Mot-clé

  • Action, voir ég. cumul d’actions
  • en cession
  • d'une demande de brevet

08 septembre 2014

TF, 8 septembre 2014, 4A_256/2014 (d)

ATF 140 III 473 ; sic! 1/2015, p. 57-59, « Recht von Hongkong » ; JdT 2015 II 202 ; for, capsule de café, droit applicable, action en cession d’une demande de brevet, internationalité, droit international privé, clause d’exception, contrat en matière de propriété intellectuelle, objet du contrat, contenu du droit applicable, preuve du contenu du droit étranger, Suisse, Hong Kong ; art. 106 al. 1 LTF, art. 1 al. 1 lit. b LDIP, art. 15 al. 1 LDIP, art. 16 al. 1 LDIP, art. 21 al. 4 LDIP, art. 110 al. 1 LDIP, art. 117 al. 1 LDIP, art. 122 al. 1 LDIP.

Le TF applique le droit d’office (art. 106 al. 1 LTF). Il n’est ainsi lié ni par les arguments invoqués dans le recours, ni par les considérants de l’autorité précédente. Il peut admettre un recours pour d’autres motifs que ceux invoqués dans le cadre du recours et il peut rejeter un recours en se basant sur une argumentation différente de celle de l’autorité précédente (c. 1.2). Les art. 116 ss LDIP règlent les questions de droit applicable aux contrats de façon générale. L’art. 122 LDIP constitue une disposition particulière pour les contrats en matière de propriété intellectuelle. Il en découle que les contrats portant sur la propriété intellectuelle sont soumis au droit de l’État dans lequel celui qui transfère ou concède le droit de propriété intellectuelle a sa résidence habituelle (art. 122 al. 1 LDIP). Pour les personnes morales, c’est le lieu d’établissement qui est déterminant, lequel se trouve sur le territoire de l’État dans lequel le siège de la personne morale est situé (art. 21 al. 4 LDIP). L’art. 122 al. 1 LDIP concerne aussi les contrats qui portent sur des demandes de brevet. Alors que l’art. 110 al. 1 LDIP règle le statut des droits de la propriété intellectuelle, l’art. 122 al. 1 LDIP a lui trait aux contrats et en particulier à tout ce qui concerne leur conclusion, leur contenu et leur validité. Il est possible de déroger au rattachement ordinaire de l’art. 122 al. 1 LDIP, selon l’art. 15 al. 1 LDIP, si la cause se trouve dans une relation beaucoup plus étroite avec un autre droit. Une modification du critère de rattachement doit, pour certains, aussi intervenir selon l’art. 117 al. 1 LDIP, lorsqu’il existe un lien clair avec le droit d’un autre État que celui résultant de l’art. 122 al. 1 LDIP (c. 2.3). Lorsqu’un contrat est destiné à transférer des demandes de brevet à l’une des parties, il porte sur des droits de propriété intellectuelle au sens de l’art. 122 al. 1 LDIP. S’il existe un différend entre les parties quant au fait même qu’un contrat soit intervenu entre elles et quant à son objet, c’est du statut du contrat qu’il est débattu au sens de l’art. 122 al. 1 LDIP et pas de celui des droits de propriété intellectuelle selon l’art. 110 al. 1 LDIP. Le droit applicable est ainsi celui de l’État dans lequel la partie qui aurait éventuellement transféré les droits de propriété intellectuelle concernés a son siège. Il s’agit en l’espèce de la défenderesse au recours qui tant au moment de la conclusion éventuelle du contrat que par la suite a toujours eu son siège à Hong Kong. Le fait que les demandes de brevet concernées désignent plus souvent la Suisse que Hong Kong ou la Chine comme pays pour lesquels la protection est requise ne suffit pas à créer un lien clair avec le droit de notre pays qui justifierait une dérogation au critère de rattachement de l’art. 122 al. 1 LDIP en vertu soit de l’art. 15 al. 1 LDIP, soit de l’art. 117 al. 1 LDIP. Le droit applicable est donc celui de Hong Kong dont le contenu devra, selon l’art. 16 al. 1 LDIP, être établi d’office par l’autorité précédente à laquelle la cause est renvoyée, mais dont la preuve peut, en matière patrimoniale comme en l’espèce, être mise à la charge des parties (c. 2.4). [NT]

