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  • Action, voir ég. cumul d’actions
  • échelonnée

13 décembre 2007

HG ZH, 13 décembre 2007, HG020324 (d)

sic! 6/2009, p. 411-416, « Puma » ; action, action en interdiction, action en cessation, action en fourniture de renseignements, action échelonnée, action en paiement, qualité pour défendre, risque de violation, risque de récidive, preuve, confiscation, destruction, canaux de distribution, importation parallèle ; art. 55 al. 1 lit. a, b et c LPM, § 189 ZPO/ZH.

Il existe un risque imminent de violation du droit à la marque (art. 55 al. 1 lit. a LPM) si une violation analogue du droit à la marque a déjà eu lieu (danger de récidive) ou si des indices laissent penser qu’une violation comparable aura lieu prochainement (danger de commission d’une première infraction) (c. 2.2.2). Celui qui allègue un danger de récidive doit en apporter la preuve, en démontrant par exemple que la défenderesse ne s’est pas approvisionnée auprès d’une source autorisée par le demandeur ou que les produits en cause sont des contrefaçons (c. 2.2.3). Un seul cas suffit (c. 2.2.5). Celui qui prétend que sa marque est contrefaite doit prouver qu’il est titulaire de la marque et que les prétendues contrefaçons proviennent de la défenderesse. Il doit en outre indiquer quelles sont les instructions de fabrication en vigueur dans ses centres de production, en particulier en ce qui concerne le label de sécurité, et comment il veille à leur respect. Il doit enfin prouver que c’est sans son accord que la défenderesse distribue les produits (c. 2.2.4). L’action en interdiction (Unterlassungsbegehren) (art. 55 al. 1 lit. a LPM) ne nécessite pas de faute du défendeur (c. 2.2.5). L’action en interdiction est admise en l’espèce (c. 2.2.6). Le rappel des produits et leur confiscation peuvent servir à l’exécution de l’action en interdiction (c. 2.3.1). L’action en cessation (art. 55 al. 1 lit. b LPM), qui peut conduire à la confiscation et à la destruction des produits, ne peut être admise que si la défenderesse distribue effectivement des produits mis en circulation sans l’accord de la demanderesse (c. 2.3.2). La demanderesse ne peut exiger le rappel des produits et leur confiscation si la défenderesse n’en revendique ni la propriété ni la possession au moment du dépôt de la demande (défaut de légitimation passive) (c. 2.3.3). L’action en fourniture de renseignements (art. 55 al. 1 lit. c LPM) ne peut pas être utilisée pour obtenir des informations au sujet des sources et des canaux de distribution d’importations parallèles (c. 2.4.2). Cette action ne permet d’obtenir de la défenderesse des renseignements qu’au sujet de son fournisseur direct (c. 2.4.3 et 2.4.5). L’action échelonnée (Stufenklage) permet d’introduire une action en paiement non chiffrée dans l’attente de la production des comptes. L’obligation de produire les comptes suppose la violation des droits de la demanderesse (c. 2.5.2). La demande de production des comptes fait l’objet d’un jugement partiel (§ 189 ZPO/ZH) (c. 2.5.4).

21 juillet 2011

TF, 21 juillet 2011, 4A_109/2011 et 4A_111/2011 (d)

sic! 12/2011, p. 731-739, « Federkernmaschinen » ; action, action en fourniture de renseignements, action échelonnée, violation d’un brevet, dommage, tribunal civil, conclusion, objet du litige, objet du brevet, exposé de l’invention, homme de métier, revendication, nullité partielle d’un brevet, prescription ; art. 60 CO, art. 8 LBI, art. 26 LBI, art. 27 al. 1 LBI, art. 51 al. 2 LBI, art. 58 LBI, art. 66 LBI, art. 73 LBI, art. 142 LBI.

L’art. 26 LBI confère au juge civil la compétence d’examiner la validité d’un brevet. L’objection selon laquelle il ne pourrait qu’exceptionnellement s’écarter des conclusions de l’instance inférieure est infondée (c. 4.2). La notion d’« objet du brevet » de l’art. 26 al. 1 lit. c LBI n’est pas à comprendre au sens de l’« étendue de la protection » de l’art. 51 al. 2 LBI, mais de l’« objet de la demande » de l’art. 58 LBI, qui comprend tout ce qui est divulgué dans la description et les dessins (c. 4.3.1). Lorsqu’une caractéristique importante pour l’homme du métier est supprimée de la revendication pendant la procédure de délivrance, l’objet du brevet va au-delà du contenu de la demande et le brevet est partiellement nul (art. 26 al. 1 lit. c LBI) (c. 4.3.3-4.3.4). Reste ici ouverte la question de savoir s’il faut distinguer entre caractéristiques essentielles ou non (c. 4.3.1). Une action en fourniture de renseignements doit être limitée aux documents nécessaires dans le cadre de la réparation du dommage et rejetée pour le surplus, notamment pour des indications sur les offres faites par la défenderesse ou les noms et adresses des acheteurs (c. 7.1-7.2). Dans une action échelonnée, la connaissance suffisante du dommage ne s’acquiert pas seulement après que la demande en fourniture de renseignements a été satisfaite, car la partie lésée pourrait ainsi repousser la prescription à volonté. La découverte d’une machine violant le brevet ne suffit pas, comme unique élément du dommage, à faire partir le délai de prescription (c. 9.3.2).

