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  • Épuisement

01 mars 2007

TF, 1er mars 2007, 4C.384/2006 (d)

ATF 133 III 273 ; sic! 9/2007, p. 615-618, « Enter the Matrix » ; JdT 2007 I 138 ; SJ 2007 I, p. 503 ; droits d’auteur, jeux vidéo, film, importation parallèle, épuisement, méthodes d’interprétation ; art. 12 al. 1bis aLDA, art. 12 al. 1bis LDA.

Portée de l'art. 12 al. 1bis LDA et de l'art. 12 al. 1bis aLDA. L'importation parallèle de jeux vidéo ne tombe pas sous le coup de l'art. 12 al. 1bis nLDA qui introduit une exception au principe général de l'épuisement international des droits d'auteur en relation uniquement avec les films destinés à une projection publique et ne s'applique donc pas aux jeux vidéo (interprétations littérale, historique, téléologique et systématique de l'art. 12 al. 1bis nLDA).

04 mai 2011

KG ZG, 4 mai 2011, ES 2010 822 (d) (mes. prov.)

sic! 2/2012, p. 99- 105, « Gebrauchtsoftware » ; droits d’auteur, droit de mise en circulation, épuisement, programme d’ordinateur, vente, téléchargement, dommage, préjudice irréparable, marque, droits conférés par la marque, concurrence déloyale ; art. 10 al. 2 lit. b LDA, art. 12 al. 2 LDA, art. 13 LPM, art. 2 LCD, art. 3 lit. b LCD.

L'intimée n'ayant vendu les logiciels de la requérante qu'à l'étranger, il est peu crédible que la requérante subisse en Suisse un dommage qui ne serait pas chiffrable et réparable en argent par le biais d'une procédure ordinaire. La requérante ne démontre d'ailleurs ni qu'elle risque de subir un préjudice difficilement réparable ni qu'elle est menacée dans son image (puisqu'il est reconnaissable que les supports livrés par l'intimée à ses clientes ne sont pas des supports originaux de la requérante) (c. 4.2). L'épuisement (international) du droit de mise en circulation (art. 10 al. 2 lit. b LDA) d'un logiciel, prévu par l'art. 12 al. 2 LDA, touche toute aliénation définitive (sans limite dans le temps). La nature impérative de l'épuisement signifie qu'une clause contractuelle contraire (qui interdirait une remise en circulation) n'a d'effet qu'inter partes et n'empêche pas l'épuisement de se produire (c. 5.1). En l'espèce, vu les clauses contractuelles applicables, R GmbH — qui a obtenu de C GmbH (par téléchargement) les logiciels qu'elle a ensuite fixés sur les supports qu'elle a remis à l'intimée — a acquis les logiciels de la requérante de manière définitive (sans limite dans le temps, sans obligation de restitution et contre un paiement unique). Le droit de mettre en circulation ces logiciels est donc épuisé. N'y changent rien le fait que le contrat utilise le terme « licence » et le fait que R GmbH soit contractuellement tenue de faire une utilisation personnelle et de ne pas commercialiser les logiciels acquis. Sur le plan du droit d'auteur, la requérante ne peut donc rien faire contre la vente de ces logiciels par R GmbH à l'intimée et leur revente par l'intimée à des tiers (c. 5.1). L'épuisement prévu par l'art. 12 LDA se produit également dans le cas où le logiciel est téléchargé puis fixé sur un support par l'acquéreur lui-même (c. 5.1 in fine). Bien qu'il ne soit pas prévu expressément par la LPM, l'épuisement touche aussi le droit à la marque (c. 5.2). La requérante ne peut pas se fonder sur son droit à la marque (art. 13 LPM) pour empêcher la remise en circulation de logiciels acquis licitement par téléchargement puis fixés sur un support sur lequel la marque « A » de la requérante a été apposée (c. 5.2 in fine). « Lizenzurkunden » établis par l'intimée pour démontrer la provenance des logiciels ne suggèrent pas que la requérante a accordé une licence et n'entraînent pas l'application des art. 2 et 3 lit. b LCD (c. 5.3). À noter que, même si ces « Lizenzurkunden » devaient être considérés comme contraires à la LCD, l'intimée ne serait pas empêchée de revendre les logiciels litigieux (c. 5.3).

