Mot-clé

  • Recours
  • en matière de droit public

20 août 2012

TF, 20 août 2012, 2C_146/2012 (d)

sic! 1/2013, p. 30-37, « Tarif A Fernsehen» ; medialex 4/2012, p. 230-232 (rés.), « Tarif A Fernsehen » ; gestion collective, décision, approbation des tarifs, tarifs des sociétés de gestion, recours en matière de droit public, interprétation des tarifs, tarif contraignant pour les tribunaux, droits voisins, vidéogramme disponible sur le marché, support disponible sur le marché ; art. 12 CR, art. 2 lit. b WPPT, art. 2 lit. c WPPT, art. 15 WPPT, art. 95 lit. a LTF, art. 35 LDA, art. 60 LDA.

Contre un arrêt du TAF concernant une décision d'approbation d'un tarif par la CAF, c'est le recours en matière de droit public qui est ouvert, même si la décision a interprété une notion de droit civil de la LDA à titre préjudiciel, d'autant qu'il faut aussi trancher dans la procédure tarifaire la question de principe du devoir de payer une rémunération (c. 1). En ce qui concerne les critères de l'art. 60 LDA, la CAF bénéficie d'une certaine liberté d'appréciation en tant qu'autorité spécialisée, que les tribunaux doivent respecter. En revanche, les tarifs ne peuvent pas définir les droits autrement que la loi. L'interprétation de ces tarifs est une question de droit que le TF examine avec pleine cognition sur la base de l'art. 95 lit. a LTF (c. 2.2). La question litigieuse est de savoir si c'est l'enregistrement ou un format déterminé de celui-ci qui doit être disponible sur le marché pour que le droit à rémunération de l'art. 35 LDA trouve application. Ni le texte de cette disposition (c. 3.3), ni les travaux préparatoires (c. 3.4) ne donnent une réponse claire. En cas de doute, on doit admettre que l'art. 35 LDA transpose l'art. 12 CR et l'art. 15 WPPT (c. 3.5.1). Or, l'art. 12 CR prévoit une rémunération pour les phonogrammes publiés à des fins de commerce et pour les reproductions de ceux-ci. Cela pourrait laisser entendre que ce n'est pas le phonogramme concrètement utilisé pour la diffusion qui doit être disponible sur le marché (c. 3.5.2). L'art. 35 LDA va au-delà du droit international, dans la mesure où il prévoit une rémunération non seulement pour les phonogrammes, mais aussi pour les vidéogrammes. Toutefois, comme le législateur a voulu placer ces deux notions sur un pied d'égalité, les dispositions conventionnelles concernant les phonogrammes peuvent aussi être utilisées pour interpréter la notion de vidéogrammes. Or, d'après l'art. 2 lit. b WPPT, un phonogramme est une fixation des sons provenant d'une interprétation ou exécution ou d'autres sons, ou d'une représentation de sons. La fixation est elle-même définie, d'après l'art. 2 lit. c WPPT, comme l'incorporation de sons, ou des représentations de ceux-ci, dans un support qui permette de les percevoir, de les reproduire ou de les communiquer à l'aide d'un dispositif. Cela laisse entendre que la notion de phonogramme concerne la fixation, c'est-à-dire l'enregistrement, et non un format déterminé de celui-ci (c. 3.5.3). D'un point de vue téléologique, l'art. 35 LDA semble avoir pour but de consacrer une redevance là où le prix de vente ne contient pas de rémunération pour les utilisations secondaires du support. Mais l'interprétation de la loi ne peut pas dépendre de la question de savoir si, dans les faits, une rémunération a été convenue contractuellement (c. 3.6.2). C'est plutôt la motivation à la base de la licence légale et de la gestion collective obligatoire qui doit être prise en considération, à savoir assurer une rémunération aux ayants droit aussi simplement que possible, car ils ne sont pas en mesure d'exercer eux-mêmes leurs droits dans les faits. Or, puisque les télévisions n'utilisent pas des formats disponibles sur le marché, rattacher la notion de vidéogrammes à ces formats aurait pour conséquence que les ayants droit devraient exercer individuellement leurs droits, ce qui ne serait guère praticable (c. 3.6.3). En résumé, cette notion concerne donc l'enregistrement lui-même et non le format de celui-ci. [VS]

13 novembre 2012

TF, 13 novembre 2012, 2C_580/2012 (d)

sic! 3/2013, p. 154-157, « GT 3a » ; medialex 1/2013, p. 49-50, « Tarif commun 3a, chambres d’hôtels et d’hôpitaux, logements de vacances » (Egloff Willi, Hinweis) ; gestion collective, recours en matière de droit public, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun 3a, interprétation des tarifs, perception de redevances, redevances, divertissement de fond ou d’ambiance, obligation de gérer ; art. 95 LTF, art. 44 LDA, art. 46 LDA ; cf. N 604 (TAF, 14mai 2012, B-3896/2011 ; medialex 3/2012, p. 173-174 [rés.] ; arrêt du TAF dans cette affaire).

