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07 novembre 2007

HG AG, 7 novembre 2007, HOR.2006.3 (d)

sic! 10/2008, p. 707- 713, « SBB-UhrenIII » ; droits d’auteur, contrat, transfert de droits d’auteur, œuvre, œuvre des arts appliqués, horlogerie, CFF, individualité, élément fonctionnel, design, conditions de la protection du design, œuvre dérivée, péremption, bonne foi, prescription ; art. 2 al. 2 CC, art. 41 CO, art. 60 CO, art. 62 CO, art. 423 CO, art. 2 LDA, art. 2 al. 2 lit. f LDA.

Cf. N 21 (arrêt du TF dans cette affaire).

08 mai 2008

TF, 8 mai 2008, 4A_104/2008 (d)

sic! 10/2008, p. 713-717, « SBB-Uhren IV » ; droits d’auteur, contrat, CFF, transfert de droits d’auteur, principe de la confiance, théorie de la finalité, arbitraire ; art. 9 Cst., art. 95 LTF, art. 105 al. 2 LTF, art. 18 al. 1 CO, art. 9 al. 1 aLDA, art. 16 LDA ; cf. N 20 (arrêt du Handelsgericht AG dans cette affaire).

La constatation de la volonté effective de transférer des droits d'auteur relève du fait et le TF ne peut la revoir que si elle est manifestement inexacte ou arbitraire, ou si elle repose sur une violation des règles de droit selon l'art. 95 LTF. Il n'y a pas arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. du seul fait qu'une autre solution aurait également pu entrer en ligne de compte, ou même qu'elle aurait pu paraître préférable. Il n'est pas arbitraire de déduire un transfert de droits d'auteur du fait que leur titulaire originaire ne se considérait pas comme investi de ces droits et qu'il ne les a pas fait valoir à l'encontre de leur utilisateur dont il connaissait l'activité. Les règles relatives au transfert des droits d'auteur de la nouvelle LDA correspondent à celles de l'ancienne LDA. Les droits d'utilisation sont cessibles selon l'art. 9 al. 1 aLDA et leur transfert peut intervenir de manière informelle, le cas échéant tacitement ou par actes concluants. Ce qui est déterminant pour juger de l'existence d'un transfert des droits d'auteur, c'est la réelle et commune intention des parties selon l'art. 18 al. 1 CO. Lorsque celle-ci ne peut être établie, l'objet du contrat de transfert des droits d'auteur doit être déterminé en recourant au principe de la confiance, selon la théorie de la finalité. Le fait que le titulaire originaire de droits d'auteur n'ait pas eu conscience de ce qu'il en était investi n'empêche pas qu'il ait pu valablement transférer ces droits au sens de l'art. 16 LDA. Le transfert de droits d'auteur ne suppose en effet pas nécessairement la connaissance exacte de l'existence et de la portée des droits se rapportant à une œuvre. Il suffit que le cédant soit conscient, au moment du transfert, du fait que des droits pouvaient lui appartenir à titre originaire.

14 novembre 2008

CJ GE, 14 novembre 2008, C/23681/2006, ACJC/1372/2008 (f)

sic! 1/2010, p. 23-25, « Logiciel e-banking » ; droits d’auteur, contrat, transfert de droits d’auteur, interprétation du contrat, programme d’ordinateur, code-source, modification, décompilation, méthodes d’interprétation, concurrence déloyale ; art. 16 LDA, art. 21 LDA, art. 17 ODAu, art. 6 LCD.

Les art. 21 LDA et 17 ODAu doivent être interprétés conformément à la Directive 91/250/CEE. La remise des codes-sources n'implique pas automatiquement un transfert des droits d'auteur, lequel dépend de l'existence et de l'interprétation des divers accords qui peuvent avoir été conclus entre les parties. La remise des codes-sources permet par contre d'admettre une autorisation implicite de modifier les logiciels et de les décompiler. Un décryptage autorisé au sens de la LDA ne porte pas atteinte aux secrets de fabrication selon l'art. 6 LCD et ne constitue pas non plus une exploitation indue des prestations du fournisseur du logiciel.

29 janvier 2009

OG ZH, 29 janvier 2009, LK040003/U (d) b

sic! 4/2011, p. 227-230, « Bob Marley II » ; droits d’auteur, contrat, contrat de travail, transfert de droits d’auteur, interprétation du contrat, théorie de la finalité, œuvre, œuvre photographique, Bob Marley, agence photographique, qualité pour défendre ; art. 2 LDA, art. 6 LDA ; cf. N 25 (arrêt du TF dans cette affaire).

Vu l'art. 6 LDA, un employeur ne peut acquérir que de manière dérivée — contractuellement (Vorausverfügung) — des droits sur l'œuvre créée par son travailleur (c. 3.1). Afin de déterminer l'étendue de la cession des droits, il s'agit, à défaut de clause explicite, d'interpréter le contrat de travail au moyen, notamment, de la théorie de la finalité, selon laquelle l'étendue de la cession est présumée limitée par ce qu'exige le but du contrat (c. 3.1). À défaut de disposition contractuelle à ce sujet, un employeur n'a aucun droit sur l'œuvre créée par son travailleur en dehors de l'exercice de son activité au service de l'employeur (c. 3.1). La cession, par le demandeur, des droits d'exploitation sur ses photographies à une agence photographique correspond au but du contrat (de travail [c. 3.6-3.7]) qui liait ces parties (c. 3.7). Peut rester ouverte la question de savoir si le demandeur a fait la photographie litigieuse (une œuvre au sens de l'art. 2 LDA [c. 3.3]) dans ou en dehors de l'exercice de son activité au service de son employeur, car en la remettant aux archives de son employeur, le demandeur lui a cédé l'ensemble de ses droits d'exploitation (c. 3.7-3.8). La défenderesse n'a pas qualité pour défendre en ce qui concerne une éventuelle rémunération due au demandeur par l'ex-employeur du demandeur (c. 3.8).

