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  • Violation
  • d'un brevet

25 août 2015

TFB, 25 août 2015, O2013_008 (d)

Conditions de la protection du brevet, nouveauté, non-évidence, homme de métier, état de la technique, violation d’un brevet, contrefaçon, brevet européen, décision étrangère, action échelonnée, jugement partiel, action en cessation, action en fourniture de renseignements, action en dommages-intérêts, action en remise du gain, dommage, pistolet de pulvérisation ; art. 66 lit. a LBI, art. 66 lit. b LBI, art. 85 CPC.

La défenderesse, accusée par la plaignante d’avoir violé le brevet européen qu’elle détient sur un pistolet de pulvérisation, allègue un défaut de nouveauté par rapport à deux brevets existants. Le TFB rejette cet argument, et cite une décision concordante du Bundespatentgericht allemand (c. 4.3). La défenderesse allègue également une absence d’activité inventive par rapport au premier des deux brevets cités, l’invention découlant d’une manière évidente de l’état de la technique, qu’elle exemplifie en citant plusieurs autres brevets. Le TFB considère, contrairement au Bundespatentgericht allemand, que les documents cités ne rendent pas l’invention litigieuse évidente pour l’homme du métier (c. 4.4). L’objet réalisé par la défenderesse remplissant toutes les caractéristiques de la première revendication de la plaignante, il constitue une contrefaçon de l’invention brevetée au sens de l’art. 66 lit. a LBI (c. 4.5). La demanderesse prend des conclusions en cessation du trouble, en fourniture de renseignements et en reddition de comptes. Elle conclut en outre à ce qu’il lui soit donné la possibilité, dans une deuxième étape, d’établir et de chiffrer son dommage ou le gain dont elle pourrait demander la délivrance, sans, à ce stade de la procédure, prendre de conclusions chiffrées ou chercher à établir que les conditions d’une action en dommages-intérêts ou en délivrance du gain seraient remplies (c. 5.1). L’action échelonnée suppose l’existence d’une prétention de droit matériel en fourniture de renseignements et en reddition de comptes (c. 5.3). Le TFB considère qu’une telle prétention de droit matériel découle de l’art. 66 lit. b LBI (c. 5.4). Il fait donc droit aux conclusions en cessation et à celles en fourniture de renseignements et en reddition de comptes (c. 5.5). Et puisque la demanderesse a requis et obtenu que la procédure soit suspendue en ce qui concerne les actions pécuniaires jusqu’à droit connu sur l’existence d’une violation et sur l’action en fourniture de renseignements et en reddition de comptes, on ne peut pas lui faire grief de n’avoir pas allégué et établi que les conditions d’une action en dommages-intérêts ou en délivrance du gain seraient remplies (c. 5.6). [SR]

27 février 2014

TFB, 27 février 2014, S2014_002 (d) (mes. prov.)

Mesures superprovisionnelles, mesures provisionnelles, certificat complémentaire de protection, médicament, médicament générique, questionnaire de besoins, préjudice difficilement réparable, générique, violation d’un brevet ; art. 27 LTFB, art. 8 LBI, art. 77 LBI, art. 140d LBI, art. 261 al. 1 CPC, art. 265 al. 1 CPC.

Quatre mois environ avant l’échéance d’un certificat complémentaire de protection pour un médicament de traitement de la dépression, les titulaires apprennent qu’un concurrent (supposément la défenderesse) approche les médecins et les pharmaciens pour leur soumettre un questionnaire de besoins. Le texte du questionnaire explique que le brevet arrivera prochainement à échéance et que le renvoi du questionnaire permettrait d’adapter les stocks de produits génériques en vue d’assurer une continuité dans les livraisons. Le produit protégé n’était pas directement proposé à la vente. Statuant sur mesures superprovisionnelles, le TFB reconnaît la vraisemblance d’une atteinte au brevet des recourantes, en particulier le caractère difficilement réparable de l’atteinte. La remise d’un questionnaire de besoins à des professionnels de la santé mentionnant expressément l’échéance prochaine de la protection d’un médicament et qui vise de manière évidente la remise d’un générique constitue en effet une violation de la protection du droit des brevets (art. 140d LBI en lien avec art. 8 LBI). Afin d’obtenir le prononcé de mesures superprovisionnelles ou provisionnelles, il faut au surplus rendre vraisemblable que le générique mentionné dans le questionnaire contrevient à la protection du certificat complémentaire de protection (c. 4), condition remplie en l’espèce. L’existence de doutes sur l’auteur du questionnaire n’est pas propre à remettre en cause l’interdiction faite à la défenderesse de distribuer le questionnaire. [FE]

31 mars 2014

TFB, 31 mars 2014, S2014_003 (d) (mes. prov.)

sic! 10/2014, p. 641-642, « Selektiver Serotonin-Wiederaufnahmehemmer » ; certificat complémentaire de protection, durée de protection du certificat complémentaire de protection, urgence, brevet, violation d’un brevet, médicament générique, offre de médicaments génériques, mesures superprovisionnelles ; art. 8 LBI, art. 77 LBI, art. 140d al. 1 LBI, art. 98 CPC, art. 261 al. 1 CPC, art. 265 al. 1 CPC.

Les demanderesses sont titulaires de la partie suisse d’un brevet européen de base ainsi que d’un certificat complémentaire de protection (CCP) enregistré en Suisse qui protège la préparation originale d’une substance médicale. Bien que la période de protection du CCP ne soit pas encore écoulée, la défenderesse, titulaire de deux médicaments génériques contenant comme unique substance médicale celle protégée par le CCP, fait de la publicité pour ses médicaments génériques et enregistre des commandes. Les demanderesses introduisent une action devant le TFB et réclament des mesures superprovisionnelles à l’encontre de la défenderesse. Les mesures demandées sont notamment l’interdiction de l’offre et de la commercialisation des médicaments génériques ainsi qu’une réparation financière pour le préjudice subi (c. 2). Selon le TFB, il est rendu vraisemblable que l’offre des médicaments génériques de la défenderesse porte atteinte au CCP des demanderesses. En effet, elle constitue une violation de brevet selon l’art. 140d LBI et l’art. 8 LBI, car les produits des demanderesses doivent être protégés contre toute violation pendant la durée de protection du CCP. Le TFB considère qu’il y a également violation du brevet lorsque la livraison consécutive à une offre faite pendant la période de protection du CCP a lieu après la fin de cette période. En l’espèce, il est rendu vraisemblable que le comportement de la défenderesse a causé un préjudice aux demanderesses qui ne cesse de s’aggraver jour après jour. Par conséquent, les conditions pour octroyer des mesures superprovisionnelles sont remplies, le préjudice étant rendu vraisemblable et le caractère d’urgence démontré (c. 4). [CB]

