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  • Intégrité de l'œuvre

04 septembre 2007

KG GR, 3-4 septembre 2007, ZFE 05 3 (d)

sic! 9/2009, p. 590-597, « Steinkirche II » ; droits d’auteur, oeuvre d’architecture, individualité, intégrité de l’oeuvre, modification ; art. 11 al. 2 LDA, art. 12 al. 3 LDA ; cf. N 14 (arrêt du TF dans cette affaire).

C'est le degré d'individualité d'une œuvre architecturale qui détermine les limites du droit de son propriétaire d'y apporter des modifications. Plus la réalisation est individuelle, plus l'intérêt de son auteur à ce qu'elle ne soit pas modifiée a de poids dans la pesée à effectuer avec les intérêts (généralement financiers) du propriétaire à la modification. L'examen du caractère « dénaturant » ou non des atteintes projetées à une œuvre est fonction, notamment, de l'articulation de ses éléments caractéristiques (forme, matériaux, fonction, construction, effet esthétique) et des perturbations que les modifications envisagées y apportent (altération des relations entre les différentes parties, modification de la transparence et de la fluidité du bâtiment). Les critères permettant d'apprécier « objectivement » si la modification souhaitée porte atteinte à la réputation de l'auteur sont liés au caractère unique de l'œuvre, à sa nature, au développement du projet, à son étendue dans le temps et à l'engagement personnel de l'auteur.

20 janvier 2009

TF, 20 janvier 2009, 4A_341/2008 (d)

sic! 5/2009, p. 345-347, « Steinkirche » ; JdT 2010 I 632 ; droits d’auteur, œuvre d’architecture, intégrité de l’œuvre, réputation, publication du jugement, tort moral ; art. 49 CO, art. 62 al. 2 LDA, art. 63 al. 2 LDA, art. 72 LDA ; cf. N 12 (arrêt du Kantonsgericht GR dans cette affaire).

L'art. 63 al. 2 LDA (art. 72 LDA) exclut la confiscation, la réalisation et la destruction d'une œuvre d'architecture déjà réalisée (en tout cas de l'un de ses éléments essentiels), même si l'œuvre a été construite en violation du droit à l'intégrité de l'œuvre de l'architecte. Cette règle générale — qui reflète la pesée des intérêts, entre le droit d'auteur et le droit de propriété, à laquelle le législateur a procédé par avance — ne saurait être modifiée en fonction des droits d'auteur touchés (c. 3). Afin de réparer l'atteinte à la réputation professionnelle d'un architecte, la constatation formelle de la violation de ses droits d'auteur et la publication du jugement sont qualitativement plus appropriées qu'une indemnité pécuniaire pour tort moral (art. 62 al. 2 LDA, art. 49 CO) (c. 4).

12 janvier 2010

TF, 12 janvier 2010, 4A_203/2009 (f)

ATF 136 III 232 ; sic! 5/2010, p. 341-348, « M6 III » ; medialex 2/2010, p. 109 (rés.) ; droits d’auteur, droit de diffusion, M6, satellite, théorie de l’État d’émission, théorie de la réception, oeuvre audiovisuelle, intégrité de l’oeuvre, publicité, concurrence déloyale, qualité pour agir du preneur de licence ; art. 10 al. 1 LDA, art. 10 al. 2 lit. d LDA, art. 11 al. 1 lit. a LDA, art. 110 al. 1 LDIP.