25 novembre 2010

TF, 25 novembre 2010, 4A_522/2010 (d)

medialex 1/2011, p. 57 (rés.), « Bob-Marley-Fotografie » ; droits d’auteur, contrat, contrat de travail, transfert de droits d’auteur, œuvre photographique, Bob Marley, interprétation du contrat, principe de la confiance, délai de recours, conclusion, motivation de la décision, décision prise par une autorité cantonale de dernière instance ; art. 42 al. 1 LTF, art. 75 al. 1 LTF, art. 100 al. 6 LTF, art. 107 al. 2 LTF, art. 8 CC, art. 18 al. 1 CO, § 281 ss ZPO/ZH ; cf. N 23 (arrêt de l’Obergericht ZH dans cette affaire).

Selon l'art. 100 al. 6 LTF, si la décision d'un tribunal cantonal supérieur peut être déférée à une autre autorité judiciaire cantonale (en l'espèce, le Kassationsgericht ZH) pour une partie seulement des griefs visés aux art. 95 à 98 LTF, le délai de recours commence à courir à compter de la notification de la décision de cette autorité (c. 1). La recevabilité du recours en matière civile (moyen réformatoire ; art. 107 al. 2 LTF) est déjà douteuse du fait que le recourant, sans prendre de conclusions (art. 42 al. 1 LTF) matérielles et justifier pourquoi le TF ne pourrait pas statuer lui-même, se limite à demander l'annulation de l'arrêt de l'Obergericht ZH et le renvoi à cette autorité (c. 2). Le recours contre une décision basée sur une motivation principale et une motivation subsidiaire (indépendantes l'une de l'autre) est irrecevable s'il ne s'en prend pas de manière suffisante à la motivation subsidiaire (c. 3). Au regard des griefs de la constatation arbitraire des faits, de la violation du droit d'être entendu et de l'application arbitraire de dispositions cantonales de procédure, l'arrêt attaqué, rendu par l'Obergericht ZH, n'est pas une décision prise par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF), car ces griefs pouvaient être examinés par le Kassationsgericht ZH dans le cadre d'un Nichtigkeitsbeschwerde (§ 281 ss ZPO/ZH) (c. 4.1). Dès lors, en lien avec l'état de fait, seul le grief de la violation de l'art. 8 CC peut être invoqué devant le TF contre l'arrêt attaqué, rendu par l'Obergericht ZH (c. 4.2). Ce n'est que lorsque la réelle et commune intention des parties (art. 18 al. 1 CO) ne peut pas être établie qu'il convient d'interpréter le contrat à l'aide du principe de la confiance; en l'espèce, une telle interprétation du contrat est superflue (c. 5). Le recours à l'art. 8 CC ne permet pas au recourant de contester qu'il a cédé à Y. AG l'ensemble de ses droits d'exploitation sur la photographie litigieuse en la remettant, sans réserve, aux archives de Y. AG (c. 6).

29 août 2012

HG AG, 29 août 2012, HOR.2011.22 (d)

sic! 6/2013, p. 344-350, « Nicolas Hayek » ; droit d’auteur, œuvre photographique, individualité, dommage, gain manqué, confiscation, transfert de droits d’auteur, interprétation du contrat, théorie de la finalité, principe de la proportionnalité ; art. 41 al. 1 CO, art. 42 al. 2 CO, art. 2 al. 2 lit. g LDA, art. 16 al. 2 LDA, art. 62 al. 2 LDA, art. 63 LDA.

Pour déterminer si l'on est en présence d'une œuvre protégée, le choix des différentes composantes d'une image, leur cadre, de même que la répartition des ombres et de la lumière peuvent jouer un rôle (c. 7.1.2). L'art. 42 al. 2 CO ne dispense pas le lésé de prouver la vraisemblance du gain manqué. La simple allégation d'une possibilité de vendre l'œuvre ne suffit pas (c. 7.2.5). Un supplément par rapport à la redevance habituelle équivaudrait à des dommages-intérêts punitifs et ne serait pas compatible avec les principes de la responsabilité extra contractuelle (c. 7.2.6). Lorsqu'un photographe n'utilise pas la marge de manœuvre dont il dispose, ni en ce qui concerne la technique photographique, ni en ce qui concerne la composition, il n'y a pas d'œuvre protégée au sens du droit d'auteur (c. 8.1.1). Les circonstances ayant permis la photographie ne sont pas pertinentes pour juger du caractère individuel de celle-ci (c. 8.1.2). D'après l'art. 16 al. 2 LDA, l'autorisation de publier l'œuvre une première fois n'implique pas de pouvoir la reproduire dans des éditions subséquentes. La preuve du contraire n'est pas rapportée en l'espèce (c. 9.2.1.3.2). Une demande de confiscation au sens de l'art. 63 LDA ne peut porter que sur des objets qui appartiennent à la partie défenderesse, ou qui sont en sa possession (c. 9.2.2). Celle-ci n'a pas besoin d'être en faute (c. 9.2.3). La confiscation doit en outre satisfaire à l'exigence de proportionnalité (c. 9.3.1). En l'espèce, la confiscation et la destruction d'une revue contenant une photographie publiée sans autorisation ne serait pas conforme au principe de la proportionnalité, vu que cette revue contient aussi des images et des articles publiés licitement. De plus, l'art. 63 LDA est une disposition potestative et une nouvelle infraction au droit d'auteur n'est pas vraisemblable (c. 9.3.2). [VS]

Fig. 2 – « Bild 2 » (cf. c. 8.1)
Fig. 2 – « Bild 2 » (cf. c. 8.1)

26 février 2013

OG ZH, 26 février 2013, LK100007 (d)

sic! 9/2013, p. 518-526, « Landschaftsfotografien » (Laux Christian, Anmerkung) ; droits d’auteur, œuvre photographique, droit d’accès, action en exercice du droit d’accès, transfert de droits d’auteur, reprise de commerce, succession, droits moraux, cessibilité de droits moraux, transfert à cause de mort, partage successoral, droits strictement personnel de l’auteur, interprétation du contrat, théorie de la finalité ; art. 2 al. 1 LDA, art. 2 al. 2 lit. g LDA, art. 10 LDA, art. 14 al. 1 LDA, art. 16 al. 3 LDA.

