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15 mars 2007

TAF, 15 mars 2007, B-7415/2006 (d)

sic! 10/2007, p. 743-744, « Tropfenförmige Flasche (3D) » ; motifs absolus d’exclusion, signe appartenant au domaine public, signe banal, signe tridimensionnel, bouteille, flacon, parfum, goutte, besoin de libre disposition, forme techniquement nécessaire, motifs relatifs d’exclusion, forme géométrique simple ; art. 2 lit. a LPM.

Le fait qu'une bouteille de parfum se distingue suffisamment ou non des autres flacons du marché n'est pas un critère pertinent pour déterminer si elle peut être enregistrée comme marque de forme, car il s'agit d'un motif relatif d'exclusion. Il est par contre nécessaire qu'elle s'écarte des formes habituelles et attendues des produits du segment correspondant (c. 8). Il n'existe pas de besoin de libre disposition pour une forme de goutte destinée à une bouteille de parfum. Une telle forme n'est en effet pas techniquement nécessaire pour des bouteilles, car elle en rend moins facile à la fois l'empilement et le transport (c. 9). Un flacon de parfum en forme de goutte n'est pas directement reconnaissable en tant que flacon. La forme asymétrique de la bouteille est inhabituelle, esthétique et attrayante et lui confère un design non seulement attractif, mais autonome, qui va au-delà de ce que le consommateur attend d'un procédé de style esthétique (c. 10). La combinaison de formes géométriques simples telles qu'une boule avec un cône, complétée par des éléments de design tels qu'une inclinaison formée par une courbe opposée à celle de la base de la bouteille confèrent à celle-ci une forme particulière, « dynamique ». Cette forme de bouteille n'est pas usuelle pour des parfums et va au-delà de ce qui est habituel et attendu au sens de la jurisprudence du TF. L'opinion de l'instance précédente selon laquelle cette forme de bouteille est banale ne saurait être suivie et il ressort des considérants qui précèdent que la forme déposée est un signe digne de protection (c. 12).

Fig. 26 – Tropfenförmige Flasche (3D)
Fig. 26 – Tropfenförmige Flasche (3D)

27 mars 2007

TAF, 27 mars 2007, B-7418/2006 (d)

« [Lindor-Kugel (3D)] » ; motifs absolus d’exclusion, signe appartenant au domaine public, signe tridimensionnel, boule, Lindor, Lindt, emballage, chocolat, signe verbal, élément bidimensionnel, couleur, forme constituant la nature même du produit, forme techniquement nécessaire, provenance commerciale, besoin de libre disposition, imposition comme marque, sondage ; art. 1 LPM, art. 2 lit. a LPM, art. 2 lit. b LPM.

Cf. N 187 (arrêt du TF dans cette affaire).

04 juin 2007

TAF, 4 juin 2007, B-7397/2006 (d)

sic! 1/2008, p. 51 (rés.), « Gitarrenkopf (3D) » ; motifs absolus d’exclusion, signe appartenant au domaine public, signe tridimensionnel, marque tridimensionnelle au sens strict, guitare, musique, instrument de musique, lettre, consommateur, forme techniquement nécessaire, provenance commerciale, imposition comme marque, usage de la marque, usage par représentation, publicité ; art. 2 lit. a LPM, art. 2 lit. b LPM, art. 11 al. 3 LPM.

Les signes tridimensionnels qui constituent la forme distinctive du produit (marque de forme au sens strict) doivent remplir non seulement une fonction distinctive par rapport aux autres produits, mais également une fonction d'identification du fabricant pour pouvoir être enregistrés comme marques (c. 4). Le signe litigieux est enregistré pour des guitares. C'est d'après l'enregistrement ou la demande d'enregistrement qu'il faut déterminer les destinataires du signe et non par rapport à la clientèle principale du titulaire du signe ou du dépositaire de la demande. Dans le cas d'espèce, le cercle des acheteurs déterminant ne se compose pas seulement de musiciens ou de passionnés capables de distinguer de loin les différentes marques d'instruments, mais également de néophytes qui prennent en main une guitare pour la première fois (c. 7). Le signe litigieux se compose d'une tête de guitare dont l'inclinaison et la forme des parties mécaniques sont techniquement nécessaires et doivent par conséquent rester librement disponibles. De plus, les guitaristes verront dans ces différents éléments davantage leur fonction technique que leur fonction distinctive (c. 9). Ne sont en revanche pas techniques ni déterminés par des conventions sur la pratique de cet instrument les contours en forme de vague du plateau de la tête de guitare, l'inclinaison de son bord supérieur et la lettre W blanche qui y figure. La combinaison de ces éléments avec ceux précités ne modifie toutefois pas l'apparence d'ensemble d'une guitare de telle sorte qu'on en perçoive la provenance économique, ni ne s'écarte de ce qui est habituel et attendu (c. 11). En application par analogie de l'art. 11 al. 3 LPM, l'imposition d'une marque dans le commerce peut être démontrée en se basant sur l'usage autorisé de cette marque par un tiers. Ainsi, la recourante peut-elle se référer à l'usage du signe litigieux par une société qu'elle possède pour démontrer la vraisemblance de son imposition dans le commerce (c. 12). Il ne suffit toutefois pas de rendre vraisemblable un usage d'une certaine étendue, mais bien plus le fait que les acheteurs des cercles déterminants perçoivent et comprennent le signe en question comme une indication de provenance économique (c. 14). Or, non seulement les publicités présentées par la recourante ne s'adressent qu'à un public spécialisé, mais les produits qui y figurent diffèrent sensiblement du signe litigieux. Le signe tridimensionnel en question est donc exclu de la protection sur le territoire suisse (c. 15).

Fig. 31 – Gitarrenkopf (3D)
Fig. 31 – Gitarrenkopf (3D)

17 juillet 2007

TAF, 17 juillet 2007, B-7379/2006 (d)

sic! 5/2008, p. 363 (rés.), « Leimtube (3D) » ; motifs absolus d’exclusion, signe appartenant au domaine public, signe tridimensionnel, tube, bouchon, colle, forme techniquement nécessaire, forme ergonomique, forme décorative, couleur, design, provenance commerciale, force distinctive ; art. 2 lit. a LPM.

Il ne suffit pas qu'une forme tridimensionnelle permette de distinguer un produit des autres produits de même type se trouvant sur le marché. Elle doit remplir en plus une fonction d'indication de la provenance économique pour pouvoir être enregistrée comme marque (c. 4.1). La conception d'un tube de colle de façon qu'il puisse reposer verticalement sur son bouchon afin que son contenu soit immédiatement disponible est techniquement nécessaire, de même que la conception du bouchon et du tube lui-même, qui présente une forme ergonomique. Seule la finition du tube en biais s'écarte des formes usuelles pour ce type de produit, mais cette forme ne présente qu'un aspect esthétique et décoratif qui doit faire l'objet non pas d'une protection illimitée dans le temps par le droit des marques, mais d'une protection par le droit des designs (c. 5.2). Les couleurs rouge et argent utilisées ne produiront pas d'impression marquante dans la mémoire du consommateur, d'autant plus que la couleur rouge est utilisée ici comme un signal destiné à attirer l'attention sur un dispositif de préhension et présente donc également un caractère fonctionnel (c. 5.3). Le tube de colle présenté par la recourante ne s'écarte pas de ce qui est attendu pour ce type de produit et sa force distinctive est par conséquent trop faible pour que sa forme puisse être enregistrée comme marque (c. 5.4).

