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  • Croix-Rouge

09 janvier 2008

TAF, 9 janvier 2008, B-7402/2006 (d)

sic! 12/2008, p. 906 (rés.), « VSA ASA (fig.) » ; motifs absolus d’exclusion, signe contraire au droit en vigueur, noms et emblèmes internationaux, armoiries publiques, Suisse, croix, Croix-Rouge, emblème, couleur, services, Swissness, risque de confusion ; art. 6ter CUP, art. 2 lit. d LPM, art. 75 ch. 3 LPM, art. 1 ss LPAP, art. 7 al. 2 LPENCR.

Cf. N 252 (arrêt du TF dans cette affaire).

06 juin 2008

TF, 6 juin 2008, 4A_79/2008 (d)

ATF 134 III 406 ; sic! 12/2008, p. 906 (rés.), « VSA ASA (fig.) » ; motifs absolus d’exclusion, signe contraire au droit en vigueur, noms et emblèmes internationaux, Croix-Rouge, emblème, croix, couleur, services, risque de confusion, armoiries publiques, Albanie ; art. 6ter CUP, art. 2 lit. d LPM, art. 1 ss LPAP, art. 7 LPENCR ; cf. N 251 (arrêt du TAF dans cette affaire).

Le refus d'enregistrer une marque de services en raison d'un risque de confusion avec la Croix-Rouge ne peut se fonder que sur l'art. 2 lit. d LPM en lien avec l'art. 7 LPENCR, à l'exclusion de l'art. 6ter CUP et de la LPAP. La LPENCR interdit l'utilisation du signe de la Croix-Rouge comme élément d'une marque sans égard aux autres éléments avec lesquels il peut se combiner ni aux produits ou services désignés par cette marque. Peu importe donc que l'usage concret du signe conduise ou non à un risque de confusion en donnant à penser que les produits ou services désignés présentent un lien avec la Croix-Rouge. La question du risque de confusion entre la marque concernée dans son ensemble et le signe de la Croix-Rouge est sans pertinence. Il faut au contraire examiner si le signe de la Croix-Rouge est utilisé comme élément de cette marque, sans égard aux autres éléments qui la composent (c. 5.2). Dans l'arrêt TF, 28 août 2007, 4A_101/2007 (cf. N 249), le drapeau albanais n'étant pas repris tel quel dans le signe concerné, seul devait être examiné le risque de confusion entre l'élément litigieux dudit signe et le drapeau albanais dans son ensemble (c. 5.3). Dans la représentation en couleur rouge du signe litigieux, la croix rouge est délimitée, sur un fond rouge également, par un fin contour blanc. Dès lors que cette fine ligne blanche ne peut être assimilée au fond blanc du signe de la Croix-Rouge, il n'y pas reprise de celui-ci comme élément du signe litigieux (c. 6.2). Un risque de confusion peut donc être exclu et le recours est rejeté sur ce point (c. 6.2.1). Concernant la représentation du signe litigieux sans revendication de couleur, il existe, avec la possibilité d'un fond blanc, un risque de confusion avec le signe de la Croix-Rouge. En l'absence d'une revendication négative de couleur, l'IPI a refusé à juste titre l'enregistrement de ce signe et le recours est admis sur ce point (c. 6.2.2).

Fig. 70 – VSA ASA (fig.)
Fig. 70 – VSA ASA (fig.)

23 mars 2009

TAF, 23 mars 2009, B-3327/2008 et B-3328/2008 (d)

sic! 11/2009, p. 790 (rés.), « Senioren Notruf (fig.) » ; motifs absolus d’exclusion, signe contraire au droit en vigueur, noms et emblèmes internationaux, emblème, Croix-Rouge, croix, couleur, senior, Notruf, siège, signe trompeur ; art. 6ter CUP, art. 2 lit. c LPM, art. 2 lit. d LPM, art. 49 al. 1 lit. a LPM, art. 75 ch. 3 LPM, art. 1 ss LPENCR, art. 7 al. 2 LPENCR.

