V Domaines apparentés à la propriété intellectuelle

Protection des AOP/ AOC et des IGP

Conditions de la protection

15 octobre 2007

TF, 15 octobre 2007, 2A.496/2006 et 2A.497/2006 (f)

ATF 133 II 429 ; sic! 2/2008, p. 131-140, « Raclette II » ; AOP, raclette, fromage, mets, Valais, nom géographique, dénomination traditionnelle ; art. 14 al. 1 lit. d LAgr, art. 16 LAgr, art. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP.

La dénomination raclette ne peut pas être enregistrée comme appellation d'origine protégée parce qu'elle ne désigne pas le nom d'une région ou d'un lieu géographique spécifique qui conférerait ses qualités particulières au produit ainsi désigné. Le terme « raclette » n'est en outre pas encore devenu une dénomination traditionnelle renvoyant directement à une région ou à un lieu spécifique et bénéficiant d'une protection particulière en tant que telle. L'utilisation du terme raclette pour désigner un type de fromage valaisan plutôt que le mets lui-même est trop récente pour que ce terme constitue une dénomination traditionnelle.

01 octobre 2008

TAF, 1er octobre 2008, B-6251/2007 (d)

« Damassine » ; AOP, Damassine, spiritueux, eau-de-vie, Jura, Neuchâtel, aire géographique, canton, dénomination traditionnelle, tradition, terroir, nom générique, sondage, variété végétale, consultation, opposition, qualité pour recourir, dispositions transitoires, guide, récusation ; art. 10 PA, art. 48 al. 1 PA, art. 16 al. 3 LAgr, art. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 4 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 4b Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 8 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 9 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 23 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP.

Cf. N 569 (arrêt du TF dans cette affaire).

26 février 2010

TF, 26 février 2010, 2C_816/2008 (d)

sic! 7/8/2010, p. 534-537, « Damassine II » ; AOP, Damassine, spiritueux, eau-de-vie, prune, Jura, dénomination traditionnelle, indication de provenance, tradition, nom générique, signe trompeur, Damas, nom géographique ; art. 14 al. 1 LAgr, art. 16 al. 3 LAgr, art. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 4 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 4b Ordonnance sur les AOP et les IGP ; cf. N 568 (arrêt du TAF dans cette affaire).

Le terme « Damassine » n’est pas générique, car il n’est pas compris par la plupart des consommateurs comme la désignation courante et générale de l’eau de- vie issue de cette variété de prunes, mais comme une eau-de-vie de fruits typiquement jurassienne. Le nom de cette variété de prunes peut ainsi être enregistré comme appellation d’origine dans la mesure où son utilisation n’induit pas en erreur sur l’origine du produit (art. 4b Ordonnance sur les AOP et les IGP). La dénomination traditionnelle constitue une indication indirecte de la provenance d’un produit agricole faisant référence à la région dont le produit provient sans la nommer expressément. Une dénomination traditionnelle est ainsi une forme particulière d’appellation d’origine ou d’indication géographique qui implique l’existence d’un lien étroit, créé par une utilisation durable pendant un certain temps, avec le lieu géographique dont provient le produit qu’elle désigne. Ne porte pas à conséquence le fait que le terme « Damassine » soit composé en partie d’un nom géographique (Damas) désignant une autre région que celle dont provient le produit agricole transformé pour lequel l’enregistrement comme dénomination traditionnelle est demandé.

08 août 2014

TAF, 8 août 2014, B-4820/2012 (f)

sic! 2/2015, p. 95-107, « Absinthe » (Claudia Maradan : Remarques) ; Absinthe, Fée Verte, La Bleue, dénomination traditionnelle, indication de provenance indirecte, sondage, droit d’être entendu, nom générique, preuve, fardeau de la preuve, moyens de preuve, interprétation d’une étude démoscopique ; art. 29 al. 2 Cst., art. 12 PA, art. 14 al. 1 lit. d LAgr, art. 16 al. 1 LAgr, art. 16 al. 2 LAgr, art. 1 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 3 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 3 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 4 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 4 al. 3 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 5 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 6 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 6 al. 3 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 8 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 10 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 10 al. 3 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 11 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 12 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP et art. 12 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP.