30 janvier 2014

TFB, 30 janvier 2014, O2012_033 (f)

sic! 6/2014, p. 376-388, « Couronne dentée » ; brevet, horlogerie, violation d’un brevet, couronne dentée, affichage, mécanisme d’affichage, guichet de cadran, cadran, grande date, mouvement, montre, dispositif d’affichage, homme de métier, action en interdiction, action en constatation de la nullité d’un brevet, action en fourniture de renseignements, action échelonnée, description du comportement illicite, cumul des titres de protection, extension illicite de l’objet du brevet, nouveauté en droit des brevets, non évidence, conclusions précises, remise du gain, fardeau de la preuve, fardeau de l’allégation, maxime de disposition, concurrence déloyale ; art. 26 al. 1 lit. a LTFB, art. 26 al. 4 LTFB, art. 41 LTFB, art. 10 des Directives procédurales du TFB du 28.11.2011, art. 8 CC, art. 26 al. 1 lit. a LBI, art. 26 al. 1 lit. c LBI, art. 26 al. 1 lit. d LBI, art. 51 al. 1 LBI, art. 58 al. 2 LBI, art. 66 lit. a LBI, art. 66 lit. b LBI, art. 72 LBI, art. 125 al. 1 LBI, art. 3 al. 1 lit. b LCD ; cf. N 916 (TF, 2 octobre 2014, 4A_142/2014 ; sic! 1/2015, p. 49-53, « Couronne dentée II ») et N 929 (TFB, 2 juin 2015, O2012_033 ; sic! 12/2015, p. 695-696, « Couronne dentée III »).