Le recours en matière de droit public est ouvert contre une décision finale du TAF concernant un différend touchant à la surveillance fédérale sur l'application des tarifs de droit d'auteur (c. 1). Un tarif ne peut pas prévoir des redevances pour une utilisation libre d'après la LDA. L'approbation d'un tarif par la CAF ne peut pas créer des droits à rémunération qui ne découlent pas de la loi. À l'inverse, une redevance prévue par la loi ne peut pas être exercée s'il n'existe pas un tarif valable et approuvé (c. 2.2). Les tarifs au sens de l'art. 46 LDA sont fondés sur le droit fédéral. Des règlements édictés par des particuliers sur la base du droit fédéral sont eux-mêmes du droit fédéral au sens de l'art. 95 lit. a LTF. L'interprétation des tarifs est ainsi une question de droit fédéral que le TF examine avec un plein pouvoir de cognition (c. 2.3). Si certains cercles d'utilisateurs n'ont pas été impliqués dans la négociation du tarif — même à bon droit — une interprétation restrictive du tarif se justifie, conformément au principe in dubio contra stipulatorem (c. 2.5). La liste des lieux mentionnés au ch. 2.1 du tarif commun 3a n'est certes pas exhaustive, mais le fait qu'elle ne mentionne pas les chambres d'hôtel, d'hôpitaux et les logements de vacances appuie l'interprétation selon laquelle ce tarif ne vise que des lieux accessibles au public ou du moins à un grand nombre indéterminé de personnes (c. 2.6). Pour l'interprétation de la notion de divertissement de fond ou d'ambiance au sens du ch. 2.1 al. 2 du tarif commun 3a, c'est la perception de l'émission en tant qu'activité principale ou non qui est déterminante, et non la raison d'un séjour dans un hôtel ou un hôpital (c. 2.7). Les motivations du téléspectateur ou de l'auditeur sont certes difficiles à déterminer. Mais il faut se baser sur des situations typiques (c. 2.8). L'art. 44 LDA oblige les sociétés de gestion à n'être actives que vis-à-vis des ayants droit, il ne peut pas fonder un devoir de paiement à charge des utilisateurs dans les cas où il n'y a pas de tarif (c. 2.9). En résumé, le tarif commun 3a n'est pas applicable à la réception d'émissions dans des chambres d'hôtels, d'hôpitaux ou dans des logements de vacances. [VS]

21 novembre 2012

TF, 21 novembre 2012, 2C_598/2012 (d)

medialex 1/2013, p. 48-49, « Tarif commun4e 2010-2011» ; gestion collective, décision, approbation des tarifs, préjudice irréparable, recours en matière de droit public, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun 4e, effet suspensif ; art. 29 al. 2 Cst., art. 93 al. 1 lit. a LTF, art. 98 LTF, art. 74 al. 2 LDA.

Un recours en matière de droit public, adressé au TF contre une décision du TAF décrétant un effet suspensif suite à un recours contre une décision d'approbation tarifaire de la CAF, n'est recevable que si la décision du TAF peut causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 lit. a LTF) et s'il y a une violation de droits constitutionnels (art. 98 LTF). Cette dernière doit être invoquée de manière claire et détaillée sur la base des considérants de la décision attaquée (c. 1). En l'espèce, le risque d'insolvabilité de certains débiteurs de la redevance serait un simple préjudice de fait. De toute manière, comme la période de validité du tarif litigieux est déjà écoulée, le dommage ne pourrait plus augmenter (c. 2.2). De plus, la condition de l'exposé clair et détaillé des droits constitutionnels violés n'est pas réalisée. Enfin, les exigences découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. sont moins strictes en cas de décision sur un effet suspensif, en raison de l'urgence (c. 2.3). Le recours est donc irrecevable. [VS]

27 février 2014

TF, 27 février 2014, 2C_783/2013 (d)

ATF 140 II 305 ; sic! 6/2014, p. 362-364, « Gemeinsamer Tarif Sender (GT S) », medialex 2/2014, p. 111, « Tarif commun S », JdT 2015 II 206 ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarifs communs S, recours en matière de droit public, redevance équitable, pouvoir de cognition, équité du tarif, règle des 10%, règle des 3%, calcul de la redevance, déduction des frais d’acquisition de la publicité, comparaison avec l’étranger ; art. 15 WPPT, art. 16 WPPT, art. 190 Cst., art. 82 lit. a LTF, art. 86 al. 1 lit. a LTF, art. 90 LTF, art. 49 PA, art. 47 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA.

