Disposition

     CPC (RS 272)

          Art. 47

05 novembre 2020

TF, 5 novembre 2020, ATF 147 III 89 (d)

sic! 4/2021, p. 194 (rés.), « Ausstand im patentgerichtlichen Verfahren », récusation, partialité, tribunal fédéral des brevets, juge ; art. 30 al. 1 Cst., art. 47 CPC

Un conseil en brevets qui agit en tant que juge peut être considéré comme partial indépendamment du fait que le mandat ait ou non un lien factuel avec l’objet du litige. Le juge est également considéré comme partial si, en tant qu’avocat, il représente ou a représenté l’une des parties au litige dans une autre procédure ou si un tel rapport existe ou existait avec la partie adverse dans la procédure en cours. (c. 4.2.2). La partialité peut également apparaître lorsqu’un autre avocat dans le même cabinet a déjà été mandaté plusieurs fois par l’une des parties, a fortiori dans le cas d’une relation permanente. En effet, le client s’attend non seulement à ce que son avocat respecte ses obligations envers lui, mais que, dans une certaine mesure, il en soit de même pour les autres avocats au sein du cabinet (c. 4.2.3). Toutefois, certaines situations ne peuvent remettre en cause l’impartialité du juge. Tel est le cas d’activités purement administratives, à condition que l’intensité de la relation ne puisse susciter de crainte de partialité. Cette intensité est appréciée sur la base des circonstances objectives du cas d’espèce (c. 5.2). Dans le cas d’un brevet européen, l’activité du représentant de la partie suisse du brevet qui se limite à fournir un domicile de notification pour la correspondance de l’OEB ou de l’IPI, est purement administrative. Dans pareille situation, le conseil en brevets joue un rôle d’intermédiaire passif et non de représentation active ou de conseil. Dès lors, l’examen de l’impartialité ne se fait pas de manière aussi sévère que dans le cas d’une activité de conseil (c. 6.2). En outre, même s’il existe des directives internes en la matière comme celles du TFB, elles n’ont pas de valeur normative, mais sont utiles au juge afin qu’il évalue sa partialité. Dès lors, un motif de récusation s’apprécie uniquement à la lumière de l’art. 47 CPC en tenant compte des principes découlant de l’art. 30 al. 1 Cst. (c. 6.3). [CS/DK]

30 août 2021

TF, 30 août 2021, ATF 147 III 577 (d)

sic! 2/2022, p. 84-86, « Ausstand im patentgerichtlichen Verfahren II » ; récusation, partialité, tribunal fédéral des brevets, juge de formation technique, violation d’un brevet, recours rejeté ; art. 30 al. 1 Cst., art. 47 CPC.