L’art. 41 LTFB implique un transfert automatique au TFB de tous les procès qui n’ont pas encore été plaidés sur le fond au 1er janvier 2012, quel que soit l’avancement de l’instruction. Selon l’art. 10 des Directives procédurales du TFB, le TFB reprend le traitement des procédures qui, au moment de l’entrée en vigueur de la LTFB, sont pendantes devant les tribunaux cantonaux, dans la mesure où la juridiction cantonale concernée justifie que les débats principaux n’ont pas encore eu lieu. L’interprétation du droit cantonal revient aux juridictions cantonales auxquelles il appartient de déterminer à quel moment il convient d’admettre, selon leur propre procédure cantonale, que les débats principaux sont réputés avoir eu lieu (c. 14). Les actions en cessation de trouble doivent viser l’interdiction d’un comportement précisément décrit. La partie condamnée doit apprendre ce qu’elle n’est plus en droit de faire, et les autorités d’exécution ou les autorités pénales doivent savoir quel comportement elles doivent empêcher ou peuvent assortir d’une peine. Si l’on fait valoir auprès de ces autorités que le défendeur a répété un acte prohibé malgré l’interdiction du juge civil, celles-ci doivent seulement avoir à vérifier si les conditions factuelles invoquées sont remplies. En revanche, elles ne doivent pas être amenées à qualifier sur le plan juridique le comportement en cause. Mentionner l’essence des revendications d’un brevet dans les conclusions visant l’interdiction de sa violation peut s’avérer insuffisant. Le mode de violation du brevet ou le mode d’exécution allégué doit ainsi être décrit de façon à ce qu’un examen purement factuel permette sans autre de constater si on est en présence d’une forme d’exécution prohibée. Il faut donc décrire la forme de violation comme un acte technique réel, à travers certaines caractéristiques qui ne nécessitent aucune interprétation juridique ou interprétation de termes techniques ambigus. Ceci en particulier parce que le dispositif du jugement, éventuellement interprété sur la base des considérants, doit exposer concrètement quelles caractéristiques du mode d’exécution sont attaquées en tant que mise en œuvre de l’enseignement technique. Il ne suffit ainsi pas de répéter les caractéristiques mentionnées dans le brevet. Une description du mode de violation est nécessaire; et ce n’est que lorsque les caractéristiques du mode d’exécution utilisant le brevet litigieux sont concrètement désignées qu’une éventuelle interdiction peut être exécutée. Ce n’est en fait que lorsque l’énoncé de la revendication est spécifique au point qu’un examen purement factuel permet sans autre de constater si on est en présence d’une forme d’exécution prohibée et que cet énoncé ne nécessite aucune interprétation juridique ou interprétation de termes techniques ambigus, que la désignation concrète des caractéristiques techniques concrètes du mode d’exécution peut se confondre avec l’énoncé de la revendication qui fonde l’interdiction. Ce qui a été admis en l’espèce (c. 17). Est réputée constituer une extension allant au-delà du contenu des pièces initialement déposées, une modification qui n’est pas divulguée à la date pertinente (de dépôt ou d’un éventuel report au sens de l’art. 58 a LBI), soit un enrichissement technique du contenu de la demande et donc un apport d’informations de nature technique qui ne se déduit pas – directement et sans ambiguïté – de l’intégralité du contenu technique – explicite ou implicite – soumis à la date pertinente. Pour toutes les prétentions relevant du droit privé fédéral, l’art. 8 CC répartit le fardeau de la preuve auquel correspond, en principe, le fardeau de l’allégation et, partant, les conséquences de l’absence de preuve ou d’allégation. La partie qui entend se prévaloir d’un motif de nullité d’un brevet supporte le fardeau de la preuve, à moins que la loi n’en dispose autrement, conformément à l’art. 8 CC. Un état de fait qui n’a pas été allégué par la partie qui en supporte le fardeau ne peut pas être admis par le juge et, si en raison d’un défaut d’allégation, un état de fait ne peut pas être pris en considération ou demeure incertain, le juge doit se prononcer en vertu de l’art. 8 CC en défaveur de la partie qui supporte le fardeau de la preuve. Dès lors que la partie qui souhaite se prévaloir du motif de nullité découlant d’une extension illicite de l’art. 26 al. 1 lit. c LBI supporte le fardeau de la preuve de cette extension illicite et doit alléguer de façon détaillée d’une part la modification en cause et d’autre part la détermination de l’homme du métier et l’étendue de ses connaissances à la date pertinente (date de dépôt ou de report). Le même principe d’allégation détaillée relative à l’homme du métier et à ses connaissances s’applique à la question de l’activité inventive et à la suffisance de description au sens des art. 26 al. 1 lit. a (en relation avec l’art. 1 al. 2) et 26 al. 1 lit. b LBI. Il ne suffit dès lors pas de simplement alléguer qu’une modification particulière ne serait pas explicitée dans le contenu des pièces initialement déposées (à la date de dépôt ou de report). Encore faut-il identifier l’homme du métier (typiquement par sa profession et/ou sa formation) et ses connaissances générales (typiquement les sujets techniques qu’il doit maîtriser en sa qualité d’homme du métier déterminé) à la date pertinente et expliquer pour quels motifs une telle modification ne se déduirait pas du contenu explicite des pièces initialement déposées à l’aide des connaissances de l’homme du métier (c. 19). Tel n’a pas été le cas en l’espèce. La Cour a retenu en outre qu’il résultait de l’examen des pièces modifiées en cours de procédure d’enregistrement qu’aucune extension illicite n’était intervenue (c. 20 et c. 21-23). Concernant la nouveauté, la Cour rappelle qu’une combinaison avec d’autres documents n’est pas admissible et considère qu’il convient dès lors d’admettre la nouveauté de l’invention revendiquée par rapport aux deux antériorités invoquées (c. 26). Une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si pour l’homme du métier elle ne découle pas d’une manière évidente de l’état de la technique. L’homme du métier joue ainsi un rôle décisif dans l’appréciation de l’activité inventive. À l’instar de la question de l’examen de l’extension illicite, l’appréciation de l’activité inventive présuppose une allégation détaillée quant à la détermination de l’homme du métier et ses connaissances à la date pertinente par la partie qui souhaite se prévaloir du motif de nullité correspondant au sens de l’art. 26 al. 1 lit. a (en relation avec l’art. 1 al. 2) et 26 al. 1 lit. b LBI. Cette information est nécessaire afin de déterminer si ses connaissances générales auraient incité et permis à l’homme du métier de combler une lacune entre une ou plusieurs antériorités déterminées (par exemple une ou plusieurs publications et/ou usage public antérieur) et l’invention revendiquée. Une telle allégation détaillée est également nécessaire afin de déterminer si ses connaissances générales auraient permis à l’homme du métier de combiner les enseignements contenus dans des antériorités différentes afin de les réduire en un mode d’exécution combinée (réelle) couvert par l’invention revendiquée. Le défaut d’une allégation détaillée en ce sens contraint en principe le juge à rejeter le motif de nullité invoqué, ainsi que cela a été fait en l’espèce, la demanderesse ayant présenté l’homme du métier uniquement comme un praticien du domaine technologique normalement qualifié qui possède des connaissances générales dans le domaine concerné et qui est censé avoir eu accès à tous les éléments de l’état de la technique (c. 32). Selon l’art. 125 al. 1 LBI, dans la mesure où, pour la même invention, un brevet suisse et un brevet européen ayant effet en Suisse ont été délivrés au même inventeur ou à son ayant cause avec la même date de dépôt ou de priorité, le brevet suisse ne porte plus effet dès la date à laquelle le délai pour former opposition au brevet européen est échu, ou la procédure d’opposition a définitivement abouti au maintien en vigueur du brevet européen. Dans le contexte de la LBI, une invention se comprend comme une règle de comportement technique portant sur l’utilisation des éléments naturels ou des forces de la nature et aboutissant à un résultat déterminé. L’invention est définie dans une ou plusieurs revendications du brevet (art. 51 al. 1 LBI). En l’espèce, la revendication 1 du brevet suisse concerné ne définit pas la même invention que celle de la revendication 1 du brevet européen. Le brevet suisse décrit ainsi une règle différente de celle du brevet européen. Par conséquent, les deux brevets ne protègent pas la même invention et les conditions d’application de l’art. 125 LBI ne sont pas réalisées (c. 37). L’art. 72 al. 1 LBI prévoit que celui qui est atteint ou menacé dans ses droits par l’un des actes mentionnés à l’art. 66 LBI, notamment par la contrefaçon ou par l’imitation d’une invention brevetée (art. 66 lit. a LBI) peut demander la cessation de cet acte. Comme en l’espèce la demanderesse a prouvé que la défenderesse viole le brevet litigieux, comme l’atteinte a déjà commencé et, comme selon la correspondance échangée entre les parties respectives et leurs conseils, et selon les contestations intervenues dans la présente procédure, elle n’a pas pris fin, il convient d’ordonner à la défenderesse – sous la menace de l’art. 292 CP, soit l’amende – de cesser tout usage du mécanisme breveté en relation avec des montres (c. 40). Quand il est, comme en l’espèce, impossible pour le demandeur de chiffrer ses prétentions lorsque l’ignorance résulte de faits qui sont entre les mains du défendeur ou d’un tiers, le demandeur peut intenter une action dite échelonnée, dans laquelle une conclusion en reddition de comptes est liée à une conclusion indéterminée en paiement de la somme due. La seconde est principale, la première est complémentaire. L’action en renseignement découle de l’art. 66 lit. b LBI (c. 41). [NT]

19 mars 2014

TFB, 19 mars 2014, O2013_007 (d)

sic! 9/2014, p. 560-562, « Netzstecker » ; action en dommages-intérêts, action en remise du gain, licence exclusive, remise du gain, mauvaise foi, violation d’un brevet, fardeau de la preuve, vraisemblance, pouvoir d’appréciation, frais ; art. 2 CC, art. 42 al. 2 CO, art. 423 CO, art. 73 LBI.