Fig. 34 – Leimtube (3D)
Fig. 34 – Leimtube (3D)

17 octobre 2007

TAF, 17 octobre 2007, B-564/2007 (d)

sic! 4/2008, p. 301 (rés.), « La prairie Dose (3D) » ; motifs absolus d’exclusion, signe appartenant au domaine public, signe tridimensionnel, récipient, produits cosmétiques, forme techniquement nécessaire, signe banal, signe verbal, Directives de l'IPI, élément bidimensionnel, formalisme excessif, prairie, Suisse, indication de provenance, raison de commerce, siège, signe trompeur, restriction à certains produits ou services ; art. 1 al. 1 LPM, art. 2 lit. a LPM, art. 2 lit. b LPM.

Pour des produits cosmétiques, un récipient bombé et son grand couvercle constituent des éléments techniquement nécessaires et donc dénués de force distinctive, même si l'ensemble présente des courbes harmonieuses et esthétiques (c. 9). Afin d'éviter que le titulaire d'une marque de forme n'empêche un concurrent d'utiliser une forme banale simplement en apposant sur celle-ci un élément verbal distinctif, l'IPI a adopté le 1ier juillet 2005 une directive prévoyant qu'un élément bidimensionnel doté de force distinctive n'est propre à influencer l'impression générale d'une forme tridimensionnelle banale que s'il recouvre complètement celle-ci (c. 10.1 et 10.2). Cette directive est une ordonnance administrative et ne constitue pas une source du droit administratif qui lie les tribunaux. Dans une procédure parallèle (TAF, 17 octobre 2007, B-2724/2007 [cf. N 191]), le TAF a considéré que l'application de cette directive pouvait conduire à un formalisme excessif ainsi qu'à une schématisation exagérée en ignorant le fait qu'un élément bidimensionnel puisse conférer une force distinctive suffisante à une forme tridimensionnelle même s'il ne figure que sur un seul de ses côtés (c. 10.4). L'inscription la prairie « SWITZERLAND » apparaît à deux endroits du signe en question: sur le flanc et sur le couvercle en relief, en grandes lettres argentées sur fond bleu. En raison de sa grande visibilité, cette inscription pourvue de force distinctive influence, dans le cas d'espèce, l'impression d'ensemble du signe, bien qu'elle ne recouvre pas totalement la forme en trois dimensions. La directive de l'instance précédente apparaît in casu absolue et trop schématique (c. 10.5). L'élément verbal « SWITZERLAND » sera compris par les cercles d'acheteurs déterminants au sens d'une indication de provenance (c. 11.8). La possibilité d'un conflit entre une indication de provenance et une raison de commerce n'est pas expressément réglée dans la loi. Un risque de tromperie ne peut être exclu, notamment dans le cas où une société déplace son siège ou étend son activité (c. 11.9). Un risque abstrait de tromperie dû à une indication de provenance trompeuse ne pouvant être totalement écarté, seule est acceptée la demande subsidiaire de la recourante, dans laquelle l'origine des produits revendiqués est limitée à la Suisse (c. 12).

Fig. 36 – La prairie-Dose (3D)
Fig. 36 – La prairie-Dose (3D)

05 décembre 2007

TAF, 5 décembre 2007, B-7419/2006 (d)

sic! 6/2009, p. 417 (rés.), « Miniaturisierte Toilette (3D) » ; motifs absolus d’exclusion, signe appartenant au domaine public, signe tridimensionnel, marque tridimensionnelle au sens strict, contenant, toilettes, couleur, produits cosmétiques, produit de nettoyage, cuisine, ménage, forme techniquement nécessaire, cas limite, souvenir ; art. 2 lit. a LPM, art. 2 lit. b LPM.

Pour pouvoir être enregistrée comme marque tridimensionnelle (au sens strict), la forme d'un produit doit s'écarter de ce qui est usuel et attendu dans le domaine concerné et rester gravée dans le souvenir du consommateur. Elle ne doit en particulier pas être dictée par des impératifs techniques. Dans un cas limite, elle doit être enregistrée (c. 3). Le fait que la forme d'un contenant se distingue suffisamment de la forme des autres contenants qui se trouvent sur le marché n'est pas pertinent (c. 6.1). En l'espèce, vu la diversité des formes qui existent sur le marché dans le domaine, la forme du contenant examiné ne s'écarte pas, à elle seule, de ce qui est usuel et attendu en relation avec les produits concernés, à savoir notamment les lingettes humides et autres articles en papier ou en textile pour le soin du corps ou pour le ménage (c. 6.1.1 et 6.1.2) ou encore les récipients pour le ménage ou la cuisine (c. 6.1.3). Toutefois, les couleurs vives revendiquées pour le contenant examiné permettent de le protéger comme marque tridimensionnelle (cas limite) pour les lingettes humides et autres articles en papier ou en textile pour le soin du corps ou pour le ménage, mais pas pour les produits de nettoyage ou d'autres articles de ménage et de cuisine, car les couleurs vives sont usuelles en relation avec ces derniers produits (c. 6.2 et 7).

Fig. 39 – Miniaturisierte Toilette (3D)
Fig. 39 – Miniaturisierte Toilette (3D)

23 octobre 2008

TAF, 23 octobre 2008, B-498/2008 (d)

sic! 4/2009, p. 274 (rés.), « Behälterform (3D) » ; motifs absolus d’exclusion, signe appartenant au domaine public, signe banal, signe tridimensionnel, bouteille, contenant, tête d’oiseau, couleur, produit de nettoyage, forme fonctionnelle, forme techniquement nécessaire, provenance commerciale, besoin de libre disposition, force distinctive (moment décisif), nouveauté, décision étrangère ; art. 2 lit. a LPM.

