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03 janvier 2012

TAF, 3 janvier 2012, B-1769/2010 (d)

medialex 2/2012, p. 107-109 (rés.) « Tarif A télévision (Swissperform) » ; gestion collective, décision, approbation des tarifs, tarifs des sociétés de gestion, tarif A télévision, qualité pour recourir, effet rétroactif, pouvoir de cognition, autonomie des sociétés de gestion, tarifs séparés, obligation de collaborer, traités internationaux, applicabilité directe, droits voisins, support disponible sur le marché, intégration d'un enregistrement sonore dans un vidéogramme ; art. 19 CR, art. 2 lit. b WPPT, art. 5 Cst., art. 5 PA, art. 48 PA, art. 49 PA, art. 1 LDA, art. 33 LDA, art. 35 LDA, art. 46 LDA, art. 47 LDA, art. 74 al. 1 LDA, art. 9 al. 1 ODAu.

Les décisions de la CAF sont des décisions au sens de l'art. 5 al. 1 PA, qui peuvent faire l'objet d'un recours au TAF (c. 1.1). La SRG SSR, unique partenaire de négociation et unique personne obligée par le tarif, est destinataire de la décision d'approbation de ce tarif et est donc spécialement atteinte par celle-ci (c. 1.1). Elle a un intérêt digne de protection à sa modification, même si elle n'est pas une association d'utilisateurs au sens de l'art. 46 al. 2 LDA (c. 1.1). Lorsqu'un recours est déposé au TAF contre la décision d'approbation d'un tarif et qu'un effet suspensif est décrété, le tarif peut entrer en vigueur avec effet rétroactif s'il est approuvé par le TAF (c. 1.2). La CAF examine un tarif avec pleine cognition en veillant à sa conformité aux exigences légales, mais en respectant une certaine liberté de disposition et l'autonomie tarifaire des sociétés de gestion. Elle veille à trouver un équilibre des intérêts entre titulaires de droits et utilisateurs, qui serve la sécurité juridique. En cas de dispositions tarifaires approximatives ou d'inégalité de traitement, elle examine s'il faut empiéter sur l'autonomie tarifaire des sociétés de gestion. Des utilisations semblables d'un même cercle d'utilisateurs, ressortissant à la même société de gestion, doivent être réglées au sein d'un même tarif sauf s'il existe des raisons objectives pour créer plusieurs tarifs. Des utilisations non soumises à redevance d'après la loi doivent être exclues du tarif (c. 2.1). En matière tarifaire, la cognition du TAF n'est pas limitée. Il fait toutefois preuve d'une certaine retenue lorsque la CAF, en tant qu'autorité spécialisée, a examiné des questions complexes de droit de la gestion collective, lorsqu'elle a pesé les intérêts en présence ou lorsqu'elle a sauvegardé l'autonomie tarifaire des sociétés de gestion. Pour cette raison, le TAF n'examine en principe des formulations tarifaires qu'avec un effet cassatoire. Il ne peut les modifier lui-même qu'exceptionnellement (c. 2.2). En procédure tarifaire, les parties ont un devoir de collaboration. En cas de recours, elles doivent expliquer en détail pourquoi elles ne sont pas d'accord avec la décision de la CAF et prouver leurs allégations. La CAF ne doit s'écarter de l'état de fait allégué par les parties que si elle a des indices qu'il n'est pas correct. Si une partie manque à son devoir de collaboration, la CAF peut se baser uniquement sur les faits allégués par l'autre partie (c. 2.3). Les traités internationaux et le droit suisse forment un système unitaire, si bien que les premiers n'ont pas besoin d'être transposés en droit interne (c. 3.2). Un traité est directement applicable s'il contient des règles claires et suffisamment déterminées qui permettent une décision dans un cas concret, pas s'il s'adresse uniquement au législateur. Les WCT et WPPT ne sont que partiellement directement applicables, mais l'art. 15 WPPT dispose de cette qualité (c. 3.2). La notion de fixation, utilisée à l'art. 33 LDA, n'est pas liée à un support de données physique déterminé. Elle est un synonyme d'enregistrement, terme que l'on trouve aussi à l'art. 33 al. 2 lit. c LDA. En revanche, les mots phonogramme et vidéogramme employés par l'art. 35 LDA sont encore compris en relation avec des supports de données physiques. Mais ils n'impliquent pas une forme de publication particulière. La notion « disponible sur le marché » de l'art. 35 LDA doit être rapportée à la fixation plutôt qu'au support de données physique utilisé concrètement. Peu importe par conséquent que le support utilisé pour la diffusion ne soit pas disponible sur le marché si la fixation qu'il contient l'est quant à elle. L'interprétation de la loi doit tenir compte de l'évolution technique, si bien qu'il serait faux de réserver la notion « disponible sur le marché » aux seuls produits physiques. La fixation peut aussi être mise à disposition sur Internet à des fins de téléchargement gratuit ou payant (c. 5 et 6). L'intégration d'un enregistrement sonore dans un vidéogramme nécessite l'accord des titulaires de droits voisins sur cet enregistrement. Le droit voisin sur le vidéogramme s'étend ensuite aussi à la bande son (c. 7). [VS]