Le droit suisse est applicable en vertu de l'art. 110 al. 1 LDIP (c. 5). La transmission télévisée d'une œuvre, via un satellite, est soumise au droit exclusif de diffusion de l'auteur (art. 10 al. 2 lit. d LDA); la jurisprudence relative au droit de diffusion rendue sous l'aLDA reste valable (c. 6.1). Fondées sur la théorie de l'État d'émission (au sujet de la théorie de l'État d'émission et de la théorie de la réception, voir: c. 6.2 et 6.3), la Directive 93/83/CEE du 27 septembre 1993 — certes pas applicable en Suisse en tant que telle — et la Convention européenne du 14 mai 1994 (Convention STCE 153) — dont la ratification est désormais jugée superflue par la Suisse (c. 6.2) — constituent des éléments permettant de cerner, en matière de radiodiffusion par satellite, le fait générateur du droit d'auteur selon la LDA (c. 6.4). En droit d'auteur suisse, il convient de considérer que c'est la théorie de l'État d'émission qui s'applique à la radiodiffusion par satellite. Ainsi, le droit exclusif de diffusion de l'auteur (art. 10 al. 2 lit. d LDA) porte uniquement sur l'injection des signaux satellite porteurs de l'œuvre dans la chaîne de communication; la réception n'est a priori pas un fait appréhendé par le droit d'auteur suisse, sauf éventuellement à recourir à la clause générale de l'art. 10 al. 1 LDA, question que le TF laisse ouverte (c. 6.4). Les interruptions de publicité jalonnant la diffusion d'œuvres audiovisuelles constituent des atteintes au droit à l'intégrité de l'œuvre (art. 11 al. 1 lit. a LDA), car elles affectent l'atmosphère créée par l'œuvre et le rythme de la narration. En revanche, le contenu des messages publicitaires — en particulier le fait que les publicités soient destinées aux consommateurs suisses plutôt qu'aux consommateurs français — est sans incidence sur le droit à l'intégrité de l'œuvre, a fortiori lorsque les messages publicitaires précèdent ou suivent la diffusion de l'œuvre (c. 6.5). Il n'y a aucun motif lié à la protection des auteurs qui commanderait de traiter différemment la diffusion avec des fenêtres publicitaires spécifiquement destinées au public suisse (signal « suisse ») et la diffusion avec des fenêtres publicitaires spécifiquement destinées au public français (signal « français ») en soumettant à autorisation, en vertu du droit suisse, la diffusion transfrontière d'œuvres par le signal « suisse » (c. 6.5 in fine). La LDA ne s'applique pas à la diffusion par satellite d'œuvres depuis la France, même si le signal contient également des publicités destinées aux téléspectateurs suisses, car une telle diffusion ne rentre pas dans les comportements qui, selon la LDA, nécessitent l'autorisation des auteurs des œuvres diffusées (c. 6.6 et 8). Sous l'angle de la concurrence déloyale, un preneur de licence a la qualité pour agir, car la violation de droits immatériels de tiers est un comportement qui peut contrevenir aux règles de la bonne foi et influer sur les rapports entre le preneur de licence et ses clients (c. 7.3). En l'absence de violation de la LDA ou de tout autre acte déloyal, une violation de la LCD n'entre pas en ligne de compte (c. 8).

26 septembre 2011

TF, 26 septembre 2011, 4A_423/2011 (d)

sic! 3/2012, p. 186-187, « Baumhaus » ; droits d’auteur, œuvre d’architecture, intégrité de l’œuvre, droit de la construction, construction illicite, modification ; art. 11 al. 2 LDA, art. 12 al. 3 LDA.

Selon l'art. 11 al. 2 LDA (intégrité de l'œuvre), un auteur peut s'opposer à toute altération de son œuvre qui porte atteinte à sa personnalité, même si un tiers est autorisé par un contrat ou par la loi à modifier cette œuvre. Bien qu'il prévoie que, une fois réalisées, les œuvres d'architecture peuvent être modifiées par le propriétaire, l'art. 12 al. 3 LDA réserve l'art. 11 al. 2 LDA (c. 5.1 et 5.4). L'art. 11 al. 2 LDA ne peut être invoqué qu'à l'encontre de la modification d'une œuvre d'architecture construite en conformité avec la législation (c. 5.3). L'auteur d'une œuvre d'architecture construite en violation de règles de droit public de la construction, de l'aménagement du territoire ou de la protection de l'environnement ne peut dès lors pas se prévaloir de l'art. 11 al. 2 LDA pour s'opposer à une modification de son œuvre (en l'espèce, à la réduction de 38 cm de la hauteur du bâtiment) destinée à la rendre conforme à la législation (c. 5.3-5.4).

