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29 septembre 2014

TF, 29 septembre 2014, 4A_257/2014 (f)

sic! 1/2015, p. 37-46, « Arthursgroup SA / SwissArthurProd SA », JdT2015 II 204, JdT 2015 II 208 ; raison de commerce, instance cantonale unique, marque de service, spectacle, services de production de spectacles, concert, péremption, usage à titre de marque, usage à titre de raison de commerce, usage de la marque, produit ou service accessoire, preuve d’un fait négatif, preuve de l’usage d’une marque, preuve du défaut d’usage, bonne foi, similarité des produits ou services, services de divertissement, activités culturelles, similarité des raisons de commerce, droit d’être entendu, principe de la spécialité, publication du jugement ; art. 9 Cst., art. 74 al. 2 lit. b LTF, art. 75 al. 2 LTF, art. 75 al. 2 lit. a LTF, art. 95 LTF, art. 99 al. 2 LTF, art. 105 al. 1 LTF, art. 105 al. 2 LTF, art. 107 al. 1 LTF, art. 2 CC, art. 8 CC, art. 933 al. 1 CO, art. 951 al. 2 CO, art. 956 CO, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 11 al. 1 LPM, art. 12 al. 1 LPM, art. 12 al. 3 LPM, art. 13 al. 2 LPM, art. 15 LPM, art. 5 al. 1 lit. a CPC, art. 5 al. 1 lit. c CPC, art. 52 CPC.