Sont d'office exclus de la protection les signes contraires au droit en vigueur (art. 2 lit. d LPM), en particulier au droit national et international relatif à la image protection des armoiries publiques et des noms et emblèmes internationaux (c. 2.1). À la différence de la LPAP et de l'art. 6ter CUP, l'art. 7 al. 2 LPENCR interdit l'utilisation des signes qu'elle protège dans des marques aussi bien pour des produits que pour des services (art. 75 ch. 3 LPM) (c. 2.2, 3.1 et 3.3). La recourante ayant son siège social en Suisse, les exigences de l'art. 49 al. 1 lit. a LPM sont remplies et un risque de tromperie au sens de l'art. 2 lit. c LPM est exclu (c. 3.2). La LPENCR ne décrit pas précisément l'emblème de la Croix-Rouge (c. 4.1). La LPENCR prévoyant une interdiction absolue d'employer l'emblème de la Croix-Rouge dans une marque, il est exclu de se référer à l'impression générale qui se dégage d'un signe afin de déterminer s'il est enregistrable (c. 4.2 et 5.2 in fine). L'utilisation concrète prévue pour la marque ne joue pas non plus de rôle (c. 4.2). L'art. 2 lit. d LPM, combiné avec les art. 1 ss et 7 al. 2 LPENCR, interdit l'enregistrement d'une marque figurative sans revendication de couleur contenant un motif composé de deux barres (formées chacune de 9 lignes parallèles, alternativement foncées et claires) se croisant de manière légèrement décentrée et plus ou moins perpendiculairement. Le motif peut en effet être confondu avec l'emblème de la Croix-Rouge, ce d'autant qu'il est susceptible d'être utilisé, sur fond blanc, avec la couleur rouge (c. 5).

Fig. 71a – SENIOREN NOTRUF SAWIRES (fig.)
Fig. 71a – SENIOREN NOTRUF SAWIRES (fig.)
Fig. 71b – SENIOREN NOTRUF SCHWEIZ (fig.)
Fig. 71b – SENIOREN NOTRUF SCHWEIZ (fig.)

14 mai 2013

TAF, 14 mai 2013, B-3304/2012 (f)

sic! 10/2013, p. 610 (rés.), « Emblème du Croissant-Rouge (fig.) » ; motifs absolus d’exclusion, Croissant-Rouge, Croix- Rouge, noms et emblèmes internationaux, signe contraire au droit en vigueur, armoiries publiques, risque de confusion admis, couleur, nuance de couleur, égalité dans l’illégalité, marque antérieure, décision étrangère, Règlement sur l’usage de l’emblème ; art. 6ter ch. 1 lit. a CUP, art. 6ter ch. 1 lit. b CUP, art. 38 al. 2 CG II, art. 44 al. 1 CG II, art. 53 CG II, art. 4 Règlement relatif à l’identification, art. 8 al. 1 Cst., art. 2 lit. d LPM, art. 30 al. 2 lit. c LPM, art. 1 al. 1 LPENCR, art. 5 LPENCR, art. 7-12 LPENCR.

Lorsqu'il s'agit de déterminer si un signe est conforme à la Loi sur la Croix-Rouge, l'impression d'ensemble qui se dégage du signe n'est pas déterminante. Il convient de décomposer le signe en question et de considérer pour lui-même l'élément susceptible d'être confondu avec l'emblème protégé (c. 2.2.2 et 3.3). La Loi sur la Croix-Rouge interdit l'utilisation de tout croissant rouge, image de forme et de nuance quelconques sur un fond blanc quelconque (c. 2.3.1 et 3.4). Il convient dès lors de considérer que l'élément arqué du signe déposé présente une certaine échancrure qui lui confère bien une forme de croissant. Le fait que l'élément arqué soit moins ouvert que la forme standard de l'emblème du Croissant-Rouge n'est quant à lui pas déterminant (c. 3.4.1). Selon l'art. 5 al. 1 du Règlement sur l'usage de l'emblème, la forme, l'orientation et la nuance de rouge du croissant rouge sont libres. Par conséquent, ni la largeur du signe, ni son épaisseur, ni son orientation (ouverte vers la gauche), ni sa nuance de rouge ou de rose ne sont déterminants (c. 3.4.2-3.4.4). Le signe déposé ne présentant que des différences minimes avec l'emblème du Croissant-Rouge, celui-ci demeure reconnaissable. Le fait que le signe déposé soit destiné à des produits pharmaceutiques ne fait que renforcer le risque que son élément arqué soit perçu comme l'emblème du Croissant-Rouge (c. 3.5). Vu le risque de confusion qu'il présente avec l'emblème du Croissant-Rouge, le signe viole notamment les art. 7 al. 2 et 12 al. 1 LPENCR et doit par conséquent, au sens de l'art. 2 lit. d LPM, être exclu de la protection à titre de marque (art. 30 al. 2 lit. c LPM). Mal fondé, le recours est rejeté (c. 3.6). [AC]