Appartiennent au domaine public (art. 2 lit. a LPM) les formes qui ne s'écartent pas de ce qui est attendu et habituel et qui, à défaut d'originalité, ne restent pas ancrées dans la mémoire du consommateur. Sont en particulier attendues les formes qui sont imposées par la fonction du produit (c. 2.1-2.2). Pour autant qu'il soit propre à identifier le fabricant d'un produit, un élément esthétique peut être doté de force distinctive (c. 2.3). Des produits de nettoyage divers (classes 3 et 5) sont destinés au consommateur suisse moyen (c. 3.4). Dans le cadre de l'examen de la force distinctive d'un signe, la question du besoin de libre disposition n'est pas déterminante (c. 4.1). Le moment du jugement du TAF est décisif afin de déterminer si une forme se distingue de ce qui est attendu et habituel (c. 4.2). Le public est habitué à être confronté à une grande diversité de formes et de couleurs dans le domaine des produits de nettoyage (c. 4.2). Les formes qui sont techniquement utiles, mais pas imposées par la technique, sont susceptibles d'être protégées à moins qu'elles appartiennent au domaine public (c. 4.3.1). En l'espèce, la forme cylindrique du contenant appartient au domaine public. Le rétrécissement au-dessous de la tête du contenant et l'inclinaison de la tête elle-même doivent être qualifiés de fonctionnels. La mise en forme de la tête n'est pas de nature fonctionnelle, mais esthétique; elle ne présente toutefois rien d'inattendu qui serait susceptible de lui conférer une force distinctive. Elle n'évoque en particulier pas la tête d'un animal ou d'un oiseau pour le consommateur moyen (c. 4.3.2). Dans le domaine des produits de nettoyage, les couleurs renvoient généralement à des propriétés particulières. Le blanc est ainsi associé à la pureté, le bleu et le vert à l'eau, etc. Utilisées ainsi, ces couleurs sont descriptives et n'apportent pas de force distinctive. En l'espèce, les couleurs ne sont pas utilisées de manière à ce que le contenant évoque la tête d'un animal ou d'un oiseau. Quant à la combinaison des couleurs, elle n'a rien d'inattendu (c. 4.4). Dans l'ensemble, le contenant ne constitue qu'une variante — certes attractive sur le plan esthétique — de formes banales et n'est dès lors pas propre à distinguer les produits d'une entreprise (c. 4.5). La nouveauté d'un produit n'est pas déterminante en droit des marques; elle ne permet pas d'exclure l'appartenance d'une forme au domaine public (c. 4.6). Il ne s'agit en l'espèce pas d'un cas limite et les décisions d'autorités étrangères n'ont dès lors pas à être prises en considération (c. 5). En résumé, le contenant ne peut pas être enregistré comme marque tridimensionnelle, car sa forme appartient au domaine public au sens de l'art. 2 lit. a LPM (c. 6).

Fig. 44 – Behälterform(3D)
Fig. 44 – Behälterform(3D)

08 juin 2010

TAF, 8 juin 2010, B-5456/2009 (d)

ATAF 2010/31 ; sic! 1/2011, p. 34-39, « Kugelschreiber (3D) » ; motifs absolus d'exclusion, signe appartenant au domaine public, signe tridimensionnel, marque tridimensionnelle au sens strict, marque de service, stylo, emballage, services, publicité, marketing, conseil, graphisme, impression, aptitude distinctive, force distinctive, forme techniquement nécessaire, bonne foi ; art. 9 Cst., art. 2 lit. a LPM, art. 2 lit. b LPM.

Pour pouvoir être protégé comme marque, un signe doit avoir — dans l'abstrait — une aptitude distinctive (Unterscheidungseignung) (c. 2.1). Il doit en outre avoir — en lien avec des produits et/ou des services — une force distinctive (Unterscheidungskraft) (c. 2.2). Alors que l'art. 2 lit. a LPM vise tous les signes tridimensionnels, l'art. 2 lit. b LPM ne concerne que les signes tridimensionnels au sens strict (formes du produit lui-même ou de son emballage) (c. 2.3). Il existe des recoupements entre l'art. 2 lit. a LPM et l'art. 2 lit. b LPM (c. 2.3). L'examen de l'appartenance au domaine public (art. 2 lit. a LPM) d'un signe tridimensionnel au sens strict repose sur des exigences plus élevées: pour être protégé comme marque, un tel signe doit se distinguer de manière frappante des formes usuelles du produit concerné et rester gravé à long terme dans le souvenir du consommateur (c. 2.3). Tant l'art. 2 lit. b LPM que les exigences plus élevées dans la mise en œuvre de l'art. 2 lit. a LPM s'appliquent aux marques tridimensionnelles de service qui se résument à la forme d'un produit. Il s'agit toutefois de tenir compte du fait que le rapport entre un service et la forme d'un produit n'est en général pas aussi évident que le rapport entre un produit et la forme de ce produit (c. 2.4). Les consommateurs de services de publicité en lien avec des stylos à bille (classes 35, 40 et 42), c'est-à-dire les entreprises de tous types, font preuve d'un degré d'attention moyen (c. 3). Est doté d'une aptitude distinctive (Unterscheidungseignung) (c. 2.1) un objet du quotidien tel qu'un stylo à bille (c. 4). En lien avec des services de distribution de moyens publicitaires (classe 35) et de personnalisation de matériel d'écriture (classe 40), la forme du stylo à bille en cause est techniquement nécessaire (art. 2 lit. b LPM) car, pour les consommateurs concernés, elle ne s'écarte pas suffisamment de ce qui est usuel et attendu (c. 5 et 6.1). Par ailleurs, en lien avec des services de publicité et de marketing (classe 35) et de conseil au sujet du graphisme et de l'impression sur du matériel d'écriture (classes 42 et 40), la forme de ce stylo à bille n'est pas dotée d'une force distinctive suffisante (c. 6.2-6.3). Bien que l'IPI lui ait, par courrier, assuré que la forme de ce stylo à bille pouvait être enregistrée comme marque pour des services de publicité (classe 35), la recourante ne peut se prévaloir de la protection de la bonne foi (art. 9 Cst.) car, premièrement, à part la demande d'enregistrement, elle n'a pas pris de dispositions à son désavantage sur la base de cette assurance et, deuxièmement, son intérêt à l'enregistrement n'est pas suffisamment fort face à l'intérêt des autres fournisseurs de services de publicité à l'utilisation du stylo à bille comme moyen publicitaire (c. 7).

Fig. 47 – Kugelschreiber (3D)
Fig. 47 – Kugelschreiber (3D)

28 juin 2011

TF, 28 juin 2011, 4A_178/2011 (d) (mes. prov.)

ATF 137 III 324 ; sic! 10/2011, p. 589-593, « Nespresso » ; motifs absolus d’exclusion, forme techniquement nécessaire, signe tridimensionnel, capsule, café, machine à café, Nespresso, signe alternatif, compatibilité, Lego, expertise, expertise sommaire, preuve, mesures provisionnelles, procédure sommaire, décision incidente, arbitraire, droit d’être entendu, droit des brevets d’invention ; art. 9 Cst., art. 29 al. 2 Cst., art. 93 al. 1 lit. a LTF, art. 2 lit. b LPM, art. 254 CPC.