25 mars 2010

HG SG, 25 mars 2010, HG.2008.137 (d)

sic! 11/2010, p. 789-794, « Refoderm » (KaiserMarkus, Anmerkung) ; action, action en interdiction, for, nom de domaine, refoderm.ch, Suisse, organe de fait, fondé de procuration, qualité pour défendre, intérêt pour agir, risque de récidive, risque de confusion, droits conférés par la marque, épuisement, importation parallèle, produits cosmétiques, produit périmé, frais et dépens ; art. 55 al. 3 CC, art. 13 al. 2 LPM, art. 55 al. 1 lit. a LPM, art. 3 lit. d LCD, art. 129 al. 2 a LDIP.

Au sens de l’art. 129 al. 2 aLDIP, le lieu du résultat de la violation du droit des marques par l’utilisation d’un nom de domaine se situe là où le site Internet correspondant est accessible (c. II.1). Il se situe en Suisse lorsque le nom de domaine (« www.refoderm.ch ») – enregistré en Suisse – permet d’accéder, en Suisse, à un site Internet offrant des produits au public suisse. Peu importe que l’intimée, titulaire du nom de domaine, ait autorisé un tiers à l’utiliser et ne l’ait pas utilisé elle-même (c. II.1). En tant qu’organe de fait, celui qui assume une tâche essentielle dans une société anonyme – en l’occurrence, un fondé de procuration – est personnellement responsable de ses fautes au sens de l’art. 55 al. 3 CC et a ainsi qualité pour défendre (c. III.1). Dans une action en interdiction (Unterlassungsbegehren) (art. 55 al. 1 lit. a LPM), un intérêt suffisant est donné lorsque le défendeur a déjà commis les actes litigieux par le passé et en conteste l’illicéité. Un danger de récidive ne peut être exclu que si le défendeur s’est formellement engagé à ne pas commettre les actes litigieux. Si les défendeurs se limitent à renoncer au nom de domaine « www.refoderm.ch » grâce auquel ils ont offert au public des produits « Refoderm » par le passé, le titulaire de la marque « Refoderm » garde un intérêt à agir contre eux (c. III.2). En vertu de l’art. 13 al. 2 LPM (et de l’art. 3 lit. d LCD), le titulaire de la marque « Refoderm » peut interdire aux défendeurs 1 et 2 d’utiliser cette marque comme nom de domaine pour commercialiser des produits « Refoderm ». La présence de la raison sociale de la défenderesse 1, en haut à droite du site Internet « www.refoderm.ch », ne suffit pas à écarter, à elle seule, un risque de confusion (c. III.3). Le principe de l’épuisement n’est pas absolu : il n’empêche pas le titulaire d’une marque d’interdire l’importation parallèle et la commercialisation en Suisse de ses produits cosmétiques originaux périmés (c. III.4). Du fait que les défendeurs 2 et 3 avaient clairement manifesté leur intention de monnayer le nom de domaine litigieux et qu’ils n’avaient ensuite pas informé le demandeur qu’ils avaient renoncé à ce nom de domaine, le demandeur ne peut pas être considéré, dans la répartition des frais, comme partie succombante en ce qui concerne la conclusion tendant au transfert du nom de domaine (c. IV).

30 novembre 2012

CAF, 30 novembre 2012 (d)

« Tarif commun 3a complémentaire » ; gestion collective, recours obligatoire aux sociétés de gestion, approbation des tarifs, preuve, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun 3a complémentaire, obligation de gérer, vide tarifaire, question préalable, tarifs complémentaires, négociation des tarifs, Commission arbitrale fédérale, obligation de collaborer, moyens de preuve nouveaux, droits d’auteur, droits voisins, droit de faire voir ou entendre, usage privé, équité du tarif, calcul de la redevance, augmentation de redevance, épuisement de la redevance ; art. 12 PA, art. 13 PA, art. 33 PA, art. 10 al. 2 lit. f LDA, art. 19 al. 1 lit. a LDA, art. 22 al. 1 LDA, art. 33 al. 2 lit. e LDA, art. 35 LDA, art. 37 lit. b LDA, art. 44 LDA, art. 46 al. 2 LDA, art. 47 LDA, art. 59 LDA, art. 60 al. 2 LDA.