28 octobre 2014

TFB, 28 octobre 2014, S2014_008 (d)

sic! 6/2015, p. 398-399, « Kombinationstherapie », mesures provisionnelles, mesures superprovisionnelles, for, droit international privé, action en cession d’une demande de brevet, action d’état, compétence matérielle, tribunal fédéral des brevets, droit applicable, préjudice difficilement réparable, transfert d’une demande de brevet, vraisemblance, entrave à l’exécution, restriction au droit de disposer ; art. 26 LTFB, art. 29 LBI, art. 105 al. 1 lit. d OBI, art. 236 al. 3 CPC, art. 261 al. 1 CPC, art. 262 lit. a CPC, art. 262 lit. c CPC, art. 265 al. 1 CPC, art. 343 al. 1 lit. b CPC, art. 1 LDIP, art. 10 LDIP, art. 109 al. 1 LDIP, art. 110 al. 1 LDIP ; cf. N 935 (TFB, 4 février 2015, S2014_008).

Les deux parties ayant leur siège aux États-Unis, les tribunaux suisses compétents pour prononcer des mesures provisoires sont les tribunaux ou les autorités suisses compétents au fond ou ceux du lieu d’exécution de la mesure au sens de l’art. 10 LDIP (c. 2.1). L’action au fond est une demande en cession selon l’art. 29 LBI de deux demandes de brevet suisses. Elle a été introduite devant le TFB le 25 septembre 2014. Les mesures provisoires requises visent à faire interdire tout acte de disposition éventuel des demandes de brevet en question et à faire porter la mention de la restriction du droit de disposer au registre des brevets. L’action en cession de l’art. 29 LBI est, aux côtés des actions portant sur la validité et l’inscription de droits de propriété intellectuelle, une action d’état au sens de l’art. 109 al. 1 LDIP qui se rapporte à l’existence du droit de propriété intellectuelle ou à son titulaire. En outre, la mesure doit être exécutée en Suisse puisque les autorités suisses qui tiennent le registre, soit l’IPI, sont requises d’y porter l’annotation d’une restriction du droit de disposer des demandes de brevet. La compétence du TFB à raison du lieu et à raison de la matière découle à la fois des art. 1, 10 et 109 al. 1 LDIP, ainsi que de l’art. 26 LTFB (c. 2.2). Le droit suisse est applicable selon l’art. 110 al. 1 LDIP (c. 2.3). Le TFB suit l’argumentaire de la demanderesse selon lequel un dommage difficilement réparable résulterait du fait que la défenderesse, en transférant les deux demandes de brevet à un tiers, rendrait plus difficile, si ce n’est absolument impossible, la mise en œuvre de l’action en cession. En cédant les demandes de brevet à un tiers, la défenderesse perdrait sa légitimité passive et l’introduction d’une nouvelle action en cession contre l’acquéreur des demandes de brevet s’imposerait, ce qui retarderait de manière importante la procédure et entraînerait une augmentation des coûts. Le TFB retient que l’octroi des mesures requises qu’il soit fait interdiction à la défenderesse de céder le droit à la délivrance des deux demandes de brevet litigieuses ou de leur apporter des modifications, est de nature à supprimer le risque d’entrave à l’exécution, en particulier en lien avec l’ordre supplémentaire donné à l’autorité qui tient le registre d’y porter cette restriction du droit de disposer. Le risque d’entrave à l’exécution ne peut être supprimé que par l’octroi de mesures provisionnelles immédiates sans audition préalable de la défenderesse, au sens de l’art. 265 al. 1 CPC. Pour le TFB, les mesures superprovisionnelles requises sont proportionnées et ne sont pas de nature à porter préjudice à la défenderesse si cette dernière ne peut pas momentanément transférer ou modifier les demandes de brevet déposées. La requête de mesures superprovisionnelles est ainsi admise et il est donné l’ordre à l’IPI, en vertu des art. 262 lit. c CPC et 105 al. 1 lit. d OBI de porter au registre les restrictions correspondantes au droit de disposer des demandes de brevet concernées (c. 4.2). Le TFB assortit, au titre de mesure d’exécution, l’interdiction de disposer des demandes de brevet, respectivement de les modifier, de la menace d’une amende d’ordre de CHF 5 000.- au sens de l’art. 236 al. 3 CPC en lien avec l’art. 343 al. 1 lit. b CPC. [NT]

04 février 2015

TFB, 4 février 2015, S2014_008 (d)