Fig. 14 –Marque de la recourante
Fig. 14 –Marque de la recourante

03 avril 2014

TAF, 3 avril 2014, B-3926/2013 (d)

sic! 11/2014, p. 706-710, « PhoenixMiles (fig.) » ; motifs absolus d’exclusion, signe trompeur, nom géographique, indication de provenance, signe contraire au droit en vigueur, noms et emblèmes internationaux, risque de confusion nié, impression générale, signe fantaisiste, marque combinée, enregistrement international, Croissant-Rouge, Croix-Rouge, élément verbal, élément figuratif, aviation, services liés à l’aviation, Phoenix, anglais, chinois, États-Unis, Chine ; art. 6quinquies lit. B ch. 3 CUP, art. 5 ch. 1 PAM, art. 2 lit. c LPM, art. 2 lit. d LPM, art. 47 al. 1 LPM, art. 47 al. 2 LPM, art. 1 al. 1 LPENCR, art. 7 al. 2 LPENCR, art. 12 al. 1 LPENCR.

La recourante, Air China Limited, a procédé à l’enregistrement international de la marque combinée « PhoenixMiles (fig.) », principalement pour des services liés à l’aviation en classes 37, 39 et 43. L’IPI a refusé l’extension de protection à la Suisse, excepté pour certains services de la classe 43, au motif que le signe est trompeur. C’est à raison que l’IPI a abandonné le grief selon lequel le signe de la recourante créerait un risque de confusion avec le Croissant-Rouge. Le signe en cause est plus mince et plus ouvert que le Croissant-Rouge. Ses deux pointes rappellent le coin d’une bouche souriante, ce qui n’est pas le cas du Croissant-Rouge. Enfin, les ouvertures des deux signes sont orientées différemment (c. 3). Selon l’art. 47 al. 2 LPM, ne constituent pas des indications de provenance au sens de l’al. 1 les noms ou signes géographiques qui ne sont pas considérés par les milieux intéressés comme une référence à la provenance des produits ou services (c. 4.4). Comme l’a précisé le Tribunal fédéral, il peut arriver dans un terme polysémique qu’un autre sens prime sur le sens géographique et que le terme ne doive dès lors plus être considéré comme une indication de provenance. En présence d’une marque combinée, il faut d’abord examiner si les éléments qui forment l’impression d’ensemble, considérés individuellement, ont une signification géographique et s’ils sont susceptibles d’éveiller une attente quant à la provenance. Il faut ensuite déterminer s’ils sont compris, en lien avec les produits et services revendiqués, comme des indications de provenance par les destinataires pertinents. Si tel est le cas, il faut enfin examiner si la marque en cause, dans l’impression d’ensemble qu’elle produit et non plus seulement en considérant ses éléments individuellement, éveille dans l’esprit du public une attente quant à la provenance des produits et services qu’elle désigne (c. 4.5). Les clients potentiels sont, à parts égales, des particuliers et des entreprises (c. 5). Le terme « Phoenix » a de nombreuses significations possibles. S’il désigne à l’origine, en anglais, l’oiseau mythique qui brûle pour renaître de ses cendres, il est par ailleurs le plus souvent employé pour désigner la capitale de l’État de l’Arizona aux États-Unis (c. 6.2.6.4). En Suisse, il est avant tout employé dans son sens originel (c. 6.5). Pour les destinataires suisses, seuls certains des services pour lesquels la protection est revendiquée pourraient effectivement provenir de Phoenix, en Arizona. Il s’agit d’examiner, pour ces services, si l’utilisation de la marque litigieuse éveille une attente quant à la provenance (c. 7). Pour ce faire, il faut se baser sur l’impression d’ensemble que dégage le signe, et non seulement sur l’élément « Phoenix » (c. 8.1). Le mot composé « Phoenix- Miles » n’a pas de sens évident. L’élément « Miles » ne renforce ni le sens d’indication de provenance géographique, ni l’association avec l’oiseau mythique. Le terme « PhoenixMiles » éveille plutôt l’impression d’une désignation fantaisiste. Les quatre caractères chinois, qui signifient « Air China », confèrent au signe une apparence orientale. Ils dominent l’impression d’ensemble que dégage la marque, et permettent au public concerné de l’attribuer intuitivement à un fournisseur de prestations asiatique. Le signe n’éveille donc pas d’attente de provenance relativement à la ville de Phoenix, et n’est donc pas propre à induire en erreur au sens de l’art. 2 lit. c LPM (c. 8.3). Le recours est admis (c. 8.4). [SR]