D'après l'art. 12 PA, l'autorité constate les faits d'office. Les parties ont cependant un devoir de collaboration selon l'art. 13 PA qui, d'après la jurisprudence, est même plus important en procédure d'approbation tarifaire. La CAF ne doit toutefois admettre les moyens de preuve offerts que s'ils paraissent propres à élucider les faits (art. 33 PA). En l'espèce, les preuves complémentaires offertes par les sociétés de gestion sont admissibles, étant donné que les parties adverses ne s'y sont pas opposées et que les documents ont été produits plus de cinq jours ouvrables avant l'audience (c. 5). Lorsqu'il n'existe aucun tarif pour des droits relevant de leur domaine d'activité, les sociétés de gestion doivent en établir un d'après l'art. 44 LDA. La question de savoir si un tarif complémentaire est admissible ne concerne pas la recevabilité de la requête, mais relève du droit. Cas échéant, un état de vide tarifaire ne serait dans l'intérêt d'aucune des parties. Si les sociétés de gestion sont habilitées à faire valoir des droits pour la réception d'émissions dans les chambres d'hôtels et d'hôpitaux, dans les logements de vacances ou dans les cellules de prison, elles ont la possibilité de demander une interdiction de ces utilisations devant le juge civil. Il y a donc un intérêt juridique important à ce que la CAF se prononce sur cette question, serait-ce à titre préjudiciel (c. 2). En l'espèce, un tarif complémentaire est admissible car la situation est semblable à celle créée par l'entrée en vigueur de la nouvelle LDA. Celle-ci avait introduit les droits voisins, pour lesquels des tarifs complémentaires étaient possibles (c. 3). L'existence de divergences quant à la base légale d'un tarif n'est pas pertinente pour examiner le respect du devoir de négocier. Il appartient en effet à la CAF de se prononcer sur cette question à titre préjudiciel (c. 4). L'utilisation d'appareils de radio/télévision et de phono/vidéogrammes dans des chambres d'hôtels et d'hôpitaux, dans des logements de vacances ou dans des cellules de prison, n'est pas un usage privé au sens de l'art. 19 al. 1 lit. a LDA. Il s'agit en effet d'un cas d'application du droit exclusif de faire voir et entendre des œuvres (art. 10 al. 2 lit. f LDA, art. 33 al. 2 lit. e LDA et art. 37 lit. b LDA), lequel ne peut être exercé que par les sociétés de gestion d'après l'art. 22 al. 1 LDA, ou du droit voisin de l'art. 35 LDA. Ce n'est pas la jouissance de l'œuvre par le client ou le patient qui est déterminante au niveau du droit d'auteur, mais le fait que celle-ci soit transmise par l'exploitant de l'hôtel, du logement de vacances ou de l'hôpital. La situation est semblable à celle régie par le tarif commun 3b, auquel les compagnies d'aviation sont assujetties parce qu'elles mettent un équipement de divertissement à disposition des passagers (c. 6.1). En droit européen, la Cour de justice a aussi estimé le 18 mars 2010 (C-136/09) qu'il y avait une communication publique lorsqu'un hôtelier place des appareils de télévision dans les chambres et les relie à une antenne centrale (c. 6.2). Comme des recettes sont réalisées grâce aux chambres d'hôtels, d'hôpitaux et grâce aux logements de vacances, il n'est pas exclu de se baser sur ces recettes pour calculer la redevance due pour la réception d'émissions dans de tels locaux. Mais il faut prendre en compte le fait que lesdites recettes ne sont pas directement en rapport avec les utilisations pertinentes selon le droit d'auteur (c. 7). D'après la pratique de la CAF, les pourcentages maximaux de 10 % et de 3 % prévus par l'art. 60 al. 2 LDA ne peuvent pas être épuisés sans autre, particulièrement en cas de nouveaux tarifs. En l'espèce, un tel épuisement serait problématique aussi parce que les recettes ne sont réalisées qu'accessoirement grâce aux biens protégés par la LDA (c. 8). Comme la réception d'émissions dans les locaux susmentionnés n'a jamais fait l'objet d'un tarif, on ne peut pas parler d'augmentation abrupte de la redevance à payer. Toutefois, comme les pourcentages de l'art. 60 al. 2 LDA ne peuvent pas être épuisés, la CAF ne peut pas approuver un tarif qui conduirait à une redevance plus importante que celle prévue par le tarif commun 3a pour la réception d'émissions dans d'autres locaux que ceux faisant l'objet de la procédure (c. 9). [VS]