Lorsque le droit fédéral prévoit une instance cantonale unique, le recours en matière civile est recevable indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 lit. b LTF) et, contrairement à la règle générale (cf. art. 75 al. 2 LTF), le tribunal supérieur désigné comme autorité cantonale de dernière instance n’a pas à statuer sur recours (art. 75 al. 2 lit. a LTF) (c. 1.1). Le TF doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF). Il peut compléter ou rectifier même d’office les constatations de faits qui se révèlent manifestement inexactes, c’est-à-dire arbitraires au sens de l’art. 9 Cst. ou établies en violation du droit comme l’entend l’art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF) (c. 1.3). Le TF ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al. 2 LTF) (c. 1.4). L’usage de la marque doit intervenir conformément à la fonction de celle-ci pour distinguer les produits ou les services, soit de telle façon que le marché y voie un signe distinctif. Déterminer si on est en présence d’un usage en tant que marque au sens de l’art. 11 al. 1 LPM est une question de droit. Pour opérer cette qualification, il convient toutefois de se fonder sur la perception (présumée) des personnes auxquelles s’adressent les produits ou les services enregistrés. Les circonstances du cas particulier doivent, pour cela, être prises en considération, notamment les habitudes de la branche concernée et la catégorie de marque en cause, constatations qui relèvent du fait (c. 3.2). L’utilisation d’une marque en relation avec des produits ou services auxiliaires ne valide pas le droit à la marque pour de tels produits ou services. Sont considérés comme tels les produits ou services qui font partie de l’offre du produit ou service principal et qui lui sont accessoires sans être commercialisés de manière indépendante. Les produits ou les services qui, bien qu’accessoires au produit ou au service principal, sont offerts à titre onéreux ne peuvent plus être considérés, sous réserve des situations dans lesquelles la contrepartie ne serait que symbolique, comme produits/services auxiliaires. Il restera toutefois à établir l’existence d’un usage sérieux de la marque apposée sur ces produits/services (c. 3.3). Un usage purement symbolique fait à seule fin de ne pas perdre le droit à la marque ne suffit pas. Le titulaire doit manifester l’intention de satisfaire toute demande de marchandise ou de service. Par ailleurs, l’usage doit être économiquement raisonnable et intervenir dans le commerce. Un usage à des fins privées ou à l’intérieur de l’entreprise ne suffit pas à maintenir le droit. Les usages commerciaux habituels sont déterminants (c. 3.4). En ce qui concerne la preuve du défaut d’usage, l’art. 12 al. 3 LPM tient compte de la difficulté à apporter la preuve d’un fait négatif. Quiconque invoque le défaut d’usage doit donc le rendre vraisemblable, la (contre)-preuve de l’usage incombant alors au titulaire. Les règles de la bonne foi (art. 2 CC et art. 52 CPC) obligent la partie adverse à coopérer à la procédure probatoire. Cette obligation de nature procédurale ne constitue toutefois pas un renversement du fardeau de la preuve (c. 3.5). Pour satisfaire à l’exigence de la (contre)-preuve, il incombe au titulaire d’établir tous les éléments de faits qui permettront ensuite au Juge, sous l’angle du droit, de déterminer que l’usage intervient conformément à la fonction de la marque, que les produits ou services considérés ne sont pas des services auxiliaires et que l’usage de la marque est sérieux. Si la marque a été enregistrée pour plusieurs produits et/ou services, il appartient au titulaire d’apporter, en lien avec chacun des produits/services revendiqués, les éléments de preuves précités (c. 3.6). L’organisation de trois soirées entre 2007 et 2011 ne représente pas une exploitation suffisante pour satisfaire à l’exigence qui découle implicitement de l’art. 11 al. 1 LPM. Ce d’autant que la recourante ne fournit aucune donnée qui permettrait de compenser l’usage très limité sur le plan quantitatif (pendant le délai de carence) par un chiffre d’affaires particulièrement élevé (c. 3.7.1). Le titulaire d’une marque peut interdire à des tiers l’usage de signes similaires et destinés à des produits ou des services identiques ou similaires, lorsqu’il en résulte un risque de confusion (art. 3 al. 1 lit. c et art. 13 al. 2 LPM). L’existence de ce risque est une question de droit que le TF examine librement dans le cadre d’un recours en matière civile (c. 4.2). Sous réserve de la marque de haute renommée au sens de l’art. 15 LPM, il ne peut y avoir de risque de confusion au sens de l’art. 3 LPM lorsque les produits et services ne sont pas similaires, indépendamment des signes qui sont confrontés. Le simple fait qu’il puisse exister des chevauchements entre les groupes de consommateurs concernés par les services examinés ou entre les lieux où les prestations sont fournies ne permet pas de conclure à la similitude des services (c. 4.3). Les services de divertissement, de spectacles et de concert, d’organisation et de production de manifestations culturelles sont des offres distinctes économiquement des services des cafetiers-restaurateurs. Une similitude entre les services liés à de la restauration (exploitation de cafés, restaurants, bars, dancings, cabarets et hôtels) et ceux d’organisation ou production de manifestations culturelles et de spectacles est exclue et tout risque de confusion entre les marques peut être écarté (c. 4.4). Le principe de la spécialité ne s’applique pas en droit des raisons de commerce. Les raisons de commerce litigieuses qui contiennent toutes deux le même élément essentiel Arthur ne se distinguent pas de manière suffisamment nette pour qu’un risque de confusion puisse être nié. L’existence de confusion concrète n’est qu’un indice de l’existence d’un risque de confusion (c. 5.2). La péremption du droit d’agir ne doit pas être admise facilement, car selon l’art. 2 al. 2 CC, un droit ne sera pas protégé que