Le caractère individuel d'une œuvre peut résulter de la composition de l'image, du jeu de lumière, du travail réalisé sur le négatif au moment du développement ou du choix de l'objet photographié. L'activité créatrice humaine peut se manifester dans un cadrage particulier, une perspective inhabituelle, le choix d'un film couleur ou noir et blanc, celui d'un film plus ou moins sensible à la lumière, le recours à une certaine lentille ou à un diaphragme, ou encore dans l'utilisation d'un filtre (c. III.3.1). En présence d'œuvres non encore inventoriées et en la possession de la défenderesse seule, cette dernière ne saurait empêcher l'exercice du droit d'accès de l'art. 14 LDA en soutenant qu'elles ne seraient pas protégées par le droit d'auteur si elle a omis de contester de manière étayée la qualité d'œuvre des images concernées. L'exercice du droit d'accès doit ainsi être autorisé en admettant que les photographies atteignent le niveau d'individualité requis pour leur ouvrir la protection du droit d'auteur, d'autant que leur auteur est reconnu comme un des photographes marquants des années 1920 dans notre pays (c. III.3.2). L'art. 16 LDA ne soumet le transfert des droits d'auteur au respect d'aucune exigence de forme. Un transfert peut ainsi intervenir tacitement dans le cadre d'une reprise de commerce. La question du transfert des droits d'auteur et celle du transfert de la propriété d'une œuvre doivent être traitées et jugées indépendamment l'une de l'autre (art. 16 al. 3 LDA) (c. III.4.2). Le transfert des droits d'auteur est soumis aux mêmes règles dans le cadre d'un partage successoral et peut donc, dans ce cas aussi, intervenir tacitement (c. III.4.3). Dans le cas d'espèce, le fils du photographe avait repris l'ensemble du commerce de son père et le tribunal a admis que cette cession de l'ensemble des actifs et passifs de l'entreprise comprenait les droits d'auteur (c. III.4.4.1). Le fait que l'ensemble des acteurs à la procédure, et aussi des personnes prédécédées, comme le père du demandeur (qui est lui-même le petit-fils de l'auteur et le neveu du fils ayant repris le commerce de l'auteur) et ses tantes, aient tous connu l'existence d'une convention de cession des droits d'auteur conclue en 1977 par le fils du photographe avec un tiers et ne l'aient jamais remise en question jusqu'à la procédure intentée en 2010, conforte le tribunal dans l'admission de l'existence d'un premier transfert des droits d'auteur dans le cadre de la reprise du magasin de photographie entre le photographe et son fils, puis d'un deuxième transfert entre ce dernier et un tiers en 1977 (c. III.4.4.2-4.4.5). Le fils du photographe a ainsi valablement pu céder l'ensemble des droits d'auteur sur l'héritage photographique laissé par son père et le cessionnaire a acquis ces droits, sauf pour ce qui est des droits de la personnalité incessibles qui sont demeurés aux héritiers (c. III.5.1). La question de savoir si le droit d'accès peut être transféré est controversée dans la doctrine, en lien avec la question plus générale de la cessibilité des droits strictement personnels de l'auteur. Il convient de la trancher en fonction de chaque droit moral concerné (c. III.5.2). Le droit d'accès a été introduit par le législateur pour éviter que la vente d'une œuvre équivaille à une cession des droits d'auteur la concernant, puisqu'en présence d'un exemplaire unique d'une œuvre, l'auteur privé de la possibilité d'y accéder se serait de facto trouvé empêché d'exercer ses droits d'auteur (en particulier ses droits de reproduction, notamment par la réalisation de photographies). C'est donc la volonté d'assurer l'exercice des droits patrimoniaux de l'auteur qui est à l'origine de la création de ce droit moral particulier d'accès à l'œuvre qui n'est pas un droit strictement personnel de l'auteur, mais un droit patrimonial à caractère moral qui peut valablement être cédé (c. III.5.3-5.4). [NT]

19 mars 2013

TF, 19 mars 2013, 4A_598/2012 (d)

sic! 10/2013, p. 600-605, « Roter Vari » ; droits d’auteur, contrat de durée, clause d’exclusivité, résiliation, juste motif de résiliation d’un contrat, pouvoir d’appréciation, pesée d’intérêts, transfert de droits d’auteur, droits moraux, interprétation du contrat, vari rouge ; art. 4 CC, art. 1 CO, art. 18 CO, art. 11 al. 2 LDA.

Un contrat de durée peut être résilié de manière anticipée pour de justes motifs qui rendent l'exécution du contrat intolérable pour une partie. De tels justes motifs doivent être admis en cas de violations particulièrement graves du contrat, mais aussi en cas de violations moins importantes qui se répètent malgré des avertissements ou des mises en demeure, de sorte que la partie lésée puisse admettre que l'autre partie en commettra d'autres. L'existence de tels justes motifs relèvent du pouvoir d'appréciation du juge au sens de l'art. 4 CC, si bien que le TF revoit la décision librement, mais avec une certaine retenue (c 4.2). Dans un contrat où l'auteur cède ses droits à son partenaire et renonce à faire valoir ses droits moraux, on peut admettre que le but d'une clause d'exclusivité, par laquelle cet auteur se réserve le droit de procéder lui-même à des modifications de l'œuvre, est purement économique et vise à se procurer des mandats supplémentaires. Par conséquent, la violation de cette clause n'est pas un juste motif permettant la résiliation du contrat si l'auteur fait valoir que la poursuite des relations contractuelles est intolérable pour lui en raison d'une atteinte à sa réputation professionnelle (c. 5.2). Lorsqu'il recherche l'existence d'un juste motif, le juge peut mettre en balance les différents intérêts en présence. Il est permis d'exiger d'une partie qu'elle agisse en exécution du contrat plutôt qu'elle ne résilie ce dernier, si les inconvénients que causerait la résiliation sont plus importants que ceux découlant de la poursuite des rapports contractuels (c. 5.4). Dans la pesée des intérêts, le juge doit également prendre en compte les conséquences que la résiliation aurait pour un tiers, si les parties au contrat savaient que celui-ci était conclu dans l'intérêt de ce tiers (c. 5.5). Puisque l'auteur a cédé ses droits à son cocontractant, il ne peut pas fonder l'existence de justes motifs sur des violations de ses droits d'auteur (c. 5.6). De plus, on peut exiger de lui qu'il exerce la résiliation en dernier recours, et qu'il soumette auparavant au juge les litiges portant sur l'interprétation d'une clause contractuelle d'importance secondaire (c. 5.7). Un comportement dérogeant au texte du contrat n'est pas forcément déterminant pour l'interprétation de celui-ci, puisqu'il peut s'agir d'une tolérance à bien plaire (c. 6.2.1). Le recours est rejeté. [VS]