Tarif A Fernsehen (Swissperform) ; gestion collective, droit à rémunération, vidéogramme, tarif des sociétés de gestion, tarif A télévision, SWISSPERFORM, droits voisins, support disponible sur le marché, œuvre musicale non théâtrale, recettes brutes, devoir d’informer les sociétés de gestion, code IRSC ; art. 22c LDA, art. 24b LDA, art. 33 LDA, art. 35 LDA, art. 60 LDA.

D’après les arrêts du TAF du 20 janvier 2012 (recte: 3 janvier 2012) et du TF du 20 août 2012 sur le tarif A télévision de Swissperform, le droit à rémunération de l’art. 35 LDA ne s’éteint pas lorsqu’un phonogramme disponible sur le marché est intégré dans un vidéogramme. Mais le support est alors protégé uniquement comme vidéogramme. Si ce vidéogramme est réalisé en vue d’une diffusion, il ne sera généralement pas disponible sur le marché, si bien que c’est la protection de l’art. 33 al. 2 LDA qui s’applique, pas celle de l’art. 35 LDA. L’artiste a le droit exclusif de déterminer si le phonogramme contenant sa prestation sera intégré dans un vidéogramme. Si ce dernier est reproduit à des fins d’émission, l’art. 24b LDA ne s’applique pas puisque le vidéogramme n’est pas disponible sur le marché. En revanche, l’artiste peut faire valoir son droit exclusif selon l’art. 33 al. 2 lit. c LDA. Quant à la mise à disposition du support selon l’art. 22c LDA, elle est soumise à la gestion collective obligatoire même si ce support n’est pas disponible sur le marché, pour autant qu’il contienne des oeuvres musicales non théâtrales (c. II 3.2. d). La musique contenue dans des films musicaux n’est pas de la musique non théâtrale au sens des art. 22c et 24b LDA, car elle a une plus grande valeur que le film et ne lui est pas subordonnée. De surcroît, elle n’est pas interchangeable puisqu’elle détermine la dramaturgie du film. Enfin, le film ne peut pas être joué sans la musique (c. II 3.3.b). Les revenus qu’un diffuseur réalise grâce à la vente de ses programmes ou aux licences données sur ceux-ci sont directement en relation avec les activités de diffusion et font donc partie des recettes brutes sur lesquelles doit être calculée l’indemnité prévue à l’art. 60 LDA (c. II 3.5. b). D’après ce principe des recettes brutes, il faut de plus prendre en compte les recettes publicitaires et de sponsoring sans déduction des frais d’acquisition correspondants. Le fait qu’une telle déduction ait été tolérée dans le passé d’un commun accord n’y change rien: les diffuseurs n’ont pas de droit à une telle déduction (c. II 3.6. b). Le code ISRC doit en principe être communiqué à Swissperform par le diffuseur. S’il n’a pas été délivré, le tarif prévoit la remise d’autres données à titre subsidiaire. Le passage du tarif selon lequel le code IRSC doit être livré pour autant qu’il soit étayé par des documents ou qu’il ait été communiqué à la SSR sous une forme lisible par le fournisseur de l’enregistrement au moment de la livraison, à partir de l’entrée en vigueur du tarif doit être supprimé. Quant au code ISAN destiné à identifier les films musicaux, il ne doit être communiqué à Swissperform que si la SSR l’a reçu dans une forme lisible par ses systèmes informatiques (c. II 3.7. b). [VS]

09 octobre 2014

TF, 9 octobre 2014, 2C_53/2014 (d)

ATF 140 II 483 ; sic! 2/2015, p. 89-92, « Tarif A Radio (Swissperform II) [2013-2016] », JdT 2015 II 206 ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif A télévision, tarif contraignant pour les tribunaux, recours en matière de droit public, question préalable, autonomie des sociétés de gestion, qualité pour agir des sociétés de gestion ; art. 82 lit. a LTF, art. 86 al. 1 lit. a LTF, art. 90 LTF, art. 35 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA.