si son exercice est manifestement abusif. La péremption est admise avec encore plus de retenue en cas de conflit entre raisons de commerce. Elle suppose que l’ayant droit ait toléré la violation de ses droits pendant une longue période sans s’y opposer et que l’auteur de la violation ait entre-temps acquis lui-même une position digne de protection (c. 6.1). Le moment à partir duquel la passivité du titulaire est à prendre en considération est celui où il a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance de l’utilisation du signe litigieux. Pour les raisons de commerce, en vertu de l’effet positif du registre du commerce (au sens de l’art. 933 al. 1 CO), l’inscription de la raison de commerce devient opposable aux tiers dès le jour ouvrable qui suit celui dont la date figure sur le No de la Feuille Officielle Suisse du Commerce où est publiée l’inscription (art. 932 al. 2 CO) (c. 6.2). Plus la période pendant laquelle l’ayant droit tolère l’usage concurrent est longue, plus l’auteur de la violation sera fondé à admettre, selon les règles de la bonne foi, que l’ayant droit continuera à tolérer la violation et qu’on ne pourra exiger de lui qu’il doive abandonner la situation acquise. L’ayant droit peut exceptionnellement se voir opposer la péremption même vis-à-vis de celui qui s’est consciemment approprié un signe distinctif prêtant à confusion, en particulier lorsque, par sa passivité, il amène le concurrent (originairement de mauvaise foi) à la conviction légitime que la violation est tolérée. La jurisprudence récente en matière de signe distinctif opte pour une période entre 4 et 8 ans. Dans un cas particulier, la péremption a déjà été admise au bout d’une année et demie et dans un autre cas envisagée après une période de 2 ans (c. 6.3). La répétition d’interpellations non suivies d’effet peut conforter l’auteur de l’atteinte dans la conviction que l’ayant droit ne songe pas sérieusement à faire valoir ses droits en justice (c. 6.4). S’agissant enfin de la position acquise sur le marché, ce qui est décisif est que la raison sociale de l’auteur de la violation se soit imposée dans le public comme étant le signe distinctif de l’entreprise ensuite d’un long et paisible usage et que le défendeur se soit ainsi créé une position concurrentielle avantageuse (c. 6.5). À cet égard, la valeur appréciable créée par l’auteur de l’atteinte ne suffit pas, à elle seule, pour entraîner la péremption. Le TF rappelle que le facteur temps revêt également une grande importance dans l’examen de la passivité de l’ayant droit et que dans le cas d’espèce une durée d’inaction de 19 mois jusqu’à la première mise en demeure est trop limitée pour être interprétée comme une tolérance au point de conduire à la péremption. Considérer la durée d’inactivité comme suffisante en l’espèce conduirait à une situation inacceptable. Cela reviendrait à favoriser les entreprises qui sont susceptibles de créer rapidement une valeur économique appréciable en faisant connaître leurs signes au moyen d’une réclame massive, ce qui ne correspond pas au fondement de la péremption qui tend à une protection de la confiance et non à celle de la possession (c. 6.6). Considérant une éventuelle intervention de la péremption entre la première mise en demeure (16 mars 2010) et l’introduction de l’action (20 juin 2012), le TF relève qu’il s’agit de savoir si la passivité prolongée de l’ayant droit a pu légitimement susciter auprès du défendeur la conviction que son comportement était toléré et qu’il le serait également à l’avenir, mais qu’il ne s’agit pas de contraindre l’ayant droit à agir avec une certaine célérité. En l’espèce, le TF considère que la passivité de la lésée n’a pas pu créer une apparence d’autorisation ; et que le contenu des mises en demeure était clair et ne pouvait en soi laisser croire à la défenderesse que l’ayant droit ne songeait pas sérieusement à faire valoir ses droits. Si la répétition des interpellations ne permet pas de légitimer l’action indéfiniment, il serait néanmoins absurde d’admettre la péremption dans l’hypothèse où l’ayant droit interpelle plusieurs fois sa partie adverse (sur une brève période) pour communiquer à celle-ci qu’il n’entend précisément pas tolérer l’utilisation du signe litigieux, alors que ce droit d’action n’aurait pas été éteint s’il n’avait interpelé qu’une seule fois sa partie adverse. La jurisprudence n’exige pas le renouvellement des mises en demeure sur des périodes aussi brèves et la péremption doit être admise avec une encore plus grande retenue lorsque l’ayant droit a déjà mis en demeure l’auteur de la prétendue violation (c. 6.7). Le droit d’action de la demanderesse n’étant pas périmé, la violation de l’art. 956 CO pouvait être invoquée en justice par celle-ci (c. 6.8). L’usage indu consiste en l’occurrence à avoir transgressé la règle de l’art. 951 al. 2 CO qui contient l’obligation de choisir une raison de commerce qui se distingue suffisamment d’une autre raison de commerce antérieure. Constitue un usage à titre de raison de commerce toute utilisation du signe distinctif qui se trouve en relation immédiate avec l’activité commerciale, par exemple l’emploi d’une enseigne reproduisant le signe en cause, l’inscription de celui-ci sur des papiers d’affaires à l’instar des catalogues, des listes de prix, des prospectus et des cartes de recommandation et l’utilisation du signe dans des répertoires d’adresses ou des annuaires téléphoniques (c. 6.8.4). La publication du jugement suppose que la victime de l’atteinte ait eu au moment du jugement un intérêt digne de protection à ce que la publication, qui doit contribuer à dissiper le trouble que l’auteur a propagé dans les cercles intéressés, soit ordonnée par le juge. Il n’y a pas d’intérêt digne de protection si l’atteinte n’a entraîné que très peu de confusion dans le public ou n’a pas été remarquée dans les milieux professionnels ou dans le public. Le recours est partiellement admis s’agissant du risque de confusion entre les raisons de commerce. [NT]