30 mars 2015

TAF, 30 mars 2015, B-1298/2014 (d)

« Tarif A Fernsehen (Swissperform) » ;  gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif A télévision, tarif contraignant pour les tribunaux, tarifs séparés, question préalable, pouvoir d’appréciation, pouvoir de cognition, autonomie des sociétés de gestion, synchronisation, droits voisins, phonogramme disponible sur le marché, vidéogramme disponible sur le marché, support disponible sur le marché, reproduction à des fins de diffusion, droit à rémunération, intégrité de l’œuvre, œuvre musicale non théâtrale, films musicaux ; art. 11 LDA, art. 22c LDA, art. 24b LDA, art. 35 LDA, art. 38 LDA, art. 46 LDA, art. 47 LDA, art. 59 LDA ; cf. N 608 (vol. 2012-2013 ; TF, 20 août 2012, 2C_146/2012 ; sic! 1/2013, p. 30-37, « Tarif A Fernsehen ») et N 800 (TF, 4 juin 2015, 2C_394/2015 ; sic! 10/2015, p. 603-605, « Tarif A Fernsehen II (Swissperform) »).

Lorsque la gestion des droits est soumise à la surveillance de la Confédération, les sociétés de gestion ne peuvent exercer ces droits que sur la base de tarifs valables. Ces derniers doivent certes respecter la réglementation légale des droits exclusifs et des utilisations autorisées et ils ne peuvent pas instaurer de prérogatives incompatibles avec la loi. Mais ils lient le juge en ce qui concerne leur caractère équitable et fondent les prétentions civiles des sociétés de gestion. Grâce à des tarifs formulés en termes généraux et approuvés par l’autorité, la gestion collective doit résoudre les difficultés pratiques qu’occasionnent le recensement et le contrôle des utilisations massives (c. 2.1). Lorsqu’elle vérifie l’équité d’un tarif, la CAF poursuit l’objectif d’un équilibre approprié des intérêts des ayants droit et des utilisateurs, qui doit aussi servir la sécurité juridique, et elle s’appuie sur le critère d’une rémunération conforme au marché. Elle doit en particulier examiner à titre préjudiciel l’existence des droits couverts par le tarif et l’assujettissement au contrôle fédéral des utilisations qu’il vise. Elle doit faire en sorte que des utilisations connexes d’un point de vue économique soient si possible réglées par le même tarif, même si elles relèvent de la compétence de sociétés de gestion différentes. La CAF ne doit cependant pas interférer dans l’autonomie tarifaire des sociétés de gestion plus que le nécessite un équilibre approprié des intérêts entre ayants droit et utilisateurs. Si plusieurs solutions sont possibles, elle ne peut pas imposer la sienne contre la volonté des sociétés de gestion. Elle dispose d’un plein pouvoir d’examen, mais doit respecter une certaine liberté de disposition et l’autonomie des sociétés de gestion (c. 2.2). Le TAF examine l’affaire avec une pleine cognition. Cependant, il fait preuve de retenue là où la CAF, en tant qu’autorité judiciaire indépendante et spécialisée, a tranché des questions complexes concernant la gestion collective ou a pesé les intérêts en présence en respectant l’autonomie tarifaire des sociétés de gestion. Cela revient à ne sanctionner que les excès ou les abus du pouvoir d’appréciation de la CAF (c. 2.3). La synchronisation va au-delà de l’intégration d’un phonogramme dans un vidéogramme: elle implique une interaction coordonnée dans le temps entre le son et l’image (c. 3.3) et la création d’un arrangement ou d’une œuvre dérivée, de même que l’enregistrement d’un phonogramme dans un vidéogramme. Elle n’est pas couverte par l’art. 35 LDA (c. 3.4). L’art. 35 LDA doit permettre d’indemniser les ayants droit pour les utilisations secondaires du support disponible sur le marché, qui ne sont pas comprises dans le prix d’achat de ce support. Comme la synchronisation n’est ni visée par l’art. 35 LDA, ni comprise dans le prix d’achat du support, elle doit être autorisée par les ayants droit (c. 4.1). L’art. 24b LDA n’y change rien, puisqu’il réserve l’art. 11 LDA. Cette réserve concerne aussi les droits voisins, étant donné le renvoi de l’art. 38 LDA. Vu la théorie de la finalité, l’accord des ayants droit englobe toutes les copies qui sont nécessaires pour la synchronisation. Par conséquent, celles-ci ne doivent pas être couvertes par le tarif, d’autant plus qu’elles ne sont pas visées par l’art. 24b LDA (c. 4.2). Le TF a estimé contraire à la volonté du législateur qu’un phonogramme intégré dans un vidéogramme soit exclu du droit à rémunération, cela aussi lorsque le vidéogramme n’est pas disponible sur le marché (cf. N 608, vol. 2012-2013) (c. 5). La demande d’enregistrements sonores synchronisés à des fins de diffusion dans des propres productions du diffuseur est en augmentation (c. 6.2). Les art. 24b et 35 LDA instaurent la gestion collective pour des raisons pratiques, les ayants droit n’étant plus en mesure de faire valoir leurs droits individuellement. Pour ces ayants droit, licencier la diffusion de leurs enregistrements en même temps que leur synchronisation pourrait être difficile, car la réalité et la fréquence de la diffusion ne sont pas forcément connues au moment où la synchronisation est autorisée. Pour cette raison, la gestion collective prévue par les art. 35 et 24b LDA s’impose (c. 6.3). Il est donc juste, comme le veut la recourante, que le tarif A Télévision englobe aussi la diffusion de phonogrammes du commerce synchronisés dans des propres productions du diffuseur. L’affaire doit ainsi être renvoyée à la CAF pour qu’elle examine l’équité de la redevance compte tenu de cette constatation juridique (c. 6.4). Les vidéos musicales, les vidéoclips et les films musicaux sont disponibles sur le marché en tant que tels et ne tombent pas sous le coup de la notion de musique de film ayant fait l’objet de l’arrêt du TF 2A_288/2002 du 24 mars 2003. Les films d’opéras, de danse, de concerts ou de comédies musicales sont des films musicaux et leur diffusion relève traditionnellement des grands droits. Dans un film musical, l’image suit la musique (d’un point de vue dramaturgique) et la souligne d’une manière théâtrale (c. 7.2). Pour cette raison, les art. 22c et 24b LDA ne s’appliquent pas aux films musicaux (c. 7.3). [VS]