05 décembre 2014

HG ZH, 5 décembre 2014, HG060392 (d)

sic! 5/2015 p. 316-323, « Oscar » ; motifs relatifs d’exclusion, risque de confusion admis, force distinctive, force distinctive faible, reprise d’une marque antérieure, similarité des signes, similarité des produits ou services, signe descriptif, signe libre, dilution de la force distinctive, usage de la marque, usage sérieux, territoire suisse, marque étrangère, péremption, bonne foi, abus de droit, priorité, action échelonnée, action en interdiction, action en fourniture de renseignements, jugement partiel, Oscar, télévision, mode, vin, divertissement, allemand, italien, Tessin, Italie, États-Unis ; art. 2 al. 2 CC, art. 2 lit. a LPM, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 11 al. 1 LPM, art. 11 al. 3 LPM, art. 12 al. 1 LPM, art. 14 al. 1 LPM, art. 55 al. 1 LPM.

La plaignante, une société américaine, est titulaire de la marque « OSCAR » et organise chaque année la cérémonie des Oscars du cinéma « Academy Awards ». La défenderesse exploite les chaînes de télévision RAI. La plaignante lui reproche d’avoir permis la diffusion sur le territoire suisse des émissions de divertissement « Oscar del Vino », « La Kore Oscar della Moda » et « Oscar TV », dans lesquelles des prix sont remis dans les domaines du vin, de la mode et de la télévision. La défenderesse allègue la péremption des prétentions de la demanderesse. La péremption d’une action, qui découle du principe de la bonne foi de l’art. 2 CC, n’est admise qu’à des conditions restrictives. À lui seul, l’écoulement du temps ne peut fonder l’abus de droit. Il faut en plus, en principe, que le titulaire des droits ait connaissance de la violation de ses droits, qu’il n’entreprenne rien pour les faire respecter et que le contrevenant ne puisse attribuer cette passivité à une ignorance. Lorsque le titulaire des droits, en usant de l’attention commandée par les circonstances, aurait pu se rendre compte de la violation de ses droits et agir plus tôt, on peut parfois admettre que le contrevenant ait pu conclure de bonne foi à l’existence d’une tolérance. La durée nécessaire pour admettre une péremption dépend des circonstances du cas d’espèce. La jurisprudence oscille entre des durées de quatre à huit ans (c. 3.3.3). En l’espèce, même si on devait admettre, comme le prétend la défenderesse, que la plaignante a pris connaissance en 2003 de la diffusion des émissions litigieuses en Suisse, le dépôt de la plainte, survenu dans les trois ans, constitue une réaction suffisamment rapide, d’autant plus que les émissions en cause ne sont diffusées qu’une fois par an. Par ailleurs, on ne peut conclure à une méconnaissance négligente de la plaignante, car on ne peut attendre d’une société américaine qu’elle surveille de façon permanente et continue toutes les émissions diffusées en Europe. Ce d’autant plus qu’il s’agit en l’espèce d’émissions diffusées en Suisse, une fois par année, par une société italienne (c. 3.3.4). Les prétentions de la demanderesse ne sont donc pas périmées (c. 3.3.5). Il est de notoriété publique que la plaignante est l’organisatrice de la cérémonie annuelle de remise des Oscars, diffusée en Suisse avec son accord par des chaînes de langue allemande, et faisant l’objet de reportages dans les médias suisses. Pour le consommateur suisse moyen, la marque « Oscar » est immédiatement reconnaissable comme un signe distinctif de la plaignante. La marque est donc utilisée. En relation avec les services protégés de divertissement, y compris de distribution de prix, l’usage, par la diffusion télévisuelle en Suisse, effectuée par un tiers avec le consentement de la plaignante, doit être qualifié de sérieux. Le fait que la cérémonie soit organisée à l’étranger n’y change rien (c. 3.5.4). La défenderesse allègue une dégénérescence de la marque. Puisque la cérémonie est diffusée sur tout le territoire suisse, une dégénérescence ne peut être admise que si elle s’opère sur tout le territoire. Tel n’est pas le cas en suisse allemande, où il est notoire que le terme « Oscar » ne représente pas un synonyme de « remise de prix », de « prix » ou de « distinction ». En lien avec des remises de prix, le terme « Oscar » est directement associé par le citoyen moyen ou par le téléspectateur moyen à la cérémonie annuelle des Oscars et aux statuettes qui y sont remises. Le fait que ce terme soit parfois utilisé en relation avec des remises de prix d’autres organisateurs n’y change rien (c. 3.6.3.2). Le signe « Oscar » possède une force distinctive en Suisse pour les services protégés en classe 41 de divertissement, y compris la distribution de prix pour des performances méritoires. Les téléspectateurs suisses rattachent directement les « Oscars » aux prix offerts par la plaignante. On ne saurait admettre qu’il s’agit d’une marque faible. Les exemples italiens fournis par la défenderesse pour invoquer une dilution sont dénués de pertinence en droit suisse, d’autant plus qu’il ne faut pas prendre en compte que l’utilisation du terme « Oscar » en langue italienne, mais aussi l’utilisation Suisse alémanique qui en est faite (c. 3.6.4.2). Les signes en cause sont similaires. Les ajouts « del Vino », « La Kore [...] della Moda » et «TV» sont descriptifs des domaines du vin, de la mode et de la télévision et ne permettent pas de distinguer suffisamment ces signes de la marque de la plaignante. Les services sont eux aussi similaires, et le risque de confusion doit être admis (c. 3.6.4.3). Un droit de continuer l’usage présuppose un lien direct avec la Suisse, impliquant une couverture du marché suisse. La présence sur le marché n’est pas suffisante lorsque les prestations sont rendues accessibles au consommateur final plus par hasard que d’une manière contrôlée. Le fait que les émissions aient pu être captées dans certaines parties du Tessin ne constitue pas un usage du signe en Suisse (c. 3.7.4). Par l’usage du signe « Oscar » dans les trois émissions en cause, la défenderesse a donc violé les droits à la marque de la plaignante (c. 3.8). Le tribunal fait droit aux conclusions en cessation (c. 4.1.4) et, dans le cadre d’une action échelonnée, en fourniture de renseignements (c. 4.3.7). [SR]

10 décembre 2013

OG AR, 10 décembre 2013, D2Z 12 2 (d)

sic! 10/2014, p. 632-634, « Axxeva / Adexxa » ; droits conférés par la marque, droit absolu, raison de commerce, but social, droit de la personnalité, concurrence déloyale, risque de confusion admis, principe de la spécialité, similarité des produits ou services, jugement partiel, action échelonnée, nom de domaine, clientèle, placement de personnel, marque verbale, mesures provisionnelles ; art. 956 al. 2 CO, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 13 al. 1 LPM, art. 13 al. 2 lit. c LPM, art. 13 al. 2 lit. e LPM, art. 55 al. 1 lit. a LPM, art. 55 al. 1 lit. b LPM, art. 85 CPC.