CC (RS 210)

- Art. 8

- Art. 2

CO (RS 220)

- Art. 933

-- al. 1

- Art. 956

- Art. 951

-- al. 2

CPC (RS 272)

- Art. 52

- Art. 5

-- al. 1 lit. c

-- al. 1 lit. a

Cst. (RS 101)

- Art. 9

LPM (RS 232.11)

- Art. 12

-- al. 3

-- al. 1

- Art. 13

-- al. 2

- Art. 15

- Art. 3

-- al. 1 lit. c

- Art. 11

-- al. 1

LTF (RS 173.110)

- Art. 107

-- al. 1

- Art. 75

-- al. 2

-- al. 2 lit. a

- Art. 95

- Art. 105

-- al. 1

-- al. 2

- Art. 99

-- al. 2

- Art. 74

-- al. 2 lit. b

28 novembre 2018

TF, 28 novembre 2018, 4A_234/2018 (d)

Marque verbale, marque mixte, enregistrement abusif, marque défensive, appréciation des preuves, fardeau de la preuve, preuve d’un fait négatif, preuve du défaut d’usage, nullité d’une marque; art. 8 CC, art. 12 al. 1 LPM.

La jurisprudence fédérale n’admet pas de protection pour les marques qui n’ont pas été déposées pour être utilisées, mais dans le dessein, en empêchant l’enregistrement de signes correspondants par des tiers, d’élargir le champ de protection de marques effectivement utilisées ou pour obtenir des avantages financiers ou autres de l’utilisateur antérieur. L’absence d’intention d’utiliser la marque en entraîne la nullité. L’inadmissibilité des marques enregistrées de mauvaise foi étant donné l’absence de volonté de les utiliser constitue, à côté du non-usage selon l’art. 12 al. 1 LPM, un motif propre et indépendant de perte du droit à la marque, et le titulaire d’une telle marque ne peut pas se prévaloir du délai de non-usage. La preuve de l’absence de volonté d’utiliser, outre qu’elle porte sur un fait négatif, concerne en plus un fait interne (« innere Tatsache ») qui peut à peine être prouvé de manière positive. En vertu de son obligation de collaborer à la preuve, il peut ainsi être exigé de la partie qui a enregistré la marque qu’elle documente, ou à tout le moins qu’elle allègue, les motifs qui dans le cas concret, en dépit du reproche qui lui est fait d’avoir enregistré la marque de manière abusive, seraient au contraire constitutifs d’une stratégie de marque fondée sur la bonne foi. Si ces indications ne convainquent pas le juge, la preuve abstraite d’une constellation typique d’une marque défensive suffit dans l’appréciation globale des preuves (c. 2.1). La répartition du fardeau de la preuve devient sans objet lorsque, comme dans le cas concret, le tribunal arrive à la conclusion, dans son appréciation des preuves, qu’un fait allégué est établi (c. 2.2.1). L’instance précédente a admis dans son appréciation des preuves présentées que le recourant avait enregistré la marque suisse No 624864 « WILD HEERBRUGG », ainsi d’ailleurs que la marque suisse No 567937 « WILD HEERBRUGG » qui ne fait pas l’objet du présent litige, sans l’intention de l’utiliser mais bien plutôt dans le dessein d’attaquer des marques comportant ces éléments et d’exiger de l’argent pour renoncer à la procédure. Il ne s’agit pas là d’un cas d’absence de preuve dont les circonstances devraient être revues (c. 2.2.1). Le recours est rejeté. [NT]