Contre une décision du TAF concernant l’approbation d’un tarif par la CAF, c’est le recours en matière de droit public qui est ouvert (c. 1.1). Les critères de l’art. 60 LDA sont contraignants pour la CAF et ils ne représentent pas seulement des lignes directrices pour l’exercice de son pouvoir d’appréciation. Ce sont des notions juridiques indéterminées, dont le TF revoit l’interprétation et l’application. Toutefois, ce dernier fait preuve d’une certaine retenue dans le contrôle des décisions prises par des autorités spécialisées, lorsque des aspects techniques particuliers sont en discussion. Cette retenue vaut aussi pour le TAF, malgré sa cognition illimitée selon l’art. 49 PA (c. 2.2.1). Comme la CAF est une autorité spécialisée, le TAF doit respecter son pouvoir d’appréciation dans l’application des critères de l’art. 60 LDA, ce qui revient finalement à ne sanctionner que les abus ou les excès (c. 2.2.2). D’après la systématique de l’art. 15 WPPT, des réserves au sens de l’alinéa 3 ne sont nécessaires que s’il s’agit de déroger au principe de l’alinéa 1, c’est-à-dire à la redevance équitable elle-même. Aussi longtemps qu’une telle redevance équitable est prévue, l’art. 16 WPPT ne s’applique pas (c’est-à-dire notamment l’obligation de ne pas instaurer, dans le domaine des droits voisins, des exceptions plus larges qu’en droit d’auteur) (c. 6.2). Ni l’art. 12 CR, ni l’art. 15 WPPT, ne précisent ce qu’il faut entendre par redevance équitable. Les législateurs nationaux ont donc une marge de manœuvre relativement large pour transposer les obligations internationales. Le simple fait que les droits d’auteur et les droits voisins doivent tous deux être protégés ne signifie pas qu’ils doivent être valorisés de la même manière : la valeur des droits voisins est indépendante de celle des droits d’auteur et la relation entre ces deux catégories de droits varie selon les circonstances. Il est possible de leur attribuer la même valeur, mais cela n’est pas obligatoire (c. 6.3). Les pourcentages de 10 %, respectivement de 3 %, prévus par l’art. 60 LDA, ne représentent pas des taux normaux, mais sont des limites supérieures qui ne peuvent être dépassées qu’à la condition prévue par l’art. 60 al. 2 LDA, à savoir que lesdits pourcentages ne suffisent pas à procurer une rémunération équitable aux ayants droit. A cette condition, un dépassement est alors possible (c. 6.4). Pour juger de ce qui est équitable, il est difficile de se baser sur des valeurs du marché réelles, car la gestion collective obligatoire empêche justement le développement d’un marché comparable. Si l’on voulait rechercher des valeurs du marché fictives, il faudrait tenir compte des difficultés pratiques auxquelles se heurterait la gestion individuelle, qui conduiraient souvent à une rémunération moindre, voire à une disparition de la rémunération. La détermination d’un prix concurrentiel fictif semble donc plutôt hypothétique (c. 6.5). Dans ces conditions, il ne peut être reproché au législateur d’avoir concrétisé la notion d’équité sur la base d’une appréciation politique, et d’avoir attribué aux droits voisins une autre valeur qu’aux droits d’auteur. Le rapport légal 10 : 3 est compatible avec les traités internationaux et lie le TF d’après l’art. 190 Cst. La loi prévoit certes expressément une possibilité de déroger aux limites maximales, donc au rapport 10 : 3, s’il y a pour cela des raisons particulières. Une interprétation ayant pour conséquence une dérogation générale à ce rapport ne serait toutefois plus conforme à la loi, et n’est pas imposée par l’art. 15 al. 1 WPPT (c. 6.6). La déduction des frais d’acquisition de la publicité de l’assiette de la redevance peut être rediscutée dans le cadre d’un tarif futur, mais le rapport 10 : 3 s’oppose à ce qu’elle soit compensée par un supplément seulement pour les droits voisins, et pas pour les droits d’auteur (c. 7.1). Il n’est pas démontré que le marché en ligne soit comparable à celui de la radio et de la télévision, et l’affirmation selon laquelle les droits de reproduction étaient plus valorisés avant d’être soumis à la gestion collective obligatoire (le 1er juillet 2008) n’est pas suffisamment étayée (c. 7.2). D’après la jurisprudence du TF, les comparaisons tarifaires avec l’étranger sont certes admissibles et judicieuses ; elles n’ont cependant qu’une valeur limitée, vu que les législations nationales connaissent des critères différents et que les circonstances de fait peuvent varier. Néanmoins, étant donné les difficultés à apprécier la rémunération équitable, la comparaison avec l’étranger est encore l’un des critères les moins discutables, pour autant que l’on puisse tenir compte de manière appropriée des différences pertinentes (c. 7.3.1). [VS]