En vertu de l’art. 3 al. 1 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP, peut être enregistré comme indication géographique, le nom d’une région, d’un lieu ou, dans des cas exceptionnels, d’un pays qui sert à désigner un produit agricole ou un produit agricole transformé originaire de cette région, de ce lieu ou de ce pays (lit. a), dont une qualité déterminée, la réputation, ou une autre caractéristique peut être attribuée à cette origine géographique (lit. b), et qui est produit, transformé ou élaboré dans une aire géographique délimitée (lit. c). Les dénominations traditionnelles des produits agricoles ou des produits agricoles transformés qui remplissent les conditions fixées à l’art. 3 al. 1 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP peuvent être enregistrées comme indication géographique (art. 3 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP) (c. 4.2.1). Selon l’art. 16 al. 3 phrase 2 LAgr, les noms génériques ne peuvent être enregistrés comme appellations d’origine ou indications géographiques. L’art. 4 al. 2 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP ajoute que, par nom générique, on entend la dénomination d’un produit qui, bien que se rapportant au lieu où ce produit a été initialement élaboré ou commercialisé, est devenue un nom commun qui le désigne. Enfin, selon l’art. 4 al. 3 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP, pour déterminer si un nom est devenu générique, on tient compte de tous les facteurs entrant en ligne de compte, notamment de l’opinion des producteurs et des consommateurs, particulièrement dans la région où le nom a son origine (c. 5.1). L’art. 6 al. 1 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP prévoit que la demande d’enregistrement doit prouver que les conditions fixées par l’Ordonnance sur les AOP et les IGP pour l’obtention d’une appellation d’origine ou de l’indication géographique sont remplies et en particulier contenir les éléments prouvant que la dénomination n’est pas générique (art. 6 al. 2 lit. c de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP). Le fardeau de la preuve du caractère non générique de la dénomination à enregistrer revient donc au groupement demandeur (c. 5.2.1). Si l’étude démoscopique constitue un élément important en vue d’établir qu’une dénomination n’est pas générique, elle n’est que l’un des éléments à prendre en considération. D’autres moyens de preuves comme les dictionnaires, articles de presse ou d’autres publications entrent aussi en ligne de compte (c. 5.2.2). L’art. 4 al. 2 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP ne décrit pas l’ensemble des cas de noms génériques. Il peut par conséquent exister des noms génériques qui, dès l’origine, ont un caractère générique sans l’être devenus à la suite d’un processus évolutif. Ce qui est décisif est le caractère générique ou non générique de la dénomination en cause au moment du dépôt de la demande d’enregistrement litigieuse. Peu importe que le caractère générique ou non générique ait existé depuis toujours ou qu’il soit le résultat d’une évolution (c. 5.3.2). Plus le nombre de personnes interrogées est élevé, plus le résultat d’une étude démoscopique est fiable. Une base de 1000 personnes au minimum est recommandée par les spécialistes et adoptée comme référence par la jurisprudence. Mais ce sont, parmi l’ensemble des personnes interrogées, uniquement celles qui connaissaient la dénomination en cause qui doivent servir de base à l’interprétation de l’étude démoscopique. C’est donc pour chaque dénomination en cause, en fonction du nombre de personnes qui connaît cette dénomination (et non pas en fonction de l’ensemble des personnes interrogées) que doit être calculée la proportion de personnes qui lui associe telle ou telle origine particulière (c. 5.4.1.2.2). Lorsqu’il s’agit de déterminer si une dénomination est dénuée de caractère générique, une importance particulière doit être donnée à la spontanéité des personnes interrogées. Le risque existe autrement que la succession des questions de l’étude démoscopique pousse les personnes interrogées à trouver une origine au produit (c. 5.4.2.4.2.1). Il est ainsi fortement critiquable d’additionner des réponses fournies de manière spontanée à des réponses données de manière assistée. Les résultats assistés ne sauraient en effet être mis sur le même plan que les résultats spontanés, principalement en raison du fait que la force probante des résultats assistés ne peut être aussi élevée que celle des résultats spontanés (c. 5.4.3.2). L’échantillon utilisé pour une étude démoscopique doit être composé de personnes provenant de l’ensemble des régions de notre pays. Le TAF indique qu’il aurait en l’espèce été nécessaire de procéder à trois études démoscopiques distinctes et d’interroger pour chacune des trois dénominations un groupe de personnes séparé (c. 5.4.4.3). L’art. 4 al. 3 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP invite à prendre en considération l’ensemble des éléments pertinents et ne saurait être interprété comme donnant un poids particulier à l’un d’eux. La mention de l’opinion des producteurs et des consommateurs n’y change rien. Et la valeur exemplative ne remet pas en cause l’affirmation principale de la disposition selon laquelle il s’agit de tenir compte de tous les facteurs pertinents. Il en résulte que l’opinion des producteurs et des consommateurs de la région où la dénomination a son origine doit être confrontée à l’ensemble des circonstances et ne saurait être décisive à elle seule. Comme les effets de l’enregistrement d’une AOP ou d’une IGP touchent le territoire de la Suisse dans son ensemble, il n’y a pas de raison d’accorder un quelconque privilège à l’opinion des