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13 mai 2008

TF, 13 mai 2008, 2C_527/2007 (d)

sic! 10/2008, p. 717-726, « Verteilungs-reglement zu Tarif W » ; JdT 2010 I 645 ; gestion collective, règlement de répartition, société de gestion, répartition du produit de la gestion, publicité, Tarif W, recours, qualité pour recourir, délai de recours, pouvoir d’appréciation ; art. 38 PA, art. 48 al. 1 PA, art. 82 ss LTF, art. 89 al. 1 LTF, art. 105 LTF, art. 106 LTF, art. 37 LTAF, art. 48 al. 1 LDA, art. 49 al. 1 et 2 LDA, art. 74 al. 1 LDA ; cf. N 31 (arrêt du TAF dans cette affaire).

Selon l'art. 74 al. 1 LDA, les décisions de l'autorité de surveillance (IPI) concernant les règlements de répartition établis par les sociétés de gestion collective des droits d'auteur sont susceptibles d'un recours au TAF. Les jugements du TAF peuvent eux être attaqués devant le TF dans le cadre d'un recours en matière de droit public au sens des art. 82 ss LTF. Les sociétés de gestion à l'origine des règlements de répartition attaqués ont la qualité pour interjeter recours en matière de droit public devant le TF, au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. En vertu de l'art. 48 al. 1 PA, auquel renvoie l'art. 37 LTAF, les bénéficiaires potentiels des règlements de répartition ont qualité pour attaquer devant le TAF les décisions approuvant ces règlements. Le délai de recours ne se met à courir que depuis la notification du premier décompte basé sur le nouveau règlement, puisque ce n'est qu'à partir de ce moment-là que les personnes concernées par la modification du règlement peuvent en apprécier les effets. En présence de décisions émanant d'autorités spécialisées comme l'IPI, la CAF et aussi l'ancienne CREPI, les tribunaux non spécialisés comme le TAF et le TF font preuve d'une certaine retenue. Il n'y a par contre pas de raison que le TF ait les mêmes égards vis-à-vis d'une décision du TAF qui n'est pas une autorité spécialisée. Selon l'art. 49 al. 1 et 2 LDA, les revenus collectés par les sociétés de gestion doivent être répartis en fonction des rendements générés par chaque œuvre ou prestation, lorsque ceux-ci peuvent être déterminés sans frais excessif. Il n'est pas suffisant de procéder à une répartition en se fondant uniquement sur la durée de la musique utilisée dans des films publicitaires, sans tenir compte du moment auquel ceux-ci passent à l'antenne, puisque celui-ci a une incidence décisive sur les montants versés par la SSR à SUISA.

LDA (RS 231.1)

- Art. 74

-- al. 1

- Art. 49

-- al. 2

-- al. 1

- Art. 48

-- al. 1

LTAF (RS 173.32)

- Art. 37

LTF (RS 173.110)

- Art. 106

- Art. 89

-- al. 1

- Art. 82~ss

- Art. 105

PA (RS 172.021)

- Art. 48

-- al. 1

- Art. 38

12 juin 2009

TAF, 12 juin 2009, B-2152/2008 (d)

sic! 5/2010, p. 348-352, « Tarif AS Radio (Swissperform) » ; medialex 3/2009, p. 176-177 (rés.) ; gestion collective, approbation des tarifs, autonomie des sociétés de gestion, obligation de collaborer, équité du tarif, division du tarif, tarifs séparés, Tarif A Radio, Tarif AS Radio, SWISSPERFORM, Internet, simulcasting, inopportunité, pouvoir de cognition, pouvoir d’appréciation, novae, unité de la procédure ; art. 49 lit. c PA, art. 35 LDA, art. 47 al. 1 LDA, art. 59 al. 1 LDA.

La procédure de recours devant le TAF contre les décisions de la CAF se distingue de l'ancienne procédure de recours devant le TF, en vigueur jusqu'à la fin de l'année 2006. Désormais, devant le TAF, le recourant peut invoquer l'inopportunité (art. 49 lit. c PA). Le pouvoir de cognition du TAF est ainsi entier et les vrais « novae » (« tatsächliche Noven ») sont admissibles (c. 2.1). À l'instar de la CAF, le TAF doit toutefois respecter une certaine autonomie des sociétés de gestion dans l'établissement des tarifs. Le TAF doit en outre faire preuve d'une certaine retenue dans l'examen des décisions de l'autorité spécialisée et indépendante que constitue la CAF (c. 2.2). Le TAF doit par ailleurs respecter le principe de l'unité de la procédure (c. 2.2 in limine). Dans la procédure d'approbation des tarifs, tant devant la CAF que devant le TAF, le degré de l'obligation de collaborer des sociétés de gestion et des associations représentatives des utilisateurs est plus élevé que dans une procédure administrative ordinaire, étant donné qu'elles négocient en principe les tarifs entre elles (c. 2.3). L'autonomie dont jouissent les sociétés de gestion dans l'établissement des tarifs n'empêche pas la CAF, dans l'examen de l'équité du tarif (art. 59 al. 1 LDA), de se pencher sur des questions formelles telles que la division du recouvrement des rémunérations en plusieurs tarifs (c. 3.1). Par analogie avec l'art. 47 al. 1 LDA et par mesure de simplification, il est dans l'intérêt des utilisateurs d'exiger que les formes d'utilisation connexes sur le plan économique fassent l'objet d'un même tarif et soient réglées selon les mêmes critères (c. 3.1). En l'espèce, sur la base des faits portés à la connaissance de la CAF par les parties à la procédure, il est soutenable de considérer qu'il n'y a pas de raison d'établir des tarifs séparés (pour les utilisations prévues par l'art. 35 LDA) — l'un pour la diffusion classique (Tarif A Radio) et l'autre pour la diffusion sur Internet (simulcasting notamment) (Tarif AS Radio). Vu l'obligation de collaborer des parties, SWISSPERFORM doit supporter les conséquences du fait que SRG SSR idée suisse n'a pas fourni des éléments qui auraient permis de justifier l'établissement de deux tarifs séparés (c. 3.3). La présente décision n'empêche pas SWISSPERFORM de soumettre les mêmes questions à la CAF dans une nouvelle procédure au cours de laquelle l'état de fait pourrait être complété par les parties (c. 3.3 in fine).

17 juin 2009

TF, 17 juin 2009, 4A_220/2009 (d)

Récusation, recours constitutionnel subsidiaire, décision incidente, partialité, juge, pouvoir d’appréciation, mesures disciplinaires ; art. 6 ch. 1 CEDH, art. 30 al. 1 Cst., art. 92 al. 1 LTF, art. 93 LTF, art. 113 LTF, § 31 al. 1 ZPO/SO.

