer le demandeur de manière générale du fardeau de la preuve, ni non plus de lui conférer la possibilité d’élever des prétentions en dommages et intérêts de n’importe quelle hauteur sans avoir à fournir de plus amples indications. Bien au contraire, l’application de cette disposition ne le dispense pas d’alléguer, dans toute la mesure possible et exigible, toutes les circonstances qui constituent un indice de l’existence d’un dommage et en permettent la détermination. L’art. 42 al. 2 CO ne libère pas le demandeur de son obligation d’étayer sa réclamation. Les circonstances alléguées doivent être de nature à justifier suffisamment l’existence d’un dommage, ainsi qu’à en rendre l’ordre de grandeur saisissable. Cela vaut aussi en cas de réclamation de la remise du gain en ce qui concerne les circonstances que la partie chargée du fardeau de la preuve souhaite invoquer concernant la réalisation d’un gain, respectivement sa diminution. Un établissement exact des faits ne doit cependant pas être exigé dans les cas où l’art. 42 al. 2 CO s’applique, dans la mesure où l’allégement du fardeau de la preuve consacré en faveur du demandeur par cette disposition comporte aussi une limitation du fardeau de l’allégation et de l’étayement des faits (« Substanziierung ») (c. 3.1). Du moment qu’en dépit de l’obligation qui découlait pour elle du jugement partiel précédent, la recourante refusait de communiquer à l’autre partie les informations nécessaires pour établir le montant du gain que cette dernière ne pouvait pas fournir, l’instance cantonale n’a pas violé le droit fédéral en fixant le gain dans le cadre d’une application par analogie de l’art. 42 al. 2 CO et en le déterminant en fonction de l’ensemble des circonstances. Il n’est pas nécessaire pour permettre de recourir à une telle application par analogie de l’art. 42 al. 2 CO de se trouver en présence d’un refus injustifié de collaborer au sens de l’art. 164 CPC (c. 3.5). Le respect du droit d’être entendu au sens de l’art. 29 al. 2 Cst. implique que le tribunal entende, examine et prenne en compte dans son processus décisionnel les éléments avancés par celui que la décision atteint dans ses droits. Le jugement doit être motivé pour que les parties puissent se faire une idée des considérants du tribunal. La motivation doit mentionner de manière succincte les considérations qui ont guidé le tribunal et sur lesquelles il fonde son jugement. Il n’est par contre pas nécessaire que la décision passe en revue de manière détaillée et réfute chacun des arguments soulevés par les parties. Il suffit que le jugement soit motivé de telle sorte qu’il puisse, le cas échéant, être contesté de manière adéquate. Le fait qu’une autre solution ait pu entrer en ligne de compte ou même être préférable n’est pas déjà constitutif d’arbitraire. Tel n’est le cas que lorsque le jugement attaqué est manifestement insoutenable, en contradiction claire avec la situation de fait, viole crassement une norme ou un principe de droit incontesté ou contrevient d’une manière choquante aux principes de la justice (c. 4.1). [NT]

29 janvier 2019

TF, 29 janvier 2019, 4A_435/2018, 4A_441/2018 (f)  

Maxime des débats, procédure devant le TFB, activité inventive, approche « problème-solution », action en constatation de la nullité d’un brevet, action en constatation de l’illicéité de l’atteinte, action en interdiction, intérêt pour agir, intérêt digne de protection, arbitraire ; art. 9 Cst., art. 105 al. 1 LTF, art. 105 al. 2 LTF, art. 106 al. 1 LTF, art. 106 al. 2 LTF, art. 55 al. 1 CPC.

