Mot-clé

  • Quote-part
  • du produit de la redevance

« Tarif commun S » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun S, négociation des tarifs, redevance de réception radio, redevance de réception TV, quote-part du produit de la redevance, recettes brutes, déduction des frais d’acquisition de la publicité, égalité de traitement, augmentation de redevance, équité du tarif, devoir d’informer les sociétés de gestion, rabais tarifaire, témoin, audition ; art. 8 al. 2 Cst., art. 14 PA, art. 45 al. 2 LDA, art. 46 al. 2 LDA, art. 51 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA, art. 9 al. 3 ODAu; cf. N 788 (CAF, 4 novembre 2013) et N 789 (TF, 27 février 2014, 2C_783/2013 ; ATF 140 II 305 ; sic! 6/2014, p. 362-364, « Gemeinsamer Tarif Sender (GT S) » ; medialex 2/2014, p. 111, « Tarif commun S »).

Les parties à une procédure tarifaire ne sont pas obligées de négocier sans fin lorsque les positions sont arrêtées. Si un accord n’est pas possible en raison de divergences sur des questions de principe, le tarif peut être soumis à la CAF (c. 2). Dans sa décision du 4 novembre 2010 sur le tarif commun S, la CAF a déjà admis que les quotes-parts du produit de la redevance selon la LRTV faisaient partie des bases de calcul tarifaires, même si elles sont affectées à un but déterminé (c. 3.2.b). D’après l’art. 60 al. 1 lit. a LDA, l’indemnité doit être calculée en fonction des recettes provenant de l’utilisation, par quoi il faut entendre les recettes brutes. Le principe dit des recettes brutes a été confirmé aussi bien par le TF que par la CAF. Dans sa décision du 4 novembre 2013 (cf. N 788), la CAF a admis que ce principe impliquait que les revenus de sponsoring et de publicité soient pris en compte sans déduction pour les frais de leur acquisition. Le fait qu’une telle déduction ait été tolérée dans le passé d’un commun accord n’y change rien: les diffuseurs n’ont pas de droit à celle-ci. De même, le fait que d’autres tarifs prévoient cette déduction, d’entente avec les utilisateurs concernés et comme résultat des négociations, n’est pas contraire à l’égalité de traitement. Dans son arrêt du 27 février 2014 (cf. N 789,(c. 7.1)), le TF n’a pas exclu que la déduction des frais d’acquisition de la publicité soit renégociée dans le cadre d’un nouveau tarif commun S. Il n’y a pas non plus d’inégalités de traitement entre diffuseurs soumis à ce tarif: la solution tarifaire retenue est la même pour les diffuseurs qui acquièrent eux-mêmes la publicité que pour ceux qui recourent à une société-tierce. Au contraire, la réglementation actuelle a révélé un certain potentiel d’abus, ce qui est justement problématique pour l’égalité de traitement. Un changement en faveur du principe des recettes brutes n’a pas besoin d’être neutre financièrement, mais il ne doit pas entraîner des augmentations de redevances abruptes. La CAF a déjà accepté des augmentations importantes si elles sont échelonnées dans le temps. Il peut être renoncé à cet échelonnement si les redevances antérieures étaient manifestement insuffisantes, si l’augmentation résulte d’un changement de système objectivement justifié ou si elle est la conséquence d’une redevance plus juste. Ces conditions ne sont pas réalisées en l’espèce. Il n’est certes pas facile de prévoir les effets financiers du nouveau tarif. Mais les augmentations devraient globalement se situer entre 20% et 40% et il devrait y avoir de grandes différences d’un diffuseur à l’autre. L’échelonnement proposé par les sociétés de gestion dans leurs conclusions principales n’est pas équitable. En revanche, il l’est selon leurs conclusions subsidiaires. Une abolition complète de la déduction forfaitaire dans un futur tarif, pour se conformer entièrement au principe des recettes brutes, est fondamentalement possible, mais il faudra alors vérifier si les taux de redevance restent équitables (c. 3.3.c). Une obligation pour les diffuseurs d’annoncer les codes ISRC et ISAN est conforme à l’art. 51 LDA si ces codes sont fournis par les producteurs au moment de la livraison des enregistrements et s’ils peuvent être lus par les systèmes des diffuseurs. Un traitement manuel des codes ou une adaptation coûteuse des systèmes des diffuseurs dépasseraient la limite du raisonnable prévue par l’art. 51 LDA (c. 3.4.c). Par sa décision du 4 novembre 2010, la CAF a déjà estimé inutile de préciser que seuls les spots publicitaires avec de la musique protégée devaient être déclarés. Au surplus, pour ne pas accroître le travail administratif des diffuseurs, il n’y a pas lieu de leur imposer une obligation de vérifier si un morceau de musique est protégé ou non (c. 3.5.c). Un tarif doit être équitable indépendamment des rabais qu’il prévoit. Ceux-ci doivent être octroyés en échange de prestations concrètes de la part des utilisateurs. Tel n’est pas le cas lorsqu’un rabais est prévu en contrepartie de la signature d’un contrat dont le contenu n’est pas précisé. Pour cette raison, la CAF décide de faire dépendre le rabais du respect par les diffuseurs de la procédure de déclaration, et de l’adaptation de leurs systèmes informatiques à celle-ci (c. 4.4). La CAF peut s’abstenir d’examiner en détail, sous l’angle des art. 59 ss LDA, les clauses tarifaires non contestées s’il n’y a pas d’indices qu’elles pourraient être inéquitables (c. 5). D’après l’art. 14 PA, une audition de témoins n’est possible que si les faits ne peuvent pas être suffisamment élucidés d’une autre façon. Au surplus, ladite disposition ne mentionne pas la CAF parmi les autorités qui peuvent entendre des témoins, et ni la LDA ni l’ODAu ne lui donnent cette compétence. Il faut donc, en l’espèce, renoncer à entendre des témoins (c. 6). [VS]