Fig. 3 – « Roter Vari »
Fig. 3 – « Roter Vari »

23 avril 2013

TF, 23 avril 2013, 4A_643/2012 (f)

sic! 10/2013, p. 605-608, « Reportages SSR » ; Société Suisse de Radio diffusion et Télévision, droits d’auteur, recours en matière civile, instance cantonale unique, transfert de droits d’auteur, méthode d’interprétation, théorie de la finalité, établissement des faits, arbitraire dans la constatation des faits, actes concluants, principe de la confiance ; art. 42 al. 1 LTF, art. 42 al. 2 LTF, art. 75 al. 2 lit. a LTF, art. 105 al. 1 LTF, art. 105 al. 2 LTF, art. 106 al. 1 LTF, art. 108 al. 1 lit. b LTF, art. 18 al. 1 CO, art. 16 al. 2 LDA, art. 5 al. 1 lit. a CPC, art. 405 al. 2 CPC.

Dès l'entrée en vigueur du CPC, le 1er janvier 2011, les voies de recours sont régies par le nouveau droit (art. 405 al. 1 CPC). L'art. 5 al. 1 lit. a in initio CPC prévoit que le droit cantonal institue une juridiction statuant en instance cantonale unique sur les litiges portant sur des droits de propriété intellectuelle. Le recours en matière civile au TF est donc ouvert en vertu de l'art. 75 al. 2 lit. a LTF, quand bien même le tribunal supérieur cantonal n'a pas statué sur recours (c. 1.1). Le TF applique d'office le droit dont il peut contrôler le respect (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est pas limité par les arguments soulevés dans le recours, ni par la motivation retenue par l'autorité précédente. Toutefois, compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 lit. b LTF), le TF n'examine en principe que les griefs invoqués : il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (c. 1.2). Le TF conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte — ce qui correspond à la notion d'arbitraire — ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF) (c. 1.3). En principe, tous les droits patrimoniaux qui découlent du droit d'auteur peuvent être transférés sans que le respect d'aucune exigence de forme ne soit nécessaire. Le transfert peut parfaitement être conclu tacitement, voire par actes concluants (c. 3.1). Pour déterminer l'étendue des droits cédés par l'auteur de l'œuvre à son partenaire contractuel, il faut appliquer les règles usuelles d'interprétation des contrats dégagées par la jurisprudence. Mais s'il n'est pas possible de déterminer la volonté réelle des parties, il convient, dans le domaine du transfert des droits d'auteur, d'appliquer des règles spéciales en complément du principe de la confiance. En particulier, si l'interprétation d'après la théorie de la confiance laisse subsister un doute sur la volonté normative des parties, il faut partir de l'idée que l'auteur n'a pas cédé plus de droits liés au droit d'auteur que ne le requiert le but poursuivi par le contrat, selon la théorie de la finalité (c. 3.1). Le juge doit donc recourir en premier lieu à l'interprétation subjective qui le contraint à rechercher la commune et réelle intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO). S'il y parvient, il s'agit d'une constatation de fait qui lie en principe le TF conformément à l'art. 105 LTF. Si la volonté réelle des parties n'a pas pu être déterminée ou si les volontés intimes de celles-ci divergent, le juge doit interpréter les déclarations et les comportements selon la théorie de la confiance, ce qui l'oblige à rechercher comment une déclaration ou une attitude pouvait être comprise de bonne foi en fonction de l'ensemble des circonstances. Le principe de la confiance permet d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même s'il ne correspond pas à sa volonté intime. L'application du principe de la confiance est une question de droit que le TF peut examiner librement (art. 106 al. 1 LTF). Cependant, pour trancher cette question, il doit se fonder sur le contenu de la manifestation de volonté et sur les circonstances dont la constatation relève du fait. Lorsque l'interprétation objective aboutit à une ambiguïté, il est possible de faire application de la théorie de la finalité. Conformément à celle-ci et à la teneur de l'art. 16 al. 2 LDA, en cas de doute, l'interprétation des contrats de droit d'auteur doit pencher en faveur de la personne protégée (in dubio pro auctore) (c. 3.1). Lorsque la volonté réelle des parties ne peut pas être arrêtée, mais que des reportages protégés par le droit d'auteur ont été remis par leur auteur à une institution dont le but est d'émettre des émissions de radio, il doit être admis, selon la théorie de la confiance, que tous ces reportages étaient destinés à être diffusés sur les ondes. La diffusion des reportages est ainsi intervenue avec l'autorisation, au moins tacite, de leur auteur, ce qui exclut toute exploitation illicite de ceux-ci. Du moment qu'en droit suisse des contrats d'auteur, la liberté contractuelle prévaut, les parties étaient libres de convenir, expressément ou tacitement, que les honoraires facturés par l'auteur pour chacun des reportages seraient la seule rémunération qui lui serait versée, en contrepartie du travail effectué et de l'autorisation d'exploiter l'œuvre (c. 3.2). [NT]

CO (RS 220)

- Art. 18

-- al. 1

CPC (RS 272)

- Art. 405

-- al. 2

- Art. 5

-- al. 1 lit. a

LDA (RS 231.1)

- Art. 16

-- al. 2

LTF (RS 173.110)

- Art. 108

-- al. 1 lit. b

- Art. 106

-- al. 1

- Art. 75

-- al. 2 lit. a

- Art. 42

-- al. 2

-- al. 1

- Art. 105

-- al. 1

-- al. 2

17 juin 2015

HG BE, 17 juin 2015, HG 15 39 (d) (mes. prov.)