La réelle et commune intention des parties quant à la portée d’un accord de transfert d’une demande de brevet, respectivement de l’invention correspondante et des droits s’y rapportant, relève non pas du domaine du droit, mais de celui des faits. Elle ne peut être revue par le TF que si elle se révèle manifestement inexacte, c’est-à-dire arbitraire ; ce qui implique qu’il soit démontré dans le cadre du recours devant le TF que la constatation factuelle en question serait manifestement insoutenable, méconnaîtrait gravement une norme ou un principe juridique clair et reconnu ou encore heurterait de manière choquant le sentiment de la justice et de l’équité (c. 3.2). Lorsque la maxime des débats est applicable (art. 55 al. 1 CPC), il incombe aux parties et non au Juge de rassembler les faits du procès. Il importe peu de savoir laquelle des parties a allégué les faits déterminants puisqu’il suffit que ceux-ci fassent partie du cadre du procès pour que le Juge puisse en tenir compte (c. 4.3.1). Il n’est pas contesté en l’espèce que tous les éléments de faits nécessaires à l’analyse de l’activité inventive déployée par l’inventeur ont été rassemblés par les parties. Le TFB n’a pas eu à suppléer ou suggérer des faits non allégués par les parties. La juridiction précédente était ainsi en mesure de procéder à l’analyse de l’activité inventive, une question de droit, ce qu’elle a fait en se fondant sur l’approche « problème-solution » consacrée par la jurisprudence. Il est sans importance à cet égard que la présence ou l’absence de caractéristiques litigieuses dans la présentation et/ou le brevet ait été alléguée par la défenderesse ou la demanderesse. En se fondant sur les faits rassemblés par les parties afin d’examiner une question de droit, la juridiction précédente n’a pas violé la maxime des débats (c. 4.3.2). L’action en constatation de droit est subsidiaire par rapport à l’action condamnatoire ou à l’action formatrice et seule l’existence de circonstances exceptionnelles peut conduire à admettre un intérêt digne de protection à la constatation de droit bien qu’une action condamnatoire soit ouverte. Ne constitue pas de telles circonstances le fait qu’au moment de l’introduction de l’action ou de la modification de ses conclusions, aucune vente du produit litigieux n’ait été encore été réalisée. Cela ne justifie en rien un intérêt digne de protection à la constatation de la violation du brevet. Dans un tel cas, outre la possibilité d’intenter une action tendant à la divulgation d’informations, le titulaire du brevet peut, en particulier, intenter une action condamnatoire visant à interdire la commercialisation du produit litigieux (c. 6.1.2). Les deux recours sont rejetés.  [NT]

05 août 2020

TF, 5 août 2020, 4A_97/2020 (f)

Action en constatation de la nullité d’une marque, marque de base, marque internationale, enregistrement international, intérêt digne de protection, intérêt pour agir, attaque centrale, sécurité du droit, recours admis ; art. 6 al. 3 PAM, art. 52 LPM, art. 59 al. 2 lit. a CPC.