09 octobre 2014

TF, 9 octobre 2014, 2C_53/2014 (d)

ATF 140 II 483 ; sic! 2/2015, p. 89-92, « Tarif A Radio (Swissperform II) [2013-2016] », JdT 2015 II 206 ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif A télévision, tarif contraignant pour les tribunaux, recours en matière de droit public, question préalable, autonomie des sociétés de gestion, qualité pour agir des sociétés de gestion ; art. 82 lit. a LTF, art. 86 al. 1 lit. a LTF, art. 90 LTF, art. 35 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA.

Contre une décision du TAF concernant l’approbation d’un tarif par la CAF, c’est le recours en matière de droit public qui est ouvert (c. 1.1). La question de savoir si un tarif permet ou non de calculer la redevance dans une situation donnée (en l’espèce l’existence de plusieurs canaux de distribution pour le même programme) relève de l’interprétation de ce tarif. Il s’agit donc d’une question de droit et non de fait (c. 3). D’après l’art. 59 al. 3 LDA, les tarifs lient le juge lorsqu’ils sont en vigueur. Cette disposition sert la sécurité du droit: le juge civil ne doit pas à nouveau examiner l’équité d’un tarif puisque cette question est traitée dans le cadre de la procédure administrative d’approbation de ce tarif. Toutefois, le juge civil peut et doit vérifier que les sociétés de gestion, sur la base d’un tarif, ne font pas valoir de droits à rémunération incompatibles avec les dispositions impératives de la loi. De plus, l’application et l’interprétation d’un tarif approuvé dans un cas concret sont des questions juridiques qui relèvent de la compétence des tribunaux civils (c. 5.2). Les autorités d’approbation tarifaire doivent éclaircir les questions juridiques qui ont une influence sur le champ d’application du tarif (c. 6.2). Lorsque la gestion collective obligatoire est prévue, ce sont les sociétés de gestion qui peuvent faire valoir les actions civiles prévues par la LDA (gesetzliche Prozessstandschaft). Elles peuvent aussi demander par la voie civile le paiement des simples droits à rémunération, quand bien même l’action n’est pas directement prévue par la LDA. La créance se base alors sur le tarif. Il en découle que les sociétés de gestion, dans les domaines surveillés par la Confédération, ne peuvent faire valoir des redevances que s’il existe un tarif. Mais, à l’inverse, l’inexistence d’un tarif valable ne signifie pas que les rémunérations prévues par la loi ne seraient pas dues (c. 6.4). Dans une affaire antérieure, la recourante avait intenté une action en constatation pour éclaircir la question de savoir si certains actes étaient couverts par l’art. 35 LDA. Le TF avait alors nié l’existence d’un intérêt digne de protection, au motif que la question devait être éclaircie dans le cadre de la procédure d’approbation du tarif (c. 6.6). Dans l’intérêt de la sécurité juridique, les autorités tarifaires doivent examiner à quels droits s’applique le tarif et, en cas de contestation à ce sujet, quels sont les droits qui existent; cela même si la question n’influe pas sur l’équité du tarif. Le fait que cette question puisse aussi être examinée par les tribunaux civils n’y change rien. Le tarif n’est certes pas contraignant pour les tribunaux civils s’agissant des aspects de droit matériel. Mais si l’affaire est portée jusqu’au TF, celui-ci pourra coordonner sa décision sur les questions matérielles avec la Iiere Cour de droit civil, ce qui assurera la sécurité du droit au plus haut niveau et réduira le nombre de procès civils (c. 6.6 et 6.7). Si plusieurs solutions tarifaires sont équitables, il n’appartient pas à la CAF de restreindre l’autonomie tarifaire des sociétés de gestion et le pouvoir de négociation des partenaires tarifaires en imposant la solution qui lui paraît appropriée (c. 7.3). Un tarif n’est pas inéquitable du seul fait qu’il contient des clauses non contestées, qui peuvent ne pas être absolument nécessaires. En effet, de telles clauses peuvent éclairer le lecteur qui ne connaît pas la loi suisse ou la jurisprudence fédérale (c. 7.4). La détermination dans le tarif des conditions de protection d’un phonogramme en Suisse, litigieuses entre les parties, n’est pas une question d’application du tarif, mais plutôt une question juridique abstraite sur l’étendue de la protection qui doit être tranchée par les autorités tarifaires même si elle pourrait aussi être éclaircie par les tribunaux civils (c. 8.4). Une clause tarifaire destinée à être appliquée uniquement si le point de vue juridique de la société de gestion est confirmé ne doit pas être biffée. En effet une telle clause est nécessaire pour que la société de gestion puisse exercer les droits, à supposer que son point de vue juridique soit fondé (c. 9.2). [VS]