La plaignante, « Axxeva Services AG », qui a pour but d’opérer du placement de personnel, de la location de services et de fournir des services commerciaux, est titulaire de la marque verbale « Axxeva », enregistrée dans les classes 35, 41 et 42. Elle reproche notamment à la défenderesse, qui a temporairement utilisé la raison de commerce « Adexxa Services AG » et a des buts sociaux similaires, une atteinte à sa marque et à sa raison de commerce. La défenderesse a expressément reconnu qu’il existe un risque de confusion entre les deux raisons de commerce. En outre, le juge unique de l’Obergericht AR a octroyé des mesures provisionnelles à la plaignante, fondées sur le droit des marques (ERZ 12 58). Comme la notion de risque de confusion s’apprécie de manière similaire dans les différents domaines du droit des signes distinctifs, et du fait de la concession opérée par la défenderesse, le tribunal se limite, quant à l’appréciation de l’existence d’un risque de confusion entre les signes « AXXEVA » et « ADEXXA », à renvoyer aux considérants du jugement rendu en matière de mesures provisionnelles, desquels il découle que l’existence d’un risque de confusion entre les deux raisons de commerce est manifeste. L’action en cessation fondée sur l’art. 956 al. 2 CO est admise et le tribunal interdit à la défenderesse d’utiliser la raison de commerce « Adexxa Services AG » en Suisse (c. 2.1). Les droits exclusifs conférés par l’art. 13 LPM incluent l’emploi de la marque en tant que nom, raison de commerce, enseigne, dénomination commerciale ou nom de domaine. En se référant aux considérants du jugement précité, le tribunal admet qu’il existe un risque de confusion entre la marque enregistrée « AXXEVA » et le signe « ADDEXA » utilisé par la défenderesse. Les demandes fondées sur l’art. 55 al. 1 lit. a et b LPM sont admises (c. 2.2). Par contre, la demanderesse ne peut exiger qu’il soit interdit à la défenderesse d’utiliser des noms de domaines de manière générale. L’utilisation d’un nom de domaine ne peut être interdite qu’en relation avec les biens et services pour lesquels la marque est protégée (c. 2.3). L’action échelonnée suppose l’existence d’une prétention de droit matériel en fourniture de renseignements, qui existe en l’espèce (c. 2.5). [SR]

02 octobre 2014

TF, 2 octobre 2014, 4A_142/2014 (f)

sic! 1/2015, p. 49-53, « Couronne dentée II », brevets, horlogerie, couronne dentée, affichage, mécanisme d’affichage, guichet de cadran, cadran, grande date, mouvement, montre, dispositif d’affichage, homme du métier, action en interdiction, action en constatation de la nullité d’un brevet, action en fourniture de renseignements, action en cessation, action échelonnée, action en dommages-intérêts, nouveauté en droit des brevets, non-évidence, fardeau de la preuve, fardeau de l’allégation, maxime de disposition, décision partielle, décision incidente, demande auxiliaire, garantie d’un procès équitable, expertise, évaluation du dommage, dommage, indépendance des prétentions, interprétation de la revendication, état de la technique, extension illicite de l’objet du brevet ; art. 123 al. 2 CBE 2000, art. 29 al. 1 Cst., art. 29 al. 2 Cst., art. 42 al. 2 LTF, art. 91 lit. a LTF, art. 93 al. 1 LTF, art. 37 al. 1 LTFB, art. 37 al. 2 LTFB, art. 37 al. 3 LTFB, art. 1 al. 1 LBI, art. 7 al. 1 LBI, art. 7 al. 2 LBI, art. 8 al. 1 LBI, art. 8 al. 2 LBI, art. 26 al. 1 lit. a LBI, art. 26 al. 1 lit. c LBI, art. 51 LBI, art. 58 al. 2 LBI, art. 66 lit. a LBI, art. 72 LBI, art. 73 al. 1 LBI, art. 55 al. 1 CPC, art. 56 CPC, art. 57 CPC, art. 125 lit. a CPC, art. 133 lit. e CPC, art. 237 CPC; cf. N 925 (TFB, 30 janvier 2014, O2012_033 ; sic! 6/2014, p. 376-388, « Couronne dentée ») et N 929 (TFB, 2 juin 2015, O2012_033 ; sic! 12/2015, p. 695-696, « Couronne dentée III »).