Œuvre, droit d’auteur, individualité de l’œuvre, unicité statistique, œuvre photographique, transfert de droits d’auteur, recueil, contrat de licence, concurrence déloyale, exploitation d’une prestation d’autrui, mesures provisionnelles, vraisemblance, examen théorique des conducteurs de véhicules automobiles, programme d’ordinateur, CD-ROM, Excel ; art. 2 al. 1 LDA, art. 4 LDA, art. 6 LDA, art. 9 LDA, art.16 al. 1 LDA, art. 65 LDA, art. 5 lit. c LCD.

Pour l’examen théorique des conducteurs de véhicules automobiles, la demanderesse — l’association des services des automobiles — a conçu 276 questions avec pour chacune trois réponses possibles et des images (et photographies) associées. Ce matériel est mis sur le marché par le biais de contrats de licence. Sans bénéficier d’une telle licence, la défenderesse a repris un CD sur lequel étaient enregistrées les questions et les réponses sous forme de tableau Excel, les images et des instructions sur la façon d’assembler les questions et les images. En droit d’auteur, l’auteur est la personne physique qui a créé l’œuvre. Lorsqu’une œuvre est créée par un employé, l’employeur ne peut acquérir les droits d’auteur sur cette œuvre, et faire valoir les droits exclusifs qui y sont liés, qu’en se les faisant céder (art. 16 al. 1 LDA) (c. 17.1). Si le matériel d’examen constitue une œuvre, les membres du groupe de travail qui les ont conçues en sont les auteurs. La demanderesse n’étant pas parvenue à rendre vraisemblable une cession expresse ou tacite des droits, la requête de mesures provisionnelles doit déjà être rejetée pour défaut de légitimation active (c. 17.4-17.5). La requête doit aussi être rejetée au motif que la demanderesse n’est pas parvenue à rendre vraisemblable l’existence d’une œuvre protégée (c. 18). Selon le critère de l’unicité statistique, l’œuvre doit se distinguer de ce qui est usuel au point qu’il paraisse exclu qu’un tiers, confronté à la même tâche, puisse créer une œuvre pratiquement identique (c. 18.1). En l’espèce, tant les images que les questions et réponses ne sont pas suffisamment individuelles pour être protégées. Les images ne constituent que de banales représentations de diverses situations, qui pourraient être réalisées de manière similaire par d’autres personnes ayant reçu la consigne de réaliser des images correspondant aux questions. Il en va de même pour les questions, qui ne constituent qu’une banale compilation de questions possibles d’examen découlant de la législation et dictées par la logique (c. 18.5). On ne peut non plus conclure à l’existence d’un recueil, le choix et l’ordonnancement des éléments n’étant pas individuels. Les questions sont listées de manière banale dans une liste Excel, sans avoir été, apparemment, disposées volontairement dans un ordre particulier, et les images sont stockées séparément (c. 18.7). Sous l’angle de l’art. 5 lit. c LCD, la demanderesse ne rend pas vraisemblable que sa compilation de questions constitue un produit prêt à être mis sur le marché. Le matériel enregistré sur le CD ne constitue pas un logiciel d’apprentissage fini, mais la matière de base permettant aux acquéreurs de développer leurs propres logiciels d’apprentissage. En outre, la demanderesse ne parvient pas à rendre vraisemblable que la défenderesse n’a pas effectué de sacrifice correspondant. La défenderesse n’a pas simplement copié le matériel de la demanderesse, mais elle l’a intégré dans son propre produit, modifiant notamment l’ordre des réponses et les images (c. 21.3). La demande de mesures provisionnelles doit donc aussi être rejetée sous l’angle de l’art. 5 lit. c LCD (c. 21.4). [SR]

07 avril 2014

HG ZH, 7 avril 2014, HG110271 (d)

Usage privé, droit international privé, transfert de droits d’auteur, principe du traitement national, principe du créateur, compétence exclusive, droits non soumis à un enregistrement, violation des droits de propriété intellectuelle, recueil, revue, articles scientifiques, service de livraison de documents, appareil pour la confection de copies, envoi électronique, copie numérique, copie papier, bibliothèque, tiers chargé d'effectuer une reproduction, action en interdiction, qualité pour agir des sociétés de gestion, tarifs des sociétés de gestion, interprétation conforme à la constitution, méthodes d’interprétation, interprétation conforme au droit international, triple test, exemplaire d’œuvre disponible sur le marché ; art. 5 ch. 1 CB, art. 9 ch. 2 CB, art. 2 ch. 1 CL, art. 22 ch. 4 CL, art. 4 LDA, art. 6 LDA, art. 19 al. 2 LDA, art. 19 al. 3 lit. a LDA, art. 19 al. 3bis LDA, art. 20 LDA, art. 46 LDA, art. 59 al. 3 LDA, art. 62 al. 1 LDA, art. 70 LDA, art. 5 al. 1 lit. a CPC, art. 109 al. 2 LDIP, art. 110 LDIP ; cf. N 787 (TF, 28 novembre 2014, 4A_295/2014 [ATF 140 III 616] ; sic! 3/2015, p. 155-164, « Bibliothekslieferdienst »).