La décision (incidente) attaquée, qui porte sur une demande de récusation, peut faire l'objet d'un recours en matière civile (art. 92 al. 1 LTF) (c. 1.1). Le TF n'entre dès lors pas en matière sur le recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 LTF) (c. 1.2). Il n'entre pas non plus en matière sur la demande des recourants de renvoyer à la partie adverse l'un de ses mémoires pour modification (au motif que son contenu est inutilement blessant au sens du § 31 al. 1 ZPO/SO), car la décision (de non-entrée en matière) de l'autorité précédente à ce sujet est une décision incidente qui ne remplit pas les conditions de l'art. 93 LTF pour pouvoir faire l'objet d'un recours indépendant (c. 1.1). Ne peut, au sens de l'art. 30 al. 1 Cst. et de l'art. 6 ch. 1 CEDH (c. 2 et 4.1), pas objectivement être considéré comme un indice de partialité de la présidente et du juge d'instruction de la Zivilkammer de l'Obergericht SO — dont la marge d'appréciation est très large en la matière (c. 3.2) — le fait que — même à tort — ils ne renvoient pas (dans un contexte particulièrement conflictuel) à la partie adverse l'un de ses mémoires pour modification (et ne prennent pas de mesures disciplinaires à l'encontre de l'avocat de la partie adverse) (c. 4.2). Ce n'est qu'exceptionnellement que la faute de procédure (qui doit être particulièrement grave ou répétée) d'un juge doit conduire à sa récusation (c. 4.1).

CEDH (RS 0.101)

- Art. 6

-- ch. 1

Cst. (RS 101)

- Art. 30

-- al. 1

Droit cantonal

- ZPO/SO

-- § 31 al. 1

LTF (RS 173.110)

- Art. 92

-- al. 1

- Art. 93

- Art. 113

17 juin 2009

TF, 17 juin 2009, 4A_222/2009 (d)

Récusation, recours constitutionnel subsidiaire, décision incidente, partialité, juge, greffier, pouvoir d’appréciation, mesures disciplinaires ; art. 6 ch. 1 CEDH, art. 30 al. 1 Cst., art. 92 al. 1 LTF, art. 93 LTF, art. 113 LTF, § 31 al. 1 ZPO/SO.

La décision (incidente) attaquée, qui porte sur une demande de récusation, peut faire l'objet d'un recours en matière civile (art. 92 al. 1 LTF) (c. 1.1). Le TF n'entre dès lors pas en matière sur le recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 LTF) (c. 1.2). Il n'entre pas non plus en matière sur la demande des recourants de renvoyer à la partie adverse sa réplique (dans la procédure principale) pour modification (au motif que son contenu est inutilement blessant au sens du § 31 al. 1 ZPO/SO), car la décision (de non-entrée en matière) de l'autorité précédente à ce sujet est une décision incidente qui ne remplit pas les conditions de l'art. 93 LTF pour pouvoir faire l'objet d'un recours indépendant (c. 1.1). Ne peut, au sens de l'art. 30 al. 1 Cst. et de l'art. 6 ch. 1 CEDH (c. 2 et 4.1), pas objectivement être considéré comme un indice de partialité du juge suppléant et du greffier de la Zivilkammer de l'Obergericht SO — dont la marge d'appréciation est très large en la matière (c. 3.2) — le fait que — même à tort — ils ne renvoient pas (dans un contexte particulièrement conflictuel) à la partie adverse sa réplique pour modification (et ne prennent pas de mesures disciplinaires à l'encontre de l'avocat de la partie adverse) (c. 4.1). Ce n'est qu'exceptionnellement que la faute de procédure (qui doit être particulièrement grave ou répétée) d'un juge doit conduire à sa récusation (c. 4.1). Par ailleurs, ni le fait que le greffier ait rencontré l'avocat des recourants au greffe ni le contenu de leur discussion (au cours de laquelle le greffier a prononcé une phrase maladroite) ne peuvent objectivement être considérés comme des indices de partialité du greffier (c. 3.2 et 4.2).

CEDH (RS 0.101)

- Art. 6

-- ch. 1

Cst. (RS 101)

- Art. 30

-- al. 1

Droit cantonal

- ZPO/SO

-- § 31 al. 1

LTF (RS 173.110)

- Art. 92

-- al. 1

- Art. 93

- Art. 113

19 mars 2013

TF, 19 mars 2013, 4A_598/2012 (d)

sic! 10/2013, p. 600-605, « Roter Vari » ; droits d’auteur, contrat de durée, clause d’exclusivité, résiliation, juste motif de résiliation d’un contrat, pouvoir d’appréciation, pesée d’intérêts, transfert de droits d’auteur, droits moraux, interprétation du contrat, vari rouge ; art. 4 CC, art. 1 CO, art. 18 CO, art. 11 al. 2 LDA.

Un contrat de durée peut être résilié de manière anticipée pour de justes motifs qui rendent l'exécution du contrat intolérable pour une partie. De tels justes motifs doivent être admis en cas de violations particulièrement graves du contrat, mais aussi en cas de violations moins importantes qui se répètent malgré des avertissements ou des mises en demeure, de sorte que la partie lésée puisse admettre que l'autre partie en commettra d'autres. L'existence de tels justes motifs relèvent du pouvoir d'appréciation du juge au sens de l'art. 4 CC, si bien que le TF revoit la décision librement, mais avec une certaine retenue (c 4.2). Dans un contrat où l'auteur cède ses droits à son partenaire et renonce à faire valoir ses droits moraux, on peut admettre que le but d'une clause d'exclusivité, par laquelle cet auteur se réserve le droit de procéder lui-même à des modifications de l'œuvre, est purement économique et vise à se procurer des mandats supplémentaires. Par conséquent, la violation de cette clause n'est pas un juste motif permettant la résiliation du contrat si l'auteur fait valoir que la poursuite des relations contractuelles est intolérable pour lui en raison d'une atteinte à sa réputation professionnelle (c. 5.2). Lorsqu'il recherche l'existence d'un juste motif, le juge peut mettre en balance les différents intérêts en présence. Il est permis d'exiger d'une partie qu'elle agisse en exécution du contrat plutôt qu'elle ne résilie ce dernier, si les inconvénients que causerait la résiliation sont plus importants que ceux découlant de la poursuite des rapports contractuels (c. 5.4). Dans la pesée des intérêts, le juge doit également prendre en compte les conséquences que la résiliation aurait pour un tiers, si les parties au contrat savaient que celui-ci était conclu dans l'intérêt de ce tiers (c. 5.5). Puisque l'auteur a cédé ses droits à son cocontractant, il ne peut pas fonder l'existence de justes motifs sur des violations de ses droits d'auteur (c. 5.6). De plus, on peut exiger de lui qu'il exerce la résiliation en dernier recours, et qu'il soumette auparavant au juge les litiges portant sur l'interprétation d'une clause contractuelle d'importance secondaire (c. 5.7). Un comportement dérogeant au texte du contrat n'est pas forcément déterminant pour l'interprétation de celui-ci, puisqu'il peut s'agir d'une tolérance à bien plaire (c. 6.2.1). Le recours est rejeté. [VS]

Fig. 3 – « Roter Vari »
Fig. 3 – « Roter Vari »