Contre une décision du TAF concernant l’approbation d’un tarif par la CAF, c’est le recours en matière de droit public qui est ouvert (c. 1.1). La question de savoir si un tarif permet ou non de calculer la redevance dans une situation donnée (en l’espèce l’existence de plusieurs canaux de distribution pour le même programme) relève de l’interprétation de ce tarif. Il s’agit donc d’une question de droit et non de fait (c. 3). D’après l’art. 59 al. 3 LDA, les tarifs lient le juge lorsqu’ils sont en vigueur. Cette disposition sert la sécurité du droit: le juge civil ne doit pas à nouveau examiner l’équité d’un tarif puisque cette question est traitée dans le cadre de la procédure administrative d’approbation de ce tarif. Toutefois, le juge civil peut et doit vérifier que les sociétés de gestion, sur la base d’un tarif, ne font pas valoir de droits à rémunération incompatibles avec les dispositions impératives de la loi. De plus, l’application et l’interprétation d’un tarif approuvé dans un cas concret sont des questions juridiques qui relèvent de la compétence des tribunaux civils (c. 5.2). Les autorités d’approbation tarifaire doivent éclaircir les questions juridiques qui ont une influence sur le champ d’application du tarif (c. 6.2). Lorsque la gestion collective obligatoire est prévue, ce sont les sociétés de gestion qui peuvent faire valoir les actions civiles prévues par la LDA (gesetzliche Prozessstandschaft). Elles peuvent aussi demander par la voie civile le paiement des simples droits à rémunération, quand bien même l’action n’est pas directement prévue par la LDA. La créance se base alors sur le tarif. Il en découle que les sociétés de gestion, dans les domaines surveillés par la Confédération, ne peuvent faire valoir des redevances que s’il existe un tarif. Mais, à l’inverse, l’inexistence d’un tarif valable ne signifie pas que les rémunérations prévues par la loi ne seraient pas dues (c. 6.4). Dans une affaire antérieure, la recourante avait intenté une action en constatation pour éclaircir la question de savoir si certains actes étaient couverts par l’art. 35 LDA. Le TF avait alors nié l’existence d’un intérêt digne de protection, au motif que la question devait être éclaircie dans le cadre de la procédure d’approbation du tarif (c. 6.6). Dans l’intérêt de la sécurité juridique, les autorités tarifaires doivent examiner à quels droits s’applique le tarif et, en cas de contestation à ce sujet, quels sont les droits qui existent; cela même si la question n’influe pas sur l’équité du tarif. Le fait que cette question puisse aussi être examinée par les tribunaux civils n’y change rien. Le tarif n’est certes pas contraignant pour les tribunaux civils s’agissant des aspects de droit matériel. Mais si l’affaire est portée jusqu’au TF, celui-ci pourra coordonner sa décision sur les questions matérielles avec la Iiere Cour de droit civil, ce qui assurera la sécurité du droit au plus haut niveau et réduira le nombre de procès civils (c. 6.6 et 6.7). Si plusieurs solutions tarifaires sont équitables, il n’appartient pas à la CAF de restreindre l’autonomie tarifaire des sociétés de gestion et le pouvoir de négociation des partenaires tarifaires en imposant la solution qui lui paraît appropriée (c. 7.3). Un tarif n’est pas inéquitable du seul fait qu’il contient des clauses non contestées, qui peuvent ne pas être absolument nécessaires. En effet, de telles clauses peuvent éclairer le lecteur qui ne connaît pas la loi suisse ou la jurisprudence fédérale (c. 7.4). La détermination dans le tarif des conditions de protection d’un phonogramme en Suisse, litigieuses entre les parties, n’est pas une question d’application du tarif, mais plutôt une question juridique abstraite sur l’étendue de la protection qui doit être tranchée par les autorités tarifaires même si elle pourrait aussi être éclaircie par les tribunaux civils (c. 8.4). Une clause tarifaire destinée à être appliquée uniquement si le point de vue juridique de la société de gestion est confirmé ne doit pas être biffée. En effet une telle clause est nécessaire pour que la société de gestion puisse exercer les droits, à supposer que son point de vue juridique soit fondé (c. 9.2). [VS]