Une société fait enregistrer en novembre 2016 le signe « EF-G […] ». En se basant sur cette marque, elle obtient l’enregistrement international du signe auprès de l’OMPI. En mars 2018, les demanderesses ont ouvert une action en constatation de nullité (art. 52 LPM) contre elle, et demandé la radiation de la marque. Le Tribunal cantonal, considérant qu’elles n’ont aucun intérêt digne de protection à l’issue d’un procès en Suisse, a rejeté leur action. La question de savoir s'il convient d'examiner l'exigence d'un intérêt à l'action à la lumière de l'art. 59 al. 2 lit. a CPC (intérêt digne de protection) ou à l'aune de l'art. 52 LPM (intérêt juridique) peut rester ouverte. A cet égard, la notion d' « intérêt juridique » telle qu'elle découle de l'art. 52 LPM doit être comprise largement, et n'exclut pas la prise en compte d'un intérêt de fait. Comme l'art. 59 al. 2 lit. a CPC, l'art. 52 LPM consacre en réalité, malgré la formulation employée par le législateur, l'exigence d'un intérêt digne de protection à la constatation immédiate. Un intérêt digne de protection à l’action en nullité existe lorsqu'une incertitude plane sur les relations juridiques des parties, qu'une constatation touchant l'existence et l'objet du rapport de droit pourrait l'éliminer et que la persistance de celle-ci entrave le demandeur dans sa liberté de décision au point d'en devenir insupportable (c. 3.1). Indépendamment des éventuelles activités commerciales menées (ou qui seront menées) par les demanderesses sur le territoire suisse, celles-ci ont un intérêt (digne de protection) évident à introduire leur action en nullité. Il faut en effet tenir compte du fait que la demande en constatation de nullité des demanderesses est une « attaque centrale » en vertu du système de Madrid, qui leur permettrait, dans l’hypothèse d’une admission, de réduire à néant la protection conférée à la marque de la défenderesse dans tous les pays étrangers désignés par celle-ci dans son enregistrement international (obtenu sur la base de la marque suisse) (c. 3.2). Selon le mécanisme prévu par le système de Madrid, l’enregistrement international s’appuie toujours sur une marque déposée ou enregistrée (la marque de base) sur le plan national (c’est-à-dire dans le pays d’origine). La marque internationale est dépendante de la marque de base nationale durant cinq ans, à partir de la date de l’inscription dans le registre du Bureau international de l’OMPI (c. 4.1). En vertu de l'art. 6 al. 3 PM, si, avant l'expiration du délai de cinq ans, une action visant à la radiation ou à l'invalidation de l'enregistrement issu de la demande de base (dans le pays d'origine) aboutit, la protection résultant de l'enregistrement international ne pourra plus être invoquée et celle conférée (ou demandée) dans tous les territoires étrangers désignés par le titulaire s'éteint également automatiquement. La possibilité d’une telle action, dite « attaque centrale », est une pierre angulaire du système de Madrid (c. 4.2). La demande de constatation de nullité a été introduite alors que l’enregistrement international était encore dépendant de l’enregistrement de base (suisse). Partant, si la marque suisse est déclarée nulle, la protection internationale ne pourra plus être invoquée et elle s’éteindra dans tous les territoires nationaux désignés par la défenderesse. Il résulte des constatations cantonales que les parties sont en litige, au sujet de la marque « EF-G. _____ » dans de nombreux pays, parmi lesquels ceux qui sont désignés dans l’enregistrement international de la défenderesse. En outre, l’une des demanderesses détient, dans certains de ses pays, plusieurs enregistrements de marques qui contiennent l’acronyme « EFG.______ » (c. 4.3.1). Dans ces conditions, les demanderesses disposent d’un intérêt réel (concret) à actionner en nullité la marque (de base) suisse de la défendresse : ce n’est qu’ainsi qu’elles peuvent bénéficier des effets de l’ « attaque centrale », prévue par le système de Madrid. L’admission de cette action aura un effet direct sur les litiges opposant les parties dans les pays désignés par l’enregistrement international de la défenderesse. L'intérêt (à l'action) est d'autant plus marqué que la Suisse est membre de l'Arrangement et du Protocole de Madrid et que, en comparaison internationale, elle est à l'origine d'un grand nombre d'enregistrements internationaux. Il serait dès lors tout à fait inapproprié de soustraire ceux-ci à l'examen de l'autorité judiciaire (seule à même de trancher définitivement la question de la nullité) pour la seule raison que les parties ne sont pas en concurrence sur le territoire suisse (c. 4.3.2). A cela s'ajoute que l’ « attaque centrale » incite les déposants (qui ne souhaitent pas prendre le risque, en cas d'admission de cette « attaque », de perdre leur marque dans l'ensemble des pays désignés) à entreprendre une évaluation sérieuse de la qualité de leurs marques (s'agissant en particulier de leur force distinctive), avant tout dépôt dans le pays d'origine. Cela a pour effet de favoriser la clarté des registres et, de manière générale, la sécurité juridique, que les milieux intéressés suisses actifs dans le domaine des marques appellent de leurs vœux ; le contrôle par l'autorité judiciaire est à cet égard un corollaire utile est nécessaire (c. 4.3.3). Il en résulte que, contrairement à l'opinion de l'autorité précédente, les demanderesses ont un intérêt digne de protection à faire constater la nullité de la marque de base (suisse) (c. 4.4). Le recours est admis (c. 5). [SR]

07 septembre 2020

TF, 7 septembre 2020, 4A_297/2020 (d)

Action en interdiction, intérêt pour agir, intérêt digne de protection, risque d’atteinte, raison de commerce, raison sociale, marque verbale, marque combinée, recours admis ; art. 55 al. 1 lit. a LPM.