PhoenixMiles (fig.)
PhoenixMiles (fig.)

20 mai 2014

TF, 20 mai 2014, 4A_41/2014 (f)

ATF 140 III 251 ; sic! 9/2014, p. 532-538, « Croix rouge II » ; JdT 2015 II 203 ; marque combinée, motifs absolus d’exclusion, signe contraire au droit en vigueur, services médicaux, service de permanence médico-chirurgicale, permanence médico-chirurgicale SA, Croix-Rouge, noms et emblèmes internationaux, revendication de couleur, action en constatation de la nullité d’une marque, intérêt pour agir, risque de confusion direct, risque de confusion indirect, valeur litigieuse, force distinctive forte ; art. 28 CC, art. 29 CC, art. 2 lit. d LPM, art. 52 LPM, art. 7 al. 2 LPENCR, art. 91 CPC.

L’article 7 al. 2 de la loi fédérale du 25 mars 1954 concernant la protection de l’emblème et du nom de la Croix-Rouge (LPENCR) stipule que les marques et les designs « contraires à la présente loi » sont exclus du dépôt. Le projet « Swissness » adopté par le Parlement le 21 juin 2013 prévoit de remplacer cette disposition par le texte suivant qui ne conduira à aucun changement d’ordre matériel : « Les signes dont l’emploi est interdit en vertu de la présente loi et les signes susceptibles d’être confondus avec eux, ne peuvent être enregistrés comme marques, designs, raisons de commerce, noms d’association ou de fondation, ni comme éléments de ceux-ci » (c. 3.1). L’action en constatation de droit de l’art. 52 LPM peut être intentée par toute personne qui établit qu’elle a un intérêt juridique à une telle constatation. Un tel intérêt existe lorsqu’une incertitude plane sur les relations juridiques des parties, qu’une constatation judiciaire touchant l’existence et l’objet du rapport de droit pourrait l’éliminer et que la persistance de celle-ci entrave le demandeur dans sa liberté de décision au point d’en devenir insupportable pour lui (c. 5.1). La Croix-Rouge suisse, en tant qu’association au sens de l’art. 60 CC, dispose d’un intérêt digne de protection évident à intenter une action en nullité de la marque de la recourante, même si la LPENCR ne lui permet pas de disposer librement de son emblème (c. 5.2). Il est de jurisprudence constante que toute utilisation non autorisée de l’emblème de la Croix Rouge ou de tout autre signe pouvant prêter à confusion est exclue, quels que soient les circonstances et le but de l’utilisation. La LPENCR interdit ainsi en particulier l’utilisation de l’emblème de la Croix Rouge comme élément d’une marque, sans égard à sa signification en lien avec les autres éléments de la marque pour les produits et/ou services auxquels la marque est destinée. Peu importe en particulier que l’utilisation concrète de la marque conduise ou non à un risque de confusion, par exemple que les produits et/ou services marqués puissent être pris pour des produits et/ou services protégés par les conventions de Genève ou qu’ils puissent être mis en relation avec le Mouvement de la Croix Rouge. Il s’agit uniquement d’examiner si l’emblème protégé – de manière absolue – par la LPENCR (ou tout autre signe susceptible d’être confondu avec lui) est perçu comme un élément du signe déposé. L’élément en question doit ainsi être considéré pour lui-même, sans égard aux autres éléments - par exemple figuratifs ou verbaux – du signe déposé, de sorte que l’impression d’ensemble qui se dégage de ce signe n’entre pas en ligne de compte. Le but dans lequel le signe déposé est utilisé est sans importance, tout comme les produits et/ou services pour lesquels la protection est revendiquée. Il n’importe également que le signe soit utilisé comme « signe de protection » ou comme « signe indicatif » (c. 5.3.1). L’inscription de la marque au registre des marques tenu par l’IPI