04 février 2019

TAF, 4 février 2019, B-6588/2018 (d)

sic! 7-8/2019, p. 422-425, « Erweiterung Bahnhof Stadelhofen »; intégrité de l’œuvre, œuvre d’architecture, marchés publics ; art. 13 al. 1 lit. c OMP, art. 54 OMP, art. 11 LDA, art. 12 al. 3 LDA.

Pour les œuvres d’architecture réalisées, l’art. 12 al. 3 LDA prévoit une exception au droit de l’auteur à l’intégrité de son œuvre et consacre un droit de modification en faveur du propriétaire. En d’autres termes, sauf convention contraire, les intérêts du propriétaire l’emportent sur ceux de l’architecte. Ce dernier peut seulement s’opposer aux altérations visées par l’art. 11 al. 2 LDA. Ce n’est alors pas l’intégrité de l’œuvre d’architecture qui est protégée, mais la réputation professionnelle et l’honneur de l’auteur. Une altération portant atteinte à la personnalité, au sens de l’art. 11 al. 2 LDA, est une forme de détérioration particulièrement grave, une falsification flagrante du contenu de l’expression intellectuelle, cette dernière se manifestant dans l’œuvre en tant qu’émanation de la personnalité de l’auteur. Une partie de la doctrine admet cependant, contrairement au TF, que le principe de la bonne foi oblige le propriétaire d’une œuvre d’architecture à exercer son droit de modification de la manière qui porte le moins possible atteinte à l’intérêt de l’auteur à sauvegarder l’intégrité de son œuvre (c. 7.1). La question de savoir si un projet mis au concours, portant sur l’extension d’un bâtiment, lèse la personnalité de l’architecte d’origine relève de la compétence matérielle du juge civil cantonal. Le TAF, en tant qu’autorité de recours dans la procédure d’adjudication, n’est pas compétent pour l’examiner, même à titre préjudiciel. Il n’est certes pas exclu que le TAF doive trancher une question de droit d’auteur à titre préjudiciel dans une procédure concernant les marchés publics. Il en irait ainsi, par exemple, lorsqu’une adjudication sans appel d’offres est contestée au motif que la condition de l’art. 13 al. 1 lit. c OMP n’est pas réalisée. Dans un tel cas, il faudrait examiner si un seul soumissionnaire entrait en considération pour des motifs relevant du droit de la propriété intellectuelle. Mais la situation n’est pas semblable en l’espèce : dans une procédure d’adjudication, il n’y a pas lieu de se demander s’il est vraisemblable qu’une juge civil interdise la réalisation du projet pour des motifs touchant au droit moral (c. 7.3). En vertu de l’art. 54 OMP, l’adjudicateur n’a pas le droit de faire réaliser un projet par un autre architecte que celui qui l’a conçu. En effet, d’après cette disposition, les participants à un concours conservent leurs droits d’auteur sur les projets, ce qui englobe le droit de les réaliser (c. 9.2). Mais l’art. 54 OMP n’empêche pas l’adjudicateur, par la suite, de se faire céder les droits sur le projet qui remporte le concours (c. 9.3). [VS]