27 août 2019

TF, 27 août 2019, 4A_177/2019 (d)  

Action en constatation de la nullité d’une marque, action en radiation d’une marque, usage de la marque, juste motif de non-usage de la marque, fardeau de la preuve, vraisemblance, preuve du défaut d’usage, droit d’être entendu ; art. 29 al. 2 Cst., art. 4 CC, art. 11 al. 1 LPM, art. 12 al. 1 LPM, art. 12 al. 3 LPM.

Après l’écoulement du délai légal de grâce de 5 ans, une marque n’est protégée que dans la mesure où elle a effectivement été utilisée en relation avec les produits et services revendiqués (voir art. 11 al. 1 et art. 12 al. 1 LPM). Cette exigence d’usage correspond à la fonction commerciale de la marque et doit également empêcher que des marques soient enregistrées quasiment à titre de réserve. En cas de non-usage, l’action en radiation est donnée en l’absence de juste motif (art. 12 al. 1 LPM). Si le défaut d’usage est rendu vraisemblable, le titulaire de la marque doit apporter la preuve de l’usage, respectivement de l’existence de justes motifs l’ayant empêché (art. 12 al. 3 LPM). En l’espèce, le Tribunal de commerce a considéré que le défaut d’usage constaté était dû à de justes motifs, à savoir une procédure parallèle opposant les parties, dans laquelle la recourante contestait la validité d’une des marques également en cause dans la présente procédure et cherchait à en faire interdire l’utilisation à l’intimée pour les montres, les lunettes (y compris de soleil), ainsi que d’autres marchandises encore (c. 2). Le respect du droit d’être entendu de l’art. 29 al. 2 Cst. n’implique pas que le Tribunal se détermine sur chacun des griefs soulevés par les parties et les réfute un à un expressément. La Cour peut au contraire limiter son examen à ceux des points importants pour la décision (c. 2.2). Dans le cas particulier, la recourante ne remet pas fondamentalement en question le fait que l’introduction d’une action en constatation de la nullité et en interdiction puisse constituer un juste motif de non-utilisation de la marque concernée. Dans la mesure où la recourante ne prétend pas que sa demande intentée dans la procédure parallèle serait dépourvue de chances de succès, il n’est pas démontré ni évident qu’il ne s’agirait pas d’une menace que l’intimée devrait raisonnablement prendre en compte. Dans ces circonstances, le fait de considérer, à l’instar de l’autorité précédente, qu’il ne saurait être exigé de l’intimée qu’elle utilise la marque pendant la durée de la procédure parallèle pendante, ne viole pas le droit fédéral. Le point de savoir si un juste motif existe au sens de l’art. 4 CC relève d’une question d’appréciation dans l’examen de laquelle le TF ne s’immisce qu’avec retenue. Le reproche de la recourante que l’autorité précédente aurait violé l’art. 12 al. 1 LPM est mal fondé (c. 2.3). Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. [NT]

23 mars 2021

TAF, 23 mars 2021, B-2627/2019 (d)

sic! 9/2021, p. 487 (rés.) « Sherlock + Sherlock’s » ; Demande de radiation d’une marque, procédure administrative en radiation, abus de droit, qualité pour agir, légitimation active, swissness, usage de la marque, preuve du défaut d’usage, preuve de l’usage d’une marque, défaut d’usage, fardeau de la preuve ; art. 2 CC, art. 35a LPM

