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  • Action, voir ég. cumul d’actions
  • en exécution

01 avril 2010

TF, 1er avril 2010, 4A_638/2009 (f)

ATF 136 III 225 ; sic! 7/8/2010, p. 526-530, « Guide orange » ; medialex 3/2010, p. 170 (rés.) ; œuvre, guide, individualité, auteur, coauteur, contrat de travail, action en exécution, action en constatation, péremption ; art. 2 CC, art. 2 al. 1 LDA, art. 61 LDA, art. 62 LDA.

À la différence de l'action en exécution (art. 62 LDA), l'action en constatation (art. 61 LDA) n'est pas susceptible d'être touchée par la péremption (art. 2 CC). Toutefois, selon les circonstances, l'intérêt légitime à la constatation exigé par l'art. 61 LDA (qui implique une incertitude — sur un droit ou sur les relations juridiques des parties découlant du droit d'auteur — susceptible d'être éliminée par une constatation judiciaire) peut être nié en cas de retard à agir (c. 3.2). En l'espèce, le recourant a un intérêt légitime à la constatation de sa qualité d'auteur du « Guide orange » (manuel d'intervention pratique destiné aux sapeurs-pompiers). Il ne peut être reproché au recourant de ne pas avoir agi pendant les 27 années durant lesquelles les relations entre les parties ont été harmonieuses. Par ailleurs, en raison de l'incessibilité des droits moraux, l'intérêt d'une personne physique à faire constater qu'elle est l'auteur d'une œuvre ne saurait disparaître par l'écoulement du temps (c. 3.3). La reconnaissance judiciaire de la qualité d'auteur d'une œuvre ne préjuge toutefois pas de la cession préalable par l'auteur, dans le cadre par exemple du contrat de travail qui lie les parties, de droits moraux transmissibles ou de droits patrimoniaux (c. 3.3). La disposition originale de la matière (par fiches d'intervention comprenant, pour chaque produit, en tout cas une étiquette chimique, le numéro ONU, une échelle des dangers, une description du produit et de ses dangers, différentes rubriques indiquant aux intervenants comment agir au mieux selon les situations, ainsi qu'une indication des constantes) rend le « Guide orange » individuel et en fait une œuvre au sens de l'art. 2 al. 1 LDA (c. 4.2). Est coauteur celui qui concourt de manière effective à la détermination définitive de l'œuvre ou à sa réalisation. Sa contribution peut résider dans la forme ou dans la structure du contenu, pour autant qu'elle revête l'individualité nécessaire. En l'espèce, le recourant est coauteur du « Guide orange », car il ne s'est pas limité à exécuter les instructions de son employeur (c. 4.3).

25 avril 2016

TF, 25 avril 2016, 4A_1/2016 (d)

Droit d’auteur, photographie, transfert de droits d’auteur, fardeau de l’allégation, fardeau de la preuve, action en exécution, action en fourniture de renseignements, action en interdiction, maxime des débats ; art. 62 al. 1 lit. a LDA, art. 62 al. 1 lit. b LDA, art. 62 al. 1 lit. c LDA, art. 55 al. 1 CPC.

