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  • Interprétation
  • d’un brevet

02 juin 2014

TF, 2 juin 2014, 4A_541/2013 (d)

sic! 9/2014, « SelbstklebendeBänder » p. 555- 559 ; action en annulation partielle, modification des revendications encours de procédure, disclaimer, modifications des conclusions, fait nouveau, droit d’être entendu, motivation des décisions, interprétation d’un brevet, non-évidence ; art. 99 al. 1 LTF, art. 51 al. 2 LBI, art. 51 al. 3 LBI, art. 69 ch. 1 1ère et 2eme phrases CBE 2000. cf. N XXX (vol. XXX ;  TFB, 17 septembre 2013, O2012_030 ; arrêt du TFB dans cette affaire).

Des faits nouveaux (en l’espèce des limitations aux revendications) ou des preuves nouvelles ne peuvent être présentés par-devant le tribunal fédéral, à moins de résulter de la décision de l’autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF). Des faits qui relèvent de la thématique portée devant l’autorité précédente, mais qui se sont déroulés après que cette dernière ait rendu sa décision (en l’espèce : des décisions relatives aux limitations des revendications) ne peuvent a priori pas être allégués dans la procédure de recours (c. 2.4). Le droit d’être entendu et le devoir de l’autorité de motiver sa décision n’impliquent pas que cette dernière se prononce sur tous les éléments amenés par les parties. Il suffit que la décision puisse, le cas échéant, correctement être attaquée (c. 3.3.2). La partie qui allègue la violation du droit d’être entendu ou le manque de motivation d’une décision doit montrer en quoi ce manquement l’aurait empêchée d’attaquer la décision (c. 3.3.2). Les revendications déterminent l’étendue de la protection conférée par le brevet (art. 51 al. 2 LBI et art. 69 al. 1 1iere phrase CBE 2000). Le texte des revendications constitue le point de départ de toute interprétation. La description et les dessins peuvent servir à leur interprétation (art. 51 al. 3 LBI et 69 al. 1 2e phrase CBE 2000). Les indications techniques contenues dans les revendications doivent être interprétées dans le sens dans lequel l’homme de métier les comprend (c. 4.2.1). Le brevet doit par ailleurs être interprété pour lui-même. On ne peut sans autre se reposer sur la terminologie utilisée dans un autre brevet (c. 4.2.2). Pour évaluer l’activité inventive, il y a lieu d’examiner si, en se fondant sur l’ensemble des solutions partielles et des contributions individuelles qui constituent l’état de la technique, l’homme de métier arrive avec un effort minimal à la solution proposée dans le brevet ou si un effort créatif supplémentaire est nécessaire. Cet examen doit se faire en partant de façon objective de la situation telle qu’elle existait au moment déterminant (c. 5.2.1). L’approche problème-solution n’est pas la seule possible (c. 5.2.2). [DK]

07 avril 2017

TF, 7 avril 2017, 4A_520/2016 (f)

Nespresso, Ethical Coffee Compagnie, machine à café, café, action en cessation, brevet défensif, recours en matière civile, conclusion nouvelle, modification des conclusions, étendue de la protection, champ de protection, interprétation de la revendication, interprétation d’un brevet, principe de la confiance, expert ; art. 99 al. 2 LTF, art. 8 al. 1 LBI, art. 51 al. 1 LBI, art. 51 al. 2 LBI, art. 51 al. 3 LBI, art. 66 lit. c LBI, art. 72 LBI, art. 73 LBI.