La recourante conteste la demande de radiation concernant les marques N°517'858 « SHERLOCK’S », et N°461’529 « SHERLOCK » effectuée par l’intimée au motif que celle-ci commet un abus de droit dans la mesure où elle a pour seul objectif d’agir contre les marques de la recourante mais ne prévoit pas d’utiliser elle-même les marques ainsi radiées (état de fait A et B). Bien que l’abus de droit n’ait été invoqué que lors du recours, les documents déposés par la recourante qui se rapportent à des faits produits avant l’admission des demandes de radiation doivent être pris en compte (c. 2.2). Comme l’abus de droit invoqué concerne la légitimation de l’intimée et qu’il s’agit d’une condition procédurale, le TAF doit l’examiner dans la procédure de recours et entendre les arguments de la recourante (c. 2.3). La demande de radiation pour défaut d’usage de l’art. 35a LPM est entrée en vigueur avec le paquet Swissness et a pour but de permettre une procédure plus simple et moins coûteuse que l’alternative qu’est la procédure civile (c. 3.2). Une marque n’est protégée que si elle est utilisée (c. 3.3). C’est le demandeur qui supporte le fardeau de la preuve de la vraisemblance du non-usage d’une marque. Le titulaire peut contester les éléments rendant vraisemblable le non-usage, démontrer qu’il utilise bien sa marque ou faire valoir des motifs légitimes (c. 3.4). La recourante considère que l’intimée commet un abus de droit dans la mesure où aucun intérêt à agir ne légitime sa demande de radiation (c. 4.1). L’intimée a respecté les prescriptions de forme et payé les frais afférents à sa demande de radiation (c. 5). La demande, ouverte à « toute personne », est fondée sur l’intérêt public à la bonne tenue du registre. De plus, la protection s’éteint non pas dès la radiation, mais dès que la marque n’est pas utilisée. Cette ouverture est limitée par la difficulté pour le demandeur de rendre vraisemblable le non-usage, mais est justifiée par l’insécurité juridique générée lorsqu’une marque est enregistrée mais pas utilisée (c. 5.1). Cette obligation de motivation doit prévenir les abus de droit (c. 5.2). C’est donc à raison que l’instance précédente a admis à l’intimée un intérêt à agir (c. 5.3). La demande peut cependant être abusive nonobstant l’intérêt public à la tenue du registre. Le TAF a ainsi considéré que l’abus de droit ne peut être invoqué dans une procédure d’opposition que contre les arguments disponibles dans cette procédure par exemple si la titulaire de la marque attaquée est responsable du non-usage de la marque opposante (c. 6.1). L’intérêt pour agir qui peut exceptionnellement faire défaut dans une procédure d’opposition, par exemple lorsque le demandeur ne peut ou ne doit pas utiliser le signe en question. Cette pratique ne se fonde pas sur l’interdiction de l’abus de droit de l’art. 2 CC, mais sur la nécessité d’un intérêt privé à la protection juridique dans la procédure civile qui n’existe pas dans la procédure administrative de radiation fondée sur l’intérêt public à la tenue du registre (c. 6.2). Le fait que l’intimée soit un « troll » des marques n’impacte pas sa légitimité pour agir (c. 7.1). La recourante n’a pas déposé de preuves supplémentaires destinées à rendre l’usage de ses marques vraisemblable (c. 7.2). L’intimée a demandé la radiation de deux marques et rendu vraisemblable leur non-usage. C’est à raison que l’instance précédente a admis la demande de radiation. Le recours est rejeté (c. 7.4). [YB]

26 août 2021

TAF, 26 août 2021, B-2597/2020 (f)

Demande de radiation d’une marque, action en radiation d’une marque, défaut d’usage, fardeau de la preuve, fait négatif, preuve du défaut d’usage, vraisemblance, principe de l’épuisement, nom géographique, indication de provenance géographique, limitation des revendications, usage par représentation, usage pour l’exportation, recours partiellement admis ; art. 35b al.1 lit. a LPM, art. 47 al. 2 LPM.