04 juin 2015

TF, 4 juin 2015, 2C_394/2015 (d)

sic! 10/2015, p. 603-605, «Tarif A Fernsehen II (Swissperform) » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif A télévision, recours en matière de droit public, décision de renvoi, décision finale, décision partielle, décision préjudicielle, décision incidente, marge décisionnelle, préjudice irréparable ; art. 90 LTF, art. 91 LTF, art. 92 LTF, art. 93 LTF ; cf. N 798 (TAF, 30 mars 2015, B-1298/2014).

Le recours au TF est recevable contre les décisions finales, c’est-à-dire contre celles qui mettent fin à la procédure d’après l’art. 90 LTF. Il est aussi recevable contre les décisions partielles au sens de l’art. 91 LTF, et contre les décisions préjudicielles et incidentes si les conditions des art. 92 et 93 LTF sont remplies. Les décisions de renvoi sont en principe des décisions incidentes, car elles ne mettent pas fin à la procédure. Il en va différemment lorsque l’autorité précédente, à laquelle l’affaire est renvoyée, n’a pas de marge décisionnelle et que le renvoi sert uniquement à la mise en application (purement mathématique) des instructions de l’autorité supérieure. Dans une telle hypothèse, la décision de renvoi est une décision finale. Vu le but de l’art. 93 LTF, il faut toutefois admettre une telle décision finale seulement s’il est exclu que le TF doive se prononcer une deuxième fois sur l’affaire en cause (c. 2.1). En l’espèce, le TAF a renvoyé l’affaire à la CAF pour qu’elle fixe l’indemnité tarifaire et se prononce sur son caractère équitable. La tâche de la CAF va ainsi au-delà de la simple mise en application mathématique des instructions de l’autorité supérieure. Il n’y a donc pas de décision finale (c. 2.2.1). L’arrêt du TAF n’est pas non plus une décision partielle au sens de l’art. 91 LTF. Certes, selon l’ampleur du rejet du recours par le TAF, certains aspects du tarif seront tranchés définitivement. Mais, pour les points qui restent litigieux, il n’y a justement pas de décision mettant fin à la procédure. Il y a un renvoi, qui impliquera que la CAF se prononce à nouveau avec une certaine marge de liberté décisionnelle. Pour les aspects demeurés litigieux, l’arrêt du TAF est donc une simple décision incidente, qui ne peut être attaquée au TF que si les conditions de l’art. 93 LTF sont remplies (c. 2.2.2). Or, tel n’est pas le cas. En effet, d’une part il n’est ni avéré ni démontré que l’admission du recours conduirait à une décision finale permettant d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse ; d’autre part, la décision de renvoi ne cause aucun préjudice irréparable à la recourante : la CAF devra réexaminer l’affaire avec une certaine marge décisionnelle et, s’agissant des aspects restés litigieux, le TAF n’a pas approuvé le tarif. Par conséquent, la recourante n’aura pas à payer des redevances sur la base d’une appréciation juridique qu’elle conteste (c. 2.3). [VS]

21 février 2018

TF, 21 février 2018, 4A_549/2017 (f)

« Gestion économique » ; instance cantonale unique, compétence matérielle, commission arbitrale fédérale, tribunal civil, recours en matière civile, recours en matière de droit public, tarifs des sociétés de gestion, tarif contraignant pour les tribunaux, gestion collective, gestion économique, société de gestion ; art. 42 al. 2 LTF, art. 74 al. 2 lit. b LTF, art. 75 al. 2 lit. a LTF, art. 45 al. 1 LDA, art. 46 LDA, art. 53 al. 1 LDA, art. 55 LDA, art. 59 al. 3 LDA, art. 74 al. 1 LDA.