Le lésé au bénéfice d’une licence exclusive peut agir en dommages-intérêts aux conditions qui prévalent en droit des obligations ou, alternativement, en remise du gain, selon les dispositions applicables en matière de gestion d’affaires sans mandat (art. 423 CO) (c. 4.2). Le gain consiste alors en la différence entre le patrimoine effectif du contrefacteur et la valeur de ce même patrimoine s’il n’avait pas commercialisé les contrefaçons (en l’espèce des prises d’alimentation électrique (Netzstecker). Le revenu net étant déterminant, il convient de déduire les coûts engagés par le contrefacteur. La jurisprudence soumet de surcroît l’action en remise de gain à la condition de la mauvaise foi du contrefacteur. Agit notamment de mauvaise foi celui qui savait, devait savoir ou pouvait savoir qu’il agissait de manière contraire au droit (art. 2 CC). Cette condition est remplie si le contrefacteur maintient son activité litigieuse suite à la réception d’un courrier de mise en demeure l’informant qu’il agit de manière contraire au droit. Il en va de même lorsqu’un commerçant spécialisé dans les appareils high-tech commande, sans effectuer de recherches préalables, un produit potentiellement protégé, dans un pays dont il est connu qu’il n’offre pas une protection adéquate des droits immatériels (c. 4.3). Le fardeau de la preuve du gain manqué est supporté par le lésé. L’art. 42 al. 2 CO s’applique par analogie à l’action en remise du gain lorsqu’il n’est pas possible d’établir le gain manqué de manière exacte. Il suffit au lésé de rendre sa prétention plausible sur le fond et sur son étendue. Il n’est pas nécessaire que des factures détaillées soient produites. La remise du gain est au surplus conditionnée à la violation d’un droit. Il faut alors déterminer dans quelle mesure le droit violé est à l’origine de la décision d’achat ou si d’autres circonstances ont joué un rôle prépondérant dans ce cadre. La réponse à cette question relève du pouvoir d’appréciation du juge (c. 4.3). Les frais d’avocat et d’agent de brevets engagés par le lésé avant le procès en vue de contrôler l’existence d’une violation d’un brevet ou de faire notifier des courriers de demeure à la partie adverse constituent des frais en lien direct avec le procès. Leur remboursement peut être exigé par le lésé (c. 4.5). [FE]

30 août 2013

TFB, 30 août 2013, S2013_008 (d) (mes.prov.)

sic! 3/2014, p. 160-162, « Muffenautomat » ; secret de fabrication ou d’affaires, Tribunal fédéral des brevets, mesures provisionnelles, violation d’un brevet, description à des fins de renseignements, procédé de fabrication, description d’un procédé de fabrication, participation à la description, avocat, conseils en brevets, devoir de discrétion, manchon ; art. 77 LBI, art. 158 CPC, art. 261 al. 1 CPC, art. 292 CP; cf. N 755 (vol. 2012- 2013 ; TFB, 14 juin 2012, S2012_007) et N 932 (TFB, 11 juillet 2014, S2013_011 ; sic! 1/2015, p. 54-57, « Muffenautomat II »).

Bien qu’il soit possible d’interdire à la demanderesse de participer à l’établissement de la description précise du procédé de fabrication de manchons si cette description implique la divulgation de secrets d’affaires, l’avocat et le conseil en brevets de la demanderesse peuvent participer à l’établissement de la description. L’avocat et le conseil en brevets de la demanderesse peuvent également recourir aux services d’un technicien indépendant si cela s’avère être nécessaire pour la description (c. 7-8). Le technicien est lui aussi soumis au devoir de discrétion. La description est directement faite sur place, imprimée, présentée à la défenderesse et à l’avocat de la demanderesse pour contrôle de son exactitude et de son intégralité ainsi que pour signature (c. 7). Comme l’énonce l’art. 77 al. 5 LBI, le tribunal envoie ensuite la description pour commentaire à la défenderesse. Celle-ci bénéfice d’un délai fixé par le tribunal pour indiquer d’éventuels secrets d’affaires figurant dans la description et qui ne doivent pas être divulgués à la demanderesse (c. 8). Le devoir de discrétion prend fin avec la notification de la description à la demanderesse, mais perdure pour les informations contenues dans la description et qui n’ont pas été communiquées à la demanderesse. La violation du devoir de discrétion est sanctionnée selon l’art. 292 CP (insoumission à une décision de l’autorité) par une amende (c. 7). [CB]

12 mai 2014

TFB, 12 mai 2014, S2013_003 (d) (mes. prov.)

Mesures provisionnelles, violation d’un brevet, vraisemblance, atteinte, risque d’atteinte, risque de récidive, principe de la proportionnalité, intérêt pour agir, déclaration d’abstention inconditionnelle et non équivoque, demande sans objet, conditions de la protection du brevet, approche « problème-solution », répartition des frais de procédure, préjudice difficilement réparable, urgence, Tribunal fédéral des brevets, produits pharmaceutiques ; art. 107 al. 1 lit. e CPC, art. 261 al. 1 CPC ; cf. N 940 (TF, 15 décembre 2014, 4A_362/2014) et N 931 (TFB, 12 mai 2014, S2013_004).