A teneur de l’art. 99 al. 2 LTF, toute conclusion nouvelle est irrecevable. Le justiciable ne peut pas modifier l’objet du litige devant le TF en demandant davantage ou autre chose que ce qu’il avait requis devant l’autorité précédente. Tel n’est pas le cas lorsque la modification apportée aux conclusions dans le cadre du recours ne fait qu’exprimer la manière dont doivent être interprétées les conclusions de la demande et la revendication principale du brevet. La recevabilité des conclusions est ainsi liée à l’objet même du litige, de sorte qu’il convient d’entrer en matière et de procéder à l’examen au fond (c. 1.2). Le brevet confère à son titulaire le droit d’interdire à des tiers d’utiliser l’invention à titre professionnel (art. 8 al. 1 LBI). Le titulaire peut notamment demander la cessation d’une utilisation illicite de l’invention et la réparation du dommage causé par un tel acte (art. 66 lit. a, art. 72 et 73 LBI). L’invention est définie par les revendications du brevet qui déterminent l’étendue de la protection conférée par le brevet (art. 51 al. 1 et al. 2 LBI), et partant les droits du titulaire du brevet au sens de l’art. 8 LBI. La description et les dessins servent à interpréter les revendications (art. 51 al. 3 LBI). Les revendications doivent être interprétées selon le principe de la confiance. La lettre même des revendications constitue le point de départ de l’interprétation. Les directives techniques qu’elles contiennent doivent être interprétées telles que l’homme du métier les comprend. Si le sens d’une expression ne peut être établi avec une certitude suffisante en consultant la littérature spécialisée, le tribunal doit s’adjoindre les services d’un expert dans la mesure où il est lui-même dépourvu de connaissances spéciales. La description et les dessins servent à l’interprétation, mais ils ne sauraient conduire à compléter les revendications. Le titulaire du brevet doit donc décrire précisément l’objet de l’invention dans les revendications ; il supporte le risque d’une définition inexacte, incomplète ou contradictoire (c. 3.2). Les conclusions ne sauraient aller au-delà de la protection conférée par le brevet, qui découle elle-même des revendications. Dans le cas d’espèce, le litige porte sur le point de savoir si le dispositif décrit dans la revendication a pour effet d’entraîner la rétention de toute capsule introduite dans la cage à capsule, pour autant que la capsule soit en matériau déformable au contact de l’eau chaude. Le problème d’interprétation ne porte pas directement sur une question technique, comme le montre l’argumentation de la recourante qui se concentre sur le sens de l’expression générique « toute capsule ». L’interprétation littérale qui se dégage objectivement de la revendication concernée du brevet est que l’expression « toute capsule » désigne n’importe quelle capsule « constituée d’un matériau déformable au contact de l’eau chaude », étant entendu que ladite capsule doit avoir une taille lui permettant d’être « disposée dans la cage » à capsule de la machine à café. L’agencement de la cage à capsule (en l’occurrence, « relief de type harpon ») est tel qu’il entraîne une déformation au moins partielle de n’importe quelle capsule de ce genre, une fois mise au contact de l’eau chaude ; cette déformation conduit elle-même à ce que la capsule soit retenue dans la cage. L’expression « soit retenue » implique un résultat, et non une possible survenance du phénomène décrit. En bonne logique, l’agencement de la cage doit entraîner une déformation certaine et non une éventuelle déformation (c. 3.4). Le recours est rejeté. [NT]

27 octobre 2021

TF, 27 octobre 2021, 4A_265/2021 (d)

sic! 4/2022, p. 163-166, « Flüssigkeitsstrahl » ; concurrence déloyale, mise en demeure, dénigrement, brevet, juge de formation technique, étendue de la protection, revendication, interprétation de la revendication, interprétation d’un brevet, homme de métier, état de la technique liquide, connaissances techniques, doctrine des équivalents, imitation, droit d’être entendu, arbitraire, courrier, courrier électronique, recours rejeté ; art. 9 Cst., art. 29 Cst., art. 69 al. 1 CBE 2000, art. 51 al. 2 LBI, art. 51 al. 3 LBI, art. 66 lit. a LBI, art. 3 al. 1 lit. a LCD, art. 9 al. 2 LCD.