Les prétentions en dommages et intérêts et en publication du jugement sont indépendantes de celles en fourniture d’informations et en interdiction. Le jugement accueillant une demande auxiliaire en reddition de comptes, ayant pour objet les renseignements nécessaires à l’évaluation du dommage, est une décision incidente. Le recours au TF, contre une telle décision, n’est pas assujetti aux conditions restrictives de l’art. 93 al. 1 LTF (c. 1). Le juge instructeur a la faculté de limiter la procédure à des questions ou à des conclusions déterminées, dans la perspective de régler séparément certaines des prétentions en cause, par une décision partielle, ou de régler séparément certaines questions de fait ou de droit par une décision incidente, selon l’art. 237 CPC. Il n’en a toutefois, sous réserve d’un abus de son pouvoir d’appréciation, pas l’obligation, même si les parties l’en requièrent. L’art. 125 CPC n’exclut pas que le tribunal rende une décision partielle, relative à certaines prétentions, ou incidente, relative à certaines questions de fait ou de droit, alors même que la procédure n’a pas été préalablement, ni formellement limitée. L’art. 133 lit. e CPC n’impose pas non plus d’annoncer l’éventualité d’une décision partielle ou incidente dans l’invitation aux débats (c. 2). L’homme du métier n’est pas un individu réel, mais une fiction juridique. Il a reçu une formation classique dans le domaine technique en cause et il est doté de compétences et de connaissances moyennes dans ce même domaine. Il n’est pas exempt des idées habituellement préconçues dans ledit domaine. L’homme du métier est typiquement le professionnel appelé à réaliser l’objet décrit dans le brevet ou chargé de résoudre le problème correspondant. Aux termes de l’art. 56 CPC, le tribunal interpelle les parties lorsque leurs actes ou déclarations sont peu clairs, contradictoires, imprécis ou manifestement incomplets. Il leur donne l’occasion de les clarifier et de les compléter. Il incombe au tribunal d’élucider la situation juridique sur la base des faits régulièrement établis dans le procès. Le tribunal doit statuer selon les règles de répartition du fardeau de la preuve lorsque des faits importants n’ont pas été régulièrement allégués puis prouvés. Il n’est pas autorisé à se prononcer sur la conséquence juridique de faits autres que ceux dûment établis et il doit s’abstenir de spéculer sur l’issue de la cause dans l’hypothèse où les parties auraient procédé différemment. Il ne peut rendre aucun jugement grevé de réserves ou fondé sur des conjectures. En se référant dans le cas d’espèce au rapport de deux experts, dont les connaissances et les aptitudes personnelles permettent de présumer qu’ils se sont référés aux connaissances et aptitudes typiques d’un professionnel appelé à réaliser l’objet décrit dans le brevet ou chargé de résoudre le problème correspondant, le TFB a, implicitement au moins, recouru à la notion d’homme du métier telle qu’elle est décrite ci-dessus. Comme le procès civil est soumis à la maxime des débats selon l’art. 55 al. 1 CPC, et qu’aucune dérogation n’est prévue en matière de brevet d’invention, il appartenait aux parties d’alléguer et de prouver, le cas échéant, que des connaissances particulières et inhabituelles, différentes de celles des deux experts, auraient été nécessaires pour apprécier la validité et la portée du brevet concerné (c. 5). La nouveauté d’une invention n’est détruite que lorsque toutes ses caractéristiques ont été rendues accessibles au public avant le dépôt de la demande de brevet. L’examen de la nouveauté consiste dans une comparaison individuelle entre chaque solution déjà divulguée et l’invention en cause. La nouveauté de cette invention n’est détruite que lorsqu’une antériorité en présente identiquement toutes les caractéristiques. Il est suffisant, mais nécessaire que l’enseignement technique revendiqué soit déjà apporté à l’homme du métier par une solution connue. Il appartient à la partie qui invoque l’absence de nouveauté de la prouver. Tel n’est pas le cas lorsque trois caractéristiques du brevet dont la validité est contestée ne se retrouvent pas dans le brevet antérieur qui lui est opposé au titre d’antériorité détruisant la nouveauté (c. 6). Pour qu’une invention soit brevetable, l’objet du brevet doit être le résultat d’une activité inventive, car la protection légale n’est pas accordée à ce que l’homme du métier peut logiquement développer en connaissance de l’état de la technique et par la simple mise en œuvre de compétences moyennes ; l’invention brevetable est le résultat d’une sagacité plus considérable. L’activité inventive doit être appréciée d’après ce qui était objectivement réalisable à la date déterminante. À la différence du critère relatif à la nouveauté de l’invention, l’appréciation de l’activité inventive nécessite d’appréhender l’état de la technique dans sa globalité. Tous les enseignements et toutes les antériorités accessibles au public constituent dans leur ensemble le patrimoine technique dont un homme du métier, doté de capacités de combinaison normales, dispose librement pour aborder le problème à résoudre. Il faut examiner si l’état de la technique a suggéré une combinaison évidente d’éléments distincts, compte tenu de leur fonction au sein de l’ensemble ; il importe toutefois de ne pas considérer de manière erronée et artificielle, dans une approche rétrospective issue de la connaissance de la solution en cause, une combinaison comme résultant à l’évidence de l’état de la technique (c. 7). Tant selon l’art. 26 al. 1 lit. c LBI, que l’art. 123 al. 3 CBE 2000, le juge peut être requis de constater la nullité du brevet lorsque son objet va au-delà du contenu de la demande de brevet dans la version qui a déterminé sa date de dépôt. L’art. 26 al. 1 lit. c LBI se rattache à l’art. 58 al. 2 LBI qui interdit de modifier les pièces techniques, pendant la procédure d’examen de la demande de brevet, de manière à ce que l’objet de la demande modifiée aille au-delà de leur contenu. Avant le 1er juillet 2008, selon l’art. 58 al. 2 lit. a LBI, la date de dépôt de la demande de brevet était reportée à celle du dépôt des pièces modifiées qui, le cas échéant, en étendaient l’objet. Ce report devait toutefois s’accomplir formellement au cours de la procédure d’examen ; à défaut, le brevet délivré était nul selon l’art. 26 al. 1 ch. 3bis aLBI. L’extension ainsi interdite peut consister aussi bien dans l’adjonction que dans la suppression d’informations. La modification est en revanche admise si elle a pour seul effet de préciser l’invention ou d’éliminer une contradiction. La substitution ou la suppression d’une caractéristique, dans une revendication, est admissible s’il apparaît directement et sans ambiguïté à l’homme du métier que cette caractéristique n’est pas présentée comme essentielle dans la divulgation de l’invention, qu’elle n’est pas indispensable en tant que telle à la réalisation de l’invention, eu égard aux problèmes techniques que celle-ci propose de résoudre et que sa suppression ou sa substitution n’impose pas de vraiment modifier en conséquence d’autres caractéristiques. Si une caractéristique est remplacée par une autre, il est indispensable que celle-ci soit couverte par les pièces techniques initiales. Le TF confirme le jugement du TFB, qui a considéré que, quoiqu’elles aient été importantes, la présence de 8 différences entre le libellé de la revendication No 1 du brevet dans la demande initialement déposée et dans le brevet finalement obtenu, n’a pas étendu l’objet du brevet par rapport à celui figurant dans la demande, en se fondant sur l’analyse de deux experts qui ont retenu que pour l’homme du métier les caractéristiques présentes dans le libellé final de la revendication étaient aisément reconnaissables dans les pièces techniques initiales. Le TF relève que la présence d’une expertise dissidente, qui ne motive pas ses conclusions de manière intelligible, ne suffit pas à démontrer que les modifications apportées seraient incompatibles avec l’art. 26 al. 1 lit. c LBI dont le sens ne peut être qu’un avis d’expert même déraisonnable ou non pertinent suffirait à établir une extension inadmissible de l’objet du brevet, au sens de l’art. 26 al. 1 LBI (c. 8). Le brevet confère à son titulaire le droit d’exiger la cessation d’une utilisation illicite de l’invention, en particulier de l’utilisation à titre professionnel par un tiers, au sens de l’art. 8 al. 1 et 2 LBI et de réclamer la réparation du dommage causé par cette utilisation illicite (art. 66 lit. a, 72 et 73 al. 1 LBI). L’invention est définie par les revendications du brevet, au besoin interprétées d’après la description et les dessins (art. 51 LBI). Les revendications doivent être interprétées comme l’homme du métier les comprend. Les pièces techniques et, en particulier le libellé des revendications s’adressent à l’homme du métier ; l’enseignement technique doit être mis en œuvre par lui et il faut par conséquent apprécier de son point de vue ce qui est rendu accessible par le brevet. La sécurité juridique exige que l’homme du métier puisse savoir à quoi s’en tenir à la seule lecture du brevet. Lorsqu’un doute subsiste parce que la revendication et la description sont équivoques, c’est le titulaire qui doit en pâtir et non les tiers. Le fascicule du brevet peut conférer un sens spécial à un terme technique, divergent du sens courant. Ce qui amène le TF a admettre qu’en l’espèce la notion de « denture » périphérique est un entraînement constitué de dents en nombre indéterminé, y compris, s’il y a lieu, une dent unique ; et que rien ne justifie d’interpréter ce mot, dans le libellé de la revendication, en ce sens que la couverture du brevet serait restreinte aux entraînements périphériques comprenant deux dents au minimum. Le recours de la défenderesse, qui avait conclu reconventionnellement à la constatation de la nullité du brevet et qui contestait également que son mécanisme à dent unique tombait dans la revendication No 1 du brevet qui décrivait une denture à cet emplacement et pour cette fonction, est rejeté. [NT]