n’exclut pas l’existence d’un risque de confusion entre cette marque et l’emblème de la Croix Rouge. La décision de l’IPI ne lie en effet pas le Juge civil (c. 5.3.2). En l’espèce, le léger écart entre la branche droite de l’élément figuratif litigieux et le reste de cet élément (parties gauche et centrale) est la seule différence existant entre ce signe et la Croix-Rouge. En raison de la proximité de l’élément en forme de carré rouge (branche droite) avec l’autre élément, ce léger écart ne suffit pas à reléguer au second plan l’image d’une croix rouge sur fond blanc. Le signe, bien que stylisé, apparaît toujours comme une croix rouge. En outre, si l’emblème de la Croix Rouge est protégé indépendamment du contexte dans lequel il est utilisé, le fait qu’en l’espèce la marque enregistrée soit destinée à des soins médicaux et services de permanence médico-chirurgicale, ne fait que renforcer le risque que son élément litigieux soit perçu comme l’emblème de la Croix Rouge. L’existence d’un risque de confusion doit être retenue et le moyen tiré de la violation de l’art. 2 lit. d LPM admis (c. 5.3.3). Si la question de savoir si un signe distinctif figuratif (et non verbal) est protégé par l’art. 28 CC ou l’art. 29 CC est controversée, il n’est par contre pas contesté que la protection conférée par les art. 28 et 29 CC couvre aussi les armoiries et les emblèmes ou tout autre signe visant à désigner une personne. Ces dispositions protègent aussi bien les personnes physiques que les personnes morales (c. 6.2). La Croix Rouge suisse a un intérêt juridique manifeste à pouvoir intenter une action visant à écarter tout risque de confusion ou d’association entre le signe qui permet de l’individualiser (et sur lequel elle a de par la loi un droit exclusif ) et le signe utilisé par un tiers et à éviter la perte de force distinctive de son emblème, afin de préserver le prestige qui s’y attache. La Croix Rouge suisse est ainsi, en tant qu’association, légitimée à invoquer la protection découlant des art. 28 et 29 CC (c. 6.3). L’usage du nom d’autrui (ou de son signe d’identification) est illicite lorsque l’appropriation du nom (ou du signe) entraîne un danger de confusion ou de tromperie ou que cette appropriation est de nature à susciter dans l’esprit du public, par une association d’idées, un rapprochement qui n’existe pas en réalité entre le titulaire du nom (ou du signe) et le tiers qui l’usurpe sans droit. On se trouve également en présence d’une usurpation inadmissible de nom(ou de signe) quand celui qui l’usurpe crée l’apparence que le nom (ou le signe) repris a quelque chose à voir avec son propre nom (ou signe) ou sa propre entreprise ou encore que des relations étroites, sur un plan personnel, idéologique, intellectuel ou commercial, sont nouées entre les parties alors qu’il n’en est rien. Il n’est pas nécessaire que des confusions se soient effectivement produites (sous l’angle de l’art. 29 al. 2 CC) (c. 6.4). La manière dont la marque de la recourante est utilisée donne à penser que la Croix Rouge soutient ses activités et suscite un risque de confusion indirect dans l’esprit du public (c. 6.5). L’élément figuratif litigieux (la croix rouge) est au cœur du litige et c’est l’utilisation de cet élément, intégré dans la marque de la recourante, que la Croix Rouge entend faire cesser. Il est indéniable que la croix rouge, au vu de sa renommée, ne peut être comparée à une simple marque secondaire et on ne peut reprocher à la Cour cantonale d’avoir retenu la valeur litigieuse fixée par la demanderesse (CHF 300 000.-), soit la valeur conférée en principe à une marque d’entreprise bien établie (c. 7). [NT]

Croix-Rouge (fig.)
Croix-Rouge (fig.)