En vertu de l'art. 93 al. 1 lit. a LTF, le recours au TF contre des décisions incidentes n'est ouvert que si elles peuvent causer un préjudice de nature juridique difficilement réparable que même un jugement en faveur du recourant ne pourrait supprimer par la suite. Le recourant qui s'élève contre une décision de mesures provisionnelles doit désormais indiquer dans la motivation de son recours en quoi il est menacé dans le cas concret par un dommage de nature juridique difficilement réparable (c. 1.1). Dans le cadre de l'examen du caractère techniquement nécessaire d'une forme enregistrée comme marque, la limitation du cercle des formes alternatives possibles aux capsules de café compatibles avec les machines « Nespresso » actuellement disponibles sur le marché résiste au grief d'arbitraire, même si le TF s'est jusqu'à présent refusé (en particulier dans sa jurisprudence Lego) à admettre le caractère techniquement nécessaire d'une forme uniquement en vertu de sa compatibilité avec un autre système préexistant (c. 2.2). Selon la jurisprudence du TF, une forme est techniquement nécessaire au sens de l'art. 2 lit. b LPM lorsque à peu près aucune forme alternative n'est à disposition des concurrents pour un produit de nature (technique) correspondante ou que le recours à cette forme alternative ne peut pas être exigé d'eux dans l'intérêt du bon fonctionnement de la concurrence parce qu'elle serait moins pratique, moins solide ou que sa réalisation s'accompagnerait de coûts de production plus élevés. Le fait de demander qu'une expertise sommaire soit ordonnée pour démontrer qu'il existe des formes de capsules alternatives utilisables dans les machines « Nespresso », qui soient aussi pratiques et solides que les capsules « Nespresso » et qui ne coûtent pas plus cher à la production, ne saurait être interprété en défaveur de la partie à l'origine de la demande (c. 3.2.2). Il est inadmissible et contraire au droit d'être entendu de refuser un moyen de preuve portant sur la question controversée de la compatibilité de formes alternatives et de baser ensuite un jugement uniquement sur les allégations contestées de l'autre partie. L'autorité de première instance, qui ne dispose pas des compétences techniques nécessaires pour juger de l'importance technique de la forme conique des capsules de café, de même que de l'aptitude fonctionnelle des capsules d'une autre forme, n'aurait ainsi pas dû refuser l'expertise demandée qui était destinée à clarifier des questions techniques nécessaires à une compréhension indépendante de l'état de fait (c. 3.2.2). Lorsqu'il est nécessaire de répondre à des questions purement techniques qui sont déterminantes pour trancher le litige et que le juge ne dispose pas des connaissances professionnelles nécessaires pour le faire (que ce soit dans le domaine des brevets ou, comme en l'espèce, sur le plan de la fabrication des capsules de café), le recours à une expertise sommaire constitue un moyen de preuve admissible, même en procédure sommaire, en vertu en particulier de l'art. 254 al. 2 lit. b CPC (c. 3.2.2).

08 janvier 2007

TF, 8 janvier 2007, 4C.344/2006 (d)

ATF 133 III 189 ; sic! 7/8/2007, p. 546-551, « Schmuckschatulle » ; JdT 2007 I 197 ; conditions de la protection du design, originalité, écrin, horlogerie, bijouterie, fonction technique, forme techniquement nécessaire ; art. 2 lit. b LPM, art. 2 LDes, art. 4 lit. c LDes, art. 8 LDes, art. 21 LDes.

Examen approfondi de la notion d'originalité (Eigenart) découlant des éléments essentiels forgeant l'impression d'ensemble dégagée par des écrins d'horlogerie ou de bijouterie et du caractère non essentiellement technique de leur forme. Pour le TF, le motif d'exclusion de ce qui est techniquement nécessaire a la même portée au sens de l'art. 4 lit. c LDes qu'à celui de l'art. 2 lit. b LPM. La jurisprudence développée en relation avec l'art. 2 lit. b LPM vaut ainsi aussi pour l'art. 4 lit. c LDes.

26 juin 2012

TF, 26 juin 2012, 4A_36/2012 (f) (mes. prov.)

sic! 10/2012, p. 627-632, « Nespresso II » ; motifs absolus d’exclusion, marque tridimensionnelle, signe tridimensionnel, Nespresso, Nestlé, Ethical Coffee Compagnie, Media Markt, café, capsule de café, machine à café, mesures provisionnelles, décision incidente, préjudice irréparable, qualité pour agir du preneur de licence, forme techniquement nécessaire, signe alternatif, arbitraire, imposition comme marque, expertise sommaire, numerus clausus des droits de propriété intellectuelle ; art. 9 Cst., art. 93 al. 1 lit. a LTF, art. 2 lit. a LPM, art. 2 lit. b LPM, art. 3 LPM, art. 55 al. 1 lit. a LPM, art. 55 al. 1 lit. b LPM, art. 55 al. 4 LPM, art. 59 lit. d LPM, art. 2 LCD, art. 3 LCD ; cf. N 208 (vol. 2007-2011 ; ATF 137 III 324, sic! 10/2011, p. 589- 593, « Nespresso »), N 737 (TF, 9 janvier 2013, 4A_508/2012 ; sic! 5/2013, p. 310- 314, « Nespresso III »), N 662 (Handelsgericht SG, 21mai 2013, HG.2011.199 ; sic! 12/2013, p. 759-766, « Nespresso IV ») et N 765 (TF, 27 août 2013, 4A_142/2013 ; sic! 1/2014, p. 32-37, « Nespresso V »).