« Tarif commun Y » ; gestion collective, recours obligatoire aux sociétés de gestion, droit de diffusion, approbation des tarifs, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun Y, tarif commun S, obligation de gérer, Commission arbitrale fédérale, moyens de preuve nouveaux, obligation de collaborer, égalité de traitement, pouvoir de cognition, équité du tarif, règle du film, augmentation de redevance, épuisement de la redevance, gestion individuelle, rabais tarifaire, estimation de la redevance, surveillance des prix ; art. 12 PA, art. 32 al. 2 PA, art. 40 al. 3 LDA, art. 45 al. 2 LDA, art. 60 al. 1 lit. b LDA ; cf. N 601 (CAF, 17 novembre 2011, « Tarif commun 4e 2010-2011 ») et N 608 (TF, 20 août 2012, 2C_146/2012 ; sic! 1/2013, p. 30-37, « Tarif A Fernsehen »).

Dans sa décision annulée du 18 mars 2010 sur le TC 4e, la CAF avait estimé que les parties devaient produire leurs nouvelles pièces au moins cinq jours ouvrables avant l'audience. Dans d'autres décisions, elle a indiqué que de telles nouvelles pièces ne pouvaient pas être produites seulement lors de l'audience, mais devaient l'être dès que possible (cf. par ex. N 601). Vu le devoir de collaboration des parties, et malgré les art. 12 et 32 al. 2 PA, la CAF confirme que les pièces nouvelles doivent être produites avant l'audience afin de donner à la partie adverse l'occasion de répliquer de manière appropriée. En cas de production tardive, le retard doit être justifié (c. 2). Lors de l'approbation d'un tarif, la CAF doit aussi tenir compte du principe d'égalité de traitement. Elle ne peut pas adopter sans nécessité des règles différentes pour des états de fait semblables. Le tarif commun Y et le tarif commun S sont tous les deux des tarifs qui s'appliquent aux droits de diffusion. Le fait que des diffuseurs soumis au premier tarif soient financés essentiellement par la publicité, alors que les diffuseurs soumis au second tarif sont financés par des abonnements, ne justifie pas une réglementation différente sous l'angle du droit d'auteur. Mais si le premier tarif a été approuvé essentiellement parce qu'il n'était pas contesté, cela ne dispense par la CAF d'examiner en détail le caractère équitable du second tarif lorsqu'il y a des indices qu'il pourrait être inéquitable (c. 4). La règle du film veut que la musique soit valorisée à raison d'un à deux tiers par rapport aux autres éléments protégés du film. Lorsqu'une télévision diffuse des films musicaux, des films de concerts ou des vidéoclips durant plus de deux tiers du temps d'émission, il n'est pas inéquitable qu'elle paie une redevance majorée puisque l'art. 60 al. 1 lit. b LDA exige que l'on tienne compte du nombre et du genre des œuvres, prestations, phonogrammes, vidéogrammes ou émissions utilisés. La règle du film découle indirectement de l'art. 60 al. 1 lit. b et c LDA. Les 10 % prévus à l'art. 60 al. 2 LDA concernent la musique uniquement, pas les autres éléments protégés du film. Pour les droits voisins, un épuisement des 3 % mentionnés par cette disposition se justifie car les droits voisins concernent aussi d'autres éléments que la musique. L'introduction d'une nouvelle catégorie tarifaire pour les télévisions qui diffusent des films liés à la musique durant plus de deux tiers du temps d'émission conduit à un affinement de la redevance, donc à plus d'équité (c. 7). Une augmentation tarifaire, même importante, est admissible si elle est échelonnée dans le temps, si l'ancien tarif prévoyait des redevances insuffisantes, si elle découle d'un changement de système de calcul objectivement justifié ou si elle est la conséquence d'une redevance plus juste. En l'espèce, le nouveau système tarifaire est plus juste si bien qu'un doublement ou un triplement de la redevance n'apparaît pas comme inéquitable (c. 8). Comme le TC Y existe depuis des années, un épuisement des pourcentages prévus par l'art. 60 al. 2 LDA se justifie (c. 9). Le fait que les télévisions auront déjà à payer plus de droits voisins en raison des arrêts du TF et du TAF, rendus dans une autre affaire, précisant la notion de vidéogrammes disponibles sur le marché (cf. N 608-2012), ne peut pas être pris en compte. De même, dans un régime de gestion collective obligatoire, il n'est pas possible de tenir compte de paiements effectués par les diffuseurs à d'autres personnes que les sociétés de gestion. Pour les droits d'auteur, cela découle de l'art. 40 al. 3 LDA, qui ne prévoit la gestion individuelle qu'en faveur de l'auteur lui-même ou de ses héritiers (c. 10). Le tarif doit être équitable même sans tenir compte des rabais. L'octroi de ceux-ci n'est pas soumis au contrôle de l'équité mais les sociétés de gestion doivent respecter l'égalité de traitement (c. 11). Une clause selon laquelle une facture établie sur la base d'estimations devient définitive après un certain délai pourrait se trouver dans un contrat de licence et n'est donc pas inéquitable (c. 12). La CAF est tenue d'examiner un projet de nouveau tarif présenté par les sociétés de gestion, et de l'approuver s'il est équitable, cela même lorsque le Préposé à la surveillance des prix recommande la prolongation de l'ancien tarif (c. 13). [VS]

