ATF 139 IV 17 ; sic! 3/2013, p. 148-151, « Canal+ II » ; medialex 1/2013, p. 42-43 (rés.), « Canal+ Distribution SAS et consorts » ; concurrence déloyale, droits d’auteur, droits voisins, œuvre audiovisuelle, mesures techniques de protection, contournement, partage de code, exploitation d’une prestation d’autrui ; art. 5 lit. c LCD, art. 23 LCD ; cf. N 593 (TF, 11 octobre 2012, 6B_584/2011 ; sic! 3/2013, p. 144-147, « Canal+ I ») et N 594 (ATF 139 IV 11 ; sic! 3/2013, p. 151-153, « Canal+ III »).
La disposition pénale de l’art. 23 al. 1 LCD est imprécise et doit donc être interprétée restrictivement en raison du principe de la légalité (c. 1.1). Les prestations ou les résultats du travail qui ne jouissent d’aucune protection comme biens intellectuels peuvent être exploités par quiconque. L’art. 5 lit. c LCD ne s’oppose à leur reprise ou à leur copie qu’en présence de circonstances conduisant à admettre une concurrence déloyale. Il n’interdit pas l’exploitation de la prestation intellectuelle matérialisée dans l’objet, mais l’utilisation du support matériel afin de réaliser un produit concurrent. L’illicéité découle du fait que le concurrent se voit privé des fruits de ses efforts parce que quelqu’un les reprend directement, en économisant les investissements objectivement nécessaires, et les exploite pour son profit (c. 1.3). En présence d’une prestation non matérialisée, comme une idée, une méthode ou un procédé, l’art. 5 lit. c LCD est inapplicable. Toutefois, la notion de « résultat du travail » doit être comprise de manière large et recouvre aussi des choses incorporelles comme des émissions de radio ou de télévision ou des représentations d’œuvres musicales. Le produit doit en outre être « prêt à être mis sur le marché », c’est-à-dire exploitable de manière industrielle ou commerciale (c. 1.4). Un procédé sera illicite au sens de l’art. 5 lit. c LCD s’il vise non à copier le produit d’un concurrent ou à le fabriquer en utilisant d’autres connaissances, mais à le reprendre sans aucun investissement pour l’adapter. Les procédés de reproduction ne sont pas définis, ce qui permet d’appréhender de nouveaux moyens techniques (c. 1.5). Pour que l’art. 5 lit. c LCD s’applique, il faut examiner si le premier concurrent a déjà amorti ses dépenses au moment de la reprise. Cela est important tant pour limiter la protection temporellement que pour examiner s’il existe un « sacrifice » (c. 1.6). Enfin, le résultat d’un travail doit être repris par un procédé technique de reproduction. Or, en l’espèce, les recourants permettaient à leurs clients de recevoir les programmes Canal+ et Canal Sat en partageant avec eux les codes de décryptage des cartes officielles qu’ils avaient régulièrement acquises en tant qu’abonnés (card sharing). Ils n’ont donc pas repris les programmes diffusés ou les systèmes de décryptage par un procédé technique de reproduction. De surcroît, la décision cantonale ne contient aucun élément relatif à l’amortissement des coûts investis par les sociétés qui diffusent les programmes. Il n’y a donc pas d’infraction à l’art. 5 lit. c LCD (c. 1.9). [VS]