La première Cour de droit civil du Tribunal fédéral est saisie d'un recours contre une décision sur mesures provisoires rendue par le juge délégué du Tribunal cantonal vaudois dans une cause opposant les sociétés Nestlé SA (ci-après: Nestlé) et Nestlé Nespresso SA (ci-après: Nespresso) à celles Ethical Coffee Compagnie SA et Ethical Coffee Companie (Swiss) SA (ci-après: ECC) et à Media Markt, qui ont commercialisé, dès septembre 2011, des capsules de café concurrentes de celles de Nespresso et compatibles avec les machines du même nom. Les sociétés ECC ont interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral pour arbitraire et violation du droit d'être entendu contre l'ordonnance du 11 novembre 2011 leur faisant interdiction en particulier d'offrir, de commercialiser, de distribuer des capsules de café dont la forme correspond à celle de la marque enregistrée par Nestlé. Une décision sur mesures provisionnelles est une décision incidente susceptible d'un recours au Tribunal fédéral uniquement si elle peut causer un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 lit. a LTF (c. 1.1). Ce préjudice doit être de nature juridique et non de fait ou purement économique. Il doit en outre être irréparable, soit non susceptible d'être supprimé par une décision finale ultérieure (c. 1.2). Dans le cas d'espèce, comme les recourantes ne sont pas encore solidement implantées sur le marché et comme les mesures attaquées les empêchent de lancer leurs produits, le dommage qu'elles risquent de subir ne se limite pas à un seul préjudice financier (perte de certaines affaires déterminées) mais consiste en une entrave générale à leur développement économique par rapport à Nestlé et Nespresso avec lesquelles elles se trouvent en concurrence. Le dommage correspond ainsi à une perte de parts de marché qui n'est pas indemnisable ou réparable par l'octroi de dommages-intérêts, faute de pouvoir établir quel aurait été le développement économique auquel une partie aurait pu prétendre si elle avait pu lancer son produit sur le marché sans en être empêchée par les mesures provisoires ordonnées. À défaut de pouvoir établir leur dommage, il ne sera pas possible aux sociétés ECC d'en obtenir réparation (c. 1.3.1). Sauf stipulation contraire expresse du contrat de licence (art. 55 al. 4 LPM), le titulaire d'une marque enregistrée aussi bien que le preneur de licence exclusif peuvent agir tant en prévention ou en cessation du trouble (au sens de l'art. 55 al. 1 lit. a et b LPM), que requérir des mesures provisionnelles, notamment pour assurer à titre provisoire la prévention ou la cessation du trouble (art. 59 lit. d LPM) (c. 2.2). Dans leur opposition aux mesures provisionnelles, les sociétés ECC ont fait valoir le caractère techniquement nécessaire de la forme des capsules Nespresso. Le fait que l'IPI ait procédé à l'enregistrement de ces capsules comme marques de forme avec la mention qu'il s'agirait d'une marque imposée ne dispense pas le juge d'examiner la validité de la marque ainsi obtenue. L'imposition par l'usage ne permet de valider une marque que si le signe considéré appartenait au domaine public au sens de l'art. 2 lit. a LPM, mais pas s'il constituait une forme techniquement nécessaire ou la nature même du produit, selon l'art. 2 lit. b LPM (c. 2.3). Si une forme est techniquement nécessaire, sa protection est absolument exclue par l'art. 2 lit. b LPM sans qu'une imposition par l'usage n'entre en ligne de compte. À la différence des autres signes appartenant au domaine public, une utilisation même prolongée et exclusive d'une forme constituant la nature même du produit ou techniquement nécessaire ne permet donc pas d'en obtenir la protection (c. 2.3). Une invention tombée dans le domaine public à l'échéance de la durée de protection du droit des brevets (le brevet européen déposé par Nestlé sur les capsules Nespresso a expiré le 4 mai 2012) ne saurait être monopolisée une seconde fois par son enregistrement comme marque de forme renouvelable indéfiniment. En l'absence de formes alternatives permettant la même utilisation, ou si une autre forme présente des inconvénients empêchant une concurrence efficace, la protection doit être refusée. Il ne s'agit pas uniquement de savoir s'il est possible de produire une capsule différente qui soit utilisable de la même manière (donc dans les mêmes machines) et avec la même efficacité. Pour qu'elle constitue une forme alternative, il faut encore qu'elle n'entre pas dans le champ de protection de la capsule Nespresso. Il faut donc déterminer si la ou les forme(s) de ces capsules compatibles se distingue(nt) suffisamment dans l'esprit du public acheteur de celle(s) de la capsule Nespresso pour éviter d'entrer dans sa sphère de protection au sens de l'art. 3 LPM (c. 2.3). Si la forme d'une capsule est techniquement nécessaire, les art. 2 et 3 LCD ne permettent pas d'interdire à un concurrent son utilisation, puisque toute concurrence deviendrait alors impossible et puisque la LCD ne saurait avoir pour effet d'accorder au produit litigieux une protection que la LPM lui refuse (c. 2.3). S'agissant d'une question technique controversée et décisive, le juge cantonal aurait dû demander une expertise sommaire à un technicien indépendant qui permette d'élucider, au moins sous l'angle de la vraisemblance, la question de savoir si la forme des capsules Nespresso est ou non techniquement nécessaire. La décision du juge, qui a préféré trancher sans procéder à l'administration de cette preuve et sans disposer d'aucun élément de preuve sérieux, est entachée d'arbitraire (art. 9 Cst.) et doit être annulée (c. 2.4). [NT]

03 juillet 2012

TF, 3 juillet 2012, 4A_20/2012 (d)

sic! 12/2012, p. 811-813, « Lego IV (3D) » ; motifs absolus d’exclusion, marque tridimensionnelle, signe tridimensionnel, forme géométrique simple, Lego, forme techniquement nécessaire, coûts de fabrication, signe alternatif, expertise, fardeau de la preuve, droit d’être entendu, compatibilité, secret de fabrication ou d’affaires ; art. 29 al. 2 Cst., art. 8 CC, art. 9 CC, art. 2 lit. b LPM.

Le Tribunal de commerce du canton de Zurich a confirmé la nullité des marques de forme de Lego sur la base d'un examen du caractère techniquement nécessaire d'une forme tridimensionnelle, au sens de l'art. 2 lit. b LPM, effectué dans le cadre d'une expertise ordonnée par ce tribunal sur demande du Tribunal fédéral qui lui avait renvoyé la cause pour qu'il soit vérifié s'il existait des formes alternatives (tant compatibles qu'incompatibles avec les formes Lego), aussi pratiques, aussi solides et dont les coûts de production ne seraient pas plus élevés que ceux des formes contestées comme marques. Le Tribunal de commerce de Zurich a fondé son jugement sur la constatation des experts que chaque variante s'éloignant des formes géométriques de Lego conduisait à des coûts d'outillage supplémentaires, plus faibles pour les formes compatibles (11 à 30 %) et plus élevés pour celles qui ne l'étaient pas (29 à 54 %). L'expertise avait permis de poser qu'au vu de la durée de vie moyenne des outillages, les surcoûts de fabrication les plus bas oscillaient entre 1,326 et 4,927 % pour les formes compatibles et se montaient jusqu'à 50 % pour celles qui ne l'étaient pas. Lorsque dans son appréciation des preuves, le tribunal retient comme établi, sur la base d'une expertise obtenue à grands frais, que toutes les formes alternatives s'accompagnent de coûts de fabrication supérieurs à ceux des briques Lego et que, par conséquent, celles-ci doivent être considérées comme techniquement nécessaires au sens de l'art. 2 lit. b LPM, le principe de la répartition du fardeau de la preuve devient sans objet. Le grief de sa prétendue violation ne saurait donc être retenu (c. 2). Une forme doit être considérée comme techniquement nécessaire au sens de l'art. 2 lit. b LPM si les autres possibilités existantes ne peuvent pas être imposées aux concurrents du déposant parce qu'elles sont moins pratiques, moins solides, ou parce qu'elles s'accompagnent de coûts de production plus élevés (c. 3.1). Comme le monopole lié à l'obtention d'une marque de forme peut être illimité dans le temps, il faut que les formes alternatives à disposition des concurrents du déposant ne s'accompagnent d'aucun désavantage pour eux. Même un coût de production légèrement plus élevé constitue déjà un désavantage qui ne peut leur être imposé, en particulier en vertu du principe de l'égalité dans la concurrence. Ainsi, des coûts de production supplémentaires de 1,326 à 4,927 % suffisent pour que le recours à des formes alternatives ne puisse être rendu obligatoire aux concurrents des briques Lego (c. 3.2). Lorsqu'elle a été invitée à le faire par le tribunal qui mène la procédure, la partie qui invoque ses secrets d'affaires pour refuser de transmettre des informations techniques à l'expert chargé de la réalisation d'une expertise dans le cadre de l'administration des preuves, ne peut se prévaloir d'une violation de son droit d'être entendu si les indications qu'elle donne ensuite sur ces questions dans sa détermination sur les résultats de l'administration de preuves sont considérées comme contradictoires et inacceptables par le tribunal au regard du principe de la bonne foi, et si ce dernier renonce à ordonner une nouvelle expertise demandée à ce stade seulement de la procédure sur ces mêmes questions (c. 4.3.2). [NT]