Dans les procédures soumises à la maxime des débats, les parties doivent alléguer les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions et produire les preuves s’y rapportant (art. 55 al. 1 CPC). Les parties supportent ainsi le fardeau de l’allégation. Elles doivent alléguer tous les éléments de l’état de faits qui fondent leurs prétentions du point de vue du droit matériel. Un renvoi global à des pièces déposées ne satisfait pas à l’obligation d’alléguer et de prouver les faits décisifs qui doivent, lorsqu’ils sont contestés, non plus être présentés de manière générale, mais analysés dans l’état de faits de façon si claire et si complète qu’une preuve ou une contre-preuve puisse être apportée à l’appui de chacun d’eux (c. 2.1). Il ressort de la lettre même de l’art. 62 LDA que le fait de subir ou de risquer de subir une violation du droit d’auteur ou des droits voisins constitue une condition d’application de cette disposition et des prétentions qui peuvent être déduites non seulement de ses lit. a et lit. b, mais aussi de sa lit. c. Celui qui souhaite obtenir les informations sur les objets confectionnés ou mis en circulation de manière illicite prévues par l’art. 62 al. 1 lit. c LDA ne doit ainsi pas seulement établir être titulaire des droits d’auteur sur les œuvres concernées, mais aussi qu’il subit ou risque de subir une violation de ses droits. Le droit à l’information ne permet pas d’obtenir des indications sur de supposées violations du droit d’auteur par les défenderesses. Une violation, ou au moins une mise en danger d’un droit d’auteur, doit en tant que condition décisive aux prétentions déduites de l’art. 62 al. 1 lit. a LDA, y compris de celles en fourniture d’informations selon l’art. 62 al. 1 lit. c LDA, être alléguée et prouvée en cas de contestation (c. 2.3). Une interprétation historique de l’introduction de l’art. 62 al. 1 lit. c LDA (le 23 novembre 2005 dans le cadre de la révision de la LBI) confirme que la vérification de l’existence d’un acte illicite est une condition de la prétention en fourniture de renseignements qui ne saurait avoir de portée allant au-delà de la lettre de cette disposition et s’appliquer également en cas de violation présumée, avec cette conséquence que les défenderesses auraient en quelque sorte une obligation générale de rendre compte de l’utilisation des photographies réalisées par la demanderesse (c. 2.4). La recourante (et demanderesse) ne prétend pas avoir établi une violation ou une mise en danger de ses droits d’auteur par les défenderesses, respectivement par l’une ou l’autre d’entre elles. La preuve que la demanderesse est titulaire de droits d’auteur sur les photographies qu’elle a réalisées ne suffit donc pas à fonder ses conclusions en interdiction, en cessation, en dommages et intérêts et en réparation du tort moral (c. 2.6). Le recours est rejeté. [NT]

26 octobre 2020

TF, 26 octobre 2020, 4A_129/2020 (d)

Action en constatation, action en constatation négative, intérêt digne de protection, action en exécution, action formatrice, opposition, marque verbale, marque combinée, marque figurative, interprétation du contrat, principe de la confiance, principe de la bonne foi, droit d’être entendu, arbitraire, Von Roll, recours rejeté ; art. 9 Cst., art. 29 al. 2 Cst., art. 18 al. 1 CO, art. 3 LPM, art. 14 LPM, art. 31 al.1 LPM, art. 33 LPM, art. 52 LPM, art. 59 al. 2 lit. a CPC, art. 88 CPC.