Selon l’art. 261 al. 1 CPC, le tribunal ordonne les mesures provisionnelles lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être (lit. a) et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (lit. b). Pour que la vraisemblance soit donnée, le juge n’a pas besoin d’être totalement convaincu de la véracité de l’allégation ; il suffit qu’il la considère globalement comme vraie, même si tout doute n’est pas écarté. Il suffira également à la partie adverse de rendre vraisemblables les objections et les exceptions qu’elle soulève. Enfin, une certaine urgence doit être donnée et la mesure provisionnelle requise doit être proportionnée (c. 4.1). L’intérêt juridique protégé à une demande en interdiction n’existe que si un dommage menace, c’est-à-dire que le comportement de la défenderesse laisse présager sérieusement une violation future du droit. Un indice d’une telle violation future peut résulter du fait que de telles violations ont déjà eu lieu par le passé et qu’une répétition est à craindre. On peut généralement admettre un tel risque de répétition lorsque le contrevenant conteste l’illégalité de son comportement. Tel peut être le cas lorsque le contrevenant, au vu d’un procès à venir, a mis fin au comportement contesté, mais cherche à le justifier dans la procédure. Il s’agit là d’une présomption réfragable. Le risque de répétition n’est cependant pas donné lorsque le défendeur a signé une déclaration d’abstention inconditionnelle et non équivoque et que cette dernière n’apparaît pas comme une simple manœuvre procédurale. Tel est le cas en l’espèce (c. 4.2 et 4.3). Les acheteurs des médicaments concernés ne peuvent pas être astreints à restituer les produits achetés. Une injonction visant à rappeler les médicaments ne permet pas d’atteindre le but visé et doit être considérée comme disproportionnée (c. 4.4). La procédure étant devenue sans objet, les frais sont à répartir selon la libre appréciation du tribunal (art. 107 al. 1 lit. e CPC). Il sera tenu compte du fait de savoir quelle partie a donné lieu à la plainte, quelle était l’issue probable du procès, quelle est la partie responsable du fait que la procédure est devenue sans objet et quelle partie a causé des frais sans raison. Dans un cas tel qu’en l’espèce, où la défenderesse a émis une déclaration de cessation uniquement après que l’instance ait été saisie, c’est elle qui a rendu la procédure sans objet (c. 5.2). Est également déterminante la question de savoir si la défenderesse a causé l’introduction de la procédure. Tel est le cas lorsque la validité et la violation d’un brevet sont retenues par le juge. L’examen de l’activité inventive se fera selon l’approche problème-solution, selon laquelle sera d’abord déterminé l’état de la technique le plus proche, puis le problème technique objectif à résoudre puis, enfin si l’invention revendiquée, en partant de l’état de la technique le plus proche et du problème technique objectif, non seulement aurait pu être obtenue par l’homme de métier, mais aurait pu l’être sans autre (c. 5.3). Un préjudice peut s’avérer difficilement réparable en particulier si un dommage matériel ne peut plus être déterminé ou mesuré, respectivement s’il ne peut plus être réparé (c. 5.10). Pour ce qui est de l’urgence, un délai de cinq mois entre la saisie d’un produit et le dépôt d’une demande de mesure provisionnelle n’est pas considéré comme exagéré dans le domaine des brevets ; en effet, les recherches juridiques préalables et la rédaction d’un mémoire dans les litiges relatifs aux brevets nécessitent la plupart du temps un effort important (c. 5.11). [DK]

12 mai 2014

TFB, 12 mai 2014, S2013_004 (d) (mes. prov.)

Mesures provisionnelles, urgence, principe de la proportionnalité, violation d’un brevet, action en cessation, médicament générique, maladie digestive, vraisemblance, Tribunal fédéral des brevets, juge suppléant de formation technique, préjudice difficilement réparable, produits pharmaceutiques, Office européen des brevets ; art. 183 al. 3 CPC, art. 261 al. 1 CPC, art. 292 CP ; cf. N 930 (TFB, 12 mai 2014, S2013_003) et N 940 (TF, 15 décembre 2014, 4A_362/2014).

Selon l’art. 261 al. 1 CPC, le tribunal ordonne l'octroi de mesures provisionnelles lorsque le demandeur rend vraisemblable qu’une prétention dont il est titulaire réunit les deux conditions suivantes : cette prétention est l’objet d’une atteinte ou risque de l’être ; cette atteinte peut causer au demandeur un préjudice difficilement réparable. Le tribunal ajoute à ces critères les conditions d’urgence et de proportionnalité de la mesure requise (c. 4.1). En l’espèce, le demandeur, une société pharmaceutique, soutient que le défendeur doit cesser de mettre en circulation des médicaments génériques, utilisés pour traiter certaines maladies digestives, car ils violeraient le brevet européen, protégé en Suisse, dont il est le titulaire (c. 3.2). Ce brevet, dans un premier temps révoqué par la division d’opposition de l’OEB, a ensuite été reconnu valable par une des Chambres de recours de cet office, l’affaire étant pendante devant la Grande Chambre de recours de l’OEB à la date du présent arrêt (c. 3.3 et 4.2). Suite à la décision rendue par la Chambre de recours de l’OEB, le défendeur prétend avoir cessé de distribuer les médicaments litigieux et avoir modifié la composition de ses médicaments. L’analyse des médicaments modifiés, réalisée par le demandeur pour démontrer la violation de son brevet, est contestée par le défendeur. Selon le tribunal, des doutes existent quant à l’arrêt de la distribution des médicaments litigieux, car le défendeur continue de contester toute violation du brevet dont le demandeur est titulaire (c. 4.3). Le tribunal, qui se fonde sur l’expertise du juge suppléant de formation technique (art. 183 al. 3 CPC), considère que le brevet du demandeur est valable (c. 4.4) et qu’il s’agit d’un cas de violation du brevet, le défendeur n’ayant pas rendu vraisemblable la nullité du brevet (c. 4.6). Le tribunal constate l’existence d’un préjudice difficilement réparable, l’urgence (c. 4.7 et 4.8) et ordonne l'octroi de mesures provisionnelles. Le tribunal interdit au défendeur, jusqu’à l’expiration de la période de protection du brevet dont le demandeur est titulaire, d’importer lui-même ou de faire importer par des tiers les médicaments litigieux, de les stocker, de les vendre ou de les faire distribuer sur le marché suisse. Le tribunal ordonne également le rappel des médicaments litigieux. [CB]

11 juillet 2014

TFB, 11 juillet 2014, S2013_011 (d) (mes. prov.)

sic! 1/2015, p. 54-57, « Muffenautomat II » ; mesures provisionnelles, mesures superprovisionnelles, compétence internationale, convention internationale, droit international, brevet européen, violation d’un brevet, fait dommageable, exécution de jugement à l’étranger, description à des fins de renseignement, preuve à futur, procédure contradictoire, droit d’être entendu ; art. 5 ch. 3 CL, art. 31 CL, art. 26 al. 1 lit. b LTFB, art. 77 LBI, art. 158 al. 1 lit.b CPC; cf. N 755 (vol. 2012-2013 ; TFB, 14 juin 2012, S2012_007) et N 928 (TFB, 30 août 2013, S2013_008 ; sic! 3/2014, p. 160-162, « Muffenautomat »).

