« altrimo/atrimos » ;
Raison de commerce, raison sociale, risque de confusion direct,
risque de confusion indirect, force distinctive, force distinctive
forte, force distinctive faible, signe fantaisiste, signe descriptif,
impression générale, registre du commerce, risque de confusion nié,
concurrence déloyale, maxime de disposition, maxime des débats,
altrimo AG,
atrimos immobilien gmbh,
services financiers, services de conseil, immobilier ; art. 951
CO, art. 3 al. 1 lit. d LCD, art. 55 CPC, art. 58 al. 1 CPC.
Altrimo
AG (plaignante) est une société anonyme inscrite au registre du
commerce du canton d’Appenzell-Rhodes-Intérieures sous le nom
« altrimo ag » depuis le 29 décembre 2000, et active en
particulier dans les domaines de la fiducie, de l’audit, de
l’immobilier et de la finance. Atrimos immobilien gmbh est une
société à responsabilité limitée inscrite au registre du
commerce du canton de Saint-Gall le 29 octobre 2013, active dans les
domaines de l’administration, de la location et du courtage de
biens immobiliers, ainsi que dans la fourniture de services de
conseil dans les domaines de l’immobilier et de la fiducie
immobilière. La notion de risque de confusion est la même pour
l’ensemble du droit des signes distinctifs, et il s’agit d’une
question de droit que le Tribunal fédéral revoit librement. Comme
les sociétés commerciales peuvent librement choisir leurs raisons
de commerce, la jurisprudence pose généralement des exigences
élevées concernant leur force distinctive. Selon la jurisprudence
constante, les raisons de commerce bénéficient d’une protection
également à l’encontre des entreprises qui sont actives dans une
autre branche du commerce, mais les exigences concernant la
différenciation des raisons de commerce sont plus strictes lorsque
les entreprises peuvent entrer en concurrence de par leurs buts
statutaires ou s’adressent, pour une autre raison, aux mêmes
cercles de clients. Il en va de même en cas de proximité
géographique des entreprises. C’est en fonction de l’impression
d’ensemble qu’elles laissent auprès du public que doit être
tranchée la question de savoir si deux raisons de commerce sont
suffisamment différentes pour coexister. Cela doit être vérifié
non seulement dans le cadre d’un examen attentif et simultané des
raisons de commerce en cause, mais également en fonction du souvenir
qu’elles laissent, lequel est marqué par les éléments des
raisons de commerce qui sont frappants de par leur effet sonore ou
leur signification. Ces éléments revêtent une importance
déterminante dans l’examen de l’impression d’ensemble générée
par une raison de commerce. Cela vaut en particulier pour les
désignations de pure fantaisie, qui bénéficient en général d’une
forte force distinctive. Il en va autrement pour les désignations
descriptives, qui appartiennent au domaine public. Il y a risque de
confusion lorsque la raison de commerce d’une entreprise peut être
prise pour celle d’une autre (risque de confusion direct) ou donne
l’impression erronée que les entreprises seraient économiquement
ou juridiquement liées (risque de confusion indirect). Le droit des
raisons sociales n’exclut pas les possibilités de confusion qui
demeurent assez peu probables pour le destinataire moyen (c. 2.1).