producteurs et des consommateurs de l’aire géographique concernée. Il s’agit au contraire de s’assurer que, dans toute la Suisse, la dénomination en cause n’a pas un caractère générique. L’art. 16 LAgr ne donne d’ailleurs aucune indication qui permettrait de donner un poids particulier à une région (c. 5.4.5.3). À la différence de ce qui concerne la Damassine pour laquelle le Jura était mentionné, tous les dictionnaires consultés par le TAF donnent une définition géographiquement neutre du terme « Absinthe ». Il s’agit là d’un indice important du caractère générique de cette dénomination. Les sources très anciennes ne rattachent pas non plus la dénomination « Absinthe » à une origine géographique particulière. Enfin, dans la littérature plus récente, ainsi que dans les beaux-arts, la dénomination « Absinthe » est également utilisée comme un nom générique (c. 5.5.1.1). L’art. 85 de l’Ordonnance du DFI du 29 novembre 2013 sur les boissons alcooliques (RS 817.022.110) entrée en vigueur le 1er janvier 2014 comporte une définition de l’absinthe qui lui donne un statut de générique et ne fait en aucun cas référence à une provenance géographique quelconque. Elle englobe donc n’importe quel produit qui présente les caractéristiques énumérées, quel que soit le lieu dans lequel il est fabriqué. Cela constitue un indice fort du caractère générique de la dénomination « Absinthe » qui est comprise comme telle par le public (c. 5.5.1.4.2). L’art. 32ter aCst. accepté en votation populaire le 5 juillet 1908 ne contenait aucun élément selon lequel la dénomination « Absinthe » aurait désigné une boisson ayant une provenance géographique particulière. Au contraire, cette disposition visait clairement à interdire un type de boisson désigné par la dénomination « Absinthe » (c. 5.5.1.4.2). Le fait qu’au total sur le plan suisse 21% des personnes connaissant la dénomination « Absinthe » l’associent spontanément au Val-de-Travers est relativement faible et ne saurait être « compensé » par le fait que 67% des personnes provenant du canton de Neuchâtel connaissent la dénomination « Absinthe » et l’associent spontanément au Val-de-Travers. Le caractère générique de la dénomination « Absinthe » ne saurait ainsi être nié. Une indication de provenance indirecte a en outre plus facilement tendance à être perçue comme un nom générique qu’une indication de provenance directe. Par ailleurs, plus l’aire géographique est restreinte, plus les exigences en matière de « non-généricité » se doivent d’être élevées. En effet, si une dénomination est réservée à une région très limitée et qu’il est par conséquent interdit aux producteurs des autres régions (c’est-à-dire aux producteurs de pratiquement toute la Suisse) de l’utiliser, il doit être d’autant plus évident que cette dénomination constitue une référence à cette région très limitée (c. 5.5.1.8). Le TAF en déduit que la dénomination « Absinthe » doit être qualifiée de nom générique au sens de l’art. 16 al. 3 phrase 2 LAgr et de l’art. 4 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP et qu’elle ne peut par conséquent être enregistrée comme IGP. La même conclusion s’impose pour le TAF à propos des dénominations « Fée Verte » et la « Bleue » puisque dans les dictionnaires dans lesquels elle est mentionnée, la dénomination « Fée Verte » est utilisée comme synonyme de la dénomination « Absinthe » et qu’elle est désignée comme l’expression la plus universellement répandue pour parler du produit (c. 5.5.2.2). Le TAF met ainsi en balance le pourcentage relativement faible (33%) sur le plan suisse de personnes connaissant cette dénomination qui l’associent spontanément au Val-de-Travers avec le fait que les définitions des dictionnaires et le dossier historique mettent clairement en évidence le fait que la dénomination « Fée Verte » est un synonyme de la dénomination « Absinthe » et le fait qu’elle a un caractère universel (c. 5.5.2.3). Pour la dénomination « la Bleue », le TAF relève qu’elle est aussi utilisée comme synonyme de la dénomination « Absinthe » dans les dictionnaires sans référence à sa provenance géographique particulière (c. 5.5.3.1), et que le pourcentage (35%) à nouveau relativement faible de personnes associant spontanément sur le plan suisse la dénomination « La Bleue » au Val-de-Travers, contre 79% des personnes provenant du canton de Neuchâtel, mis en balance avec les définitions se trouvant dans les dictionnaires et le dossier historique permet d’aboutir à la conclusion que cette dénomination doit également être qualifiée de nom générique (c. 5.5.3.3). À titre de comparaison, le TAF relève que plus de la moitié (57,7%) des personnes connaissant « spontanément » la Damassine sur le plan suisse ont rattaché le terme « Damassine » à une eau-de-vie et près des deux tiers (64%) ont indiqué le canton du Jura comme son lieu de production actuel, plus de la moitié des sondés (55,3%) ayant dit personnellement attendre que la « Damassine » provienne du canton du Jura (c. 5.6.1.1.1). Enfin, étant donné que le caractère générique des dénominations en cause exclut leur enregistrement en tant qu’IGP, la question de savoir si elles peuvent être qualifiées de dénominations traditionnelles au sens de l’art. 3 al. 2 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP peut rester ouverte (c. 6). Les recours sont admis. [NT]

Cst. (RS 101)

- Art. 29

-- al. 2

LAgr (RS 910.1)

- Art. 14

-- al. 1 lit. d

- Art. 16

-- al. 1

-- al. 2

Ordonnance sur les AOP et les IGP (RS 910.12)

- Art. 12

-- al. 2

-- al. 1

- Art. 11

-- al. 1

- Art. 5

-- al. 1

- Art. 1

-- al. 1

- Art. 10

-- al. 3

-- al. 2

- Art. 3

-- al. 2

- Art. 8

- Art. 4

-- al. 3

-- al. 1

- Art. 6

-- al. 3

-- al. 1

PA (RS 172.021)

- Art. 12