Le demandeur A est une personne physique de nationalité autrichienne, détentrice d’un brevet européen pour la Suisse concernant un procédé de fabrication de formes plastiques façonnées à l’état chaud. Il soupçonne C Gmbh, une société en commandite de droit autrichien, de violer son brevet en Suisse par l’intermédiaire de sa société commanditaire I AG dont le siège et l’activité se situent en Suisse. À ouvre action devant le TFB contre C Gmbh et requiert le prononcé de mesures superprovisionnelles et provisionnelles imposant à I AG une inspection de ses locaux au cours de laquelle il devra être procédé à une description de machines. Parallèlement, A requiert que les données mesurées au cours de l’inspection soient recueillies comme preuves à futur au sens de l’art. 158 CPC. Au cours de la procédure, I AG accepte amiablement que A procède à une inspection de ses locaux, à la suite de quoi A estime que les machines de I AG ont été partiellement démontées en vue de l’inspection. Les deux parties au litige étant autrichiennes, le TFB examine d’office sa compétence internationale. Si le fait dommageable au sens de l’art. 5 ch. 3 CL (actes délictuels) risque de se produire en Suisse, les tribunaux suisses sont potentiellement compétents pour statuer sur le fond (c. 11-14). Des règles particulières s’appliquent toutefois lorsqu’un tribunal suisse est saisi en vue de prononcer d’uniques mesures provisionnelles (conservation des preuves par description ou preuve à futur) susceptibles d’être exécutées ultérieurement dans un État contractant de la CL. Selon la jurisprudence de la CJUE applicable pour l’interprétation de la CL ainsi que la jurisprudence du Tribunal fédéral, des mesures (super-)provisionnelles appelées à être exécutées dans un État contractant doivent impérativement faire l’objet d’une procédure contradictoire entre les parties. Reconnaître l’inverse permettrait en effet de priver la partie intimée de son droit d’être entendue dans l’État où la mesure doit être exécutée (c. 18). En l’espèce, des mesures superprovisionnelles ne peuvent pas être prononcées puisque le droit suisse ne prévoit pas de procédure contradictoire pour ce type de procédure. L’examen du litige est par conséquent limité à l’éventuel prononcé de mesures provisionnelles, soit en l’espèce à l’administration ou non d’une preuve à futur (c. 15-19). Dans la mesure où A a pu visiter les locaux de I AG et y prendre des mesures, aucune mise en danger des preuves n’a en l’espèce été suffisamment rendue vraisemblable. Les conditions nécessaires à l’administration d’une preuve à futur ne sont par conséquent pas remplies. La demande est rejetée. [FE]

18 mars 2015

TFB, 18 mars 2015, S2013_009 (d)

Assistance judiciaire, chance de succès, violation d’un brevet, revendication, limitation de revendications, juge de formation technique, faute, mauvaise foi, enrichissement illégitime, procédure sommaire ; art. 35 al. 2 LTFB, art. 41 ss CO, art. 62 ss CO, art. 423 CO, art. 117 lit a CPC, art. 117 lit. b CPC.

Le plaignant requiert que l’assistance judiciaire gratuite lui soit accordée en relation avec la violation alléguée de deux brevets. Selon l’art. 117 lit. b CPC, un tel droit existe si la cause ne paraît pas dépourvue de toute chance de succès. En l’espèce, les chances de succès dépendent notamment de la validité des brevets litigieux et de l’existence de violations de ces brevets par les défendeurs. Cette appréciation requiert une expertise technique, justifiant la consultation d’un juge ayant une formation technique au sens de l’art. 35 al. 2 LTFB (c. 6.2). Les brevets en cause contiennent plusieurs limitations de revendications (c. 6.3 et 6.4). Suivant l’avis du juge de formation technique, le juge unique considère qu’il est plausible qu’au moins une des revendications ait été violée (c. 6.7). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l’assistance judiciaire peut être accordée même si le risque de revers est légèrement supérieur aux chances de succès. Le critère décisif est de déterminer si une partie qui aurait les ressources financières nécessaires déciderait raisonnablement d’ouvrir action (c. 7). En l’espèce, la plainte a des chances raisonnables de succès, puisqu’une violation d’une revendication au moins apparaît plausible (c. 7.2). Les deux brevets en cause ayant expiré en 2012 et 2013, le plaignant peut uniquement invoquer des prétentions financières. Les actions fondées sur les art. 41 ss CO et 423 CO supposent respectivement une faute ou la mauvaise foi du défendeur, qui ne peuvent être établies en l’espèce, les violations ayant été commises avant que les revendications, qui étaient originairement invalides, aient été limitées. Seule la restitution fondée sur les art. 62 ss CO est envisageable. L’assistance judiciaire pourra ultérieurement être retirée si l’action fondée sur l’enrichissement illégitime devait apparaître comme étant dénuée de chances de succès (c. 7.3). L’assistance judiciaire est allouée (c. 8). [SR]

27 octobre 2009

HG SG, 27 octobre 2009, HG.2005.14-HGK (d)

sic! 6/2010, p. 441- 453, « Dichtmasse II » (Stieger Werner, Anmerkung [critique au sujet du c. III.2]) ; conditions de la protection du brevet, nouveauté, non-évidence, homme de métier, produits chimiques, optimisation, action en constatation de la nullité d’un brevet, brevet européen, OEB, exposé de l’invention, contrat de licence, qualité pour agir du preneur de licence, suspension de procédure, violation d’un brevet, expert, récusation, partialité, expertise, expertise sommaire, mesures provisionnelles, fardeau de la preuve, avance de frais, demande reconventionnelle, décision étrangère ; art. 83 CBE 2000, art. 1 al. 2 LBI, art. 7 al. 1 et 2 LBI, art. 50 al. 1 LBI, art. 128 lit. b LBI.