30 mars 2015

TAF, 30 mars 2015, B-1298/2014 (d)

« Tarif A Fernsehen (Swissperform) » ;  gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif A télévision, tarif contraignant pour les tribunaux, tarifs séparés, question préalable, pouvoir d’appréciation, pouvoir de cognition, autonomie des sociétés de gestion, synchronisation, droits voisins, phonogramme disponible sur le marché, vidéogramme disponible sur le marché, support disponible sur le marché, reproduction à des fins de diffusion, droit à rémunération, intégrité de l’œuvre, œuvre musicale non théâtrale, films musicaux ; art. 11 LDA, art. 22c LDA, art. 24b LDA, art. 35 LDA, art. 38 LDA, art. 46 LDA, art. 47 LDA, art. 59 LDA ; cf. N 608 (vol. 2012-2013 ; TF, 20 août 2012, 2C_146/2012 ; sic! 1/2013, p. 30-37, « Tarif A Fernsehen ») et N 800 (TF, 4 juin 2015, 2C_394/2015 ; sic! 10/2015, p. 603-605, « Tarif A Fernsehen II (Swissperform) »).

Lorsque la gestion des droits est soumise à la surveillance de la Confédération, les sociétés de gestion ne peuvent exercer ces droits que sur la base de tarifs valables. Ces derniers doivent certes respecter la réglementation légale des droits exclusifs et des utilisations autorisées et ils ne peuvent pas instaurer de prérogatives incompatibles avec la loi. Mais ils lient le juge en ce qui concerne leur caractère équitable et fondent les prétentions civiles des sociétés de gestion. Grâce à des tarifs formulés en termes généraux et approuvés par l’autorité, la gestion collective doit résoudre les difficultés pratiques qu’occasionnent le recensement et le contrôle des utilisations massives (c. 2.1). Lorsqu’elle vérifie l’équité d’un tarif, la CAF poursuit l’objectif d’un équilibre approprié des intérêts des ayants droit et des utilisateurs, qui doit aussi servir la sécurité juridique, et elle s’appuie sur le critère d’une rémunération conforme au marché. Elle doit en particulier examiner à titre préjudiciel l’existence des droits couverts par le tarif et l’assujettissement au contrôle fédéral des utilisations qu’il vise. Elle doit faire en sorte que des utilisations connexes d’un point de vue économique soient si possible réglées par le même tarif, même si elles relèvent de la compétence de sociétés de gestion différentes. La CAF ne doit cependant pas interférer dans l’autonomie tarifaire des sociétés de gestion plus que le nécessite un équilibre approprié des intérêts entre ayants droit et utilisateurs. Si plusieurs solutions sont possibles, elle ne peut pas imposer la sienne contre la volonté des sociétés de gestion. Elle dispose d’un plein pouvoir d’examen, mais doit respecter une certaine liberté de disposition et l’autonomie des sociétés de gestion (c. 2.2). Le TAF examine l’affaire avec une pleine cognition. Cependant, il fait preuve de retenue là où la CAF, en tant qu’autorité judiciaire indépendante et spécialisée, a tranché des questions complexes concernant la gestion collective ou a pesé les intérêts en présence en respectant l’autonomie tarifaire des sociétés de gestion. Cela revient à ne sanctionner que les excès ou les abus du pouvoir d’appréciation de la CAF (c. 2.3). La synchronisation va au-delà de l’intégration d’un phonogramme dans un vidéogramme: elle implique une interaction coordonnée dans le temps entre le son et l’image (c. 3.3) et la création d’un arrangement ou d’une œuvre dérivée, de même que l’enregistrement d’un phonogramme dans un vidéogramme. Elle n’est pas couverte par l’art. 35 LDA (c. 3.4). L’art. 35 LDA doit permettre d’indemniser les ayants droit pour les utilisations secondaires du support disponible sur le marché, qui ne sont pas comprises dans le prix d’achat de ce support. Comme la synchronisation n’est ni visée par l’art. 35 LDA, ni comprise dans le prix d’achat du support, elle doit être autorisée par les ayants droit (c. 4.1). L’art. 24b LDA n’y change rien, puisqu’il réserve l’art. 11 LDA. Cette réserve concerne aussi les droits voisins, étant donné le renvoi de l’art. 38 LDA. Vu la théorie de la finalité, l’accord des ayants droit englobe toutes les copies qui sont nécessaires pour la synchronisation. Par conséquent, celles-ci ne doivent pas être couvertes par le tarif, d’autant plus qu’elles ne sont pas visées par l’art. 24b LDA (c. 4.2). Le TF a estimé contraire à la volonté du législateur qu’un phonogramme intégré dans un vidéogramme soit exclu du droit à rémunération, cela aussi lorsque le vidéogramme n’est pas disponible sur le marché (cf. N 608, vol. 2012-2013) (c. 5). La demande d’enregistrements sonores synchronisés à des fins de diffusion dans des propres productions du diffuseur est en augmentation (c. 6.2). Les art. 24b et 35 LDA instaurent la gestion collective pour des raisons pratiques, les ayants droit n’étant plus en mesure de faire valoir leurs droits individuellement. Pour ces ayants droit, licencier la diffusion de leurs enregistrements en même temps que leur synchronisation pourrait être difficile, car la réalité et la fréquence de la diffusion ne sont pas forcément connues au moment où la synchronisation est autorisée. Pour cette raison, la gestion collective prévue par les art. 35 et 24b LDA s’impose (c. 6.3). Il est donc juste, comme le veut la recourante, que le tarif A Télévision englobe aussi la diffusion de phonogrammes du commerce synchronisés dans des propres productions du diffuseur. L’affaire doit ainsi être renvoyée à la CAF pour qu’elle examine l’équité de la redevance compte tenu de cette constatation juridique (c. 6.4). Les vidéos musicales, les vidéoclips et les films musicaux sont disponibles sur le marché en tant que tels et ne tombent pas sous le coup de la notion de musique de film ayant fait l’objet de l’arrêt du TF 2A_288/2002 du 24 mars 2003. Les films d’opéras, de danse, de concerts ou de comédies musicales sont des films musicaux et leur diffusion relève traditionnellement des grands droits. Dans un film musical, l’image suit la musique (d’un point de vue dramaturgique) et la souligne d’une manière théâtrale (c. 7.2). Pour cette raison, les art. 22c et 24b LDA ne s’appliquent pas aux films musicaux (c. 7.3). [VS]

19 mars 2014

TFB, 19 mars 2014, O2013_007 (d)

sic! 9/2014, p. 560-562, « Netzstecker » ; action en dommages-intérêts, action en remise du gain, licence exclusive, remise du gain, mauvaise foi, violation d’un brevet, fardeau de la preuve, vraisemblance, pouvoir d’appréciation, frais ; art. 2 CC, art. 42 al. 2 CO, art. 423 CO, art. 73 LBI.