Lorsque le droit fédéral prévoit une instance cantonale unique, le recours en matière civile est recevable quelle que soit la valeur litigieuse selon l’art. 74 al. 2 lit. b LTF ; de plus, le tribunal supérieur n’a pas à statuer sur recours d’après l’art. 75 al. 2 lit. a LTF (c. 1.2). En cas de recours en matière civile, le TF n’est pas lié par l’argumentation des parties et il apprécie librement la portée juridique des faits, mais il s’en tient d’ordinaire aux questions juridiques que la partie recourante a soulevées (c. 1.3). Une fois entrés en force, les tarifs d’une société de gestion lient le juge en vertu de l’art. 59 al. 3 LDA, si bien que les autorités civiles ne sont pas compétentes pour revoir la décision de la CAF sur le caractère équitable du tarif. Celle-ci peut faire l’objet d’un recours au TAF, puis d’un recours en matière de droit public au TF (c. 2.3.1). La gestion économique des sociétés selon l’art. 45 al. 1 LDA implique des tarifs forfaitaires et une répartition des redevances simplifiée. Elle contraint les sociétés à faire l’impossible pour comprimer les frais administratif. L’IPI veille au respect de cette obligation, qui ne peut pas non plus être contrôlée par le juge civil. Les décisions de l’IPI à ce sujet doivent faire l’objet d’un recours au TAF, puis d’un recours en matière de droit public au TF (c. 2.3.2). En revanche, le juge civil peut vérifier qu’un tarif approuvé ne contrevienne pas à des règles légales impératives, en particulier qu’il ne prévoit pas de redevances pour des activités non soumises à rémunération selon la loi. La décision est alors susceptible de recours en matière civile au TF (c. 2.3.3). En l’espèce, le recourant est débiteur d’une redevance en contrepartie de son exploitation d’une photocopieuse et d’un réseau informatique. Il ne supporte pas une participation aux frais de fonctionnement de la société de gestion. Cette participation et son calcul ne concernent que les membres de la société. En reprochant à cette dernière de ne pas administrer ses affaires selon les règles d’une gestion saine et économique, le recourant soulève une question relevant de la compétence exclusive de l’IPI, qui ne peut pas être examinée par l’autorité judiciaire civile (c. 2.4). [VS]

LDA (RS 231.1)

- Art. 55

- Art. 59

-- al. 3

- Art. 74

-- al. 1

- Art. 53

-- al. 1

- Art. 45

-- al. 1

- Art. 46

LTF (RS 173.110)

- Art. 75

-- al. 2 lit. a

- Art. 42

-- al. 2

- Art. 74

-- al. 2 lit. b

19 février 2020

TF, 19 février 2020, 2C_1056/2018 (d)

« Tarif A Fernsehen (Swissperform) » ; recours en matière de droit public, tarifs des sociétés de gestion, équité du tarif, synchronisation, droits voisins, phonogramme disponible sur le marché, vidéogramme disponible sur le marché, support disponible sur le marché, effet rétroactif, règle du ballet, augmentation de redevance, augmentation du tarif ; art. 9 Cst., art. 42 al. 1 LTF, art. 42 al. 2 LTF, art. 105 al. 1 LTF, art. 106 al. 1 LTF, art. 46 LDA, art. 59 LDA, art. 60 al. 1 lit. c LDA, art. 74 al. 2 LDA, art. 83 al. 2 LDA.