Afin d'éviter que la procédure ne soit retardée de manière excessive, l'art. 128 lit. b LBI ne permet la suspension d'une action en nullité de la partie suisse d'un brevet européen (à l'exclusion d'un brevet suisse) qu'en présence d'un motif sérieux et/ou lorsque qu'un jugement en nullité de l'Office européen des brevets (OEB) est imminent (c. II.2). Un contrat de licence exclusive oral peut valablement conférer la qualité pour agir au preneur de licence (c. II.3). Les experts sont soumis aux mêmes motifs de récusation que les juges. Un expert n'est en principe pas empêché d'établir une expertise dans une procédure au fond par le seul fait qu'il a déjà établi une expertise sommaire dans la procédure de mesures provisionnelles. Ne constituent pas des indices de partialité d'un expert le fait que cet expert en chimie n'a pas d'expérience pratique dans le domaine spécialisé en cause (chimie des polymères) et le fait que son expertise sommaire a été critiquée (de manière peu approfondie) par la partie à laquelle elle était défavorable (c. III.1.b)aa). Même s'il n'est pas spécialisé dans la chimie des polymères, un chimiste est en mesure de se prononcer, dans le cadre d'une expertise sommaire, sur la validité de l'exposé (inexistant en l'espèce) d'une invention au sens de l'art. 50 al. 1 LBI. Il peut également valablement décider qu'il n'a pas besoin du concours d'un autre expert, spécialisé dans le domaine (c. III.1.b)bb). En l'occurrence, l'expert nommé est à même de se prononcer sur la question de l'existence des brevets litigieux (c. III.1.c). Selon le Handelsgericht, il revient à la partie qui fait valoir une violation de la partie suisse de son brevet européen d'en prouver l'existence et d'avancer les frais de l'expertise, bien que la partie adverse fasse valoir à titre reconventionnel la nullité du brevet suisse (à ce sujet, voir la critique de Stieger [sic! 6/2010, p. 451-453]). Cette position est justifiée par la similitude des brevets et par le fait que l'expertise sommaire nie l'existence du brevet suisse (c. III.2). En l'absence d'une nouvelle expertise (en raison du non-paiement de l'avance de frais [c. III.2 in fine]), il convient de rendre le jugement au fond sur la base de l'expertise sommaire, qui conclut à la nullité du brevet suisse en raison d'un exposé de l'invention insuffisant (ne permettant pas à un homme de métier [de] l'exécuter [art. 50 al. 1 LBI]) et de l'absence de nouveauté (art. 7 al. 1 et 2 LBI) et de non-évidence (art. 1 al. 2 LBI) de l'invention. La simple optimisation, accessible à l'homme de métier, des propriétés d'une composition ne constitue pas une invention. Pour breveter une nouvelle composition dotée de nouvelles propriétés spéciales, il est indispensable d'en décrire le contenu et le mode de fabrication. En l'espèce, le brevet suisse est jugé nul par le Handelsgericht (c. III.3.a)aa). Vu sa presque identité avec le brevet suisse, la partie suisse du brevet européen doit également être considérée comme nulle. La divulgation d'un concept spécial détruit la nouveauté du concept général (c. III.3.a)bb). La nullité des brevets litigieux est confirmée par un jugement du Bundespatentgericht allemand (selon lequel le brevet allemand — pratiquement identique [c. III.4.a) in fine] — est nul à défaut de nouveauté de l'invention) et par une décision incidente de la division d'opposition de l'OEB (selon laquelle le brevet européen ne contient pas un exposé suffisant de l'invention [art. 83 CBE 2000]) (c. III.4).

22 mars 2007

HG ZH, 22 mars 2007, HG 060303 (d)

sic! 9/2007, p. 646-648, « Luftkühlelement » ; for, action en constatation de la nullité d’un brevet, violation d’un brevet, objet du litige, force de chose jugée, exception, compensation, litispendance, prétentions identiques, connexité, suspension de procédure, renvoi de l’affaire, jonction de causes ; art. 60 al. 1 et 2 LBI, art. 35 LFors, art. 36 LFors.

Il n'y a pas d'identité, au sens de l'art. 35 LFors, entre une action déjà pendante en violation d'un brevet et la demande ultérieure, présentée devant un autre tribunal, d'en constater la nullité. La question de l'identité de l'objet litigieux doit être tranchée conformément à la jurisprudence rendue en relation avec l'exception de chose jugée et être admise lorsque la prétention est soumise une nouvelle fois à un jugement sur la base des mêmes motifs juridiques et du même état de fait (c. 4.2.1). La notion d'identité de prétention ne doit ainsi pas être comprise littéralement, mais par référence à l'objet du litige (c. 4.2.1). En l'espèce, la demanderesse aurait pu faire valoir la nullité du brevet attaqué à titre d'exception dans le cadre de la procédure introduite à son encontre pour violation du brevet devant un autre tribunal (c. 4.2.3). La question aurait ainsi pu être tranchée aussi bien par l'un que par l'autre des tribunaux. La situation de départ est ainsi comparable à celle de la compensation à propos de laquelle la doctrine majoritaire considère que le jugement portant sur la créance compensante dans le procès se rapportant à la demande principale doit se voir reconnaître une force jugée matérielle dans le cadre d'un procès principal ultérieur portant sur la créance compensante. Ainsi considéré, on pourrait admettre qu'il y a identité de litige (c. 4.2.3). L'effet de chose jugée ne signifie toutefois pas qu'il y ait aussi identité sur le plan de la litispendance. Même sur le plan de la compensation, l'identité entre la demande principale et l'action portant sur la créance compensante n'est pas admise au sens de l'art. 35 LFors. Tel doit également être en particulier le cas lorsque, comme en l'espèce, les effets juridiques du jugement sur la validité du brevet litigieux dans le cadre de l'action en violation du brevet ne sont pas identiques en tous points à ceux de l'action en constatation de la nullité du titre. En effet, l'action en nullité du brevet débouche sur l'enregistrement de la constatation de la nullité au registre des brevets et déploie des effets envers chacun (ergaomnes) tandis que le rejet d'une action pour violation du brevet en raison de la nullité de celui-ci n'a d'effet qu'entre les parties (c. 4.2.3). Il n'y a donc pas d'identité et l'art. 35 LFors ne s'applique pas. Selon la jurisprudence du TF, deux actions sont objectivement liées au sens de l'art. 36 LFors lorsqu'il existe entre elles un lien si étroit (connexité) qu'il se commande de les traiter et de les trancher ensemble. Tel est indéniablement le cas en l'espèce. Si l'exception de nullité était soulevée dans le cadre du procès en violation du brevet, ce qui paraît vraisemblable vu l'action en nullité intentée devant un autre tribunal, les deux tribunaux auraient à trancher simultanément la question de la validité du brevet (c. 4.3). Conformément à l'art. 36 al. 1 LFors, le tribunal saisi ultérieurement pourrait soit surseoir à la procédure jusqu'à ce que le tribunal saisi en premier lieu ait statué, soit lui renvoyer la cause avec son accord (art. 36 al. 2 LFors). Comme en l'espèce les procédures sont encore à leur stade initial, il convient de les joindre (c. 6).