Le lésé au bénéfice d’une licence exclusive peut agir en dommages-intérêts aux conditions qui prévalent en droit des obligations ou, alternativement, en remise du gain, selon les dispositions applicables en matière de gestion d’affaires sans mandat (art. 423 CO) (c. 4.2). Le gain consiste alors en la différence entre le patrimoine effectif du contrefacteur et la valeur de ce même patrimoine s’il n’avait pas commercialisé les contrefaçons (en l’espèce des prises d’alimentation électrique (Netzstecker). Le revenu net étant déterminant, il convient de déduire les coûts engagés par le contrefacteur. La jurisprudence soumet de surcroît l’action en remise de gain à la condition de la mauvaise foi du contrefacteur. Agit notamment de mauvaise foi celui qui savait, devait savoir ou pouvait savoir qu’il agissait de manière contraire au droit (art. 2 CC). Cette condition est remplie si le contrefacteur maintient son activité litigieuse suite à la réception d’un courrier de mise en demeure l’informant qu’il agit de manière contraire au droit. Il en va de même lorsqu’un commerçant spécialisé dans les appareils high-tech commande, sans effectuer de recherches préalables, un produit potentiellement protégé, dans un pays dont il est connu qu’il n’offre pas une protection adéquate des droits immatériels (c. 4.3). Le fardeau de la preuve du gain manqué est supporté par le lésé. L’art. 42 al. 2 CO s’applique par analogie à l’action en remise du gain lorsqu’il n’est pas possible d’établir le gain manqué de manière exacte. Il suffit au lésé de rendre sa prétention plausible sur le fond et sur son étendue. Il n’est pas nécessaire que des factures détaillées soient produites. La remise du gain est au surplus conditionnée à la violation d’un droit. Il faut alors déterminer dans quelle mesure le droit violé est à l’origine de la décision d’achat ou si d’autres circonstances ont joué un rôle prépondérant dans ce cadre. La réponse à cette question relève du pouvoir d’appréciation du juge (c. 4.3). Les frais d’avocat et d’agent de brevets engagés par le lésé avant le procès en vue de contrôler l’existence d’une violation d’un brevet ou de faire notifier des courriers de demeure à la partie adverse constituent des frais en lien direct avec le procès. Leur remboursement peut être exigé par le lésé (c. 4.5). [FE]

22 octobre 2018

TAF, 22 octobre 2018, B-3812/2016 (d)

« Tarif A Fernsehen (Swissperform) » ; tarifs des sociétés de gestion, pouvoir de cognition de la CAF, pouvoir de cognition du TAF, arrêt de renvoi, force obligatoire, unité de la procédure, effet rétroactif, effet suspensif, pouvoir d’appréciation, renvoi de l’affaire, novae, synchronisation, droits voisins, phonogramme disponible sur le marché, vidéogramme disponible sur le marché, support disponible sur le marché, œuvre musicale non théâtrale, effet rétroactif, devoir de collaboration accru des parties en procédure tarifaire, règle du ballet, augmentation de redevance, augmentation du tarif ; art. 12 CR, art. 15 WPPT, art. 11 LDA, art. 22c LDA, art 24b LDA, art. 35 LDA, art. 38 LDA, art. 46 LDA, art. 59 LDA.

Lorsque le TAF a renvoyé antérieurement l’affaire à l’autorité précédente et qu’il y a un nouveau recours sur la nouvelle décision de cette dernière, aussi bien l’autorité précédente que le TAF sont liés par le dispositif de la décision de renvoi, lequel forme le cadre de la nouvelle procédure de recours (c. 1.2). Lorsque le renvoi portait sur un nouvel examen du montant de la redevance, les mesures à prendre pour éviter une augmentation abrupte et la date d’entrée en vigueur de la redevance font partie du cadre fixé par la décision de renvoi (c. 1.2 et 1.3). L’effet contraignant de celle-ci ne s’oppose pas à la prise en compte de novae, pour autant que le droit de procédure et le principe de l’unité de la procédure le permettent (c. 1.4). A supposer que l’obligation de paiement de la redevance soit reportée en raison de l’interdiction de l’effet rétroactif, c’est aussi l’entrée en vigueur de toutes les autres dispositions tarifaires qui devrait être retardée, y compris de celles en défaveur des ayants droit (c. 3.3). En l’espèce, le tarif a produit ses effets dès la date d’entrée en vigueur prévue, car les recours n’ont pas eu d’effet suspensif. En cas de redevance tarifaire trop basse, un recours serait rendu illusoire si la redevance ne pouvait pas être augmentée dès la date d’entrée en vigueur du tarif. De plus, les utilisations déjà entreprises seraient illicites si le tarif corrigé ne pouvait pas les couvrir, ce qui conduirait à des négociations sur les dommages-intérêts. En l’espèce, on est en présence d’un tarif qui est entré en vigueur à la date prévue, mais qui a été modifié suite à un recours. Le cas se distingue des affaires 2C_685/2016 et 2C_806/2016 tranchées par le TF, où un nouveau tarif devait entrer en vigueur pour la première fois à titre rétroactif. Il n’y a donc pas ici d’effet rétroactif non autorisé (c. 3.4). Les tarifs doivent faciliter les utilisations d’œuvres en instaurant une redevance homogène, prévisible et praticable dans l’intérêt des ayants droit et des utilisateurs. La CAF fixe son niveau en ayant pour but un équilibre objectif des intérêts entre les parties concernées, et en respectant l’autonomie tarifaire des sociétés de gestion. Un devoir de collaboration accru des parties les oblige à fournir les chiffres et statistiques permettant le contrôle de l’équité. Le TAF se prononce avec un plein pouvoir de cognition, mais il fait preuve de retenue là où la CAF, en tant qu’autorité judiciaire spécialisée indépendante, a traité de questions complexes concernant la gestion collective ou a pesé les intérêts en présence tout en respectant l’autonomie des sociétés de gestion. En fin de compte, cela revient à rechercher si la CAF a excédé son pouvoir d’appréciation ou en a abusé (c. 4.1). Un tarif est équitable lorsqu’il repose sur un équilibre approprié, semblable en substance à ce qui aurait découlé d’un accord entre les parties dans une situation de concurrence. Les difficultés d’application sont à prendre en compte. Des forfaits et des approximations sont admissibles pour mieux couvrir toutes les utilisations et améliorer la praticabilité. L’art. 12 CR et l’art. 15 WPPT ne donnent aucune garantie minimum valable dans tous les cas particuliers (c. 4.3). Le tarif concerne l’utilisation de phonogrammes disponibles sur le marché, sans considération d’une protection éventuelle sur les images. Il est donc compréhensible que la CAF n’ait pas différencié la redevance selon que les phonogrammes sont ou non synchronisés avec des images (c. 5.1). Une utilisation moins intensive des supports lorsqu’ils sont synchronisés n’est pas constatable. La règle du ballet, qui justifierait une diminution de 50% de la redevance, n’est donc pas applicable (c. 5.2). Il est compréhensible également que la CAF, lorsqu’elle s’oppose aux augmentations abruptes de redevance, ne prenne en compte que la charge tarifaire des utilisateurs, et non les montants à répartir aux ayants droit : cette charge détermine en effet les offres des utilisateurs sur le marché et le calcul de leurs prix, alors qu’elle n’a que peu d’influence sur les cachets que touchent les titulaires de droits voisins. Mais il est vrai que la CAF évite les augmentations abruptes unilatéralement en faveur des utilisateurs, alors qu’elle ne recherche pas à assurer la continuité des recettes tarifaires pour les ayants droit, par exemple en évitant des périodes sans tarif ou des retards dans l’approbation des tarifs pour des raisons de procédure. Ainsi, l’interdiction des augmentations abruptes (principe de la continuité) n’est pas un critère qui relève du contrôle de l’équité. Une partie de la doctrine le prétend, mais cela ne découle pas de la loi. Le TF a aussi plusieurs fois admis qu’une augmentation importante de la redevance était admissible en cas de changement dans les bases de calcul justifié objectivement, et qu’elle pouvait même démontrer que la redevance antérieure était trop basse. Ainsi, le principe de la continuité ne sert pas à distinguer une charge tarifaire équitable d’une charge inéquitable mais, en aval, au choix d’une solution préférable parmi plusieurs solutions tarifaires équitables. Il est alors permis d’y recourir et de le mettre en œuvre par un échelonnement annuel des taux tarifaires ou des montants maximaux à payer (c. 6.3). En l’espèce, le plafonnement des redevances ne peut pas être confirmé car le nouveau tarif se base sur un changement des bases de calcul justifié objectivement (c. 6.4.1), les forfaits avaient été payés précédemment expressément « sans valeur de précédent » (c. 6.4.2), depuis 2013 ils n’étaient versés qu’à titre d’acomptes (c. 6.4.3) et, enfin, parce que le plafonnement a été calculé par la CAF en fonction de l’intégralité des recettes tarifaires, alors qu’il a été appliqué uniquement sur la redevance due pour l’utilisation de supports synchronisés, ce qui défavorise les interprètes dont la prestation figure sur de tels supports (c. 6.4.4). L’introduction d’un système de calcul proportionnel à l’utilisation, vingt ans après l’entrée en vigueur de la LDA, plaide contre un échelonnement de l’augmentation, ce qui rend inutile un deuxième renvoi à l’autorité précédente (c. 6.5). [VS]