CBE 2000 (RS 0.232.142.2)

- Art. 123

-- al. 2

CPC (RS 272)

- Art. 237

- Art. 133

-- lit. e

- Art. 125

-- lit. a

- Art. 57

- Art. 56

- Art. 55

-- al. 1

Cst. (RS 101)

- Art. 29

-- al. 1

-- al. 2

LBI (RS 232.14)

- Art. 58

-- al. 2

- Art. 8

-- al. 2

-- al. 1

- Art. 73

-- al. 1

- Art. 72

- Art. 66

-- lit. a

- Art. 51

- Art. 26

-- al. 1 lit. a

-- al. 1 lit. c

- Art. 1

-- al. 1

- Art. 7

-- al. 2

-- al. 1

LTF (RS 173.110)

- Art. 91

-- lit. a

- Art. 93

-- al. 1

- Art. 42

-- al. 2

LTFB (RS 173.41)

- Art. 37

-- al. 3

-- al. 2

-- al. 1

25 août 2015

TFB, 25 août 2015, O2013_008 (d)

Conditions de la protection du brevet, nouveauté, non-évidence, homme de métier, état de la technique, violation d’un brevet, contrefaçon, brevet européen, décision étrangère, action échelonnée, jugement partiel, action en cessation, action en fourniture de renseignements, action en dommages-intérêts, action en remise du gain, dommage, pistolet de pulvérisation ; art. 66 lit. a LBI, art. 66 lit. b LBI, art. 85 CPC.