La compétence exclusive prévue par l’art. 22 ch. 4 CL n’est pas applicable aux litiges concernant des droits non soumis à un enregistrement. Par conséquent, la compétence générale de l’art. 2 ch. 1 CL s’applique. D’après l’art. 109 al. 2 LDIP, les tribunaux suisses du domicile du défendeur sont compétents pour connaître des actions portant sur la violation des droits de propriété intellectuelle (c. 1.1). D’après l’art. 5 al. 1 lit. a CPC, c’est le droit cantonal qui détermine le tribunal qui fonctionne comme instance cantonale unique pour les affaires de propriété intellectuelle (c. 1.2). Le transfert aux demanderesses des droits sur différents articles scientifiques, ou l’octroi à celles-ci d’une licence exclusive, a été prouvé par les contrats produits (c. 1.3). En revanche, la question de savoir si ces demanderesses disposent des droits sur les revues contenant lesdits articles est incertaine et il faut préalablement déterminer quelle est la loi applicable à cette question (c. 1.4). D’après l’art. 110 al. 1 LDIP, les droits de propriété intellectuelle sont régis par la loi de l’État pour lequel la protection est demandée (lex loci protectionis). L’art. 5 al. 1 CB prévoit en outre le principe du traitement national, selon lequel les ayants droit étrangers bénéficient des mêmes droits que les nationaux. En l’espèce, la question de l’existence des droits d’auteur se juge d’après la loi du pays de protection. Comme les demanderesses invoquent la protection du droit d’auteur suisse, c’est le droit suisse qui est applicable (c. 2.1.1). La loi du pays de protection est aussi applicable aux prétendues violations des droits de propriété intellectuelle, de même qu’aux effets de ces droits (contenu, limite et protection). D’après l’art. 110 al. 2 LDIP en revanche, s’agissant des conséquences juridiques d’une violation, les parties peuvent toujours convenir, après l'événement dommageable, de l'application du droit du for aux prétentions résultant de l’acte illicite. Mais en l’espèce, les demanderesses invoquent aussi la loi du pays de protection pour les actions en interdiction qu’elles font valoir. L’art. 110 al. 2 LDIP n’est donc pas applicable (c. 2.1.2). En résumé, le droit suisse gouverne l’ensemble du litige (c. 2.1.3). Seule une personne physique peut acquérir originairement des droits d’auteur. D’après l’art. 6 LDA, l’auteur est la personne physique qui a créé l’œuvre. Une cession des droits d’auteur à l’employeur doit être alléguée et prouvée. Le droit suisse ne connaît aucun transfert automatique des droits d’auteur à l’employeur. Il est possible que les revues contenant les divers articles scientifiques soient des recueils au sens de l’art. 4 LDA. Toutefois, les demanderesses n’ont pas suffisamment allégué détenir les droits sur ces revues (c. 2.2.1). Par conséquent, il faut seulement examiner en l’espèce si les droits sur les différents articles ont été violés (c. 2.2.2). Une action en interdiction nécessite un intérêt à la protection actuel et suffisant. Les conclusions doivent viser des actes concrets et doivent être formulées de manière suffisamment précise pour que les autorités d’exécution puissent reconnaître les actes interdits au défendeur (c. 2.4.1). Les droits à rémunération pour l’usage privé ne peuvent être exercés que par les sociétés de gestion agréées. La qualité pour agir de ces dernières découle de la loi (art. 20 al. 2 LDA) et ne nécessite aucun fondement contractuel avec les ayants droit. Les sociétés de gestion doivent établir des tarifs (art. 46 LDA). Une fois approuvés par la CAF, ceux-ci lient le juge d’après l’art. 59 al. 3 LDA. Le juge civil doit cependant vérifier que les tarifs ne prévoient pas de droits à rémunération contraires à la loi (c. 2.5). Le TF s’est prononcé en faveur d’un pluralisme pragmatique des méthodes d’interprétation et refuse de les hiérarchiser selon un ordre de priorité. Si plusieurs interprétations sont possibles, il faut donner la préférence à celle qui correspond le mieux à la Constitution. Une interprétation conforme à la Constitution ne peut toutefois pas contredire le texte clair d’une disposition légale. Pour l’interprétation d’une limite au droit d’auteur, il faut tenir compte des droits constitutionnels en cause, en particulier de la garantie de la propriété et des libertés de communication, de même que des traités internationaux, en particulier du test des trois étapes (c. 2.6.2.1). Une œuvre offerte à la vente par Internet est disponible sur le marché au sens de l’art. 19 al. 3 lit. a LDA (c. 2.6.2.2). Le point de vue du Message de 1989, selon lequel les différents articles d’une revue ne seraient pas des exemplaires d’œuvres au sens de cette dernière disposition, ne paraît plus soutenable vu l’évolution technologique. Il faut opter pour une interprétation conforme aux réalités d’aujourd’hui lorsque les différents articles scientifiques peuvent être acquis individuellement par les consommateurs par voie électronique. L’avis du Message, selon lequel seule la copie intégrale [de la revue] ferait concurrence à la distribution de l’œuvre, n’est plus actuel: le consommateur moyen s’intéresse aujourd’hui beaucoup plus aux différents articles qu’à la revue entière. Ces articles sont donc des exemplaires d’œuvres au sens de l’art. 19 al. 3 lit. a LDA (c. 2.6.2.3.3). Cette disposition ne protège pas seulement la première exploitation de l’œuvre. Il y a reproduction de la totalité ou de l’essentiel des exemplaires d’œuvres, au sens de l’art. 19 al. 3 lit. a LDA, lorsque l’acquisition d’un exemplaire complet devient inintéressante pour le consommateur moyen. Le fait que le layout ou la numérotation des pages soient changés n’est pas déterminant (c. 2.6.2.4). Vu les travaux préparatoires de 1989, il se justifie de retenir comme seul critère déterminant pour l’application de l’art. 19 al. 3 lit. a LDA celui de la mise en concurrence directe des prestations de l’éditeur: les copies qui font concurrence directement à ces prestations ne doivent pas être admises. Le service de livraison de documents exploité par la défenderesse représente bien une telle concurrence (c. 2.6.4). En revanche, en application de ce critère, les copies réalisées par les consommateurs dans les locaux d’une bibliothèque, au moyen des appareils mis à disposition par cette bibliothèque, doivent rester admissibles. Sinon, les libertés constitutionnelles de communication seraient compromises, de même que l’équilibre des intérêts entre les exploitants et la collectivité. Le but de l’art. 19 al. 2 LDA est de permettre à celui qui ne dispose pas d’un appareil de reproduction de réaliser les copies grâce à l’aide d’un tiers. Exiger que ce dernier fasse partie du cercle privé de la personne concernée ne paraît ni praticable ni suffisant. Dans ce cadre, la personne qui réalise une copie numérique, par exemple au moyen d’un scanner installé par une bibliothèque, peut certainement aussi se faire envoyer cette copie à son adresse électronique, bien que l’art. 19 al. 2 LDA ne concerne que l’acte de reproduction. Mais l’exploitation d’un service de livraison de documents, comprenant l’envoi des copies moyennant paiement d’un émolument, ne fait pas partie des activités habituelles d’une bibliothèque. Cela représente une concurrence directe pour les services en ligne des éditeurs et porte atteinte à l’exploitation normale des œuvres au sens du test des trois étapes (c. 2.6.5). La situation ne serait différente que si les copies étaient réalisées par les personnes visées par l’art. 19 al. 1 LDA elles-mêmes, grâce à un appareil mis à disposition par la bibliothèque. En effet, avec un service de livraison de documents, la bibliothèque fait concurrence aux éditeurs en réclamant une rémunération et en offrant aux consommateurs la possibilité de gagner du temps, comme s’ils recouraient aux services en ligne des éditeurs. Il est conforme à l’équilibre des intérêts voulu par le législateur d’exiger des consommateurs qu’il se rendent physiquement dans les locaux d’une bibliothèque pour pouvoir librement réaliser les copies (c. 2.6.6). L’art. 19 al. 3bis LDA n’a pas pour effet de rendre illicites les services en ligne payants des éditeurs et ces derniers ne se rendent pas coupables de l’infraction prévue à l’art. 70 LDA. Au demeurant, par son service de livraison de documents, la défenderesse copie sur demande les articles litigieux et les envoie en PDF par voie électronique à la personne qui les a commandés. Cette prestation n’est pas couverte par l’art. 19 al. 3bis LDA car elle n’est pas identique à celle d’un service comme iTunes. Au surplus, il n’y a pas de consultation au sens de cette disposition, et les œuvres n’ont pas été mises à disposition licitement (c. 2.7.2). La vente d’articles scientifiques isolés par Internet fait partie de l’exploitation normale de l’œuvre au sens du test des trois étapes. Pour savoir s’il est porté atteinte à celle-ci, le nombre de copies réalisées par la défenderesse n’est pas déterminant et peut d’ailleurs considérablement varier selon l’intérêt des consommateurs (c. 2.9.3). Il est possible que les intérêts des auteurs et des éditeurs divergent parfois. Mais l’intérêt légitime des premiers à ce que leurs œuvres scientifiques soient largement diffusées est suffisamment sauvegardé par le fait que les consommateurs ont la possibilité de réaliser des copies dans les locaux des bibliothèques, même si les éditeurs commercialisent les articles en ligne, et par le fait qu’ils peuvent utiliser ces offres en ligne (c. 2.9.4). [VS]