23 mai 2019

TAF, 23 mai 2019, B-5852/2017 (d)

« Tarif commun 3a » ; tarifs des sociétés de gestion, compétence matérielle, Commission arbitrale fédérale, pouvoir de cognition du TAF, pouvoir de cognition de la CAF, pouvoir d’appréciation, équité du tarif, autonomie des sociétés de gestion, obligation de collaborer, comparaison avec l’étranger, valeur litigieuse, conclusion nouvelle ; art. 13 al. 1 lit. b PA, art. 52 PA, art. 53 PA, art. 46 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA.

Les recourantes ont suffisamment motivé leur contestation de la prolongation de l’ancien tarif jusqu’à l’entrée en vigueur du nouveau, si bien que l’art. 52 al. 1 PA est respecté (c. 1.2). L’objet du litige en procédure de recours ne peut que correspondre à celui qui était ou aurait dû être débattu en première instance. Il peut être restreint, mais ne peut pas être étendu ou modifié. Exceptionnellement, des conclusions nouvelles sont recevables pour des raisons d’économie de la procédure, si elles ont un rapport très étroit avec l’objet du litige en première instance, et si l’autorité inférieure s’est prononcée sur les nouvelles questions litigieuses. Une fois que le délai de recours est écoulé, les conclusions ne peuvent plus être étendues, mais seulement diminuées ou précisées, sous réserve des art. 52 al. 2 et 53 PA (c. 1.3.2). Le projet de tarif présenté par les recourantes dans leurs conclusions principales n’a pas été négocié, les recourantes ne sont pas légitimées à en demander l’approbation d’après l’art. 46 LDA et ce tarif ne formait pas l’objet de la procédure de première instance. Les conclusions principales sont donc irrecevables (c. 1.3.4). La CAF examine un projet tarifaire avec pleine cognition, mais elle doit respecter une certaine liberté de disposition des sociétés de gestion. Elle ne doit pas interférer dans leur autonomie tarifaire plus que ne le nécessite un équilibre objectif des intérêts entre ayants droit et utilisateurs. Si plusieurs solutions sont envisageables, la CAF dépasserait ses compétences en imposant la sienne (c. 2.1). Un tarif est équitable lorsqu’il repose sur un équilibre approprié, semblable en substance à ce qui aurait découlé d’un accord entre les parties dans une situation de concurrence. L’équité se détermine d’après le rapport entre la redevance tarifaire et les recettes de l’utilisateur, à défaut ses frais, et d’après le choix des bases de calcul. Les difficultés d’application sont à prendre en compte. Des forfaits et des approximations sont admissibles pour mieux couvrir toutes les utilisations et améliorer la praticabilité (c. 2.2). Le TAF dispose d’un plein pouvoir de cognition et peut aussi examiner l’équité de la décision tarifaire attaquée. Il fait toutefois preuve de retenue là où la CAF, en tant qu’autorité judiciaire spécialisée indépendante, a traité de questions complexes concernant la gestion collective ou a pesé les intérêts en présence tout en respectant l’autonomie des sociétés de gestion. Le TAF vérifie si la CAF a appliqué correctement les critères parfois très ouverts de l’art. 60 LDA. Mais il restreint son pouvoir d’examen concernant la question - partiellement non justiciable - de la pondération des différents critères dans le cas concret et de leur influence chiffrée sur le tarif à approuver. En fin de compte, cela revient à rechercher si la CAF a excédé son pouvoir d’appréciation ou en a abusé (c. 2.3). La doctrine estime qu’il est correct de tenir compte des difficultés ou des facilités dans l’encaissement des redevances par des suppléments ou des rabais tarifaires. Jusqu’à la fin de l’année 2018, le tarif commun 3a (TC 3a) était encaissé par Billag SA pour le compte des sociétés de gestion. Il y avait des synergies avec la perception de la redevance prévue par la LRTV, notamment parce que Billag SA bénéficiait d’un accès gratuit aux registres cantonaux et communaux des habitants d’après l’art. 69 al. 2 aLRTV. Le nouvel organe d’encaissement selon la LRTV a l’interdiction d’exercer une autre activité économique, d’après l’art. 69e al. 3 LRTV, et il ne peut donc plus gérer le TC 3a. Quant à elle, Billag SA n’a plus accès aux registres des habitants et aux banques de données de la Confédération, si bien qu’elle ne pourrait plus percevoir les redevances du TC 3a à des conditions aussi favorables que dans le passé. Cela vaut aussi pour d’éventuelles autres sociétés d’encaissement. Le choix de SUISA pour remplacer Billag SA n’est pas critiquable vu l’autonomie des sociétés de gestion, d’autant que SUISA a déjà encaissé une partie des redevances du TC 3a par le passé et que la gestion de droits d’auteur est son activité habituelle. Les intimées ont démontré que la disparition des synergies précitées occasionnerait des coûts supplémentaires d’environ CHF 2 mios. On ne peut pas reprocher à SUISA d’être inefficiente. Comme l’encaissement du TC 3a, et donc le niveau de la redevance, doivent être adaptés à la révision de la LRTV, les taux tarifaires prévus par l’ancien tarif en cas d’encaissement par Billag SA ne peuvent servir de point de départ pour le contrôle de l’équité. Ce contrôle doit être effectué à partir des taux prévus en cas d’encaissement par SUISA, qui ont été approuvés par la CAF en 2007 déjà et qui ont été plusieurs fois prolongés avec l’accord des utilisateurs. L’objection des recourantes selon laquelle ces taux ont été négligés durant les négociations passées, parce qu’ils ne concernaient qu’un petit nombre de personnes, ne convainc pas. Le fait que les recettes procurées par le TC 3a aient augmenté depuis 2000 peut s’expliquer par un meilleur contrôle du marché de Billag SA et par une augmentation du nombre d’utilisateurs. Il ne démontre pas que le tarif est inéquitable, pas plus que les augmentations tarifaires entre 1996 et 2007 ou que l’avis du préposé à la surveillance des prix de 2007 (c. 5.1). Les recourantes critiquent les chiffres des intimées sur les coûts d’utilisation au sens de l’art. 60 LDA, mais elles ne produisent aucun moyen de preuve. D’après leur devoir de collaboration selon l’art. 13 al. 1 lit. b PA, particulièrement important en procédure tarifaire, ce serait pourtant à elles de démontrer par des chiffres et des statistiques les faits sur lesquels le tarif doit se fonder. La diminution des coûts des appareils de réception et le renchérissement négatif ont été pris en compte pour calculer les redevances du nouveau tarif. Les recourantes n’ont pas démontré que d’autres coûts déterminants auraient baissé. Ni la situation économique des utilisateurs, ni la force du franc suisse ne sont des critères pertinents pour apprécier l’équité, car les utilisateurs sont libres de renoncer aux utilisations d’œuvres et parce que l’équité des redevances (aussi pour des ayants droit à l’étranger) ne peut pas dépendre des taux de change (c. 5.2). Les recourantes ne peuvent pas en appeler à l’expérience générale de la vie au lieu de produire leurs propres chiffres et statistiques. Il ressort des calculs et études des intimées que le nouveau tarif respecte les pourcentages maximaux de l’art. 60 al. 2 LDA. Une baisse des redevances ne se justifie pas, celles-ci se situant à un bas niveau par rapport à celles pratiquées à l’étranger. La comparaison avec l’étranger est en effet un critère reconnu par le Tribunal fédéral. L’autorité inférieure a également admis à juste titre que les obligations internationales de la Suisse s’opposaient à une nouvelle baisse du tarif (c. 5.3). C’est à bon droit que la CAF a approuvé le nouveau tarif et a prolongé l’ancien jusqu’à son entrée en vigueur, pour éviter un vide tarifaire (c. 5.4). La valeur litigieuse correspond à la différence entre le tarif approuvé par la CAF et celui voulu par les recourantes, pour la période de validité prévue. Une réduction pour tenir compte de la seule part concernant les recourantes ne se justifie pas, car le tarif ne vaut pas seulement pour les parties à la procédure (c. 6.2). [VS]