28 février 2014

HG BE, 28 février 2014, HG 13 116 SUN CAB (d) (mes. prov.)

sic! 10/2014, p. 634-637, « Converse All Star » ; droits conférés par la marque, concurrence déloyale, risque de confusion, indication publicitaire inexacte, mesures provisionnelles, vraisemblance, fardeau de la preuve, contrefaçon, importation parallèle, canaux de distribution, épuisement, chaussures, baskets, numéros de série, étiquette, fournisseur, OTTO’S ; art. 8 CC, art. 13 LPM, art. 3 al. 1 lit. b LCD, art. 3 lit. d LCD, art. 152 CPC, art. 156 CPC.

Les demanderesses requièrent qu’il soit interdit au discounter OTTO’S de diffuser diverses baskets prétendument falsifiées de marque Converse All Star, et que leur soient communiquées des informations sur les canaux de distribution. Elles indiquent que les chaussures litigieuses comportent des numéros de série ne figurant pas dans leur base de données. La défenderesse soutient que les baskets constituent des marchandises originales ayant fait l’objet d’importations parallèles. Tant que l’existence d’une contrefaçon n’est pas établie, l’intérêt de la défenderesse à ce que l’identité de ses fournisseurs ne soit pas révélée prime sur les intérêts des demanderesses à ce que leurs droits de parties soient respectés de manière intégrale et illimitée (c. 5c). En vertu de l’art. 8 CC, il incombe aux demanderesses d’établir la vraisemblance des faits qu’elles allèguent (c. 7). Le principe de l’épuisement ne s’applique qu’aux marchandises originales, et non aux contrefaçons. Le titulaire d’une marque qui prétend qu’elle a été contrefaite doit supporter le fardeau de la preuve de son affirmation (c. 9e). Il incombe par conséquent d’abord aux demanderesses de rendre vraisemblable que les chaussures litigieuses constituent des contrefaçons. Elles ne peuvent déduire du principe de l’épuisement qu’il incomberait préalablement à la défenderesse de rendre vraisemblable que les chaussures litigieuses ont été mises en circulation avec leur consentement. Un tel fardeau de la preuve ne serait concevable que si les demanderesses avaient affirmé et rendu vraisemblable que ces marchandises constitueraient des originaux, mis en circulation sans leur consentement (c. 9f). Le simple fait que les numéros de série imprimés sur les étiquettes apposées sur les chaussures ne figurent pas dans la base de données des demanderesses ne suffit pas à rendre vraisemblable l’existence d’une contrefaçon. Pour rendre vraisemblable l’existence de faux, il s’agit plutôt d’établir l’existence de divergences dans les propriétés spécifiques du produit. Dans la mesure où des numéros de série ne servent qu’au contrôle d’un système de distribution, même leur modification n’est pas condamnable en droit des marques (c. 13b). Des documents confidentiels retenus par les demanderesses, qui auraient selon elles pu rendre vraisemblable la contrefaçon, ne peuvent être pris en compte dans la présente procédure de mesures provisionnelles. Les demanderesses auraient pu les verser au dossier en requérant que les mesures nécessaires