22 mai 2014

HG ZH, 22 mai 2014, HE 140063 (d) (mes. prov.)

Concurrence déloyale, droit d’auteur, mesures provisionnelles, programme d’ordinateur, compatibilité, Windows, contrat de vente, transfert de droits d’auteur, vraisemblance, dommage, expertise, exploitation d’une prestation d’autrui, indication publicitaire inexacte, dénigrement, courrier ; art. 16 al. 1 LDA, art. 17 LDA, art. 2 LCD, art. 3 al. 1 lit. a LCD, art. 3 al. 1 lit. b LCD, art. 3 al. 1 lit. d LCD, art. 5 lit. a LCD, art. 5 lit. c LCD.

La défenderesse a mis sur le marché « Princess », un logiciel concurrent du logiciel « Diamond » que diffuse la demanderesse. Dans des lettres adressées à des clients des deux parties, elle prétend que son logiciel constitue une amélioration de celui de la demanderesse, et soutient que ce dernier, jusqu’à sa version 4.9, ne fonctionne que de manière limitée avec Windows 7 et plus du tout avec les versions ultérieures du système d’exploitation. La conclusion par la demanderesse d’un contrat de vente avec une société anonyme rend à tout le moins vraisemblable que ses droits d’auteur ont été transférés à cette dernière. Elle n’expose pas, dans sa demande, sur quoi reposerait sa légitimation active, et sa demande de mesures provisionnelles doit être rejetée sur ce point (c. 7). Les captures d’écran qu’elle a fournies ne permettent pas au tribunal d’apprécier si le logiciel « Diamond » a été repris d’une manière qui pourrait constituer une violation du droit d’auteur ou l’exploitation d’une prestation d’autrui. Il s’agit d’une question technique qui doit, même dans le cadre d’une procédure de mesures provisionnelles, être soumise à un expert. Puisque la demanderesse n’a pas requis d’expertise, il faut considérer, indépendamment de la question de la titularité des droits, qu’une violation du droit d’auteur n’a pas été rendue vraisemblable (c. 8). L’affirmation de la défenderesse, dans le titre des courriers qu’elle a adressés, selon laquelle « Diamond » s’appelle dorénavant « Princess », suggère que « Princess » succède à « Diamond », ce qui est manifestement inexact. Il s’agit vraisemblablement d’un dénigrement au sens de l’art. 3 al. 1 lit. a LCD et d’une indication inexacte au sens de l’art. 3 al. 1 lit. b LCD. La simple indication d’une incompatibilité d’une ancienne version de « Diamond » avec Windows 7 et 8 est également trompeuse et dénigrante, car elle éveille l’impression fausse d’une incompatibilité générale, alors que la nouvelle version du programme est bel et bien compatible avec le système d’exploitation. Ces affirmations paraissent non seulement illicites, mais elles sont également susceptibles de causer des dommages matériels et immatériels à la demanderesse, et doivent donc être interdites à titre provisionnel (c. 8). [SR]

25 avril 2016

TF, 25 avril 2016, 4A_1/2016 (d)

Droit d’auteur, photographie, transfert de droits d’auteur, fardeau de l’allégation, fardeau de la preuve, action en exécution, action en fourniture de renseignements, action en interdiction, maxime des débats ; art. 62 al. 1 lit. a LDA, art. 62 al. 1 lit. b LDA, art. 62 al. 1 lit. c LDA, art. 55 al. 1 CPC.