L’intimée a déposé auprès de l’instance précédente entre autres une demande de radiation totale pour les marques « U UNIVERSAL GENEVE » (enregistrement N°329720 du 3 avril 1984 pour des montres, leurs parties et des bijoux en classe 14), et « UNIVERSAL GENEVE » (enregistrement N°410354 du 30 mai 1994 pour en particulier des montres en classe 14) (c. A – A.c). La titulaire des marques en cause recourt contre la décision de radiation de l’IPI (c. A.d). Selon l’art. 35b al. 1 let. a LPM, c’est au requérant de rendre vraisemblable le défaut d’usage de la marque attaquée. Comme il s’agit d’un fait négatif, la preuve directe ne peut être apportée (c. 5.1.1). Dans une telle configuration, le requérant doit rendre, au moyen d’un faisceau d’indices, non seulement possible mais aussi probable le fait que la marque n’est plus utilisée (c. 5.1.2). Si le requérant rend vraisemblable le non-usage de la marque, et qu’en même temps le titulaire rend vraisemblable cet usage, la demande de radiation doit être rejetée (c. 5.3). Les deux marques étant déposées pour des produits en classe 14 uniquement, les services que la recourante prétend offrir ne sont pas protégés. Le principe de l’épuisement s’applique également au droit des marques, en particulier lorsqu’il s’agit de démontrer l’usage sérieux de la marque. A ce titre, la recourante ne peut se prévaloir de l’activité des maisons de vente aux enchères pour elle-même (c. 6.2.2). Les marques en cause contiennent le nom géographique « GENEVE » (c. 7 – 7-2.2). Les limitations quant à l’aire géographique des produits revendiqués ont un effet direct sur le champ de protection de la marque. L’usage de la marque en lien avec des produits provenant d’un autre pays n’entre pas en ligne de compte (c. 6.2.3). En l’espèce, l’élément « GENEVE » doit être considéré comme une indication de provenance au sens de l’art. 47 LPM (c. 7.3.2). Compte tenu de la restriction inscrite au registre des marques, les produits revendiqués par les deux marques doivent remplir les critères applicables à des produits de provenance suisse pour se revendiquer de provenance genevoise (c. 7.3.2). Concernant les montres, la révision de l’ordonnance sur l’utilisation du nom « Suisse » pour les montres n’est en l’espèce pas applicable (c. 7.4.1). Les éléments de preuve déposés par la recourante permettent de constater que les mouvements étaient suisses, tout comme l’assemblage et le contrôle des montres. Celles-ci peuvent donc rendre vraisemblable l’usage de la marque (c. 7.4.2). Concernant les parties de montre, la recourante ne présente aucune facture d’acquisition et ne parvient pas à rendre l’usage vraisemblable (c. 7.5.2). Les factures de la société ETA pour des mouvements de montres acquis durant la période de référence permettent cependant d’attester la provenance suisse pour les mouvements de montre (c. 7.5.3). Toutes les montres ont été vendues en Asie (c. 8.3.2.1). Les parties de montres sont quant à elles commercialisées en Suisse et, s’agissant de biens économiquement indépendants, sont compatibles avec l’usage pour l’exportation des montres, au contraire des mouvements (c. 8.3.2.2). La condition d’exclusivité est ainsi remplie pour les montres (c. 8.3.2.3). Concernant la condition d’utilisation hors de la sphère interne du titulaire de la marque, le fait qu’un transfert ait lieu à l’intérieur du groupe d’entreprise dont le titulaire fait partie n’est pas décisif si le produit est sorti du groupe pour être proposé à la vente par une filiale étrangère (c. 9.1 – 9.2.2). Les marques ont bien été utilisées telles qu’enregistrées (10.1.2), sauf pour les mouvements de montres pour lesquels il est exclu de retenir un usage sérieux (c. 10.1.3). Les factures déposées par la recourante sont régulières et conséquentes (pour des ventes de montres dans un segment de prix supérieur). Le TAF retient donc le sérieux de l’usage pour les montres (c. 10.2.2). Contrairement à l’avis de l’instance précédente, la recourante parvient à démontrer l’usage sérieux de ses marques en lien avec des montres. La décision de radier l’enregistrement pour les parties de montres est cependant confirmée (c. 12.1). Le recours est partiellement admis (c. 12.2).[YB]