30 mars 2015

TAF, 30 mars 2015, B-1298/2014 (d)

« Tarif A Fernsehen (Swissperform) » ;  gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif A télévision, tarif contraignant pour les tribunaux, tarifs séparés, question préalable, pouvoir d’appréciation, pouvoir de cognition, autonomie des sociétés de gestion, synchronisation, droits voisins, phonogramme disponible sur le marché, vidéogramme disponible sur le marché, support disponible sur le marché, reproduction à des fins de diffusion, droit à rémunération, intégrité de l’œuvre, œuvre musicale non théâtrale, films musicaux ; art. 11 LDA, art. 22c LDA, art. 24b LDA, art. 35 LDA, art. 38 LDA, art. 46 LDA, art. 47 LDA, art. 59 LDA ; cf. N 608 (vol. 2012-2013 ; TF, 20 août 2012, 2C_146/2012 ; sic! 1/2013, p. 30-37, « Tarif A Fernsehen ») et N 800 (TF, 4 juin 2015, 2C_394/2015 ; sic! 10/2015, p. 603-605, « Tarif A Fernsehen II (Swissperform) »).

Lorsque la gestion des droits est soumise à la surveillance de la Confédération, les sociétés de gestion ne peuvent exercer ces droits que sur la base de tarifs valables. Ces derniers doivent certes respecter la réglementation légale des droits exclusifs et des utilisations autorisées et ils ne peuvent pas instaurer de prérogatives incompatibles avec la loi. Mais ils lient le juge en ce qui concerne leur caractère équitable et fondent les prétentions civiles des sociétés de gestion. Grâce à des tarifs formulés en termes généraux et approuvés par l’autorité, la gestion collective doit résoudre les difficultés pratiques qu’occasionnent le recensement et le contrôle des utilisations massives (c. 2.1). Lorsqu’elle vérifie l’équité d’un tarif, la CAF poursuit l’objectif d’un équilibre approprié des intérêts des ayants droit et des utilisateurs, qui doit aussi servir la sécurité juridique, et elle s’appuie sur le critère d’une rémunération conforme au marché. Elle doit en particulier examiner à titre préjudiciel l’existence des droits couverts par le tarif et l’assujettissement au contrôle fédéral des utilisations qu’il vise. Elle doit faire en sorte que des utilisations connexes d’un point de vue économique soient si possible réglées par le même tarif, même si elles relèvent de la compétence de sociétés de gestion différentes. La CAF ne doit cependant pas interférer dans l’autonomie tarifaire des sociétés de gestion plus que le nécessite un équilibre approprié des intérêts entre ayants droit et utilisateurs. Si plusieurs solutions sont possibles, elle ne peut pas imposer la sienne contre la volonté des sociétés de gestion. Elle dispose d’un plein pouvoir d’examen, mais doit respecter une certaine liberté de disposition et l’autonomie des sociétés de gestion (c. 2.2). Le TAF examine l’affaire avec une pleine cognition. Cependant, il fait preuve de retenue là où la CAF, en tant qu’autorité judiciaire indépendante et spécialisée, a tranché des questions complexes concernant la gestion collective ou a pesé les intérêts en présence en respectant l’autonomie tarifaire des sociétés de gestion. Cela revient à ne sanctionner