21 mai 2013

HG SG, 21 mai 2013, HG.2011.199 (d) (mes. prov.)

sic! 12/2013, p. 759-766, « Nespresso IV » ; motifs absolus d’exclusion, motifs relatifs d’exclusion, marque tridimensionnelle, forme techniquement nécessaire, forme constituant la nature même du produit, forme géométrique simple, imposition comme marque, risque de confusion nié, mesures provisionnelles, sondage, café, capsule de café, machine à café, Nespresso, signe alternatif, compatibilité, impression générale, expertise sommaire, similarité des signes, identité des produits ou services, dilution de la force distinctive ; art. 2 lit. b LPM, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 13 LPM ; cf. N 208 (vol. 2007-2011 ; ATF 137 III 324, sic! 10/2011, p. 589-593, « Nespresso »), N 660 (TF, 26 juin 2012, 4A_36/2012 ; sic! 10/2012, p. 627-632 « Nespresso II »), N 737 (TF, 9 janvier 2013, 4A_508/2012 ; sic! 5/2013, p. 310-314, « Nespresso III ») et N 765 (TF, 27 août 2013, 4A_142/2013 ; sic! 1/2014, p. 32-37, « Nespresso V »).

L’examen du caractère éventuellement techniquement nécessaire des capsules de café Nespresso doit intervenir en se limitant à la forme des seules autres capsules qui sont compatibles avec les machines Nespresso (c. 1). Le TF a rappelé dans sa jurisprudence Lego (cf. TF, 3 juillet 2012, 4A_20/2012 [N 661], c. 3.2) qu’au vu du caractère potentiellement illimité dans le temps de l’enregistrement d’une marque de forme, il convenait de ne l’admettre que dans la mesure où les concurrents ne s’en trouvaient pas prétérités en raison de la présence d’une forme alternative de même valeur ; et que si le coût d’une telle forme alternative était plus élevé, même faiblement, le choix d’une autre forme ne pouvait leur être imposé (c. 4). Il résulte de l’expertise sommaire diligentée par le tribunal que la forme conique des capsules est techniquement évidente mais pas absolument obligatoire pour une optimisation du système (c. 5.aa) ; que leur forme varie chaque fois en fonction du matériau dans lequel ces capsules sont réalisées et qu’enfin une forme conique n’est pas techniquement nécessaire pour réaliser un « café normal » avec une machine Nespresso mais qu’elle s’impose par contre plus ou moins naturellement suivant le type de matériau dans lequel est réalisée cette capsule (c. 5.aa). L’expert a retenu enfin que pour ressortir la capsule de la machine, la forme conique n’est pas non plus absolument nécessaire, une forme cylindrique par exemple convenant également. Les formes qui constituent la nature même du produit, tant d’un point de vue fonctionnel qu’esthétique, sont exclues de l’enregistrement comme marques. C’est le cas lorsque la fonction du produit suppose pour le public qu’une telle forme lui soit donnée (c. 10.a). Dans le cas particulier, le public attend un produit qui lui permette de préparer un café avec une machine Nespresso, soit nécessairement une capsule. Il s’agit donc de vérifier si la marque enregistrée constitue la nature même d’une capsule de café pouvant fonctionner avec une machine Nespresso, ce que le tribunal n’admet pas en l’espèce, en particulier parce que les capsules Nespresso présentent des caractéristiques particulières qui les distinguent des autres formes possibles de capsules de café (c. 10.b) (cf. fig. 11d). Il résulte de ce qui précède qu’il n’a pas été rendu vraisemblable que la présence d’un motif absolu au sens de l’art. 2 lit. b LPM exclurait la forme des capsules de café Nespresso d’un enregistrement comme marque (c. 11). Les capsules Denner présentent une certaine similitude avec la marque de forme des capsules Nespresso en particulier du point de vue de leur construction en forme de cône tronqué simple coiffé d’un élément supplémentaire (cf. fig. 11a). Ces formes sont ainsi semblables et enregistrées pour des produits identiques. Reste donc à déterminer si la similitude des formes des capsules et l’identité des produits génèrent un risque de confusion dans l’esprit du consommateur. La ressemblance dans la forme des produits est une condition de l’existence d’un risque de confusion, mais n’est pas forcément suffisante. Ce qui compte, c’est de savoir si, en raison de la ressemblance des capsules Denner, il est à craindre que de mauvaises attributions surviennent qui mettraient en danger la fonction individualisatrice des capsules Nespresso. De telles mauvaises attributions dépendent de la manière dont les consommateurs perçoivent les signes, dont ils les comprennent et dont ils s’en souviennent. La simple possibilité d’une confusion ne suffit pas, il est nécessaire que le consommateur moyen confonde les marques avec une certaine vraisemblance (c. 10.c.aa). Une étude démoscopique sur la base de laquelle 56,4% des suisses attribueraient la capsule Denner qui leur est montrée à Nestlé ou la confondraient avec une capsule Nespresso ne lie pas le tribunal si elle a été réalisée à un moment où, sur le marché, la capsule Denner n’était encore presque pas présente et donc inconnue du public, alors que les capsules Nespresso y occupaient une position dominante, et que la confusion a encore été augmentée par l’indication donnée aux personnes sondées que ces capsules étaient compatibles avec les machines Nespresso (c. 12.c et 12.c.bb-cc). L’existence d’un risque de confusion ne doit pas être déterminée sur la base d’une comparaison abstraite des formes, mais doit prendre en compte l’ensemble du contexte et des circonstances de la cause (c. 13). La forme géométrique de base cylindrique et pyramidale du cône tronqué de la marque de la demanderesse, qui se retrouve aussi dans pratiquement toutes les capsules de café disponibles sur le marché suisse, n’a pas été imposée par l’usage fait des capsules, avec cette conséquence que même ses éléments non protégeables pourraient être monopolisés par le titulaire de la marque. Le titulaire d’une marque qui peut être confondue avec une forme géométrique simple de base ne peut pas exiger que, de ce fait, les autres renoncent à utiliser une forme de base qui est en plus dans le cas particulier aussi, dans certains de ses éléments, évidente du point de vue de la technique (c. 13.b). Le cône tronqué avec son raccord techniquement nécessaire ne peut ainsi pas être monopolisé pour les capsules de café et n’est pas protégé par le droit des marques (c. 13.b.aa) (cf. fig. 11c). L’élément caractéristique de la marque de forme déposée par Nestlé est le « chapeau » de la capsule (cf. fig. 4, p. 765) et c’est à lui qu’une attention particulière doit être portée dans l’examen du risque de confusion, même si ce dernier doit intervenir en fonction de la marque dans son ensemble et pas se limiter à ce seul élément. Lorsque les capsules litigieuses sont examinées obliquement depuis le haut (« von schräg oben »), l’impression qui s’en dégage ne permet pas d’admettre la vraisemblance de l’existence d’un risque de confusion (c. 13.c). Les capsules Nespresso évoquent par leur forme noble, élégante et lisse l’exclusivité d’un produit de haute qualité. Ces caractéristiques ne se retrouvent pas dans les capsules Denner dont les trous et les étagements ne sont pas esthétiques (« mit unästhetischen Löchern und Abstufungen ») (c. 13.d.bb). [NT]