26 février 2016

TAF, 26 février 2016, B-4975/2013 (d)

Design, bijoux, « médaillon », Croix-Rouge, Croissant-Rouge, signe contraire aux bonnes mœurs, signe religieux, motifs d’exclusion en droit des designs, liberté de conscience et de croyance, armoiries publiques ; art. 15 Cst., art. 2 lit. d LPM, art. 2 al. 1 LDes, art. 4 lit. d LDes, art. 4 lit. e LDes, art. 9 LDes, art. 24 al. 3 LDes, art. 7 al. 2 LPENCR, art. 12 al. 1 LPENCR.

La protection d’un design est exclue s’il viole le droit fédéral ou un traité international (art. 4 lit. d LDes) ou s’il est contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs (art. 4 lit. e LDes). En présence d’un tel motif d’exclusion de la protection, un design ne peut pas être enregistré selon l’art. 24 al. 3 LDes. Les motifs d’exclusion de l’art. 4 lit. d et lit. e LDes reprennent la lettre de l’art. 2 lit. d LPM selon lequel sont exclus de la protection les signes contraires à l’ordre public, aux bonnes mœurs et au droit en vigueur. L’interprétation des motifs d’exclusion de l’art. 4 lit. d et lit. e LDes peut ainsi intervenir sur la base de la jurisprudence rendue en application de l’art. 2 lit. d LPM et de la doctrine s’y rapportant (c. 2). Sont contraires aux bonnes mœurs au sens de l’art. 4 lit. e LDes, les designs dont la protection heurterait les principes fondateurs de l’ordre juridique, ainsi que les conceptions éthiques de base généralement répandues dans notre pays (c. 3). Les designs qui heurtent le sentiment religieux d’une partie de la population sont contraires à l’ordre public et aux bonnes mœurs (c. 3.1.1). Ces notions de bonnes mœurs et d’ordre public dépendent dans une large mesure des conceptions sociales et morales qui prévalent à un moment donné et sont donc variables en fonction des époques (c. 3.1.2). Les art. 2 lit. d LPM et 4 lit. e LDes ont pour but de garantir la paix politique et sociale en excluant de la protection du droit des marques et du droit du design les créations qui seraient contraires à l’ordre public, lequel englobe les bonnes mœurs. Pour éviter que des signes heurtent l’ordre public et les bonnes mœurs, il convient en particulier de veiller à ce que la liberté de conscience et de croyance garantie par l’art. 15 Cst. soit respectée. Cela vaut pour toutes les régions présentes en Suisse indépendamment de l’intensité avec laquelle elles sont pratiquées chez nous. Il convient ainsi de tenir également compte des minorités en se référant à la sensibilité d’un représentant moyen du groupe de population correspondant (c. 3.2). In casu, la croix qui fait référence à la crucifixion et à la mort de Jésus constitue un des symboles les plus importants du christianisme. L’étoile de David est un symbole du judaïsme qui illustre par ses deux triangles indissociablement imbriqués les liens entre Dieu et les humains. Le croissant de lune est le symbole établi et reconnu de l’Islam et fait référence à son calendrier lunaire. Dans tous les cas, il s’agit pour ces trois signes de symboles qui sont clairement rapportables à une religion. Leur lien avec la religion est souligné par leur association pour le symbole judaïque au nom de David, pour le symbole chrétien à celui du Christ et pour le symbole musulman au nom d’Ismaël. Pour que les représentations litigieuses soient frappées d’un motif absolu d’exclusion à l’enregistrement, il faudrait qu’elles heurtent la sensibilité d’un représentant moyen de chacune des communautés religieuses concernées. Les relations entre ces trois religions mondiales ne sont certes pas absentes de conflits. Toutefois, la représentation toute générale d’une étoile de David, d’une croix chrétienne et d’un croissant de lune, du moment que rien n’est manifesté par là de négatif, ne comporte rien de religieusement offensant du point de vue d’un adepte moyen de ces religions. La représentation conjointe de ces différents symboles ne menace pas la paix religieuse. Leur combinaison ne comporte aucune appréciation, en particulier négative, de valeur et n’est pas choquante du point de vue religieux. Le design n’est ainsi, contrairement à l’avis de l’autorité de première instance, pas de nature à heurter les sentiments religieux des adeptes moyens des religions correspondantes et n’est donc pas contraire à l’ordre public