En novembre 2017, la recourante a intenté une action en contrefaçon de brevet contre l’intimée auprès du Tribunal fédéral des brevets. En janvier 2020, une autre société (ci-après « deuxième plaignante ») a ouvert une action similaire, visant les mêmes produits (des stylos injecteurs), contre l’intimée. En février 2020, l’intimée a requis la récusation du juge spécialisé officiant dans la première procédure, au motif qu’il travaille comme conseil en brevets dans une étude d’avocats exerçant des activités purement administratives pour le compte de la deuxième plaignante, consistant à fournir un domicile de notification pour la correspondance de l’OEB ou de l’IPI. Comme l’a à juste titre considéré l’instance précédente, cette activité n’est pas en elle-même problématique, car elle n’implique pas la nécessité pour l’étude d’adopter le point de vue de son client, ce qui limiterait pour son employé la possibilité de juger en toute indépendance (c. 4.1). L’étude, qui fait partie des plus grandes études de conseils de brevets en Suisse, exerce pour la deuxième plaignante une activité qui porte sur près de 100 droits de propriété intellectuelle, depuis plus de 15 ans, et dont l’ampleur doit par conséquent être relativisée (c. 4.2). L’apparence de partialité, fondant un devoir de récusation, peut toutefois résulter de l’incidence du premier procès sur le second, qui concerne les mêmes produits de l’intimée (c. 5). L’instance précédente n’a pas violé le droit fédéral en concluant à la nécessité d’une récusation sur la base de son appréciation des circonstances du cas d’espèce, et en particulier de l’interaction entre les deux procédures concernées (c. 5.3). Le présent cas illustre de manière exemplaire les difficultés qui peuvent surgir, sous l’angle de l'art. 30 al. 1 Cst., en relation avec les tribunaux spécialisés dont la plupart des juges travaillent à temps partiel, en raison de la petite taille de la Suisse. Concernant le Tribunal fédéral des brevets, le faible nombre de juges pouvant officier comme juges spécialisés et le fait que certains juges ordinaires ne puissent travailler qu'à temps partiel pour le tribunal, et exercent par ailleurs d'autres fonctions dans le domaine du droit des brevets, constituent des difficultés supplémentaires. Ces problématiques ne sauraient toutefois contrebalancer la grande importance que revêt la garantie d'un juge indépendant et impartial, qui peut justement être affectée par des circonstances organisationnelles. Au contraire, il convient dans de tels cas de veiller tout particulièrement à l'indépendance du juge, tout en tenant compte de l'organisation voulue par le législateur dans le cadre de l'appréciation toujours nécessaire du cas d'espèce. Dans le présent contexte, cela signifie notamment que les activités purement administratives de l’étude d'un juge fédéral des brevets doivent être soumises à une appréciation moins stricte que les activités typiques d’un avocat ou d’un conseil en brevets. Toute activité administrative n'est pas suffisante pour justifier une apparence de partialité. Il faut plutôt que des circonstances objectives indiquent une certaine intensité de la relation. Toutefois, compte tenu de la grande importance que revêt le droit à un tribunal indépendant et impartial selon l'art. 30 al. 1 Cst. pour la crédibilité de la justice, le seuil pour un motif de récusation ne doit pas être fixé trop haut, même pour des activités administratives. L'instance précédente a respecté ces principes, et a procédé à une pesée appropriée des circonstances du cas d'espèce (c. 6). Le recours est rejeté (c. 8). [SR]

27 août 2013

TF, 27 août 2013, 4A_142/2013 (d)

ATF 139 III 433 ; sic! 1/2014, p. 32-37, « Nespresso V » ; Tribunal fédéral des brevets, récusation, motif de récusation, obligation de déclarer, société soeur, groupe de sociétés, café, capsules de café, garantie du juge constitutionnel, Migros, Denner, Nespresso ; art. 6 ch. 1 CEDH, art. 30 al. 1 Cst., art. 42 al. 1 LTF, art. 42 al. 2 LTF, art. 75 al. 1 LTF, art. 92 al. 1 LTF, art. 97 al. 1 LTF, art. 99 al. 1 LTF, art. 105 al. 1 LTF, art. 105 al. 2 LTF, art. 106 al. 2 LTF, art. 27 LTFB, art. 28 LTFB, art. 47 al. 1 lit. f CPC, art. 48 CPC; cf. N 208 (vol. 2007-2011 ; ATF 137 III 324, sic! 10/2011, p. 589-593, « Nespresso »), N 660 (TF, 26 juin 2012, 4A_36/2012 ; sic! 10/2012, p. 627-632 « Nespresso II »), N 737 (TF, 9 janvier 2013, 4A_508/2012 ; sic! 5/2013, p. 310-314, « Nespresso III ») et N 662 (Handelsgericht SG, 21 mai 2013, HG.2011.199 ; sic! 12/2013, p. 759-766, « Nespresso IV »).