Contre une décision du TAF concernant l’approbation d’un tarif, c’est le recours en matière de droit public qui est ouvert (c. 1.1). Le TF applique le droit d’office mais, au regard du devoir de motivation et de critique, il n’examine que les violations du droit exposées dans le recours, à moins que d’autres manques juridiques soient évidents (c. 2.1). Au surplus, le TF est lié par l’état de fait sauf s’il est manifestement faux ou incomplet sur des points décisifs. Cela doit être démontré en détail par le recours, car le grief repose sur l’interdiction constitutionnelle de l’arbitraire selon l’art. 9 Cst (c. 2.2.1). La règle du ballet, comme la règle pro rata temporis, découle de l’art. 60 al. 1 lit. c LDA. Elle veut que le pourcentage de redevance soit réduit lorsque d’autres biens immatériels sont utilisés en même temps que ceux faisant l’objet du tarif. L’ampleur de la réduction doit être déterminée de cas en cas (c. 5.4.1 et 5.4.2). La règle du ballet peut s’appliquer lorsque des supports sonores sont synchronisés avec des images. En effet, les supports sonores faisant l’objet du tarif peuvent alors être utilisés avec d’autres oeuvres ou prestations protégées, pour lesquelles une indemnité est également due (c. 5.4.3). Il n’est pas nécessaire que la gestion des droits sur ces autres éléments soit également soumise à la surveillance de la Confédération (c. 5.4.4). Mais en l’espèce, les éléments au dossier ne permettent pas de chiffrer la réduction à opérer en application de la règle du ballet. Cela devra être fait à l’occasion de prochaines négociations tarifaires (c. 5.4.5). Les augmentations abruptes de redevances à charge des utilisateurs doivent si possible être évitées. Un changement dans le système de calcul peut conduire à des augmentations tarifaires plus importantes si celles-ci sont dues à une modification des bases de calcul justifiée objectivement. Les augmentations peuvent d’ailleurs être un indice que les redevances antérieures étaient trop basses (c. 6.5.1). La CAF avait décidé d’un plafonnement de la redevance, qui a été supprimé par le TAF. Ce faisant, celui-ci n’a pas suffisamment tenu compte du pouvoir d’appréciation de la CAF. Selon elle, les augmentations tarifaires abruptes doivent être évitées, en particulier lorsque le tarif précédent reposait sur des bases de calcul non suffisamment éclaircies et que le nouveau système a des conséquences imprévisibles (c. 6.5.2). Des indications précises sur les effets du nouveau tarif manquent aussi en l’espèce. Il est donc admissible que la CAF ait plafonné l’augmentation. Le fait que cela désavantage une catégorie de membres de SWISSPERFORM ne peut pas être pris en compte, car la répartition des redevances est une affaire interne à la société de gestion (c. 6.5.4). Puisque les tarifs doivent être négociés entre les parties intéressées, ces dernières peuvent s’écarter des principes prévus à l’art. 60 LDA. Si elles le font sans valeur de précédent, cela ne justifie pas la suppression du plafonnement de l’augmentation tarifaire (c. 6.5.5). Le TF s’est prononcé pour la dernière fois sur l’entrée en vigueur rétroactive d’un tarif dans l’affaire 2C_685/2016 = ATF 143 II 617 ss (c. 7.2). La présente espèce ne concerne pas un effet rétroactif véritable : le tarif a été approuvé pour la première fois le 4 novembre 2013 pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2014. Il s’agit en revanche de corriger la situation due à l’effet suspensif ou aux mesures provisionnelles ordonnées durant la procédure de recours. D’après l’art. 74 al. 2 LDA, le recours n’a pas d’office un effet suspensif. L’obligation de paiement vaut donc dès l’entrée en vigueur du tarif et ne doit pas être contournée par une ordonnance d’effet suspensif (c. 7.4.1). Cela découle aussi de l’art. 83 al. 2 LDA, qui exprime un principe général à observer, par interprétation téléologique, lorsqu’il faut examiner l’admissibilité d’un effet rétroactif dans un cas particulier (c. 7.4.2). Cette disposition repose sur l’idée que des aspects de nature formelle ne doivent pas influencer l’obligation matérielle de rémunération (c. 7.4.3). Le problème est identique lorsque de nombreuses voies de droit prolongent la procédure : les utilisateurs ne doivent pas pouvoir utiliser gratuitement les droits que la loi leur donne. Lorsque les utilisations passées ne peuvent pas être rémunérées par un supplément sur la redevance courante, une entrée en vigueur rétroactive du tarif ne doit pas être exclue (c. 7.4.4). [VS]

27 avril 2020

TF, 27 avril 2020, 2C_306/2019 (d)

« Tarif A radio (Swissperform) » ; recours en matière de droit public, tarifs des sociétés de gestion, équité du tarif, droit de mise à disposition, webcasting, simulcasting, musique fonction subordonnée ou d’accompagnement, test des trois étapes, triple test; art. 16 WPPT, art. 13 ADPIC, art. 26 Cst., art. 22c LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA.