au sens de l’art. 4 lit. e LDes (c. 3.4). L’utilisation d’un symbole religieux ou d’un nom en tant qu’éléments d’un design est ressentie comme moins choquante du point de vue de la conformité à l’ordre public et aux bonnes mœurs que lorsqu’elle intervient en tant qu’indication de provenance industrielle au sens du droit des marques (c. 3.6.1). Quoi qu’il en soit, même si la jurisprudence relativement sévère rendue en droit des marques en lien avec l’exclusion de l’enregistrement des signes heurtant les sentiments religieux était transposée en droit du design, un design comportant un motif religieux ne devrait pas être considéré comme contraire aux bonnes mœurs lorsque son utilisation n’interpelle plus les sentiments religieux des adeptes concernés soit parce qu’ils y sont habitués, soit à cause de leur perception religieuse. Dans le cas présent, le design considéré est une sorte de plaquette sacrée ou de médaillon dont l’utilisation peut bien cadrer avec un environnement religieux. L’utilisation comme éléments de parures de motifs religieux va historiquement croissante. L’utilisation comme éléments de parures est en outre aussi admise par la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de marque comme étant une des formes de commercialisation qui ne heurte pas les sentiments religieux des milieux concernés qui y sont habitués (c. 3.6.2-3.7). Le design dont l’enregistrement est demandé ne saurait ainsi être considéré ni comme contraire aux bonnes mœurs, ni comme contraire à l’ordre public et ne viole pas l’art. 4 lit. d LDes (c. 3.7). Selon l’art. 7 al. 2 LPENCR, les marques et les designs qui comportent le signe de la Croix-Rouge ou les mots « Croix Rouge » ou une autre désignation susceptible d’être confondue avec eux, sont exclus de l’enregistrement. Ces principes valent aussi pour le signe du Croissant-Rouge et pour les mots « Croissant Rouge » selon l’art. 12 al. 1 LPENCR (c. 4.1). Qu’il s’agisse de la Croix ou du Croissant-Rouge, ces emblèmes sont protégés lorsqu’ils sont présentés sur fond blanc (c. 4.2 et 4.3). La LPENCR interdit l’utilisation des emblèmes de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge comme éléments d’une marque ou d’un design sans égard à la signification qui pourrait leur revenir en relation avec d’autres éléments de la marque ou du design considéré (c. 4.5). Dans le cas particulier, il convient d’examiner si l’emblème du Croissant-Rouge (quelles que soient sa forme, son orientation et ses nuances de couleurs) sur fond blanc ou un signe susceptible d’être confondu avec lui est repris comme élément du design dont l’enregistrement est demandé. Seul doit être pris en considération le Croissant lui-même, à l’exclusion des autres éléments du design. Le but dans lequel le design, respectivement la marque, est utilisé n’est pas non plus relevant (c. 4.6). En l’espèce, l’emblème du Croissant-Rouge et le croissant du design querellé s’ouvrent du même côté et présentent des proportions très semblables, de sorte que les deux croissants se ressemblent grandement. La demande d’enregistrement ne comporte aucune indication sur les couleurs pour lesquelles la protection serait revendiquée, ce qui permet donc une utilisation avec une couleur susceptible d’être confondue avec le rouge du Croissant-Rouge (c. 4.6.2). L’enregistrement demandé est ainsi contraire à l’art. 7 al. 1 en relation avec l’art. 12 al. 1 LPENCR et le design exclu de l’enregistrement au sens de l’art. 4 lit. d LDes. La possibilité aurait toutefois dû être donnée au requérant de modifier la demande d’enregistrement de son design pour en obtenir la protection à l’exception du signe exclu. Avec une telle déclaration accompagnant le dépôt, le design aurait été enregistrable. La cause doit donc être renvoyée à l’autorité de première instance pour qu’elle en offre la possibilité au requérant. Le recours est admis et la cause renvoyée pour instruction complémentaire à l’autorité de première instance concernant le motif d’exclusion pour violation du droit au sens de l’art. 4 lit. d LDes. [NT]

Cst. (RS 101)

- Art. 15

LDes (RS 232.12)

- Art. 24

-- al. 3

- Art. 4

-- lit. d

-- lit. e

- Art. 9

- Art. 2

-- al. 1

LPENCR (RS 232.22)

- Art. 12

-- al. 1

- Art. 7

-- al. 2

LPM (RS 232.11)

- Art. 2

-- lit. d