que les excès ou les abus du pouvoir d’appréciation de la CAF (c. 2.3). La synchronisation va au-delà de l’intégration d’un phonogramme dans un vidéogramme: elle implique une interaction coordonnée dans le temps entre le son et l’image (c. 3.3) et la création d’un arrangement ou d’une œuvre dérivée, de même que l’enregistrement d’un phonogramme dans un vidéogramme. Elle n’est pas couverte par l’art. 35 LDA (c. 3.4). L’art. 35 LDA doit permettre d’indemniser les ayants droit pour les utilisations secondaires du support disponible sur le marché, qui ne sont pas comprises dans le prix d’achat de ce support. Comme la synchronisation n’est ni visée par l’art. 35 LDA, ni comprise dans le prix d’achat du support, elle doit être autorisée par les ayants droit (c. 4.1). L’art. 24b LDA n’y change rien, puisqu’il réserve l’art. 11 LDA. Cette réserve concerne aussi les droits voisins, étant donné le renvoi de l’art. 38 LDA. Vu la théorie de la finalité, l’accord des ayants droit englobe toutes les copies qui sont nécessaires pour la synchronisation. Par conséquent, celles-ci ne doivent pas être couvertes par le tarif, d’autant plus qu’elles ne sont pas visées par l’art. 24b LDA (c. 4.2). Le TF a estimé contraire à la volonté du législateur qu’un phonogramme intégré dans un vidéogramme soit exclu du droit à rémunération, cela aussi lorsque le vidéogramme n’est pas disponible sur le marché (cf. N 608, vol. 2012-2013) (c. 5). La demande d’enregistrements sonores synchronisés à des fins de diffusion dans des propres productions du diffuseur est en augmentation (c. 6.2). Les art. 24b et 35 LDA instaurent la gestion collective pour des raisons pratiques, les ayants droit n’étant plus en mesure de faire valoir leurs droits individuellement. Pour ces ayants droit, licencier la diffusion de leurs enregistrements en même temps que leur synchronisation pourrait être difficile, car la réalité et la fréquence de la diffusion ne sont pas forcément connues au moment où la synchronisation est autorisée. Pour cette raison, la gestion collective prévue par les art. 35 et 24b LDA s’impose (c. 6.3). Il est donc juste, comme le veut la recourante, que le tarif A Télévision englobe aussi la diffusion de phonogrammes du commerce synchronisés dans des propres productions du diffuseur. L’affaire doit ainsi être renvoyée à la CAF pour qu’elle examine l’équité de la redevance compte tenu de cette constatation juridique (c. 6.4). Les vidéos musicales, les vidéoclips et les films musicaux sont disponibles sur le marché en tant que tels et ne tombent pas sous le coup de la notion de musique de film ayant fait l’objet de l’arrêt du TF 2A_288/2002 du 24 mars 2003. Les films d’opéras, de danse, de concerts ou de comédies musicales sont des films musicaux et leur diffusion relève traditionnellement des grands droits. Dans un film musical, l’image suit la musique (d’un point de vue dramaturgique) et la souligne d’une manière théâtrale (c. 7.2). Pour cette raison, les art. 22c et 24b LDA ne s’appliquent pas aux films musicaux (c. 7.3). [VS]