Contre une décision du TAF concernant l’approbation d’un tarif, le recours en matière de droit public est ouvert. En l’espèce, il existe un intérêt actuel au recours. De toute manière, il y aurait lieu de renoncer à cette condition, étant donné que la question juridique litigieuse peut se poser à tout moment, qu’il n’est guère possible de l’examiner à temps dans un cas particulier et que la solution à cette question est d’intérêt public (c. 1). L’art. 22c LDA, à certaines conditions, soumet à la gestion collective obligatoire le droit de mettre à disposition des œuvres musicales non théâtrales en relation avec la diffusion d’émissions de radio ou de télévision (c. 3.2). Il ne résulte pas du texte de cette disposition que l’assujettissement obligatoire de ce droit à la gestion collective serait limité dans le temps (c. 4.2.1). Cela ne découle pas non plus des débats au parlement (c. 4.2.2). Le test des trois étapes prévu par les traités internationaux n’implique pas de limiter le champ d’application de l’art. 22c LDA par un élément temporel. En application de ce test, il y aurait un préjudice injustifié aux intérêts légitimes des ayants droit si l’atteinte qu’ils subissent ne pouvait leur être imposée d’après les règles de la bonne foi. Tel serait le cas lorsque les intérêts des ayants droit prévalent sur ceux des tiers. Cependant, le paiement d’une redevance équitable peut amoindrir l’atteinte et la rendre compatible avec les exigences du triple test (c. 4.3.2). Les conditions d’application de l’art. 22c LDA sont suffisamment restrictives pour admettre que la disposition vise certains cas spéciaux (c. 4.3.3). La distribution de musique n’est pas affectée par l’art. 22c LDA : cette norme concerne la communication en différé d’émissions pour lesquelles la musique a une fonction accessoire. Celui qui écoute l’émission et s’intéresse à la musique devra l’acquérir par la suite sur une plateforme musicale. Il ne pourra pas le faire sur le site Internet de la SSR. Aucune concurrence n’est donc portée à des plateformes de streaming comme Spotify ou Deezer (c. 4.3.4). La dernière condition du test est remplie également : la solution légale repose sur une pesée objective des intérêts. La gestion collective obligatoire ne touche pas au contenu des droits, elle empêche seulement un exercice individuel de ceux-ci. Les ayants droit sont rémunérés par les sociétés de gestion. L’importance économique différenciée des différentes formes de mise à disposition peut être prise en compte dans le cadre du tarif. L’atteinte aux intérêts des ayants droit est limitée par les conditions restrictives de l’art. 22c LDA. Il existe au surplus un intérêt prépondérant des organismes de diffusion et des consommateurs. Enfin, l’art. 22c LDA est fondé sur un compromis entre les diffuseurs et l’association Suisseculture (c. 4.3.5). Comme il s’agit d’une solution particulière en faveur des diffuseurs, leur permettant de mettre leurs productions à disposition d’un large public selon ses besoins, il n’apparaît pas juste que les diffuseurs doivent limiter la mise à disposition à sept jours, puis renégocier des autorisations avec les ayants droit individuellement. Les art. 22a et 22c LDA ont des champs d’application différents, si bien que la première disposition ne peut servir à l’interprétation de la seconde (c. 4.3.6). En résumé, l’art. 22c LDA est compatible avec les traités internationaux même sans une limitation dans le temps de la mise à disposition. Cette norme s’applique à tous les cas de mise à disposition, simultanée ou en différé, des émissions sur Internet (c. 4.3.7). Une limitation temporelle n’est pas nécessaire non plus pour que l’art. 22c LDA soit compatible avec la garantie de la propriété. Les droits exclusifs des ayants droit n’existent que dans les limites de l’ordre juridique. L’art. 22c LDA ne touche pas au droit subjectif lui-même, mais il a pour effet, à certaines conditions, de transformer le droit de véto en un droit à rémunération. Il n'est pas prouvé que l’indemnité obtenue soit inférieure à ce pourrait réclamer les ayants droit par une gestion individuelle. Au surplus, les conditions pour une atteinte à la garantie de la propriété seraient remplies, pour les raisons expliquées en rapport avec le test des trois étapes (c. 4.3.8). Pour fixer l’indemnité tarifaire, le fait que la SSR mette ses émissions à disposition de manière illimitée dans le temps pourra être pris en compte. Mais il serait contraire au but de l’art. 22c LDA et de la gestion collective obligatoire que la communication en différé des émissions puisse dépendre du consentement des ayants droit (c. 4.3.9). [VS]