04 juin 2019

Cour suprême du canton de Berne, Tribunal de commerce, 4 juin 2019, HG 18 92 (d)

« Quote-part du produit de la redevance » ; instance cantonale unique, tarifs des sociétés de gestion, équité du tarif, tarif contraignant pour les tribunaux, quote-part du produit de la redevance ; art. 59 al. 3 LDA, art. 60 LDA, art. 5 al. 1 lit. a CPC, art. 59 CPC, art. 40 LRTV.

Les litiges contractuels qui portent sur l’inexécution ou la mauvaise exécution d’un contrat licence relatif à un bien immatériel relèvent de la compétence de l’instance cantonale unique au sens de l’art. 5 al. 1 lit. a CPC (c. 16.2). L’allégation qu’un tarif viole une norme légale impérative supérieure relève du fond et ne concerne pas une condition de recevabilité de l’action au sens de l’art. 59 CPC (c. 17). D’après l’art. 59 al. 3 LDA, le juge civil ne peut pas vérifier une nouvelle fois l’équité d’un tarif, mais il doit contrôler qu’un tel tarif ne prévoit aucun droit à rémunération contraire à la loi dans le cas particulier (c. 23.1 et 23.2). En l’espèce, il convient de vérifier si le tarif commun S est compatible avec la LDA, la LRTV et la LSu (c. 24). En ce qui concerne la LDA, le TF et la doctrine admettent que les subventions servant à couvrir les coûts ou un déficit sont des recettes au sens de l’art. 60 al. 1 lit. a LDA (c. 25.1 et 25.2). Selon le TF, il en va de même de la quote-part du produit de la redevance selon l’aLRTV et des autres aides financières de la Confédération dont bénéficient les diffuseurs privés (c. 25.3). Par un arrêt plus récent, le TF a aussi confirmé que les économies permises par le sponsoring privé et les subventions publiques étaient des recettes au sens de l’art. 60 al. 1 lit. a LDA, cela même lorsque l’événement est déficitaire (c. 25.4). Le tarif commun S est donc conforme à la LDA (c. 25.5). Selon l’art. 40 al. 3 LRTV, la LSu est applicable par analogie à la quote-part du produit de la redevance. En d’autres termes, celle-ci est considérée comme une subvention (c. 26.1). La LRTV ou la LSu n’interdisent ni à un diffuseur de radio d’utiliser les subventions pour payer les indemnités tarifaires selon la LDA, ni aux sociétés de gestion de prendre en compte les recettes provenant de la quote-part dans les bases de calcul de ces indemnités (c. 26.3 et 26.4). La LRTV ne règle que les relations entre l’Etat et les bénéficiaires des subventions, elle ne s’adresse pas aux sociétés de gestion. Au surplus, elle n’exige pas que les revenus de la quote-part soient utilisés seulement pour la réalisation des émissions prévues par le mandat de prestation (c. 26.5). Ils peuvent être employés pour tout le programme, y compris pour acquérir et diffuser de la musique protégées par la LDA, cela même dans des émissions non prévues par le mandat de prestation (c. 26.7). Le tarif commun S n’est donc pas non plus contraire à la LRTV, à la LSu ou à la concession de la défenderesse (c. 26.8). La motion Candinas 163849 avait pour but que les diffuseurs des régions périphériques et de montagne ne doivent plus payer d’indemnité de droit d’auteur sur les subventions qu’ils reçoivent, mais elle a été rejetée par le Parlement. Il n’y a aucune raison de changer la pratique actuelle : au contraire, le rejet de la motion Candinas montre que le législateur souhaite toujours considérer les revenus de la redevance de réception comme des recettes au sens de l’art. 60 al. 1 lit. a LDA (c. 27.2.1). Le Conseil fédéral, qui peut régler le montant de la quote-part par voie d’ordonnance, avait lui aussi recommandé le rejet de la motion Candinas pour ce qui concerne cette quote-part (c. 27.2.2). Il a motivé son point de vue en répondant à une question de la Conseillère nationale Viola Amherd du 17 février 2016 : selon lui, la quote-part est versée pour le financement de tout le programme, pas seulement pour la réalisation du mandat de prestation (c. 27.2.3). Enfin, la CAF considère que les revenus de la quote-part font partie des recettes brutes selon l’art. 60 al. 1 lit. a LDA (c. 27.3) et il n’y a aucune raison de penser que la révision du droit d’auteur changera la situation (c. 27.4). Il convient donc en l’espèce de s’en tenir à la jurisprudence actuelle (c. 27.5). [VS]