06 août 2019

TF, 6 août 2019, 4A_70/2019 (d)

Nullité d’un brevet, limitation des revendications, procédure devant le TFB, fardeau de l’allégation, novae, moyens de preuve nouveaux, jugement partiel, jugement intermédiaire, pouvoir d’appréciation du juge instructeur ;art. 125 lit. a CPC, art. 222 al. 3 CPC, art. 229 al. 1 CPC, art. 236 CPC, art. 237 CPC.

Selon la jurisprudence désormais constante, les parties bénéficient, tant en procédure ordinaire que simplifiée [mais pas en procédure sommaire] de la possibilité de s’exprimer par deux fois de manière non limitée sur la cause et notamment d’introduire de nouveaux faits dans la procédure. Elles n’ont plus ensuite la possibilité de présenter de nouveaux faits et de nouveaux moyens de preuve qu’aux conditions restrictives de l’art. 229 al. 1 CPC. Etant donné l’importance fondamentale du droit des novae en procédure civile, il est indispensable qu’il existe des règles générales claires et non équivoques permettant aux parties de déterminer de manière sûre jusqu’à quel point de la procédure elles sont admises à s’exprimer de manière non limitée sur la cause. Il n’est par conséquent pas possible que la clôture des échanges soit laissée à l’appréciation du Tribunal. La limitation de l’admissibilité de nouveaux faits et moyens de preuve ne peut en particulier pas être contournée par le fait que des débats d’instruction sont organisés dans le cadre desquels des novae additionnels pourraient être présentés sans limite. Le Juge instructeur a par contre la latitude de tenir une audience d’instruction à la seule fin de tenter une conciliation pour autant que celle-ci ne constitue pas une deuxième opportunité offerte aux parties d’alléguer sans limitation des nouveaux faits et moyens de preuve, et ceci sans que la clôture des échanges suive immédiatement (c. 2.3.1). Selon l’art. 125 lit. a CPC, le Tribunal peut, afin de simplifier la procédure, en particulier la limiter à certaines questions ou à certains points de droit. Suite à une telle limitation de la procédure, est rendu un jugement partiel (art. 236 CPC) respectivement un jugement intermédiaire au sens de l’art. 237 CPC. Une telle limitation peut être ordonnée par le Tribunal en particulier avec la fixation d’un délai pour le dépôt de la réponse (art. 222 al. 3 CPC). Demeure ouverte la question de savoir si une limitation de la procédure peut encore intervenir au moment de la fixation du délai pour le dépôt de la réplique. Dans le cas d’espèce en effet, le Juge instructeur n’a pas ordonné une limitation de la procédure en vue d’un jugement partiel ou intermédiaire sur la nullité du brevet à l’origine de la demande. Il a bien plutôt unilatéralement octroyé à la partie demanderesse la possibilité de prendre position avant l’audience d’instruction sur une partie des arguments de la réponse et d’y répliquer dans ce cadre en introduisant ainsi des novae non limités dans la procédure (c. 2.3.2). Si l’admissibilité d’une scission thématique de la réplique est discutée, outre le fait qu’il paraisse douteux qu’une telle manière de faire soit judicieuse, il est au moins nécessaire que la question débattue soit clairement délimitée du reste de la procédure, ce que l’intimée conteste de manière convaincante en ce qui concerne la question de la nullité du brevet en lien avec celle de sa violation. Une telle partition thématique de la cause ne doit en aucun cas amener à ce que la demanderesse puisse s’exprimer plus de deux fois de manière illimitée (c. 2.4). Dans le cas d’espèce, l’intimée a eu l’occasion de s’exprimer une première fois sur la cause de manière illimitée dans sa demande. Elle a eu la possibilité de le faire une deuxième fois dans une réplique limitée, selon ordonnance expresse de l’autorité précédente, à la question de la validité du brevet concerné. Enfin, l’intimée s’est exprimée une troisième fois, sans limitation à une thématique particulière, dans sa réplique complémentaire. L’intimée a ainsi bénéficié, par trois fois, de la possibilité d’alléguer de nouveaux faits et de proposer de nouveaux moyens de preuve, deux fois de manière thématiquement illimitée et une fois supplémentaire sur la question exclusive de la validité du brevet. Cela n’est pas conforme à la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle les parties ne bénéficient, en procédure ordinaire, que deux fois de la possibilité de s’exprimer sur la cause et d’introduire de nouveaux faits dans la procédure (c. 2.4.1). L’avis de l’autorité précédente selon laquelle, de par l’organisation thématique qui lui a été imposée, l’intimée ne se serait exprimée que deux fois sur chacun des deux thèmes (de la violation du brevet et de sa nullité) ne convainc pas. Il est en effet pleinement possible à la demanderesse d’annihiler, déjà au stade de la demande, les effets d’une éventuelle objection de nullité du brevet. Il n’est pas relevant qu’elle n’ait pas eu d’indication que la défenderesse soulèverait ce moyen de défense. Car la possibilité de s’exprimer librement dans la procédure et d’alléguer tous les faits et moyens de preuve quels