Fig. 11a –Marque CH no P-486889 / Capsule Denner
Fig. 11a –Marque CH no P-486889 / Capsule Denner
Fig. 11b –Marque CH no P-486889 « sans chapeau » / Capsule Denner « sans chapeau »
Fig. 11b –Marque CH no P-486889 « sans chapeau » / Capsule Denner « sans chapeau »
Fig. 11c –Marque CH no P-486889 / Capsule Denner
Fig. 11c –Marque CH no P-486889 / Capsule Denner
Fig. 11d – Formes alternatives
Fig. 11d – Formes alternatives

16 mars 2012

OG AR, 16 mars 2012, ERZ 11 21 (d) (mes. prov.)

sic! 1/2013, p. 49-53, « Blumenkistenhalter » ; droit des designs, conditions de la protection du design, forme techniquement nécessaire, originalité, nouveauté, milieux spécialisés, motifs absolus d’exclusion, mesures provisionnelles, expertise sommaire, matériel publicitaire, support pour bac à fleurs, Blumenkistenhalter ; art. 2 al. 3 LDes, art. 4 lit. b LDes, art. 4 lit. c LDes.

Les designs reproduits par les parties dans un catalogue, respectivement dans un dépliant, sont réputés connus des milieux spécialisés du secteur concerné dès lors qu'il s'agit de matériel publicitaire distribué en Suisse. Il en va autrement des illustrations d'un fascicule de brevet, car il ne suffit pas que le design existe objectivement pour qu'il ne soit plus nouveau ; il faut encore rendre vraisemblable que les milieux concernés le connaissent (art. 2 al. 3 LDes). Pour des supports de bac à fleurs, des caractéristiques telles que la longueur des branches ou l'utilisation d'un profil d'acier en U plutôt qu'un profil plat ne sont inspirées par aucune recherche esthétique. L'expertise sommaire mandatée dans le cadre des mesures provisionnelles a de plus démontré qu'il s'agit de caractéristiques techniquement nécessaires, la longueur des branches étant déterminée par la nécessité de pouvoir les adapter aux bacs à fleurs usuels du marché et le profil d'acier en U servant à guider les branches lorsqu'on les fait coulisser. Faute d'originalité suffisante au sens de l'art. 2 LDes, le design en cause est exclu de la protection (art. 4 lit. b LDes) (c. 3.4c). Bien que la question puisse demeurer ouverte en l'espèce, il remplit également les conditions d'exclusion de l'art. 4 lit. c LDes dès lors que ses caractéristiques découlent exclusivement de sa fonction technique (c. 3.5b). Le recours est rejeté (c. 3.6). [JD]

« Blumenkistenhalter
« Blumenkistenhalter

15 septembre 2014

TC VD, 15 septembre 2014, MP/2014/6 (f) (mes.prov.)

Motifs absolus d’exclusion, forme techniquement nécessaire, forme constituant la nature même du produit, droit de réplique inconditionnel, autorité de l’arrêt de renvoi, pouvoir de cognition, fait nouveau, expertise sommaire, concurrence déloyale, imposition par l’usage, besoin de libre disposition absolu, domaine public, étendue de la protection, liberté d’imitation, café, capsule de café, Nespresso, Nestlé, Ethical Coffee Compagnie ; art. 6 CEDH, art. 29 al. 2 Cst., art. 66 al. 1 OJ, art. 107 al. 2 LTF, art. 1 LPM, art. 1 al. 2 LPM, art. 2 lit. a LPM, art. 2 lit. b LPM, art. 3 LPM, art. 13 al. 1 LPM, art. 2 LCD, art. 3 al. 2 lit. d LCD ; cf. N 208 (vol. 2007-2011 ; ATF 137 III 324 ; sic! 10/2011, p. 589-593, « Nespresso »), N 660 (vol. 2012-2013 ; TF, 26 juin 2012, 4A_36/2012 ; sic! 10/2012, p. 627-632, « Nespresso II »), N 662 (vol. 2012-2013 ; HG SG, 21 mai 2013, HG.2011.199 ; sic! 12/2013, p. 759-766, « Nespresso IV »), N 737 (vol. 2012-2013 ; TF, 9 janvier 2013, 4A_508/2012 ; sic! 5/2013, p. 310-314, « Nespresso III ») et N 765 (vol. 2012-2013 ; TF, 27 août 2013, 4A_142/2013 ; sic! 1/2014, p. 32-37, « Nespresso V »).