La défenderesse, accusée par la plaignante d’avoir violé le brevet européen qu’elle détient sur un pistolet de pulvérisation, allègue un défaut de nouveauté par rapport à deux brevets existants. Le TFB rejette cet argument, et cite une décision concordante du Bundespatentgericht allemand (c. 4.3). La défenderesse allègue également une absence d’activité inventive par rapport au premier des deux brevets cités, l’invention découlant d’une manière évidente de l’état de la technique, qu’elle exemplifie en citant plusieurs autres brevets. Le TFB considère, contrairement au Bundespatentgericht allemand, que les documents cités ne rendent pas l’invention litigieuse évidente pour l’homme du métier (c. 4.4). L’objet réalisé par la défenderesse remplissant toutes les caractéristiques de la première revendication de la plaignante, il constitue une contrefaçon de l’invention brevetée au sens de l’art. 66 lit. a LBI (c. 4.5). La demanderesse prend des conclusions en cessation du trouble, en fourniture de renseignements et en reddition de comptes. Elle conclut en outre à ce qu’il lui soit donné la possibilité, dans une deuxième étape, d’établir et de chiffrer son dommage ou le gain dont elle pourrait demander la délivrance, sans, à ce stade de la procédure, prendre de conclusions chiffrées ou chercher à établir que les conditions d’une action en dommages-intérêts ou en délivrance du gain seraient remplies (c. 5.1). L’action échelonnée suppose l’existence d’une prétention de droit matériel en fourniture de renseignements et en reddition de comptes (c. 5.3). Le TFB considère qu’une telle prétention de droit matériel découle de l’art. 66 lit. b LBI (c. 5.4). Il fait donc droit aux conclusions en cessation et à celles en fourniture de renseignements et en reddition de comptes (c. 5.5). Et puisque la demanderesse a requis et obtenu que la procédure soit suspendue en ce qui concerne les actions pécuniaires jusqu’à droit connu sur l’existence d’une violation et sur l’action en fourniture de renseignements et en reddition de comptes, on ne peut pas lui faire grief de n’avoir pas allégué et établi que les conditions d’une action en dommages-intérêts ou en délivrance du gain seraient remplies (c. 5.6). [SR]

30 janvier 2014

TFB, 30 janvier 2014, O2012_033 (f)

sic! 6/2014, p. 376-388, « Couronne dentée » ; brevet, horlogerie, violation d’un brevet, couronne dentée, affichage, mécanisme d’affichage, guichet de cadran, cadran, grande date, mouvement, montre, dispositif d’affichage, homme de métier, action en interdiction, action en constatation de la nullité d’un brevet, action en fourniture de renseignements, action échelonnée, description du comportement illicite, cumul des titres de protection, extension illicite de l’objet du brevet, nouveauté en droit des brevets, non évidence, conclusions précises, remise du gain, fardeau de la preuve, fardeau de l’allégation, maxime de disposition, concurrence déloyale ; art. 26 al. 1 lit. a LTFB, art. 26 al. 4 LTFB, art. 41 LTFB, art. 10 des Directives procédurales du TFB du 28.11.2011, art. 8 CC, art. 26 al. 1 lit. a LBI, art. 26 al. 1 lit. c LBI, art. 26 al. 1 lit. d LBI, art. 51 al. 1 LBI, art. 58 al. 2 LBI, art. 66 lit. a LBI, art. 66 lit. b LBI, art. 72 LBI, art. 125 al. 1 LBI, art. 3 al. 1 lit. b LCD ; cf. N 916 (TF, 2 octobre 2014, 4A_142/2014 ; sic! 1/2015, p. 49-53, « Couronne dentée II ») et N 929 (TFB, 2 juin 2015, O2012_033 ; sic! 12/2015, p. 695-696, « Couronne dentée III »).