OMP (RS 172.056.11)

- Art. 54

- Art. 13

-- al. 1 lit. c

LDA (RS 231.1)

- Art. 12

-- al. 3

- Art. 11

31 octobre 2018

Appellationsgericht des Kantons Basel-Stadt, 31 octobre 2018, ZK.2017.2 (d)

sic! 6/2019, p. 367-375, « Lichtgestalten »; action en constatation, action en interdiction, qualité pour agir, licence exclusive, droit de citation, droit à l’intégrité de l’œuvre, intégrité de l’œuvre, publication du jugement, tort moral, action en remise du gain, remise du gain, action en dommages-intérêts, dommage, preuve du dommage, obligation de renseigner, fixation du dommage ; art. 41 CO, art. 49 CO, art. 423 CO, art. 11 al. 1 LDA, art. 11 al. 2 LDA, art. 25 LDA, art. 61 LDA, art. 62 al. 1 lit. a LDA, art. 62 al. 2 LDA, art. 62 al. 3 LDA, art. 66 LDA.

La mise en œuvre de droits à rémunération s’avère en général difficile dans le domaine du droit d’auteur. Si l’action en constatation était subsidiaire par rapport à l’action en exécution d’une prestation, il y aurait en l’espèce un risque important qu’elle soit irrecevable faute d’intérêt et que l’action en remise du gain soit rejetée en raison de l’inexistence d’un gain, quand bien même il y a apparemment une violation du droit d’auteur. De plus, la jurisprudence sur la subsidiarité de l’action en constatation a pour but d’éviter plusieurs procès successifs, d’abord en constatation puis en exécution. En l’espèce, ces considérations d’économie de la procédure ne valent pas puisque les demandeurs font valoir les deux actions dans le même procès. Enfin, la constatation peut offrir une protection juridique d’une autre nature ou supplémentaire par rapport à l’action en exécution. Il y a donc en l’espèce un intérêt à la constatation (c. 2.1). L’action en constatation n’est pas liée à la titularité du droit invoqué, mais à la preuve d’un intérêt. Elle est normalement à disposition du licencié exclusif lorsque son droit relatif dépend du droit d’auteur à constater. S’agissant de l’action en exécution d’une prestation, la qualité pour agir du licencié exclusif résulte de l’art. 62 al. 3 LDA (c. 2.2). Une citation au sens de l’art. 25 LDA doit servir de commentaire, de référence ou d’illustration. Elle ne doit pas avoir un but autonome, mais une fonction de justification. Il doit exister, d’une part, un rapport matériel entre l’œuvre citée et la représentation propre ; d’autre part, la citation doit être d’importance subordonnée. Si le texte cité suscite un intérêt principal, l’art. 25 LDA n’est pas applicable (c. 3.2). En l’espèce, les conditions d’application de l’art. 25 LDA ne sont pas remplies (c. 3.3). Le doit à l’intégrité de l’œuvre vaut aussi bien pour les petites modifications que pour les grandes. Il est violé par toute modification non autorisée. En l’espèce, il n’est donc pas nécessaire de déterminer si les modifications sont seulement marginales, comme le prétend la défenderesse (c. 4.2). Une citation falsifiée, ou sortie de son contexte de sorte à présenter l’auteur sous un autre jour, est inadmissible au même titre qu’une utilisation de l’œuvre dans un contexte rejeté par l’auteur. Une altération portant atteinte à la personnalité, au sens de l’art. 11 al. 2 LDA, ne sera reconnue que pour les modifications importantes ayant des conséquences négatives, et cela de manière restrictive. Il s’agira alors d’une forme de détérioration particulièrement grave, d’une falsification flagrante du contenu de l’expression intellectuelle, cette dernière se manifestant dans l’œuvre