04 juin 2015

TF, 4 juin 2015, 2C_394/2015 (d)

sic! 10/2015, p. 603-605, «Tarif A Fernsehen II (Swissperform) » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif A télévision, recours en matière de droit public, décision de renvoi, décision finale, décision partielle, décision préjudicielle, décision incidente, marge décisionnelle, préjudice irréparable ; art. 90 LTF, art. 91 LTF, art. 92 LTF, art. 93 LTF ; cf. N 798 (TAF, 30 mars 2015, B-1298/2014).

Le recours au TF est recevable contre les décisions finales, c’est-à-dire contre celles qui mettent fin à la procédure d’après l’art. 90 LTF. Il est aussi recevable contre les décisions partielles au sens de l’art. 91 LTF, et contre les décisions préjudicielles et incidentes si les conditions des art. 92 et 93 LTF sont remplies. Les décisions de renvoi sont en principe des décisions incidentes, car elles ne mettent pas fin à la procédure. Il en va différemment lorsque l’autorité précédente, à laquelle l’affaire est renvoyée, n’a pas de marge décisionnelle et que le renvoi sert uniquement à la mise en application (purement mathématique) des instructions de l’autorité supérieure. Dans une telle hypothèse, la décision de renvoi est une décision finale. Vu le but de l’art. 93 LTF, il faut toutefois admettre une telle décision finale seulement s’il est exclu que le TF doive se prononcer une deuxième fois sur l’affaire en cause (c. 2.1). En l’espèce, le TAF a renvoyé l’affaire à la CAF pour qu’elle fixe l’indemnité tarifaire et se prononce sur son caractère équitable. La tâche de la CAF va ainsi au-delà de la simple mise en application mathématique des instructions de l’autorité supérieure. Il n’y a donc pas de décision finale (c. 2.2.1). L’arrêt du TAF n’est pas non plus une décision partielle au sens de l’art. 91 LTF. Certes, selon l’ampleur du rejet du recours par le TAF, certains aspects du tarif seront tranchés définitivement. Mais, pour les points qui restent litigieux, il n’y a justement pas de décision mettant fin à la procédure. Il y a un renvoi, qui impliquera que la CAF se prononce à nouveau avec une certaine marge de liberté décisionnelle. Pour les aspects demeurés litigieux, l’arrêt du TAF est donc une simple décision incidente, qui ne peut être attaquée au TF que si les conditions de l’art. 93 LTF sont remplies (c. 2.2.2). Or, tel n’est pas le cas. En effet, d’une part il n’est ni avéré ni démontré que l’admission du recours conduirait à une décision finale permettant d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse ; d’autre part, la décision de renvoi ne cause aucun préjudice irréparable à la recourante : la CAF devra réexaminer l’affaire avec une certaine marge décisionnelle et, s’agissant des aspects restés litigieux, le TAF n’a pas approuvé le tarif. Par conséquent, la recourante n’aura pas à payer des redevances sur la base d’une appréciation juridique qu’elle conteste (c. 2.3). [VS]

22 octobre 2018

TAF, 22 octobre 2018, B-3812/2016 (d)

« Tarif A Fernsehen (Swissperform) » ; tarifs des sociétés de gestion, pouvoir de cognition de la CAF, pouvoir de cognition du TAF, arrêt de renvoi, force obligatoire, unité de la procédure, effet rétroactif, effet suspensif, pouvoir d’appréciation, renvoi de l’affaire, novae, synchronisation, droits voisins, phonogramme disponible sur le marché, vidéogramme disponible sur le marché, support disponible sur le marché, œuvre musicale non théâtrale, effet rétroactif, devoir de collaboration accru des parties en procédure tarifaire, règle du ballet, augmentation de redevance, augmentation du tarif ; art. 12 CR, art. 15 WPPT, art. 11 LDA, art. 22c LDA, art 24b LDA, art. 35 LDA, art. 38 LDA, art. 46 LDA, art. 59 LDA.