L’un des plus anciens groupes industriels de Suisse, le groupe Von Roll, s’est restructuré en 2003. Les contrats conclus au moment de la scission ont fait l’objet de plusieurs contentieux. L’un d’entre eux prévoyait notamment que la défenderesse avait le droit d’utiliser et/ou de faire protéger la dénomination sociale « vonRoll » avec les adjonctions « infratec », « hydro », « casting » et « itec », en tant que raison sociale et/ou en tant que marque. En 2017, la défenderesse a déposé quatre marques combinées contenant ces désignations. Après que la demanderesse ait fait opposition à ces enregistrements, la défenderesse a intenté avec succès devant le tribunal cantonal soleurois une action en constatation de droit contre elle. La demanderesse, qui recourt contre le jugement du tribunal cantonal, ne parvient pas à démontrer l’existence d’une violation de son droit d’être entendue au sens de l’art. 29 al. 2 Cst. ou de l’interdiction de l’arbitraire au sens de l’art. 9 Cst. par l’instance précédente (c. 2.2 – 2.4). Elle fait aussi valoir que l’instance inférieure aurait estimé à tort que la défenderesse avait un intérêt à la constatation et qu’elle aurait violé, en entrant en matière sur le recours, les art. 59 al. 2 lit. a et 88 CPC, ainsi que l’art. 52 LPM (c. 3). L’action en constatation de droit vise à faire constater l’existence ou l’inexistence d’un droit ou d’un rapport de droit. Le demandeur doit établir un intérêt digne de protection à la constatation immédiate. Cet intérêt n’est pas nécessairement de nature juridique, il peut s’agir d’un pur intérêt de fait. Cette condition est notamment remplie lorsque les relations juridiques entre les parties sont incertaines et que cette incertitude peut être levée par la constatation judiciaire. Toute incertitude n’est pas suffisante : il faut qu’on ne puisse plus attendre du demandeur qu’il en tolère le maintien, parce qu’elle l’entrave dans sa liberté de décision. Dans le cas d’une action en constatation négative, notamment, il faut également tenir compte des intérêts de la partie intimée, qui est contrainte d’entrer de manière prématurée dans une procédure. Cela enfreint la règle selon laquelle c’est en principe au créancier, et non au débiteur, de déterminer à quel moment il entend faire valoir son droit. Une procédure judiciaire précoce peut désavantager le créancier s’il est obligé de fournir des preuves avant qu’il ait la volonté et les moyens de le faire. En règle générale, l’intérêt à la constatation fait défaut lorsque le titulaire d’un droit dispose d’une action en exécution ou d’une action formatrice, immédiatement ouverte, qui lui permettrait d’obtenir directement le respect de son droit ou l’exécution de l’obligation. En ce sens, l’action en constatation de droit est subsidiaire par rapport à ces actions (c. 3.2). C’est à tort que la demanderesse nie l’intérêt à la constatation de la défenderesse, en faisant valoir que l’IPI peut examiner avec un plein pouvoir de cognition s’il existe un risque de confusion, et donc un motif d’exclusion, dans le cadre de la procédure d’opposition pendante en vertu des art. 31 al. 1 et 33 LPM. En réalité, sa cognition est strictement limitée, le conflit de signes devant être évalué tel qu’il ressort du registre. Par conséquent, dans une procédure d’opposition, l’intimé ne peut pas se défendre en faisant valoir que l’opposant ne tient pas compte des accords contractuels. La demanderesse ne peut pas non plus être suivie lorsque, dans le même contexte, elle estime qu’il est (matériellement) sans importance dans la présente procédure que la défenderesse soit habilitée à enregistrer les marques en cause sur la base de la relation contractuelle existant entre les parties. Si la demanderesse est contractuellement obligée de tolérer les enregistrements litigieux, elle ne peut pas invoquer son droit à la marque prioritaire pour les empêcher. Le titulaire de la marque ne peut faire valoir son droit exclusif à l'encontre de la partie contractante que si celle-ci viole le contrat (c. 3.3). L’argument de la demanderesse selon lequel, en vertu du principe de subsidiarité de l’action en constatation, la défenderesse aurait pu introduire une action en exécution pour mettre fin à la situation illicite ne peut pas non plus être suivi. Compte tenu des incertitudes découlant de la relation contractuelle spécifique entre les parties quant à l’admissibilité de l’usage respectif des signes, ainsi que des différents litiges juridiques survenus entre les parties ou entre les sociétés de leurs groupes, la défenderesse a un intérêt digne de protection à ce qu’il soit établi, au-delà de la procédure d’opposition en cours, que ses signes ne portent pas atteinte aux marques de la plaignante. L’incertitude existant dans la relation juridique entre les parties peut être levée par la décision judiciaire demandée, et on ne peut attendre de la défenderesse qu’elle tolère le maintien de cette incertitude (c. 3.4). La demanderesse reproche à l’instance précédente, en se basant sur l’art. 18 al.1 CO, une interprétation erronée des conventions passées entre les parties (c. 4). Compte tenu de la formulation et des circonstances concrètes de la conclusion des deux contrats en cause, la juridiction inférieure a considéré que les parties n’avaient pas eu l’intention, en utilisation la désignation « vonRoll » dans le second contrat, de restreindre l’orthographe de cet élément du signe. Ce faisant, elle a notamment tenu compte du comportement ultérieur de la demanderesse, qui a elle-même utilisé le signe verbal « vonRoll » dans cette orthographe. Le Tribunal fédéral est lié par ces constatations. Même si l’on n’admettait pas qu’il existait une concordance de volontés entre les parties, on ne pourrait reprocher à l’instance précédente de ne pas avoir tenu compte des principes d’interprétation pertinents du droit des contrats, conformément au principe de la confiance. Une partie ne peut en effet s’appuyer sur le fait que son cocontractant aurait dû comprendre une disposition contractuelle de bonne foi dans un certain sens que dans la mesure où elle a elle-même effectivement compris cette disposition de cette manière. Si la demanderesse n’a pas compris l’utilisation de l’orthographe « vonRoll » au moment de la conclusion du second contrat comme une restriction de l’utilisation autorisée du signe, elle ne peut attribuer, selon le principe de la bonne foi, un tel sens à cette disposition. En tout état de cause, compte tenu de la disposition contractuelle permettant expressément à la défenderesse d’enregistrer le signe « VON ROLL » avec certains ajouts en tant que « marque verbale et/ou figurative », la simple utilisation d’une orthographe différente dans la deuxième convention, qui ne sert en outre qu’à « confirmer, préciser et compléter » la première, ne saurait être comprise, même d’un point de vue objectif, comme une restriction de la forme d’usage autorisée sans autre indication particulière. Selon le principe de la bonne foi, il ne pouvait être déduit du simple fait de l'orthographe spécifique utilisée qu'une représentation graphique des éléments du mot, telle qu'elle était utilisée dans les marques déposées par la défenderesse, n'était pas contractuellement autorisée (c. 4.3.2). Compte tenu des accords passés entre les parties, la demanderesse ne peut pas s’opposer aux enregistrements effectués en se fondant, sur la base de l’art. 3 LPM, sur ses propres marques prioritaires « VON ROLL » et « VON ROLL ENERGY ». Elle ne dispose d’aucun droit de priorité fondé sur le droit des marques sur le logo déposé par la défenderesse, puisqu’elle admet elle-même que sa marque « VON ROLL » (fig.), incorporant ce logo, a été radiée, et que les marques opposantes sont des marques purement verbales. En conséquence, c’est à raison que l’instance précédente a considéré que, compte tenu des accords conclus entre les parties, les marques déposées par la défenderesse ne violent pas les marques verbales "VON ROLL" et "VON ROLL ENERGY" détenues par la requérante, et que celles-ci ne font pas obstacle à leur enregistrement (c. 4.4). Le recours est rejeté (c. 5). [SR]