Selon l’instance précédente, l’attention du public se porte
avant tout, dans les raisons de commerce litigieuses, sur les termes
« altrimo » et « atrimos ». Elle considère
que, dans l’appréciation de l’existence d’un risque de
confusion, seules les raisons sociales telles qu’inscrites au
registre du commerce doivent être prises en compte. Selon elle, les
termes « altrimo » et « atrimos » constituent
des désignations de fantaisie. Dans la raison de commerce de la
défenderesse, le suffixe « -os » suggèrerait une
origine grecque, ou pourrait être associé au mot latin « atrium »,
mais le terme constituerait en réalité une simple désignation
fantaisiste, également perçue comme telle par le public, dotée
d’un caractère distinctif fort. Selon l’instance précédente,
les ajouts doivent être pris en compte même quand ils sont
descriptifs, car ils peuvent modifier de manière importante l’aspect
visuel d’une raison sociale. Tel serait le cas en l’espèce de
l’ajout du terme « immobilier » dans la raison sociale
de la défenderesse, qu’il rendrait beaucoup plus longue. Selon
l’extrait du registre du commerce, les deux sociétés sont actives
dans le secteur immobilier, mais la plaignante aurait un champ
d’activité beaucoup plus vaste. Selon l’instance précédente,
les éléments « altrimo » et « atrimos »
diffèrent considérablement sur le plan sonore. Dans l’appréciation
de la similarité de deux raisons sociales, le facteur décisif
serait toujours celui de l’impression générale que les signes
laissent au public pertinent, tant sur les plans acoustique que
visuel ou sémantique. En l’espèce, l’appréciation de
l’impression d’ensemble mènerait à la conclusion que, malgré
les similitudes qui existent entre les deux raisons sociales sur le
plan visuel, elles se distinguent suffisamment. Les deux désignations
fantaisistes seraient propres à provoquer des associations très
différentes chez le public. Il n’existerait donc aucun risque de
confusion entre les deux raisons de commerce, tant en droit des
raisons sociales que sous l’angle de l’art. 3 al. 1 lit. d LCD
(c. 2.2). Dans son appréciation de l’impression d’ensemble
produite par les deux raisons sociales en cause, c’est à raison
que l’instance précédente a pris en compte leurs différences
sonores et les différences d’association éveillées chez les
destinataires, sans s’arrêter à leur similarité sur le plan
visuel. Les faits que les termes litigieux « altrimo » et
« atrimos » contiennent le même nombre de lettres et
soient tous deux inscrits en lettres minuscules au registre du
commerce n’entraînent pas de risque de confusion entre les deux
raisons sociales, en raison des différences mises en évidence dans
la décision attaquée. Il en va de même, sur le plan sonore, des
faits qu’elles aient la même lettre initiale, le même nombre de
syllabes et la même séquence de voyelles. On ne peut pas non plus
reprocher à l’instance précédente une violation du principe de
disposition (art. 58 CPC ; la recourante vise sans doute plutôt
la maxime des débats de l’art. 55 al. 1 CPC) dans le fait qu’elle
a, dans l’appréciation de l’existence d’un risque de confusion
(qui constitue une question de droit) émis ses propres
considérations sur les associations qu’éveillent les éléments
des raisons sociales chez le public pertinent, et sur le fait
qu’ « atrimos » suggèrerait une origine grecque.
La plaignante ne démontre aucune violation de l’art. 951 CO.
Enfin, le fait que l’instance précédente n’ait pas mentionné
expressément la proximité géographique des parties ne signifie pas
qu’elle n’en a pas tenu compte dans son appréciation juridique
(c. 2.3). Contrairement à ce que paraît supposer la recourante, la
juridiction inférieure n’a pas non plus considéré que l’élément
« immobilier » dans la raison de commerce de la
défenderesse suffise à lui seul pour qu’elle se distingue
suffisamment de celle de la demanderesse au sens de l’art. 951 CO.
Au contraire, elle a considéré à juste titre que cet ajout est
descriptif et donc pourvu d’une force distinctive faible. Elle a
seulement estimé qu’il allonge la raison de commerce de la
défenderesse, et modifie donc aussi son apparence visuelle (c. 2.4).
Contrairement à ce qu’affirme la recourante, l’instance
précédente a bel et bien examiné l’existence d’un risque de
confusion indirect, et a conclu que les deux raisons de commerce se
distinguent suffisamment pour l’exclure (c. 2.5). En outre,
l’argument de la recourante selon lequel l’instance précédente
aurait, en violation de l’art. 951 CO, fondé son examen non sur
les raisons de commerce telles qu’inscrites mais sur leur
utilisation effective en tant que logos dans le commerce est lui
aussi infondé. Bien que la décision attaquée mentionne le logo
effectivement utilisé par la requérante dans le cadre de l’examen
de sa signification, elle souligne expressément, immédiatement
après, que le logo utilisé n’est pas pertinent au regard du droit
des raisons sociales (c. 2.6). C’est enfin à tort que la
plaignante reproche à l’instance précédente d’avoir exclu de
manière infondée l’application de l’art. 3 al. 1 lit. d LCD.
L’instance précédente n’a pas ignoré que la LCD et le droit
des raisons de commerce peuvent s’appliquer cumulativement. Elle a
expressément souligné dans sa décision que, dans l’examen de
l’existence d’un risque de confusion sous l’angle de la LCD, on
doit se baser non seulement sur les raisons de commerce telles
qu’inscrites, mais aussi sur leur utilisation concrète sur le
marché. Elle a examiné les logos effectivement utilisés par les
parties, et a considéré qu’ils se distinguent suffisamment. Elle
a bien pris en compte que l’application de la LCD (notamment de
l’art. 3 al. 1 lit. d LCD), reste possible même quand il n’existe
aucun risque de confusion sous l’angle du droit des raisons
sociales (c. 3). Le recours est rejeté (c. 4). [SR]