à la sauvegarde de leurs intérêts soient prises, en vertu de l’art. 156 CPC (c. 13c). La défenderesse parvient à rendre vraisemblable que la plupart des chaussures litigieuses ne constitue pas des contrefaçons (c. 14-15). Les demanderesses ne parviennent pas à rendre vraisemblable qu’il s’agit de faux (c. 15). Elles ne parviennent pas non plus à rendre vraisemblable que la défenderesse ait émis des affirmations inexactes ou ait créé un risque de confusion au sens des art. 3 lit. b et d LCD (c. 16d). Pour ces motifs, les requêtes de mesures provisionnelles sont rejetées (c. 17). [SR]

16 septembre 2014

HG ZH, 16 septembre 2014, HE140046 (d) (mes.prov.)

ZR 114/2015, p. 161-172 ; concurrence déloyale, droit des marques, importation parallèle, épuisement international, code Datamatrix, risque de confusion indirect, risque de confusion nié, mesures provisionnelles, produits cosmétiques ; art. 2 LCD, art. 3 al. 1 lit. a LCD, art. 3 al. 1 lit. b LCD, art. 3 al. 1 lit. d LCD.

La défenderesse, un grand magasin suisse, effectue des importations parallèles de produits de soins capillaires, achetés hors du système de distribution sélective de la demanderesse et revendus en Suisse. À cet effet, elle supprime leur code original Datamatrix pour le remplacer par un autre code (c. 2). Sous l’angle du droit des marques, selon le principe de l’épuisement international, la demanderesse ne peut interdire la revente des produits, ces derniers ayant été mis en circulation par elle ou avec son consentement. Il en va autrement lorsque des propriétés et caractéristiques spécifiques d’un produit ont été modifiées, au point que la marchandise modifiée apparaisse comme un nouveau produit. En principe, le fait de supprimer ou de rendre illisible des numéros de contrôle ou de fabrication ne constitue pas une violation du droit à la marque, car ces numéros ne constituent pas des propriétés importantes des produits sur lesquels ils figurent qui ne sont par conséquent que faiblement modifiés par leur suppression. Tel est le cas du code Datamatrix (c. 4.3). En l’absence de circonstances particulières de déloyauté, les importations parallèles ne constituent pas des actes de concurrence déloyale (c. 4.4.1). En raison de la licéité des importations parallèles, les acheteurs sont habitués à ce que des tiers concurrencent des systèmes de distribution sélective, et ne sont donc pas induits en erreur quant à l’existence de relations d’affaires avec les titulaires de marques. Les actes de la défenderesse n’entraînent pas une confusion qui pourrait tomber sous le coup de l’art. 3 al. 1 lit. b ou d LCD (c. 4.4.2). En elles-mêmes, les importations parallèles n’entraînent pas non plus une atteinte à la réputation de la marque. Il en va de même des remplacements de codes de la défenderesse, qui sont perçus par les consommateurs comme permettant l’importation parallèle du produit (c. 4.4.3). La suppression des codes n’est pas non plus déloyale (c. 4.4.4). Pour ces motifs, la demande de mesures provisionnelles doit être rejetée (c. 4.5). [SR]