La recourante, FRACTAL-SWISS AG, est titulaire de la marque verbale « Fractal » et de la marque combinée «Fractal-Swiss », revendiquant toutes deux la protection pour des produits et services de la classe 9. La défenderesse a été inscrite au registre du commerce en janvier 2017 sous la raison sociale « FRACTA-SWISS (pma) Sàrl ». En mai 2018, la demanderesse a résilié l’accord de licence qui existait entre les deux parties. En mars 2019, la défenderesse a tenté d’enregistrer le signe « Fractal-Swiss » comme marque pour la protection de produits et services des classes 35 et 45. En juillet 2019, la demanderesse a notamment requis devant l’autorité précédente, sans succès, qu’il soit fait interdiction à la défenderesse d’utiliser le signe « FRACTAL » en Suisse comme raison sociale ou comme partie d’une raison sociale, et qu’il lui soit ordonné de faire radier la raison sociale « FRACTAL-SWISS (pma) Sàrl » du registre du commerce. La défenderesse n’a pas répondu à la plainte, et s’est contentée de modifier sa raison sociale en août 2019. Dans son jugement, l’autorité inférieure a, au vu du changement de nom, admis le bien fondé de la première demande et considéré que l’action pouvait être radiée du rôle sur ce point. Elle a rejeté les autres demandes. L’action en interdiction de l’art. 55 al. 1 lit. a LPM nécessite un intérêt digne de protection, qui n’existe que lorsqu’une atteinte menace, c’est-à-dire lorsque le comportement du défendeur fait sérieusement craindre un acte illicite dans le futur. Un indice de menace d’une atteinte peut résider dans le fait que des atteintes analogues ont déjà été commises dans le passé et qu’on peut en craindre la répétition. Le danger existe lorsque celui qui a lésé un droit conteste l’illicéité du comportement incriminé (c. 2.1). La menace d’une atteinte est présente en l’espèce, la demanderesse ayant demandé à plusieurs reprises à la défenderesse, sans succès, de changer sa raison sociale avant d’ouvrir action contre elle, et cette dernière ayant déposé une demande d’enregistrement pour le signe « Fractal-Swiss ». Bien que la défenderesse ait changé de raison sociale entre-temps, elle ne l’a fait qu’après l’ouverture de l’action. Selon la jurisprudence, le simple fait de faire cesser une atteinte en vue d’un procès, tout en continuant à soutenir que son attitude est acceptable, ne suffit pas à renverser cette présomption de risque d’atteinte future. La défenderesse n’a pas reconnu le droit exclusif (prétendu) de la demanderesse sur le signe « FRACTAL », et paraît maintenir son dépôt de marque. C’est donc à tort que l’instance précédente a nié le risque d’atteinte (c. 2.3). Le recours est admis (c. 4). [SR]

07 septembre 2020

TF, 7 septembre 2020, 4A_297/2020 (d)

Action en interdiction, intérêt pour agir, intérêt digne de protection, risque d’atteinte, raison de commerce, raison sociale, marque verbale, marque combinée, recours admis ; art. 55 al. 1 lit. a LPM.

La recourante, FRACTAL-SWISS AG, est titulaire de la marque verbale « Fractal » et de la marque combinée «Fractal-Swiss », revendiquant toutes deux la protection pour des produits et services de la classe 9. La défenderesse a été inscrite au registre du commerce en janvier 2017 sous la raison sociale « FRACTA-SWISS (pma) Sàrl ». En mai 2018, la demanderesse a résilié l’accord de licence qui existait entre les deux parties. En mars 2019, la défenderesse a tenté d’enregistrer le signe « Fractal-Swiss » comme marque pour la protection de produits et services des classes 35 et 45. En juillet 2019, la demanderesse a notamment requis devant l’autorité précédente, sans succès, qu’il soit fait interdiction à la défenderesse d’utiliser le signe « FRACTAL » en Suisse comme raison sociale ou comme partie d’une raison sociale, et qu’il lui soit ordonné de faire radier la raison sociale « FRACTAL-SWISS (pma) Sàrl » du registre du commerce. La défenderesse n’a pas répondu à la plainte, et s’est contentée de modifier sa raison sociale en août 2019. Dans son jugement, l’autorité inférieure a, au vu du changement de nom, admis le bien fondé de la première demande et considéré que l’action pouvait être radiée du rôle sur ce point. Elle a rejeté les autres demandes. L’action en interdiction de l’art. 55 al. 1 lit. a LPM nécessite un intérêt digne de protection, qui n’existe que lorsqu’une atteinte menace, c’est-à-dire lorsque le comportement du défendeur fait sérieusement craindre un acte illicite dans le futur. Un indice de menace d’une atteinte peut résider dans le fait que des atteintes analogues ont déjà été commises dans le passé et qu’on peut en craindre la répétition. Le danger existe lorsque celui qui a lésé un droit conteste l’illicéité du comportement incriminé (c. 2.1). La menace d’une atteinte est présente en l’espèce, la demanderesse ayant demandé à plusieurs reprises à la défenderesse, sans succès, de changer sa raison sociale avant d’ouvrir action contre elle, et cette dernière ayant déposé une demande d’enregistrement pour le signe « Fractal-Swiss ». Bien que la défenderesse ait changé de raison sociale entre-temps, elle ne l’a fait qu’après l’ouverture de l’action. Selon la jurisprudence, le simple fait de faire cesser une atteinte en vue d’un procès, tout en continuant à soutenir que son attitude est acceptable, ne suffit pas à renverser cette présomption de risque d’atteinte future. La défenderesse n’a pas reconnu le droit exclusif (prétendu) de la demanderesse sur le signe « FRACTAL », et paraît maintenir son dépôt de marque. C’est donc à tort que l’instance précédente a nié le risque d’atteinte (c. 2.3). Le recours est admis (c. 4). [SR]