L’art. 41 LTFB implique un transfert automatique au TFB de tous les procès qui n’ont pas encore été plaidés sur le fond au 1er janvier 2012, quel que soit l’avancement de l’instruction. Selon l’art. 10 des Directives procédurales du TFB, le TFB reprend le traitement des procédures qui, au moment de l’entrée en vigueur de la LTFB, sont pendantes devant les tribunaux cantonaux, dans la mesure où la juridiction cantonale concernée justifie que les débats principaux n’ont pas encore eu lieu. L’interprétation du droit cantonal revient aux juridictions cantonales auxquelles il appartient de déterminer à quel moment il convient d’admettre, selon leur propre procédure cantonale, que les débats principaux sont réputés avoir eu lieu (c. 14). Les actions en cessation de trouble doivent viser l’interdiction d’un comportement précisément décrit. La partie condamnée doit apprendre ce qu’elle n’est plus en droit de faire, et les autorités d’exécution ou les autorités pénales doivent savoir quel comportement elles doivent empêcher ou peuvent assortir d’une peine. Si l’on fait valoir auprès de ces autorités que le défendeur a répété un acte prohibé malgré l’interdiction du juge civil, celles-ci doivent seulement avoir à vérifier si les conditions factuelles invoquées sont remplies. En revanche, elles ne doivent pas être amenées à qualifier sur le plan juridique le comportement en cause. Mentionner l’essence des revendications d’un brevet dans les conclusions visant l’interdiction de sa violation peut s’avérer insuffisant. Le mode de violation du brevet ou le mode d’exécution allégué doit ainsi être décrit de façon à ce qu’un examen purement factuel permette sans autre de constater si on est en présence d’une forme d’exécution prohibée. Il faut donc décrire la forme de violation comme un acte technique réel, à travers certaines caractéristiques qui ne nécessitent aucune interprétation juridique ou interprétation de termes techniques ambigus. Ceci en particulier parce que le dispositif du jugement, éventuellement interprété sur la base des considérants, doit exposer concrètement quelles caractéristiques du mode d’exécution sont attaquées en tant que mise en œuvre de l’enseignement technique. Il ne suffit ainsi pas de répéter les caractéristiques mentionnées dans le brevet. Une description du mode de violation est nécessaire; et ce n’est que lorsque les caractéristiques du mode d’exécution utilisant le brevet litigieux sont concrètement désignées qu’une éventuelle interdiction peut être exécutée. Ce n’est en fait que lorsque l’énoncé de la revendication est spécifique au point qu’un examen purement factuel permet sans autre de constater si on est en présence d’une forme d’exécution prohibée et que cet énoncé ne nécessite aucune interprétation juridique ou interprétation de termes techniques ambigus, que la désignation concrète des caractéristiques techniques concrètes du mode d’exécution peut se confondre avec l’énoncé de la revendication qui fonde l’interdiction. Ce qui a été admis en l’espèce (c. 17). Est réputée constituer une extension allant au-delà du contenu des pièces initialement déposées, une modification qui n’est pas divulguée à la date pertinente (de dépôt ou d’un éventuel report au sens de l’art. 58 a LBI), soit un enrichissement technique du contenu de la demande et donc un apport d’informations de nature technique qui ne se déduit pas – directement et sans ambiguïté – de l’intégralité du contenu technique – explicite ou implicite – soumis à la date pertinente. Pour toutes les prétentions relevant du droit privé fédéral, l’art. 8 CC répartit le fardeau de la preuve auquel correspond, en principe, le fardeau de l’allégation et, partant, les conséquences de l’absence de preuve ou d’allégation. La partie qui entend se prévaloir d’un motif de nullité d’un brevet supporte le fardeau de la preuve, à moins que la loi n’en dispose autrement, conformément à l’art. 8 CC. Un état de fait qui n’a pas été allégué par la partie qui en supporte le fardeau ne peut pas être admis par le juge et, si en raison d’un défaut d’allégation, un état de fait ne peut pas être pris en considération ou demeure incertain, le juge doit se prononcer en vertu de l’art. 8 CC en défaveur de la partie qui supporte le fardeau de la preuve. Dès lors que la partie qui souhaite se prévaloir du motif de nullité découlant d’une extension illicite de l’art. 26 al. 1 lit. c LBI supporte le fardeau de la preuve de cette extension illicite et doit alléguer de façon détaillée d’une part la modification en cause et d’autre part la détermination de l’homme du métier et l’étendue de ses connaissances à la date pertinente (date de dépôt ou de report). Le même principe d’allégation détaillée relative à l’homme du métier et à ses connaissances s’applique à la question de l’activité inventive et à la suffisance de description au sens des art. 26 al. 1 lit. a (en relation avec l’art. 1 al. 2) et 26 al. 1 lit. b LBI. Il ne suffit dès lors pas de simplement alléguer qu’une modification particulière ne serait pas explicitée dans le contenu des pièces initialement déposées (à la date de dépôt ou de report). Encore faut-il identifier l’homme du métier (typiquement par sa profession et/ou sa formation) et ses connaissances générales (typiquement les sujets techniques qu’il doit maîtriser en sa qualité d’homme du métier déterminé) à la date pertinente et expliquer pour quels motifs une telle modification ne se déduirait pas du contenu explicite des pièces initialement déposées à l’aide des connaissances de l’homme du métier (c. 19). Tel n’a pas été le cas en l’espèce. La Cour a retenu en outre qu’il résultait de l’examen des pièces modifiées en cours de procédure d’enregistrement qu’aucune extension illicite n’était intervenue (c. 20 et c. 21-23). Concernant la nouveauté, la Cour rappelle qu’une combinaison avec d’autres documents n’est pas admissible et considère qu’il convient dès lors d’admettre la nouveauté de l’invention revendiquée par rapport aux deux antériorités invoquées (c. 26). Une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si pour l’homme du métier elle ne découle pas d’une manière évidente de l’état de la technique. L’homme du métier joue ainsi un rôle décisif dans l’appréciation de l’activité inventive. À l’instar de la question de l’examen de l’extension illicite, l’appréciation de l’activité inventive présuppose une allégation détaillée quant à la détermination de l’homme du métier et ses connaissances à la date pertinente par la partie qui souhaite se prévaloir du motif de nullité correspondant au sens de l’art. 26 al. 1 lit. a (en relation avec l’art. 1 al. 2) et 26 al. 1 lit. b LBI. Cette information est nécessaire afin de déterminer si ses connaissances générales auraient incité et permis à l’homme du métier de combler une lacune entre une ou plusieurs antériorités déterminées (par exemple une ou plusieurs publications et/ou usage public antérieur) et l’invention revendiquée. Une telle allégation détaillée est également nécessaire afin de déterminer si ses connaissances générales auraient permis à l’homme du métier de combiner les enseignements contenus dans des antériorités différentes afin de les réduire en un mode d’exécution combinée (réelle) couvert par l’invention revendiquée. Le défaut d’une allégation détaillée en ce sens contraint en principe le juge à rejeter le motif de nullité invoqué, ainsi que cela a été fait en l’espèce, la demanderesse ayant présenté l’homme du métier uniquement comme un praticien du domaine technologique normalement qualifié qui possède des connaissances générales dans le domaine concerné et qui est censé avoir eu accès à tous les éléments de l’état de la technique (c. 32). Selon l’art. 125 al. 1 LBI, dans la mesure où, pour la même invention, un brevet suisse et un brevet européen ayant effet en Suisse ont été délivrés au même inventeur ou à son ayant cause avec la même date de dépôt ou de priorité, le brevet suisse ne porte plus effet dès la date à laquelle le délai pour former opposition au brevet européen est échu, ou la procédure d’opposition a définitivement abouti au maintien en vigueur du brevet européen. Dans le contexte de la LBI, une invention se comprend comme une règle de comportement technique portant sur l’utilisation des éléments naturels ou des forces de la nature et aboutissant à un résultat déterminé. L’invention est définie dans une ou plusieurs revendications du brevet (art. 51 al. 1 LBI). En l’espèce, la revendication 1 du brevet suisse concerné ne définit pas la même invention que celle de la revendication 1 du brevet européen. Le brevet suisse décrit ainsi une règle différente de celle du brevet européen. Par conséquent, les deux brevets ne protègent pas la même invention et les conditions d’application de l’art. 125 LBI ne sont pas réalisées (c. 37). L’art. 72 al. 1 LBI prévoit que celui qui est atteint ou menacé dans ses droits par l’un des actes mentionnés à l’art. 66 LBI, notamment par la contrefaçon ou par l’imitation d’une invention brevetée (art. 66 lit. a LBI) peut demander la cessation de cet acte. Comme en l’espèce la demanderesse a prouvé que la défenderesse viole le brevet litigieux, comme l’atteinte a déjà commencé et, comme selon la correspondance échangée entre les parties respectives et leurs conseils, et selon les contestations intervenues dans la présente procédure, elle n’a pas pris fin, il convient d’ordonner à la défenderesse – sous la menace de l’art. 292 CP, soit l’amende – de cesser tout usage du mécanisme breveté en relation avec des montres (c. 40). Quand il est, comme en l’espèce, impossible pour le demandeur de chiffrer ses prétentions lorsque l’ignorance résulte de faits qui sont entre les mains du défendeur ou d’un tiers, le demandeur peut intenter une action dite échelonnée, dans laquelle une conclusion en reddition de comptes est liée à une conclusion indéterminée en paiement de la somme due. La seconde est principale, la première est complémentaire. L’action en renseignement découle de l’art. 66 lit. b LBI (c. 41). [NT]