en tant qu’émanation de la personnalité de l’auteur. Il n’y a pas une telle altération en l’espèce (c. 4.3). L’action en interdiction de l’art. 62 al. 1 lit. a LDA suppose un intérêt à la protection actuel et suffisant. Celui-ci existera en cas de mise en danger concrète du droit, c’est-à-dire lorsqu’une violation future est sérieusement à craindre. Les conclusions en interdiction doivent viser des actes concrets réservés à l’auteur d’après l’art. 10 LDA et elles doivent être rédigées précisément, de sorte que les actes interdits soient sans autre reconnaissables pour la partie défenderesse et les autorités d’exécution (c. 5.2). Etant donné que la défenderesse conteste l’illicéité de son comportement, il y a un risque de récidive donc un intérêt actuel et suffisant pour demander l’interdiction (c. 5.3). La fonction première d’une publication du jugement est de mettre fin à la violation du droit d’auteur. Pour l’ordonner, le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Il devra peser les intérêts divergents des parties et s’orienter sur le principe de la proportionnalité. Les demandeurs devront avoir un intérêt à la publication, par exemple le besoin d’informer un cercle de personnes dépassant leurs proches des violations constatées du droit d’auteur, afin de mettre fin au trouble ou à la confusion sur le marché. Une publication pourra être opportune lorsque la partie violant les droits conteste l’illicéité de son comportement, de sorte que d’autres atteintes sont à craindre. En revanche, on pourra renoncer à la publication si les violations datent déjà de quelques temps ou qu’elles n’ont pas eu de retentissement, ni chez les professionnels ni dans le public. En l’espèce, les violations n’ont pas fait de bruit et n’ont pas occasionné de confusion au sein des lecteurs, si bien qu’une publication du jugement serait injustifiée (c. 6). Comme il n’y a aucune altération au sens de l’art. 11 al. 2 LDA, l’atteinte à l’intégrité de l’œuvre n’est pas suffisamment grave pour fonder une indemnité pour tort moral selon l’art. 49 al. 1 CO (c. 7). Un droit à la remise du gain selon l’art. 423 CO suppose qu’une personne s’approprie une affaire, c’est-à-dire intervienne dans la sphère juridique d’autrui et en retire un gain de manière causale. La personne doit également agir de mauvaise foi, ce qui est le cas en l’espèce. C’est le gain net qui est pris en considération, c’est-à-dire que les frais du gérant sont déduits du montant brut. Ce dernier devra être prouvé par le lésé, tandis que le gérant supportera le fardeau de la preuve de ses frais. Dans la présente affaire, l’action en remise de gain serait justifiée, si bien que le titulaire du droit d’auteur doit être renseigné par la défenderesse sur les éventuels gains qu’elle a réalisés. Ce droit n’appartient pas au licencié exclusif, qui n’est pas habilité à demander la remise du gain (c. 8.2). La fixation du dommage selon la méthode de l’analogie avec la licence nécessite que le titulaire du droit d’auteur ait été prêt à autoriser l’utilisation de l’œuvre. Elle ne dispense pas le demandeur de prouver l’existence d’un dommage. Il faut donc encore examiner si le demandeur aurait été prêt à conclure un contrat de licence (c. 8.3). [VS]

04 février 2019

TAF, 4 février 2019, B-6588/2018 (d)

sic! 7-8/2019, p. 422-425, « Erweiterung Bahnhof Stadelhofen »; intégrité de l’œuvre, œuvre d’architecture, marchés publics ; art. 13 al. 1 lit. c OMP, art. 54 OMP, art. 11 LDA, art. 12 al. 3 LDA.