L'art. 28 LTFB règle la question de la récusation des juges suppléants au TFB. Pour le surplus, les principes généraux du CPC, et en particulier ceux qui traitent de la récusation selon les art. 47 ss CPC valent en vertu de l'art. 27 LTFB aussi pour la procédure devant le TFB. C'est ainsi qu'est concrétisé le droit constitutionnel à bénéficier d'un juge indépendant et impartial consacré par l'art. 30 al. 1 Cst. (c. 2.1.1). Cette garantie est déjà violée en présence de circonstances qui, examinées de manière objective, donnent à penser qu'elles pourraient fonder une apparence de prévention ou le danger d'un parti pris. Tel est le cas si l'ensemble des circonstances, tant de fait que du point de vue procédural, fait apparaître des éléments de nature à éveiller la méfiance quant à l'impartialité du juge. La défiance quant à l'indépendance doit apparaître comme fondée d'un point de vue objectif, et il n'est pas exigé pour la récusation que le juge soit effectivement prévenu (c. 2.1.2). La garantie du juge constitutionnel vaut de la même manière pour les juges ordinaires que pour les juges suppléants (c. 2.1.3). Un avocat intervenant comme juge suppléant est, selon la jurisprudence constante, considéré comme prévenu lorsqu'il est encore lié par un mandat à l'une des parties ou lorsqu'il est intervenu comme mandataire d'une des parties à de nombreuses reprises ou peu avant la procédure. Cela sans égard au fait que le mandat soit en lien ou non avec l'objet de la procédure. Dans sa jurisprudence, la plus récente, le TF a considéré qu'un avocat intervenant comme juge était prévenu non seulement lorsqu'il représentait ou avait représenté peu de temps auparavant une des parties à la procédure, mais aussi lorsque, dans le cadre d'une autre procédure, il était ou avait été mandaté par une partie adverse à celles intervenant dans la procédure dans le cadre de laquelle il était appelé à officier comme juge (c. 2.1.4). Une apparence de prévention peut aussi découler de ce qu'un des associés du juge suppléant, et pas ce dernier à titre personnel, est mandaté par une des parties à la procédure ou l'a été peu de temps auparavant. Cela quelle que soit la nature du rapport juridique qui unit les associés au sein d'une étude (c. 2.1.5). D'autres types de relations qu'un mandat direct entre une des parties et le juge suppléant peuvent susciter l'existence de liens particuliers entre eux fondant l'apparence d'une prévention. Les considérations pratiques liées à la difficulté d'établir l'existence de telles relations ne doivent pas être un obstacle à leur prise en compte, vu l'obligation de déclarer l'existence d'un possible motif de récusation faite par l'art. 48 CPC aux magistrats ou fonctionnaires judiciaires (c. 2.1.6). Selon l'art. 28 LTFB, les juges suppléants se récusent dans les procédures où une partie est représentée par une personne qui travaille dans la même étude d'avocats, dans le même cabinet de conseils en brevets ou pour le même employeur. Cette disposition vise seulement les cas dans lesquels un associé ou un collègue de travail du juge représente une partie dans le cadre de la procédure pendante devant le TFB. Elle ne règle pas la situation dans laquelle un associé du juge appartenant à la même étude que lui est lié par un mandat à une des parties à la procédure, sans pour autant la représenter dans la procédure pendante devant le TFB. L'art. 28 LTFB n'est ainsi pas applicable aux cas dans lesquels un mandat est ouvert entre l'étude d'avocats à laquelle le juge appartient et une partie à la procédure (ou une partie étroitement liée à celle-ci parce qu'appartenant au même groupe de sociétés), mais où cette dernière est représentée dans la procédure devant le TFB par un mandataire qui n'est pas un des associés du juge suppléant. Ce sont alors les motifs généraux de récusation selon l'art. 47 CPC — dans le cas particulier la clause générale de l'al. 1 lit. f — qui doivent être pris en compte dans le respect des principes établis par l'art. 30 al. 1 Cst. (c. 2.2). Dans le cas particulier, le mandat donné à un des associés du juge suppléant ne l'était pas par une des parties à la procédure (Denner SA), mais par sa société sœur: Migros France. Le risque de prévention du juge suppléant a néanmoins été retenu par le TF vu la manière dont les marques sont gérées au sein du groupe Migros (qui agit aussi pour celles de Denner) (c. 2.3.1), et de la communauté d'intérêts entre ce groupe et Denner à l'issue du procès devant le TFB (c. 2.3.4). Le recours est admis. [NT]

CEDH (RS 0.101)

- Art. 6

-- ch. 1

CPC (RS 272)

- Art. 48

- Art. 47

-- al. 1 lit. f

Cst. (RS 101)

- Art. 30

-- al. 1

LTF (RS 173.110)

- Art. 92

-- al. 1

- Art. 106

-- al. 2

- Art. 75

-- al. 1

- Art. 42

-- al. 2

-- al. 1

- Art. 105

-- al. 1

-- al. 2

- Art. 99

-- al. 1

- Art. 97

-- al. 1

LTFB (RS 173.41)

- Art. 28

- Art. 27