04 décembre 2019

TF, 4 décembre 2019, ATF 146 III 89 (d)

sic! 2020, p. 366-369, « Rolex Kapillarimport » ; action en exécution, action en interdiction, intérêt digne de protection, contrefaçon, importation capillaire, faute, montre, Rolex, Internet, recours partiellement admis ; art. 13 al. 2bis LPM, art. 55 LPM.

Selon l’art. 13 al. 2bis LPM, le titulaire d’une marque peut interdire à des tiers de l’utiliser pour importer, exporter ou faire transiter des produits de fabrication industrielle même lorsque ces actes sont effectués à des fins privées (c. 4.1). Comme l’estime la doctrine dominante, les actions civiles de l’art. 55 LPM sont également ouvertes contre les actes visés par l’art. 13 al. 2bis LPM. L’importateur agissant à des fins privées (importations capillaires) peut être actionné même s’il n’a commis aucune faute (sauf dans les cas visés par l’art. 55 al. 2 LPM) (c. 8.1.3). L’action en interdiction de l’art. 55 al. 1 lit. a LPM présuppose l’existence d’un intérêt digne de protection, qui n’existe qu’en présence d’une menace de violation, supposant que le comportement du défendeur fasse sérieusement craindre une violation future. Tel peut notamment être le cas lorsque des violations similaires ont été commises dans le passé, ou lorsque le défendeur nie le caractère illicite des actes commis (c. 9.3.1). Selon l’instance précédente, rien ne permet d’établir que le défendeur avait l’intention d’importer en Suisse des montres « ROLEX » contrefaites, notamment parce que les montres étaient affichées sans marque sur Internet, et qu’il ne devait donc pas s’attendre à ce que des montres portant les marques verbales et figuratives en question lui soient livrées. En outre, il n’a pas contesté que l’importation de montres contrefaites constitue une violation du droit à la marque de la demanderesse. Selon l’instance précédente, rien n’indique donc qu’il risque de passer à l’avenir d’autres commandes de ce type (c. 9.3.2). Les constats de l’instance précédente ne sont pas arbitraires (c. 9.3.5), et l’absence d’un intérêt digne de protection concernant la demande en interdiction d’une violation imminente n’est pas contestable (c. 9.3.7). Le recours est partiellement admis (c. 10). [SR]