Pour
les œuvres d’architecture réalisées, l’art. 12 al. 3
LDA prévoit une exception au droit de l’auteur à l’intégrité
de son œuvre et consacre un droit de modification en faveur du
propriétaire. En d’autres termes, sauf convention contraire, les
intérêts du propriétaire l’emportent sur ceux de l’architecte.
Ce dernier peut seulement s’opposer aux altérations visées par
l’art. 11 al. 2 LDA. Ce n’est alors pas l’intégrité de
l’œuvre d’architecture qui est protégée, mais la réputation
professionnelle et l’honneur de l’auteur. Une altération portant
atteinte à la personnalité, au sens de l’art. 11 al. 2 LDA, est
une forme de détérioration particulièrement grave, une
falsification flagrante du contenu de l’expression intellectuelle,
cette dernière se manifestant dans l’œuvre en tant qu’émanation
de la personnalité de l’auteur. Une partie de la doctrine admet
cependant, contrairement au TF, que le principe de la bonne foi
oblige le propriétaire d’une œuvre d’architecture à exercer
son droit de modification de la manière qui porte le moins possible
atteinte à l’intérêt de l’auteur à sauvegarder l’intégrité
de son œuvre (c. 7.1). La question de savoir si un projet mis au
concours, portant sur l’extension d’un bâtiment, lèse la
personnalité de l’architecte d’origine relève de la compétence
matérielle du juge civil cantonal. Le TAF, en tant qu’autorité de
recours dans la procédure d’adjudication, n’est pas compétent
pour l’examiner, même à titre préjudiciel. Il n’est certes pas
exclu que le TAF doive trancher une question de droit d’auteur à
titre préjudiciel dans une procédure concernant les marchés
publics. Il en irait ainsi, par exemple, lorsqu’une adjudication
sans appel d’offres est contestée au motif que la condition de
l’art. 13 al. 1 lit. c OMP n’est pas réalisée. Dans un tel cas,
il faudrait examiner si un seul soumissionnaire entrait en
considération pour des motifs relevant du droit de la propriété
intellectuelle. Mais la situation n’est pas semblable en l’espèce :
dans une procédure d’adjudication, il n’y a pas lieu de se
demander s’il est vraisemblable qu’une juge civil interdise la
réalisation du projet pour des motifs touchant au droit moral (c.
7.3). En vertu de l’art. 54 OMP, l’adjudicateur n’a pas le
droit de faire réaliser un projet par un autre architecte que celui
qui l’a conçu. En effet, d’après cette disposition, les
participants à un concours conservent leurs droits d’auteur sur
les projets, ce qui englobe le droit de les réaliser (c. 9.2). Mais
l’art. 54 OMP n’empêche pas l’adjudicateur, par la suite, de
se faire céder les droits sur le projet qui remporte le concours (c.
9.3). [VS]

OMP (RS 172.056.11)

- Art. 54

- Art. 13

-- al. 1 lit. c

LDA (RS 231.1)

- Art. 12

-- al. 3

- Art. 11

19 mai 2021

Bezirksgericht Zürich, 19 mai 2021, GG210077-L/U (d)

sic! 2/2022, p. 68 – 71, « Trittligasse » ; intégrité de l’œuvre, parodie ; art. 3 al. 1 LDA, art. 11 al. 1 LDA, art. 11 al. 3 LDA ; art. 67 al. 1 LDA.

Seule une simple transformation technique d’une œuvre sur un autre support ou son transfert dans une autre technologie ne constitue pas une modification de l’œuvre au sens de l’art. 11 al. 1 lit. a LDA (c. 5.2). En l’espèce, différents passages des œuvres originales ont été supprimés, des mots ont été changés et/ou ajoutés. Il s’agit de modifications qui, en principe, nécessitent l’autorisation de l’auteur ou de ses ayants cause (c. 5.3). Une parodie au sens de l’art. 11 al. 3 LDA ne doit pas affecter l’exploitation normale de l’œuvre. Le champ d’application de l’exception de parodie, de même que la notion de parodie, doivent être compris largement et concernent toutes les représentations comiques d’une œuvre préexistante à des fins de critique (c. 6.1). L’effet humoristique est obtenu généralement par contraste entre l’original et la parodie. La critique peut concerner l’œuvre préexistante, son auteur ou des situations ou personnes sans rapport avec cette œuvre. Pour que la liberté de parodier soit reconnue, la parodie ne doit pas pouvoir être confondue avec l’œuvre originale, mais elle ne doit pas non plus trop s’en éloigner. L’œuvre originale doit rester reconnaissable, de sorte que la parodie constitue une œuvre de seconde main au sens de l’art. 3 al. 1 LDA (c. 6.3). Ces conditions sont réalisées en l’espèce (c. 6.4 et 6.5). [VS]

LDA (RS 231.1)

- Art. 67

-- al. 1

- Art. 11

-- al. 3

-- al. 1

- Art. 3

-- al. 1