Mesures provisionnelles, for, droit international privé, action en cession d’une demande de brevet, action d’état, compétence matérielle, tribunal fédéral des brevets, droit applicable, droit de réplique inconditionnel, formalisme excessif préjudice difficilement réparable, transfert d’une demande de brevet, vraisemblance, restriction au droit de disposer ; art. 26 LTFB, art. 29 LBI, art. 105 al. 1 lit. d OBI, art. 236 al. 3 CPC, art. 261 al. 1 CPC, art. 262 lit. a CPC, art. 262 lit. c CPC, art. 265 al. 1 CPC, art. 343 al. 1 lit. b CPC, art. 1 LDIP, art. 10 LDIP, art. 109 al. 1 LDIP, art. 110 al. 1 LDIP ; cf. N 934 (TFB, 28 octobre 2014, S2014_008 ; sic! 6/2015, p. 398-399, « Kombinationstherapie »).

L’arrêt du TFB du 4 février 2015 rendu dans la même cause que celui du TFB du 28 octobre 2014 porte sur des mesures provisoires, alors que le précédent visait à l’obtention de mesures superprovisionnelles. Il est renvoyé au résumé de l’arrêt du 28 octobre 2014 (cf. N 934 c. 2.1-c. 2.3) pour les considérants se rapportant au for, au droit applicable, ainsi qu’à la compétence matérielle du TFB qui sont identiques. Le TFB admet que lorsque les allégués d’une requête de mesures provisoires seraient identiques à ceux de l’action au fond dont les mesures provisoires visent à garantir l’exécution et qui a été déposée simultanément, il serait contraire au principe de l’interdiction du formalisme excessif d’exiger que ces allégués soient reproduits dans la demande de mesures provisoires et de refuser un renvoi à ceux de la demande principale (c. 11). Le droit de réplique inconditionnel vaut aussi dans les procédures de mesures provisionnelles. Il n’est toutefois tenu compte dans ce cadre que des prises de position de la demanderesse suscitées par les allégations de la défenderesse. Les explications de la défenderesse qui iraient au-delà ne sont pas prises en considération (c. 11). [NT]

31 janvier 2017

TFB, 31 janvier 2017, S2017_003 (f) (mes. prov.)

Montre, bracelet de montre, fermoir, action en cession d’une demande de brevet, fardeau de l’allégation, fardeau de la preuve, droit à la délivrance du brevet, mesures superprovisionnelles, vraisemblance, dommage difficilement réparable, restriction au droit de disposer ; art. 23 al. 1 lit. b LTFB, art. 23 al. 3 LTFB, art. 332 CO, art. 3 LBI, art. 29 al. 1 LBI, art. 60 al. 2 LBI, art. 77 al. 1 lit. a LBI, art. 105 al. 1 lit. d OBI, art. 261 al. 1 lit. c CPC, art. 261 al. 1 lit. b CPC, art. 262 lit. c CPC.

S’agissant de la prétention en cession d’une demande de brevet au sens de l’art. 29 al. 1 LBI, le demandeur, prétendu ayant droit, doit alléguer et, en cas de contestation, prouver : 1. Qui est l’inventeur de quel enseignement technique, 2. L’acquisition du droit à la délivrance du brevet pour cet enseignement technique par le prétendu ayant droit, 3. La communication au défendeur, soit le demandeur inscrit à l’Office de la demande de brevet litigieuse, de l’enseignement technique de cet inventeur et 4. L’incorporation de l’enseignement technique dans la demande de brevet litigieuse du défendeur. Les allégations générales ne suffisent pas : il convient de présenter l’enseignement technique concret. Lorsqu’il s’agit de co-inventeurs, il convient d’identifier la contribution concrète à l’invention du ou des co-inventeurs considérés. A cette fin, un renvoi général au contenu de la demande de brevet litigieuse ne suffit pas. En effet, c’est précisément la tâche du Tribunal de déterminer d’une part la mesure dans laquelle l’enseignement technique de l’ayant droit et l’enseignement technique de la demande litigieuse correspondent. Lorsque la question est soulevée dans le cadre d’une requête de mesures provisionnelles, la vraisemblance de l’existence des faits correspondant suffit (c. 5). Dans le cas d’espèce, le TFB considère que les éléments essentiels tendant à démontrer que la demande de brevet a été déposée sans droit par la défenderesse ont été invoqués de façon vraisemblable notamment parce qu’il a été exposé (1) quel inventeur a inventé quel enseignement technique, (2) comment le droit au brevet a été acquis par la demanderesse, (3) comment cet enseignement technique a été communiqué sous le sceau de la confidentialité à la défenderesse 1 et (4) comment cet enseignement technique a été décrit et revendiqué dans la demande de brevet litigieuse (c. 8). L’aliénation « en l’occurrence en chaîne entre plusieurs défenderesses » d’une demande de brevet potentiellement usurpée est de nature à causer un dommage difficilement réparable à celui qui rend vraisemblable qu’il est le véritable titulaire du droit à la délivrance du brevet (c. 9). La requête de mesures superprovisionnelles est admise. [NT]