qu’ils soient, se caractérise aussi justement par le fait qu’elle est donnée indépendamment de ce que la partie adverse ait suscité une prise de position ou une réaction particulière. Cela fait partie de l’essence même de la procédure (civile) que la demanderesse, au moment du dépôt de la demande – soit du point de vue du droit des novae au moment de la première possibilité qui lui est donnée de s’exprimer sans limitation – ne connaisse pas encore de manière sûre l’axe de défense de la partie défenderesse. Le fait que, comme l’indique l’autorité précédente, la problématique soit particulièrement aigue dans le cadre d’un procès pour violation de brevets du fait du grand nombre de brevets existants, n’y change rien. Comme déjà indiqué, l’existence de règles claires fondamentalement respectée par tous les tribunaux dans le cadre de l’application du CPC est d’une importance centrale du point de vue de la sécurité du droit. Une différenciation en fonction de la prévisibilité des exceptions, respectivement des objections de la partie adverse, nuirait grandement à la sécurité du droit, de sorte qu’une exception à la règle générale de la possibilité de ne s’exprimer que deux fois librement ne se justifie pas dans le domaine du droit des brevets. Que l’exception de nullité du brevet invoquée dans la demande pose de nouvelles questions en lien avec l’objet du litige n’est d’ailleurs pas fondamentalement différent de ce qui se passe lorsque l’exception de prescription est soulevée à l’encontre d’une prétention ou lorsqu’une autre prétention est invoquée en compensation. Lorsque des allégations nouvelles de ce type sont présentées dans la réponse, cela ne conduit pas à ce que la partie demanderesse puisse s’exprimer trois fois librement les concernant. En dépit de l’avis de l’autorité précédente, les particularités des litiges en matière de brevet ne justifient en conséquence pas son procédé (c. 2.4.2). L’autorité précédente a ainsi violé le droit fédéral en permettant à l’intimée, en tout cas pour ce qui est de la question de la validité du brevet, de proposer à trois reprises de manière illimitée des faits et moyens de preuve nouveaux et sur cette base de reformuler les revendications de son brevet, sans examiner si ces novae étaient exceptionnellement admissibles selon les conditions de l’art. 229 al. 1 CPC. Comme le Juge instructeur avait expressément attiré l’attention dans le cadre de l’audience d’instruction sur le fait que l’intimée avait déjà usé de son droit de s’exprimer librement pour la deuxième fois concernant la nullité du brevet dans sa réplique limitée, la question de la protection de la confiance ne se pose pas (c. 2.4.3). Le recours est admis et la cause renvoyée au TFB pour nouveau jugement au sens des considérants. [NT]

CPC (RS 272)

- Art. 222

-- al. 3

- Art. 237

- Art. 125

-- lit. a

- Art. 229

-- al. 1

-- al. 1

-- al. 1

- Art. 236

06 septembre 2018

TAF, 6 décembre 2018, B-720/2017 (d)

Sic! 5/2019, p. 317 (rés.) « Blackberry/Blackphone (fig.) » ; Motifs d’exclusion relatifs, marque verbale, marque combinée, droit d’être entendu, consommateur final, spécialiste en informatique, milieux spécialisés, matériel informatique, degré d’attention moyen, similarité des produits et services, identité des produits et services, degré d’attention légèrement accru, degré d’attention accru, vocabulaire anglais de base, phone, berry, téléphone, impression d’ensemble, similarité des signes, marque notoire, force distinctive forte, marque de haute renommé, notoriété, risque de confusion indirect, pouvoir d’appréciation, pouvoir de cognition ; art 49 PA, art. 35 al. 3 PA, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 15 LPM.

Marque(s) attaqué(s)
Marque(s) opposante(s)

« blackphone (fig.) »

« BLACKBERRY »

Classe 9: Mobiltelefone; Smartphones; Tablet-Telefone; Tablet-Computer; tragbare Computer; Zubehör für Mobiletelefon, Smartphone, Tablet-Telefone, Tablet-Computer und tragbare Computer, nämlich drahtgebundene Headsets, drahtlose Headsets, Autoladegeräte, Lederetuis, Freisprechgeräte, Steck- und Schnapphüllen, Halte-rungen für Telefone, Riemen für Telefone, Bildschirmschutzfolien, Taschen und Schachteln zur Blockierung von Mobiltelefonsignalen, Satelliten-, Wifi- und Bluetooth-Frequenzen, wiederaufladbare Batterien, Ladegeräte für Akkumulatoren und Taststifte; Computersoftware, nämlich Betriebssystemsoftware, Hilfssoftware, Anwendungssoftware, Unternehmens- und Infrastruktursoftware für Mobiletelefone, Smartphones, Tablet-Telefone, Tablet-Computer, tragbare Computer und elektro-nische Handgeräte; Computerkommunikationssoftware für den Erhalt und die Übertragung von Daten, Nachrichten und Sprachkommunikationen.


Classe 35: Online-Einzelhandelsdienstleistungen bezüglich herunterladbaren Softwareanwendungen für mobile Telefongeräte und tragbare Computer.


Classe 38: Bereitstellung von E-Mail- und Instant-Messaging-Diensten; Bereitstellung von virtuellen Privatnetzwerken (VPN).


Classe 42: Elektronische Datenspeicherung.

Divers produits et services portant sur les classes 9, 35, 38 et 42.