L’expertise sommaire a permis d’établir que la forme tronconique des capsules Nespresso est celle qui présente l’avantage de contenir le plus de café et d’offrir une résistance à la pression hydrostatique importante, ce qui permet d’obtenir le meilleur café en augmentant le volume de café en contact avec le flux d’eau sous pression. Cette forme tronconique se terminant par un cône obtus, outre qu’elle permet un précentrage parfait et précis de la pointe de la capsule par rapport aux aiguilles de perforation, offre une stabilité mécanique accrue à la pression hydrostatique et au moment de la perforation par les aiguilles dans le compartiment en assurant un centrage correct de la capsule dans le compartiment de la machine. Ce qu’aucune des capsules dites alternatives proposées par les requérantes ne permet de faire. Pour l’expert, la forme double tronconique et cône obtus des capsules Nespresso est aussi celle qui en rend l’utilisation la plus commode permettant d’assurer une auto-extraction de la capsule usagée et améliorant également la préhension des capsules, leur introduction dans la machine, le temps que prend ainsi la confection d’un bon café et enfin leur conservation. Grâce à leur forme, les capsules Nespresso sont à la fois commodes et résistantes et présentent des avantages notables par rapport aux capsules prépercées compatibles qui doivent être conservées dans une pochette étanche pour que l’arôme du café demeure (c. 19). Les coûts de fabrication des capsules Nespresso par emboutissage d’une feuille d’aluminium très fine sont en outre très peu onéreux alors que ceux de fabrication d’une capsule biodégradable sont légèrement plus élevés et l’épaisseur des parois nettement plus importante de sorte que le volume de poudre de café contenue par la capsule diminue. L’expert souligne que toutes les autres formes de capsules non tronconiques examinées ont des coûts de fabrication plus élevés, leur processus de fabrication étant plus compliqué (c. 19). En vertu du principe de l’autorité de l’arrêt de renvoi, l’autorité cantonale est tenue de fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit de l’arrêt du TF. Elle est liée par ce qui a déjà été tranché définitivement par le TF, ainsi que par les constatations de faits qui n’ont pas été critiquées devant lui. Des faits nouveaux ne peuvent être pris en considération que sur les points qui ont fait l’objet du renvoi, lesquels ne peuvent être ni étendus, ni fixés sur une base juridique nouvelle (c. Ia). Dans le cas d’espèce, le TF a enjoint à l’autorité cantonale de juger à nouveau la cause en intégrant les résultats d’une expertise judiciaire sommaire destinée à déterminer s’il est possible de fabriquer une capsule de forme différente pour la même utilisation (absence de forme alternative) ou si une autre forme présenterait des inconvénients empêchant une concurrence efficace (c. Ib). L’art. 2 lit. b LPM exclut de la protection légale les formes constituant la nature même du produit, ainsi que les formes du produit ou de l’emballage qui sont techniquement nécessaires. Cette disposition circonscrit, dans le domaine des marques de forme, les signes pour lesquels il existe un besoin de libre disposition absolu. L’art. 2 lit. b LPM dispose d’une portée propre par rapport à la clause générale de l’art. 2 lit. a LPM en ce que les formes inhérentes à la nature même du produit, ou les formes du produit ou de l’emballage qui sont techniquement nécessaires, demeurent exclues de la protection légale, même si leur utilisation comme marque a pu s’imposer dans le commerce. Ainsi, à la différence de ce qui vaut pour les autres signes appartenant au domaine public, une utilisation même prolongée et exclusive d’une forme de ce genre ne permet pas d’en obtenir le monopole dans le cadre du droit des marques (c. III.a). Il résulte de l’exclusion des formes constituant la nature même d’un produit qu’une forme ne peut bénéficier de la protection du droit des marques que si elle se différencie des caractéristiques fonctionnelles ou esthétiquement nécessaires du produit concerné. La forme dictée par de telles caractéristiques n’est pas susceptible de protection et demeure à la libre disposition de tous les concurrents (c. III.a). La question à examiner n’est pas seulement de savoir s’il est possible de produire une capsule de forme différente qui soit utilisable de la même manière (donc dans les mêmes machines) et avec la même efficacité. Il convient également de tenir compte que la capsule de forme différente ne peut être considérée comme une forme alternative que si elle n’entre pas dans le champ de protection de la capsule Nespresso. Il s’agit donc aussi de se demander si la ou les autres formes se distinguerait suffisamment dans l’esprit du public acheteur de la capsule Nespresso pour éviter d’entrer dans sa sphère de protection (art. 3 LPM) (c. III.a). Les formes alternatives qui, selon l’arrêt de renvoi, entrent en ligne de compte sont des formes de capsules compatibles avec le système de la machine Nespresso, et les autres façons de conditionner le café (dans des boîtes ou des sachets), tout comme les capsules non compatibles avec cette machine, n’ont pas être considérées (c. III.c). L’expertise judiciaire rend vraisemblable l’importance technique de la forme tronconique surmontée par un cône obtus caractérisant les capsules Nespresso. Même si cette forme double tronconique et conique n’est pas la seule qui garantisse la compatibilité d’une capsule avec une machine Nespresso, elle est indispensable pour disposer de la quantité de café déterminée qui est celle des capsules Nespresso et est la seule qui permette d’obtenir un volume utile optimal d’une capsule. Il n’apparaît ainsi pas que les requérantes puissent revendiquer, par le biais du droit des marques, le monopole d’exploiter une forme décisive sur le volume net maximal d’une capsule pouvant être utilisée dans une machine Nespresso (c. III.c). Il ressort en outre de l’expertise qu’aucune des capsules alternatives proposées par les requérantes n’a les propriétés requises pour un bon fonctionnement dans les machines Nespresso. Elles n’ont pas la longueur suffisante pour une perforation efficace de la capsule par les aiguilles, la forme adéquate pour être guidées correctement lors de la fermeture du compartiment contre la contre-pièce, pour garantir l’étanchéité et empêcher le blocage du mécanisme, ni la forme adéquate pour assurer l’auto-extraction de la capsule usagée. La forme de la capsule Nespresso apparaît ainsi comme une forme techniquement nécessaire au sens de l’art. 2 lit. b LPM et ne peut pas être protégée comme marque (c. III.c). Pour que l’on soit en présence d’une violation des règles relatives à la concurrence déloyale, il faut que le concurrent utilise une prestation d’autrui d’une manière qui ne soit pas conciliable avec les règles de la bonne foi dans les affaires. En vertu du principe de la liberté d’imitation, en l’absence de protection découlant des droits de propriété intellectuelle, il ne suffit pas que les marchandises puissent être confondues ensuite de l’imitation pour que le comportement soit déloyal. Il faut au contraire qu’à l’imitation s’ajoutent d’autres circonstances faisant apparaître le comportement de l’imitateur comme déloyal. Un imitateur agit de manière déloyale au sens de l’art. 3 al. 1 lit. d LCD en particulier s’il prend des mesures de nature à faire naître une confusion avec les marchandises, les œuvres, les prestations ou les affaires d’autrui, en imitant la forme d’une marchandise dépourvue de force distinctive, alors qu’il aurait pu lui donner une autre forme sans modification de la construction technique et sans que cela ne porte atteinte à la destination du produit (c. IV.a). Le principe de la liberté de copie ne justifie pas que le consommateur soit induit en erreur de manière évitable sur la provenance d’une marchandise ou que l’imitateur exploite de façon parasitaire la bonne renommée d’autrui; l’imitateur doit prendre, dans les limites raisonnables, les mesures propres à écarter ou à diminuer le risque de confusion du public sur la provenance du produit (c. IV.a). Comme, lorsqu’une forme est techniquement nécessaire, l’imitation de celle-ci n’est pas déterminante pour juger de l’existence d’un risque de confusion et que les requérantes n’ont pas fait valoir que les intimés auraient adopté une autre attitude constitutive d’un comportement déloyal au sens de la LCD, la reprise de la forme double tronconique et conique de leurs capsules n’apparaît pas déloyale (c. IV.b). La requête de mesures provisionnelles est donc rejetée. [NT]