Lorsque le TAF a renvoyé antérieurement l’affaire à l’autorité précédente et qu’il y a un nouveau recours sur la nouvelle décision de cette dernière, aussi bien l’autorité précédente que le TAF sont liés par le dispositif de la décision de renvoi, lequel forme le cadre de la nouvelle procédure de recours (c. 1.2). Lorsque le renvoi portait sur un nouvel examen du montant de la redevance, les mesures à prendre pour éviter une augmentation abrupte et la date d’entrée en vigueur de la redevance font partie du cadre fixé par la décision de renvoi (c. 1.2 et 1.3). L’effet contraignant de celle-ci ne s’oppose pas à la prise en compte de novae, pour autant que le droit de procédure et le principe de l’unité de la procédure le permettent (c. 1.4). A supposer que l’obligation de paiement de la redevance soit reportée en raison de l’interdiction de l’effet rétroactif, c’est aussi l’entrée en vigueur de toutes les autres dispositions tarifaires qui devrait être retardée, y compris de celles en défaveur des ayants droit (c. 3.3). En l’espèce, le tarif a produit ses effets dès la date d’entrée en vigueur prévue, car les recours n’ont pas eu d’effet suspensif. En cas de redevance tarifaire trop basse, un recours serait rendu illusoire si la redevance ne pouvait pas être augmentée dès la date d’entrée en vigueur du tarif. De plus, les utilisations déjà entreprises seraient illicites si le tarif corrigé ne pouvait pas les couvrir, ce qui conduirait à des négociations sur les dommages-intérêts. En l’espèce, on est en présence d’un tarif qui est entré en vigueur à la date prévue, mais qui a été modifié suite à un recours. Le cas se distingue des affaires 2C_685/2016 et 2C_806/2016 tranchées par le TF, où un nouveau tarif devait entrer en vigueur pour la première fois à titre rétroactif. Il n’y a donc pas ici d’effet rétroactif non autorisé (c. 3.4). Les tarifs doivent faciliter les utilisations d’œuvres en instaurant une redevance homogène, prévisible et praticable dans l’intérêt des ayants droit et des utilisateurs. La CAF fixe son niveau en ayant pour but un équilibre objectif des intérêts entre les parties concernées, et en respectant l’autonomie tarifaire des sociétés de gestion. Un devoir de collaboration accru des parties les oblige à fournir les chiffres et statistiques permettant le contrôle de l’équité. Le TAF se prononce avec un plein pouvoir de cognition, mais il fait preuve de retenue là où la CAF, en tant qu’autorité judiciaire spécialisée indépendante, a traité de questions complexes concernant la gestion collective ou a pesé les intérêts en présence tout en respectant l’autonomie des sociétés de gestion. En fin de compte, cela revient à rechercher si la CAF a excédé son pouvoir d’appréciation ou en a abusé (c. 4.1). Un tarif est équitable lorsqu’il repose sur un équilibre approprié, semblable en substance à ce qui aurait découlé d’un accord entre les parties dans une situation de concurrence. Les difficultés d’application sont à prendre en compte. Des forfaits et des approximations sont admissibles pour mieux couvrir toutes les utilisations et améliorer la praticabilité. L’art. 12 CR et l’art. 15 WPPT ne donnent aucune garantie minimum valable dans tous les cas particuliers (c. 4.3). Le tarif concerne l’utilisation de phonogrammes disponibles sur le marché, sans considération d’une protection éventuelle sur les images. Il est donc compréhensible que la CAF n’ait pas différencié la redevance selon que les phonogrammes sont ou non synchronisés avec des images (c. 5.1). Une utilisation moins intensive des supports lorsqu’ils sont synchronisés n’est pas constatable. La règle du ballet, qui justifierait une diminution de 50% de la redevance, n’est donc pas applicable (c. 5.2). Il est compréhensible également que la CAF, lorsqu’elle s’oppose aux augmentations abruptes de redevance, ne prenne en compte que la charge tarifaire des utilisateurs, et non les montants à répartir aux ayants droit : cette charge détermine en effet les offres des utilisateurs sur le marché et le calcul de leurs prix, alors qu’elle n’a que peu d’influence sur les cachets que touchent les titulaires de droits voisins. Mais il est vrai que la CAF évite les augmentations abruptes unilatéralement en faveur des utilisateurs, alors qu’elle ne recherche pas à assurer la continuité des recettes tarifaires pour les ayants droit, par exemple en évitant des périodes sans tarif ou des retards dans l’approbation des tarifs pour des raisons de procédure. Ainsi, l’interdiction des augmentations abruptes (principe de la continuité) n’est pas un critère qui relève du contrôle de l’équité. Une partie de la doctrine le prétend, mais cela ne découle pas de la loi. Le TF a aussi plusieurs fois admis qu’une augmentation importante de la redevance était admissible en cas de changement dans les bases de calcul justifié objectivement, et qu’elle pouvait même démontrer que la redevance antérieure était trop basse. Ainsi, le principe de la continuité ne sert pas à distinguer une charge tarifaire équitable d’une charge inéquitable mais, en aval, au choix d’une solution préférable parmi plusieurs solutions tarifaires équitables. Il est alors permis d’y recourir et de le mettre en œuvre par un échelonnement annuel des taux tarifaires ou des montants maximaux à payer (c. 6.3). En l’espèce, le plafonnement des redevances ne peut pas être confirmé car le nouveau tarif se base sur un changement des bases de calcul justifié objectivement (c. 6.4.1), les forfaits avaient été payés précédemment expressément « sans valeur de précédent » (c. 6.4.2), depuis 2013 ils n’étaient versés qu’à titre d’acomptes (c. 6.4.3) et, enfin, parce que le plafonnement a été calculé par la CAF en fonction de l’intégralité des recettes tarifaires, alors qu’il a été appliqué uniquement sur la redevance due pour l’utilisation de supports synchronisés, ce qui défavorise les interprètes dont la prestation figure sur de tels supports (c. 6.4.4). L’introduction d’un système de calcul proportionnel à l’utilisation, vingt ans après l’entrée en vigueur de la LDA, plaide contre un échelonnement de l’augmentation, ce qui rend inutile un deuxième renvoi à l’autorité précédente (c. 6.5). [VS]