Dans les procédures soumises à la maxime des débats, les parties doivent alléguer les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions et produire les preuves s’y rapportant (art. 55 al. 1 CPC). Les parties supportent ainsi le fardeau de l’allégation. Elles doivent alléguer tous les éléments de l’état de faits qui fondent leurs prétentions du point de vue du droit matériel. Un renvoi global à des pièces déposées ne satisfait pas à l’obligation d’alléguer et de prouver les faits décisifs qui doivent, lorsqu’ils sont contestés, non plus être présentés de manière générale, mais analysés dans l’état de faits de façon si claire et si complète qu’une preuve ou une contre-preuve puisse être apportée à l’appui de chacun d’eux (c. 2.1). Il ressort de la lettre même de l’art. 62 LDA que le fait de subir ou de risquer de subir une violation du droit d’auteur ou des droits voisins constitue une condition d’application de cette disposition et des prétentions qui peuvent être déduites non seulement de ses lit. a et lit. b, mais aussi de sa lit. c. Celui qui souhaite obtenir les informations sur les objets confectionnés ou mis en circulation de manière illicite prévues par l’art. 62 al. 1 lit. c LDA ne doit ainsi pas seulement établir être titulaire des droits d’auteur sur les œuvres concernées, mais aussi qu’il subit ou risque de subir une violation de ses droits. Le droit à l’information ne permet pas d’obtenir des indications sur de supposées violations du droit d’auteur par les défenderesses. Une violation, ou au moins une mise en danger d’un droit d’auteur, doit en tant que condition décisive aux prétentions déduites de l’art. 62 al. 1 lit. a LDA, y compris de celles en fourniture d’informations selon l’art. 62 al. 1 lit. c LDA, être alléguée et prouvée en cas de contestation (c. 2.3). Une interprétation historique de l’introduction de l’art. 62 al. 1 lit. c LDA (le 23 novembre 2005 dans le cadre de la révision de la LBI) confirme que la vérification de l’existence d’un acte illicite est une condition de la prétention en fourniture de renseignements qui ne saurait avoir de portée allant au-delà de la lettre de cette disposition et s’appliquer également en cas de violation présumée, avec cette conséquence que les défenderesses auraient en quelque sorte une obligation générale de rendre compte de l’utilisation des photographies réalisées par la demanderesse (c. 2.4). La recourante (et demanderesse) ne prétend pas avoir établi une violation ou une mise en danger de ses droits d’auteur par les défenderesses, respectivement par l’une ou l’autre d’entre elles. La preuve que la demanderesse est titulaire de droits d’auteur sur les photographies qu’elle a réalisées ne suffit donc pas à fonder ses conclusions en interdiction, en cessation, en dommages et intérêts et en réparation du tort moral (c. 2.6). Le recours est rejeté. [NT]

« Revue de presse interne » ; principe du créateur, présomption de la qualité d’auteur, transfert de droits d’auteur, théorie de la finalité, work for hire, qualité pour agir ; art. 321b al. 2 CO, art. 332 CO ; art. 6 LDA, art. 8 LDA, art. 16 LDA, art. 17 LDA, art. 62 LDA.

Le droit suisse connaît le principe du créateur, selon lequel seule une personne physique, à savoir celle qui a créé l’œuvre, peut être auteur. Une personne morale ne peut pas l’être. La règle de l’art. 8 al. 1 LDA, qui concerne le fardeau de la preuve, ne se rapporte qu’au créateur de l’œuvre selon l’art. 6 LDA, donc à une personne physique. Mais les personnes morales peuvent devenir titulaires de droits d’auteur à titre dérivé, à la suite d’un acte juridique. Le transfert de droits d’auteur - « cession » - a un effet absolu – quasi-réel – et a pour conséquence que la position juridique du cédant passe au cessionnaire. Ce dernier peut alors, en particulier, faire valoir en justice les droits d’auteur transférés. La règle de l’art. 8 al. 2 LDA doit être distinguée de ce qui précède. Elle prévoit que la personne qui a fait paraître l’œuvre, subsidiairement celle qui l’a divulguée, peut exercer le droit d’auteur lorsque l’auteur n’est pas désigné (ou est inconnu). Il peut s’agir d’une personne morale. La disposition a par ailleurs pour but de permettre à l’auteur de faire valoir ses droits tout en conservant l’anonymat. La personne qui a fait paraître l’œuvre ou celle qui l’a divulguée n’acquière pas de droit d’auteur propre, mais seulement le pouvoir d’exercer en son nom les droits de l’auteur. Si ce dernier est nommé par la suite, ledit pouvoir tombe (c. 4.1). Les règles précitées valent aussi en cas de création d’une œuvre dans le cadre de rapports de travail ou de mandat, sous réserve de l’art. 17 LDA pour les logiciels. Le travailleur qui crée une œuvre est donc originairement auteur. Le droit suisse ne connaît pas le principe anglo-saxon du « work for hire », selon lequel le droit d’auteur peut naître directement en la personne de l’employeur ou du mandant. Il en va différemment des droits sur les inventions et les designs, d’après les art. 332 et 321b al. 2 CO. L’employeur peut toutefois se faire céder les droits contractuellement, librement, également à l’avance et de manière globale. L’interprétation du contrat de travail conduira alors normalement à admettre rapidement une cession des droits d’auteur par acte concluant, ou au moins une licence, dont l’employeur a besoin pour atteindre son but. Mais cela doit être établi sur la base des rapports contractuels concrets et des circonstances du cas particulier. Dans la mesure où l’auteur n’est pas désigné sur l’exemplaire de l’œuvre et où l’employeur est la personne qui a fait paraître l’œuvre ou l’a divulguée, il pourra exercer les droits de son employé sur la base de l’art. 8 al. 2 LDA (c. 4.2). Vu ce qui précède, le jugement attaqué est conforme au droit fédéral : la recourante n’a pas établi qui avait écrit quelles contributions journalistiques ; elle n’a pas allégué non plus que les auteurs seraient non désignés au sens de l’art. 8 al. 2 LDA. Au contraire, elle donne le nom de certains auteurs. Sur la base de ses allégations de fait, on ne peut pas conclure qu’elle est légitimée à exercer les actions de l’art. 62 LDA : rien ne montre qu’elle aurait acquis des droits par cession ou qu’elle serait devenue licenciée exclusive au sens de l’art. 62 al. 3 LDA ; rien non plus ne dit qu’elle pourrait se prévaloir du pouvoir d’exercice prévu par l’art. 8 al. 2 LDA. L’argument selon lequel elle aurait qualité pour agir car toutes les contributions litigieuses émanent de ses employés est trop absolu et, sans examen des contrats de travail concrets, il n’est pas pertinent d’après la conception légale suisse (c. 4.3). [VS]