21 juin 2007

KG ZG, 21 juin 2007, A3 2002 57 (d)

sic! 1/2009, p. 43-45, « Resonanzetikette IV » ; action, action en remise du gain, violation d’un brevet, gain, preuve, estimation, solidarité, frais pré-procéduraux, dommage, mesures provisionnelles ; art. 42 al. 2 CO, art. 962 CO ; cf. N 517 (arrêt du TF dans cette affaire).

Lorsque l'absence de documents n'a pas une influence essentielle sur l'appréciation globale, que rien ne laisse penser que des documents auraient été détruits afin de dissimuler des preuves et que la durée de conservation des pièces comptables de 10 ans (art. 962 CO) est en partie écoulée, il est admissible de procéder à une estimation du produit de la vente et du prix de production des marchandises qui violent un brevet (art. 42 al. 2 CO) (c. 2.4.3). Dans le cadre de l'action en remise de gain, il n'existe aucune responsabilité solidaire entre les co-auteurs de la violation. Seul peut être réclamé à l'un des co-auteurs le gain qu'il a individuellement obtenu (c. 2.5). Les frais pré-procéduraux (avocats, experts) peuvent constituer un poste du dommage, pour autant qu'ils soient nécessaires, raisonnables et directement liés à la réparation du dommage. Tel n'est pas le cas des frais d'une requête de mesures provisionnelles rejetée en raison du fait que le lésé n'a pas réussi à rendre la violation vraisemblable, même si l'action au fond est finalement admise (c. 3.3).

29 mai 2008

KG ZG, 29 mai 2008, A3 2008 39 (d)

sic! 1/2009, p. 39-42, « Resonanzetikette III » ; action, action en remise du gain, violation d’un brevet, preuve, estimation, péremption, prescription, délai, registre des brevets, faute, dol, mauvaise foi, diligence, intérêts ; art. 2 al. 2 CC, art. 8 CC, art. 42 al. 2 CO, art. 60 al. 2 CO, art. 73 CO, art. 423 CO, art. 81 LBI, art. 70 al. 3 aCP.

Il n'est pas possible d'appliquer l'art. 42 al. 2 CO par analogie afin de procéder à une estimation lorsque, faute d'une comptabilité en règle, l'entreprise, gérante (art. 423 CO), n'est pas en mesure de prouver les coûts de revient qu'elle allègue (c. 3.3). L'action en délivrance du gain n'est pas périmée (art. 2 al. 2 CC) en raison du fait qu'elle n'est déposée, vu la complexité de la situation, que deux ans après la connaissance de la violation du brevet, ce d'autant qu'il n'y a pas lieu d'admettre que le lésé entendait ainsi profiter économiquement de la violation du brevet (c. 4.4). L'action qui découle de la violation intentionnelle d'un brevet est soumise au délai de prescription pénal de 5 ans (art. 60 al. 2 CO, art. 81 LBI, art. 70 al. 3 aCP). La seule présomption légale de la connaissance du contenu du registre des brevets européens ne suffit pas à établir l'existence d'une violation intentionnelle (dol ou dol éventuel) (c. 5.3). Afin de prétendre à la restitution du gain, le lésé doit prouver la mauvaise foi ou la faute du gérant (art. 423 CO, art. 8 CC). Viole son devoir de diligence et est de mauvaise foi la personne qui, avant de fabriquer et de commercialiser un produit (dans un domaine très spécialisé), néglige de s'assurer qu'une telle activité ne viole pas les brevets de tiers (c. 7.3). En cas de restitution du gain, un intérêt compensatoire de 5 % (art. 73 CO) est dû à partir du moment où le fait dommageable a eu des effets financiers (c. 8.1).

21 juillet 2011

TF, 21 juillet 2011, 4A_109/2011 et 4A_111/2011 (d)

sic! 12/2011, p. 731-739, « Federkernmaschinen » ; action, action en fourniture de renseignements, action échelonnée, violation d’un brevet, dommage, tribunal civil, conclusion, objet du litige, objet du brevet, exposé de l’invention, homme de métier, revendication, nullité partielle d’un brevet, prescription ; art. 60 CO, art. 8 LBI, art. 26 LBI, art. 27 al. 1 LBI, art. 51 al. 2 LBI, art. 58 LBI, art. 66 LBI, art. 73 LBI, art. 142 LBI.

L’art. 26 LBI confère au juge civil la compétence d’examiner la validité d’un brevet. L’objection selon laquelle il ne pourrait qu’exceptionnellement s’écarter des conclusions de l’instance inférieure est infondée (c. 4.2). La notion d’« objet du brevet » de l’art. 26 al. 1 lit. c LBI n’est pas à comprendre au sens de l’« étendue de la protection » de l’art. 51 al. 2 LBI, mais de l’« objet de la demande » de l’art. 58 LBI, qui comprend tout ce qui est divulgué dans la description et les dessins (c. 4.3.1). Lorsqu’une caractéristique importante pour l’homme du métier est supprimée de la revendication pendant la procédure de délivrance, l’objet du brevet va au-delà du contenu de la demande et le brevet est partiellement nul (art. 26 al. 1 lit. c LBI) (c. 4.3.3-4.3.4). Reste ici ouverte la question de savoir s’il faut distinguer entre caractéristiques essentielles ou non (c. 4.3.1). Une action en fourniture de renseignements doit être limitée aux documents nécessaires dans le cadre de la réparation du dommage et rejetée pour le surplus, notamment pour des indications sur les offres faites par la défenderesse ou les noms et adresses des acheteurs (c. 7.1-7.2). Dans une action échelonnée, la connaissance suffisante du dommage ne s’acquiert pas seulement après que la demande en fourniture de renseignements a été satisfaite, car la partie lésée pourrait ainsi repousser la prescription à volonté. La découverte d’une machine violant le brevet ne suffit pas, comme unique élément du dommage, à faire partir le délai de prescription (c. 9.3.2).