« Blocage
de sites internet illicites » ;
action en cessation, blocage
de sites internet, fournisseur d’accès,
responsabilité
du fournisseur d’accès,
solidarité, acte illicite, acte
de participation,
causalité
adéquate,
intérêt digne de protection, droit d’auteur, précision des
conclusions, usage privé, piraterie ; art. 8 WCT, art. 42 al. 2
LTF, art. 76 al. 1 lit. b LTF, art. 106 al. 2 LTF, art. 4 CC, art. 28
CC, art. 50 CO, art. 19 al. 1 lit. a LDA, art. 24a LDA, art. 62 al. 1
LDA, art. 62 al. 3 LDA, art. 110 LDIP.
La
recourante a un intérêt digne de protection à l’annulation ou à
la modification de la décision. Son recours en matière civile est
donc recevable, sous réserve qu’il soit suffisamment motivé (c.
1.1). Le droit d’auteur ne connait pas de disposition comme l’art.
66 lit. d LBI ou l’art. 9 al. 1 LDes qui traiterait des actes de
participation. L’art. 50 CO ne règle pas seulement la
responsabilité solidaire pour la réparation d’un dommage, mais il
constitue la base légale de la responsabilité civile des
participants. Cette disposition peut être invoquée non seulement en
cas d’action réparatoire, mais aussi en cas d’action en
cessation. Les normes particulières du droit de la personnalité –
art. 28 al. 1 CC – ou des droits réels ne sont pas applicables en
droit d’auteur. Comme l’action en dommages-intérêts, l’action
en cessation suppose une violation du droit d’auteur et un rapport
de causalité adéquate entre la contribution du participant attaqué
et cette violation (c. 2.2.1). Les clients de l’intimée, auxquels
celle-ci confère l’accès à Internet, n’accomplissent aucune
violation du droit d’auteur en consommant des films :
l’exception d’usage privé est applicable, même si ces films ont
été mis à disposition illicitement. Il ne peut donc pas y avoir de
responsabilité de l’intimée pour un acte de participation
(c.2.2.2). La protection de la LDA s’étend aussi aux actes commis
à l’étranger mais produisant leurs effets en Suisse (c. 2.2.3).
La question est de savoir si l’intimée, qui fournit l’accès à
Internet, répond selon l’art. 50 al. 1 CO pour une participation à
la mise à disposition illicite des films. Le rapport de causalité
adéquate doit être apprécié dans chaque cas particulier selon les
règles du droit et de l’équité au sens de l’art. 4 CC. Il
implique donc un jugement de valeur. Pour qu’une participation soit
adéquate, il faut un rapport suffisamment étroit avec l’acte
illicite (c. 2.3.1). La prestation de l’intimée se limite à
fournir un accès automatisé à Internet. Elle n’offre pas à ses
clients des contenus déterminés. Les copies temporaires qu’implique
son activité sont licites d’après l’art. 24a LDA. La
déclaration commune concernant l’art. 8 WCT exclut que la
fourniture d'installations techniques constitue un acte principal de
communication au public ; elle n’empêche toutefois pas une
responsabilité pour participation secondaire. En l’espèce, les
auteurs principaux des violations ne sont pas clients de l’intimée
et n’ont aucune relation avec elle. L’acte de mise à disposition
est accompli déjà lorsque les films sont placés sur Internet de
sorte à pouvoir être appelés aussi depuis la Suisse. L’intimée
ne contribue pas concrètement à cet acte. Admettre le contraire sur
la base de l’art. 50 al. 1 CO conduirait à retenir une
responsabilité de tous les fournisseurs d’accès en Suisse, pour
toutes les violations du droit d’auteur commises sur le réseau
mondial. Une telle responsabilité « systémique »,
impliquant des devoirs de contrôle et d’abstention sous la forme
de mesures techniques de blocage d’accès, serait incompatible avec
les principes de la responsabilité pour acte de participation. Il
n’y a donc aucun rapport de causalité adéquat avec les
violations, justifiant une action en cessation. Une implication des
fournisseurs d’accès dans la lutte contre le piratage
nécessiterait une intervention du législateur (c. 2.3.2). [VS]