29 mai 2019

TF, 29 mai 2018, 4A_12/2018 (d)

Harry Potter, préservatif, produits pornographiques, marque combinée, remise du gain, fourniture de renseignements, jugement partiel, action échelonnée, obligation de renseigner, intérêt digne de protection, fardeau de la preuve, fardeau de l’allégation, appréciation des preuves, arbitraire, maxime des débats, participation à l’administration des preuves, droit d’être entendu ; art. 9 Cst., art. 29 al. 2 Cst., art. 8 CC, art. 42 al. 2 CO, art. 55 CPC, art. 59 al. 2 lit. a CPC, art. 164 CPC ; cf. N415 (vol. 2007-2011 ; KGSZ, 17 août 2010, ZH 2008 19 ; sic ! 2/2011, p. 108-110, « Harry Potter / Harry Popper (fig.) ») ; N900 (TF, 7 novembre 2013, 4A_224/2013 ; sic ! 3/2014, p. 162-163, « Harry Potter / Harry Popper (fig.) II ») et N902 (TF, 26 janvier 2015, 4A_552/2014).

Selon l’art. 42 al. 2 CO, le dommage qui ne peut pas être exactement établi doit être déterminé par le Juge équitablement en considération du cours ordinaire des choses et des mesures prises par le lésé. Hormis dans le cas rare de la prise en compte des principes abstraits déduits de l’expérience, cette détermination équitable du dommage se base sur une appréciation de l’état de fait et relève ainsi de la détermination des faits qui n’est revue par le TF qu’en cas d’arbitraire. Il incombe au Juge dans le cadre d’un exercice correct de sa liberté d’appréciation de faire la lumière sur les critères de décision dont il envisage de tenir compte, respectivement sur ceux pour lesquels il a besoin d’informations complémentaires. La latitude donnée au Juge de considérer le dommage comme établi sur la base d’une simple estimation n’a pas pour but d’exonérer le demandeur de manière générale du fardeau de la preuve, ni non plus de lui conférer la possibilité d’élever des prétentions en dommages et intérêts de n’importe quelle hauteur sans avoir à fournir de plus amples indications. Bien au contraire, l’application de cette disposition ne le dispense pas d’alléguer, dans toute la mesure possible et exigible, toutes les circonstances qui constituent un indice de l’existence d’un dommage et en permettent la détermination. L’art. 42 al. 2 CO ne libère pas le demandeur de son obligation d’étayer sa réclamation. Les circonstances alléguées doivent être de nature à justifier suffisamment l’existence d’un dommage, ainsi qu’à en rendre l’ordre de grandeur saisissable. Cela vaut aussi en cas de réclamation de la remise du gain en ce qui concerne les circonstances que la partie chargée du fardeau de la preuve souhaite invoquer concernant la réalisation d’un gain, respectivement sa diminution. Un établissement exact des faits ne doit cependant pas être exigé dans les cas où l’art. 42 al. 2 CO s’applique, dans la mesure où l’allégement du fardeau de la preuve consacré en faveur du demandeur par cette disposition comporte aussi une limitation du fardeau de l’allégation et de l’étayement des faits (« Substanziierung ») (c. 3.1). Du moment qu’en dépit de l’obligation qui découlait pour elle du jugement partiel précédent, la recourante refusait de communiquer à l’autre partie les informations nécessaires pour établir le montant du gain que cette dernière ne pouvait pas fournir, l’instance cantonale n’a pas violé le droit fédéral en fixant le gain dans le cadre d’une application par analogie de l’art. 42 al. 2 CO et en le déterminant en fonction de l’ensemble des circonstances. Il n’est pas nécessaire pour permettre de recourir à une telle application par analogie de l’art. 42 al. 2 CO de se trouver en présence d’un refus injustifié de collaborer au sens de l’art. 164 CPC (c. 3.5). Le respect du droit d’être entendu au sens de l’art. 29 al. 2 Cst. implique que le tribunal entende, examine et prenne en compte dans son processus décisionnel les éléments avancés par celui que la décision atteint dans ses droits. Le jugement doit être motivé pour que les parties puissent se faire une idée des considérants du tribunal. La motivation doit mentionner de manière succincte les considérations qui ont guidé le tribunal et sur lesquelles il fonde son jugement. Il n’est par contre pas nécessaire que la décision passe en revue de manière détaillée et réfute chacun des arguments soulevés par les parties. Il suffit que le jugement soit motivé de telle sorte qu’il puisse, le cas échéant, être contesté de manière adéquate. Le fait qu’une autre solution ait pu entrer en ligne de compte ou même être préférable n’est pas déjà constitutif d’arbitraire. Tel n’est le cas que lorsque le jugement attaqué est manifestement insoutenable, en contradiction claire avec la situation de fait, viole crassement une norme ou un principe de droit incontesté ou contrevient d’une manière choquante aux principes de la justice (c. 4.1). [NT]