CO (RS 220)

- Art. 332

CPC (RS 272)

- Art. 262

-- lit. c

- Art. 261

-- al. 1 lit. c

-- al. 1 lit. b

LBI (RS 232.14)

- Art. 60

- Art. 29

-- al. 1

- Art. 3

- Art. 77

-- al. 1 lit. a

LTFB (RS 173.41)

- Art. 23

-- al. 3

-- al. 1 lit. b

OBI (RS 232.141)

- Art. 105

-- al. 1 lit. d

24 août 2018

TFB, 24 août 2018, S2018_003 (f)

Action en cession d’une demande de brevet, mesures provisionnelles avant litispendance, mesures super-provisionnelles, vraisemblance, droit à la délivrance du brevet, invention de service, machine à café ; art. 3 al. 1 LBI, art. 29 al. 1 LBI, art. 332 al. 1 CO.

S’agissant de la prétention en cession d’une demande de brevet au sens de l’art. 29 al. 1 LBI, le demandeur, prétendu ayant droit, doit alléguer et, en cas de contestation, prouver : 1. Qui est l’inventeur de quel enseignement technique, 2. De quelle manière le droit à la délivrance du brevet pour cet enseignement technique a été transféré par l’inventeur au prétendu ayant droit, 3. Comment et quand l’enseignement technique en question a été porté à la connaissance de la déposante inscrite auprès de l’autorité d’enregistrement et 4. En quoi l’enseignement technique coïncide avec la demande de brevet litigieuse. Des allégations générales ne suffisent pas : il convient de décrire l’enseignement technique concret. Il appartient précisément au tribunal de déterminer la mesure dans laquelle l’enseignement technique de l’ayant droit et l’enseignement technique de la demande litigieuse correspondent (c. 8). Aux termes de l’art. 3 al. 1 LBI, le droit à la délivrance du brevet appartient à l’inventeur, à son ayant cause ou au tiers à qui l’invention appartient à un autre titre. L’inventeur est la personne physique à l’origine de la création technique constitutive d’une invention. Selon l’art. 332 al. 1 CO, les inventions que le travailleur a fait dans l’exercice de son activité au service de l’employeur et conformément à ses obligations contractuelles appartiennent à l’employeur, qu’elles puissent être protégées ou non. La titularité des droits sur de telles inventions, dites de service, dépend donc de la réalisation de deux conditions : 1. L’invention a été faite « dans l’exercice de son activité au service de l’employeur » et 2. L’invention (ou la participation à sa réalisation) a été faite par l’employé « conformément à ses obligations contractuelles ». Selon la jurisprudence, est décisive la question de savoir si le travailleur a l’obligation de mettre ses capacités inventives au service de son employeur (c. 9). Lorsque des employés sont engagés en tant qu’ingénieurs de développement, ils sont chargés de développer des innovations techniques. Que ces inventions aient été faites pendant les heures de travail à leur bureau ou après les heures de travail à leur domicile n’a pas d’importance tant que la réalisation des inventions faisait partie de leurs obligations contractuelles. Le développement litigieux a donc été réalisé dans l’exercice des activités des travailleurs au service de leur employeur (c. 42). Lorsque des employés sont chargés de mettre au point un système de production rapide de vapeur, le développement d’un dispositif de production d’eau chaude fait partie de leurs obligations contractuelles. En effet, tout système capable de produire de la vapeur produit nécessairement de l’eau chaude et les différences techniques entre un dispositif de production d’eau chaude et un dispositif de production de vapeur sont minimes. Le développement a donc in casu également été effectué conformément aux obligations contractuelles des deux employés. En vertu de l’art. 332 al. 1 CO, la demanderesse est ainsi l’ayant droit de l’invention ou des inventions revendiquées dans les revendications des demandes de brevet litigieuses et a par conséquent droit à ce que celles-ci lui soient partiellement transférées selon l’art. 29 al. 1 LBI (c. 44). [NT]