II Droit des marques et des indications de provenance

Droits conférés par la marque (art. 13-16 LPM)

Marques de garantie

02 novembre 2017

TF, 2 novembre 2017, 2C_261/2017 (f)

« Genève Région – Terre Avenir », marque de garantie, règlement de la marque de garantie, farine, préparation de céréales, pain, pâtisserie, confiserie, périmètre géographique de la marque, refus de dérogation, droit civil, droit privé ; art. 122 Cst., art. 21 al. 1 LPM, art. 21 al. 2 LPM, art. 21 al. 3 LPM, art. 23 al. 1 LPM, art. 23 al. 2 LPM, art. 23 al. 4 LPM, art. 55 LPM.

Les marques de garantie sont régies par la loi fédérale du 28 août 1992 sur la protection des marques et des indications de provenance qui se fonde sur l’art. 122 Cst. (c. 3.1). Aux termes de l’art. 21 al. 1 LPM, la marque de garantie est un signe utilisé par plusieurs entreprises sous le contrôle de son titulaire, dans le but de garantir la qualité, la provenance géographique, le mode de fabrication ou d’autres caractéristiques communes de produits ou de services de ces entreprises (al. 1). L’usage de la marque de garantie est interdit pour les produits ou les services du titulaire de la marque ou d’une entreprise qui est étroitement liée à celui-ci sur le plan économique (al. 2). Moyennant une rémunération adéquate, le titulaire doit autoriser l’usage de la marque de garantie pour les produits ou les services qui présentent les caractéristiques communes garanties par le règlement de la marque (al. 3) qui ne doit pas contrevenir à l’ordre public, aux bonnes mœurs ou au droit en vigueur (art. 23 al. 4 LPM). Le déposant d’une marque de garantie doit remettre à l’IPI le règlement concernant l’usage de la marque, qui fixe les caractéristiques communes des produits ou des services que celle-ci doit garantir ; le règlement de la marque prévoit également un contrôle efficace de l’usage de la marque et des sanctions adéquates (art. 23 al. 1 et 2 LPM). En effet, le titulaire de la marque de garantie doit exercer le contrôle prévu par la loi (art. 21 al. 1 LPM). Il n’est cependant pas tenu de l’exercer lui-même : il peut déléguer cette tâche à un tiers pour autant que cela soit prévu dans le règlement de la marque. Bien qu’en principe quiconque puisse demander l’enregistrement d’une marque de garantie, les titulaires sont en règle générale des associations économiques, des organisations agricoles, voire des services de la Confédération ou des cantons ou encore des autorités étrangères (c. 3.2). En vertu de l’art. 52 LPM, a qualité pour intenter une action en constatation d’un droit ou d’un rapport juridique prévu par la loi, toute personne qui établit qu’elle a un intérêt juridique à une telle constatation. Enfin, l’art. 55 LPM accorde une action en exécution d’une prestation à la personne qui subit ou risque de subir une violation de son droit à la marque (c. 3.3). La délimitation entre droit privé et droit public telle qu’elle résulte des critères développés par la jurisprudence et la doctrine – théories des intérêts, fonctionnelle, de la subordination et modale – ne trouve pas d’application lorsqu’elle résulte directement du droit positif, dès lors que, sur le terrain du droit civil, le législateur fédéral est compétent pour fixer souverainement l’étendue du droit privé. La compétence des cantons pour déterminer le champ d’application de leur droit public n’existe que sous réserve de la faculté appartenant à la Confédération (c. 5.1). Du moment que le législateur fédéral a décidé souverainement que la marque de garantie et les règles qui la régissent constituent une matière de droit civil (art. 122 Cst.), le refus par le tiers auquel le contrôle de la marque a été délégué par son titulaire d’accorder une dérogation permettant d’utiliser la marque de garantie constitue une matière de droit civil (c. 5.2). Le canton de Genève en tant que collectivité publique agit dans ce contexte en sa qualité de titulaire de la marque comme un sujet privé, qui doit en contrôler de manière efficace l’usage et prendre des sanctions adéquates (art. 23 al. 1 et 2 LPM). Dans ce cadre, il peut déléguer cette tâche à un tiers pour autant que cela soit prévu dans le règlement de la marque. Il s’agit là d’une délégation de droit privé. Cette qualification est confirmée par le fait que des autorités étrangères peuvent aussi être titulaires de marques de garantie et que, ce faisant, elles n’exercent en aucune manière des prérogatives de puissance publique sur le territoire suisse. En refusant d’octroyer l’usage de la marque de garantie aux recourantes, la commission délégataire du contrôle de la marque a agi, non pas sur délégation du canton en tant que détenteur de la puissance publique, mais bien sur mandat du canton de Genève en tant que détenteur de la marque de garantie au sens de l’art. 21 al. 1 LPM, au même titre que d’autres personnes physiques ou morales de droit privé demandant l’enregistrement d’une marque de garantie auprès de l’IPI (c. 6.1). Il est vrai également que l’instrument de droit privé prévu par l’art. 23 al. 1 LPM que constitue le règlement concernant l’usage de la marque peut, dans les limites de l’ordre public, des bonnes mœurs et du droit en vigueur (art. 23 al. 3 LPM), poursuivre des buts d’intérêt public et fixer, à cette fin, les caractéristiques communes des produits ou des services que la marque entend garantir (art. 23 al. 2 LPM). Il n’en demeure pas moins que la marque de garantie et son règlement, même utilisés pour promouvoir une tâche de droit public et des intérêts publics, relèvent toujours du droit privé et en gardent les caractéristiques. Ainsi, c’est bien le droit privé qui régit non seulement les litiges relatifs à l’octroi ou au refus d’autoriser l’usage de la marque de garantie, mais également les sanctions en cas de violation des obligations qui en résultent (c. 6.2). [NT]