Contenu de la décision

Produits faisant l’objet de l’opposition

Classe 9: Mobiltelefone; Smartphones; Tablet-Telefone; Tablet-Computer; tragbare Computer; Zubehör für Mobiletelefon, Smartphone, Tablet-Telefone, Tablet-Computer und tragbare Computer, nämlich drahtgebundene Headsets, drahtlose Headsets, Autoladegeräte, Lederetuis, Freisprechgeräte, Steck- und Schnapphüllen, Halte-rungen für Telefone, Riemen für Telefone, Bildschirmschutzfolien, Taschen und Schachteln zur Blockierung von Mobiltelefonsignalen, Satelliten-, Wifi- und Bluetooth-Frequenzen, wiederaufladbare Batterien, Ladegeräte für Akkumulatoren und Taststifte; Computersoftware, nämlich Betriebssystemsoftware, Hilfssoftware, Anwendungssoftware, Unternehmens- und Infrastruktursoftware für Mobiletelefone, Smartphones, Tablet-Telefone, Tablet-Computer, tragbare Computer und elektro-nische Handgeräte; Computerkommunikationssoftware für den Erhalt und die Übertragung von Daten, Nachrichten und Sprachkommunikationen.

Classe 35: Online-Einzelhandelsdienstleistungen bezüglich herunterladbaren Softwareanwendungen für mobile Telefongeräte und tragbare Computer.



Classe 38: Bereitstellung von E-Mail- und Instant-Messaging-Diensten; Bereitstellung von virtuellen Privatnetzwerken (VPN).



Classe 42: Elektronische Datenspeicherung.

Cercle des destinataires pertinent et degré d’attention des consommateurs

Les produits revendiqués en classe 9, tels que les ordinateurs, ordinateurs portables et appareils de communications tels que les téléphones portables, smartphones et tablettes tactiles ainsi que leurs accessoires de même que les softwares s’adressent à des utilisateurs finaux habitués aux médias, ainsi qu’aux milieux spécialisés. Ces destinataires font preuve d’un degré d’attention légèrement accru, dans la mesure où il s’agit d’achats coûteux destinés à être conservés longtemps et dont les fonctions et modalités sont généralement examinées par les acheteurs (c. 4.1).


Les services de vente par correspondance revendiqués en classe 35, qu’ils soient fournis par téléphone ou via internet s’adressent en premier lieu à des grossistes, des entreprises commerciales, des importateurs et des producteurs. Ces destinataires font preuve d’un degré d’attention élevé (c. 4.1).


Les services de communication revendiqués en classe 38 sont destinés au marché quotidien de l’information et s’adressent à un public majoritairement adulte qui fait preuve d’un degré d’attention moyen (c. 4.1).


Les services technologiques revendiqués en classe 42 s’adressent aussi bien aux consommateurs finaux qu’aux acheteurs commerciaux qui disposent de connaissances techniques. Leur degré d’attention est accru (c. 4.1).

Identité/similarité des produits et services

Les produits et services revendiqués sont identiques, voire fortement similaires (c. 5).

Similarité des signes

La marque opposante est purement verbale, tandis que la marque attaquée est combinée. Les deux signes concordent sur l’élément initial « black » et donc sur leurs cinq premières lettres, mais diffèrent dans leur terminaison et leur présentation graphique (c. 6.2). Le « B » stylisé de la marque attaquée est perçu comme un filigrane reprenant la première lettre de l’élément verbal « blackphone ». Il n’a que peu d’incidence, en comparaison de l’élément verbal, sur l’impression d’ensemble dégagée par le signe (c. 6.2.1). Du point de vue sonore, les deux marques se distinguent l’une de l’autre malgré une concordance sur l’élément « black » (c. 6.2.2). Les mots « black », « berry » et « phone » appartiennent au vocabulaire anglais de base. Le sens du mot « blackberry » traduit en « mûre » en français est cependant moins connu, quand bien même le consommateur comprendra le signe « blackberry » comme « baie noire ». Le signe « blackphone », quant à lui n’a pas de signification propre. Les signes ont la même structure, soit un adjectif de couleur suivi d’un substantif sans espace, le même nombre de lettres et sont donc similaires (c. 6.2.3-6.2.5)

Force distinctive des signes opposés

Force distinctive de la marque attaquée


--


Force distinctive de la marque opposante et champ de protection


La marque opposante n’est pas descriptive en lien avec les produits et services revendiqués (c. 7.1). Dans le cadre d’une procédure d’opposition, l’objet du litige est restreint à l’article 3 al. 1 LPM. Il en résulte que la renommée d’une marque ne peut être invoquée que pour les produits et services similaires aux produits et services pour lesquels la marque dispose d’une haute renommée (c. 7.3). En l’espèce, seuls les tablettes tactiles et les ordinateurs portables sont similaires aux téléphones portables, smartphones, PDA et Instant Messaging pour lesquels la marque opposante dispose d’une forte notoriété (c. 7.3).

Risques de confusion admis ou rejetés / motifs

Il n’existe pas de risque de confusion direct pour les produits et services revendiqués en classes 9, 35, 38 et 42, dans la mesure où les marques comparées n’ont ni la même signification, ni la même séquence de voyelles. En revanche, l’identité partielle initiale et le parallélisme dans la construction des signes induit une idée de connexion dans l’esprit des consommateurs. L’élément trivial « phone » de la marque attaquée attire l’attention sur l’élément initial « black ». Celui-ci est caractéristique de la marque opposante qui dispose par sa notoriété d’une force distinctive étendue. Il existe donc un risque de confusion indirect (c. 7.5).

Divers

Le droit d’être entendu n’impose pas à l’autorité de traiter de manière détaillée et de réfuter expressément chaque argument des parties. Elle doit se restreindre aux points essentiels, mais doit au moins mentionner brièvement les considérations sur lesquels elle s’appuie (c. 2.1). La recourante a renvoyé à diverses décisions dans lesquels la similarité des signes est acceptée sur la base de la concordance d’éléments distinctifs. L’instance précédente aurait dû au moins comparer plusieurs des décisions invoquées par la recourante, dans la mesure où elle n’a pas jugé qu’ils n’étaient manifestement pas pertinents ou la comparaison pas adéquate. L’instance précédente aurait donc dû, afin de ne pas violer le droit d’être entendu, expliquer au moins succinctement pourquoi elle rejetait l’opposition malgré les décisions invoquées par la recourante (c. 2.2). Le TAF dispose en l’espèce d’un pouvoir de cognition total et peut donc examiner les allégations de la recourante avec le même pouvoir d’appréciation que l’instance précédente. Il est donc possible de « guérir » la violation du droit d’être entendu sans renvoyer l’affaire à l’instance précédente (c. 2.5).

Conclusion : le signe attaqué est enregistré / refusé

Le recours est partiellement admis, et la décision attaquée partiellement annulée. L’opposition est admise pour les produits revendiqués en classes 9, et la mise à disposition de services de mail ou de messagerie instantanée en classe 38, et rejetée pour le reste des produits et services faisant l’objet de l’opposition [YB]