La demanderesse, titulaire d’un brevet concernant un procédé de production d’un jet de liquide en vue de l’usinage d’une pièce, reproche à l’intimée une violation de son brevet. En février 2018, elle a adressé deux courriers de mise en demeure à des partenaires commerciaux de la défenderesse, les menaçant de poursuites civiles et pénales pour leur participation, en se fondant uniquement sur une demande de brevet de la défenderesse, sans savoir quels produits cette dernière produisait et vendait en réalité. En mai 2020, durant la procédure en contrefaçon de brevet qu’elle avait ouverte contre l’intimée, la demanderesse a adressé un courriel d’avertissement à une autre de ses partenaires commerciales, alors même que le juge spécialisé avait rendu, en mai 2020, un avis concluant à la non-violation. L’étendue de la protection conférée par un brevet est déterminée par les revendications (art. 51 al. 2 LBI et art. 69 al. 1 CBE 2000). Les instructions techniques décrites dans les revendications doivent être interprétées de la manière dont l’homme du métier les comprend. Le point de départ de toute interprétation est leur texte. La description et les dessins doivent aussi être pris en compte (art. 51 al. 3 LBI et art. 69 al. 1 2ème phrase CBE 2000). Les connaissances techniques générales constituent également un moyen d’interprétation en tant qu’état de la technique liquide. La description et les dessins ne servent qu'à interpréter la revendication dans la mesure où le texte n'est pas clair, mais et non à la compléter. Le titulaire du brevet doit donc décrire précisément l'objet de l'invention dans la revendication, et supporte le risque d'une définition incorrecte, incomplète ou contradictoire (c. 2.1). Le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) exige que l'autorité entende effectivement les arguments des parties, les examine et en tienne compte dans sa décision. Il en découle l'obligation pour l'autorité de motiver sa décision. Elle n'est pas tenue de se déterminer en détails sur chacun des points soulevés par les parties, ni de réfuter expressément chaque argument. Elle peut au contraire se limiter aux points essentiels pour la décision. La motivation doit toutefois être rédigée de manière à ce que les personnes concernées puissent se rendre compte de la portée de la décision et la porter en toute connaissance de cause devant l'instance supérieure. Dans ce sens, il faut au moins mentionner brièvement les considérations qui ont conduit l’autorité à prendre sa décision. Le droit d'être entendu comprend aussi le droit de la partie concernée de s’exprimer dans une procédure susceptible de modifier sa situation juridique, ainsi que de fournir, en temps utile et dans la forme prescrite, des preuves pertinentes (c. 3.1.1). Selon la jurisprudence, l’arbitraire (art. 9 Cst.) ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération, ou même qu’elle serait préférable, mais seulement du fait que la décision attaquée est manifestement insoutenable, clairement en contradiction avec la situation effective, qu'elle viole de manière flagrante une norme ou un principe juridique incontesté ou qu'elle contrevient de manière choquante à l'idée de justice. En outre, le Tribunal fédéral n'annule une décision que si elle est arbitraire non seulement dans sa motivation, mais aussi dans son résultat (c. 3.1.2). L'instance précédente a fondé son appréciation de l'utilisation de l’invention brevetée (par imitation au sens de l’art. 66 lit. a LBI) sur la doctrine des équivalents, développée par la jurisprudence du Tribunal fédéral, qui recourt aux éléments de l’équivalence de la fonction, de l’évidence et de l’équivalence. Elle est arrivée à la conclusion qu’il n’y a pas en l’espèce d’imitation de l’invention brevetée (c. 3.2). La recourante ne peut être suivie lorsqu’elle affirme que l’instance précédente n’a pas tenu compte de ses allégations et des moyens de preuve présentés. Il n’y a pas en l’espèce de violation du droit d’être entendu (c. 3.3). Le reproche d’arbitraire est lui aussi infondé, et la conclusion de l’instance précédente selon laquelle il n’y a pas d’utilisation de l’invention brevetée par des moyens équivalents est maintenue (c. 3.4). Même si des mises en demeures peuvent être fréquentes dans certains secteurs, il n’en reste pas moins qu’une accusation injustifiée de violation d’un droit de propriété intellectuelle peut constituer un dénigrement au sens de l’art. 3 al. 1 lit. a LCD (c. 6.2). L’avertissement injustifié doit être distingué de la défense justifiée contre les violations des droits de propriété intellectuelle. L’enregistrement d’un brevet autorise son titulaire à le défendre contre les violations commises par des tiers, et l’application de la LCD ne doit pas limiter les possibilités d’action de celui qui, de bonne foi, veut faire valoir ses droits réels ou supposés. A cet égard, il ne faut pas considérer comme une violation du principe de la bonne foi le fait qu'au moment de l'avertissement, l'incertitude régnait encore quant à l'existence ou à la violation du brevet invoqué, puis que la nullité ou la non-violation a été constatée lors du procès qui a suivi. Le titulaire du brevet agit toutefois de manière déloyale lorsqu'il sait qu'il n'y a pas de contrefaçon ou qu'il doit au moins avoir des doutes sérieux quant à la véracité de l’accusation de contrefaçon. Il convient de noter que l’admissibilité des avertissements adressés à des tiers doit être soumise à des exigences plus strictes que celle des avertissements adressés aux auteurs directs de violations (c. 6.3). C’est à juste titre que l’instance précédente s’est fondée sur le fait que la recourante a donné l’impression, dans ses lettres de février 2018, de connaître la technologie prétendument contrefaisante de manière suffisamment précise pour qu’une appréciation en droit des brevets soit possible, alors qu’elle ne se fondait en réalité que sur la demande de brevet de la défenderesse. Compte tenu des circonstances de fait, c’est à juste titre que l’instance précédente a considéré que la demanderesse devait avoir des doutes sérieux quand à l’exactitude de son accusation de violation de son brevet. Les courriers adressés en 2018 à des partenaires commerciaux de la défenderesse, qui présentaient clairement un caractère de mise en demeure en raison de leur référence aux sanctions civiles et pénales encourues en raison d’éventuels actes de participation, ne constituaient pas, selon les règles de la bonne foi, une mesure de défense justifiée pour la protection du brevet. C’est d’autre part à juste titre que l’instance précédente a considéré que la demanderesse devait avoir des doutes sérieux quant à son allégation de violation de son brevet au moment de l’envoi de son courriel, en mai 2020, dans lequel elle menaçait un autre partenaire commercial de la défenderesse sans mentionner l’avis du juge expert (c. 6.4). L’instance précédente a considéré que les lettres et le courriel violaient l’art. 3 lit. a LCD, et que les intimées étaient en droit, en vertu de l’art. 9 al. 2 LCD, d’exiger une clarification vis-à-vis de tous les destinataires (c. 7.1), impliquant l’obligation de les informer de l’issue de la procédure, et d’en obtenir copie. Cette sanction n’est pas disproportionnée (c. 7.3). Le recours est rejeté (c. 8). [SR]