« Tarif
A radio (Swissperform) » ; tarifs des sociétés de
gestion, compétence de la CAF, pouvoir de cognition du TAF, pouvoir
de cognition de la CAF, équité du tarif, recettes brutes,
déduction des frais d’acquisition de la publicité,
procédure devant la CAF, gestion économique, webcasting,
simulcasting, streaming, règle du ballet, musique fonction
subordonnée ou d’accompagnement, règle prorata temporis, test des
trois étapes, triple test, augmentation de redevance, vente de
programmes, obligation d’informer les sociétés de gestion;
art. 16 WPPT, art. 13 ADPIC, art. 22c LDA, art. 35 al. 1 LDA, art. 40
LDA, art. 45 al. 1 LDA, art. 47 LDA, art. 51 LDA, art. 59 LDA, art.
60 LDA.
Le
TAF dispose d’un plein pouvoir de cognition et peut aussi examiner
l’équité de la décision tarifaire attaquée. Il fait
toutefois preuve de retenue là où la CAF, en tant qu’autorité
judiciaire spécialisée indépendante, a traité de questions
complexes concernant la gestion collective ou a pesé les intérêts
en présence tout en respectant l’autonomie des sociétés de
gestion. En fin de compte, cela revient à rechercher si la CAF a
excédé son pouvoir d’appréciation ou en a abusé (c. 2.2). Les
tarifs doivent respecter l’ordre juridique instauré par la loi au
sujet des droits exclusifs et des utilisations autorisées, ils ne
peuvent pas instaurer des prérogatives incompatibles avec la loi.
S’agissant de l’équité dans le cadre de l’ordre légal, ils
lient le juge civil et servent de base juridique pour les prétentions
civiles des sociétés de gestion (c. 3.1). Dans le cadre de la
procédure d’approbation tarifaire, la CAF poursuit le but d’un
équilibre objectif des intérêts entre les parties concernées.
Celui-ci s’oriente sur les redevances pratiquées sur le marché et
sert la sécurité juridique. La CAF n’a pas seulement une
compétence d’approbation puisqu’elle peut modifier le tarif sur
la base de l’art. 59 al. 2 LDA. Elle doit de plus examiner à titre
préjudiciel si les droits mentionnés par le tarif existent, et si
les utilisations sont soumises à la surveillance de la
Confédération. Dans l’intérêt des utilisateurs, d’après
l’art. 47 LDA, elle doit aussi faire en sorte que des utilisations
connexes d’un point de vue économique soient si possible réglées
par le même tarif, même si elles relèvent de sociétés de gestion
différentes. Si toutes les associations d’utilisateurs n’ont pas
consenti au tarif, la CAF organise en général une audience.
Toutefois, elle ne doit pas interférer dans l’autonomie tarifaire
des sociétés de gestion plus que ne le nécessite un équilibre
objectif des intérêts entre ayants droit et utilisateurs. Si
plusieurs solutions sont envisageables, la CAF dépasserait ses
compétences en imposant la sienne. Elle examine le projet tarifaire
avec pleine cognition, mais doit respecter une certaine liberté de
disposition des sociétés de gestion et leur autonomie (c. 3.2). Le
webcasting se distingue du simulcasting par le fait qu’il n’y a
pas de transmission d’un signal d’émission par voie terrestre ou
par câble ; la technique du streaming est utilisée. La mise à
disposition n’est pas couverte par l’art. 35 al. 1 LDA, sinon
l’art. 22c LDA n’aurait aucun sens (c. 4.5.3). La transmission de
signaux de programmes par Internet constitue une diffusion ou une
retransmission si elle a lieu de manière linéaire, c’est-à-dire
si l’utilisateur ne peut pas influencer le déroulement du
programme (c. 4.5.4). En l’espèce, le webcasting d’événements
isolés transmis originairement par Internet ne constitue pas un acte
de diffusion : il a lieu de manière non linéaire car les
utilisateurs peuvent choisir le moment de la consultation (c. 4.5.5).
L’art. 60 LDA a pour but de permettre aux ayants droit de
participer proportionnellement aux revenus générés par les biens
protégés, mais il n’empêche pas des différenciations fondées
dans la pondération (c. 5.5.2). Réduire de moitié le taux
tarifaire lorsque les enregistrements musicaux sont utilisés en même
temps qu’une propre prestation rédactionnelle de la SSR
compliquerait l’application du tarif et serait difficilement
praticable. Pour cette raison, une forfaitisation est possible. La
situation n’est pas comparable avec celle du tarif commun H dans
l’arrêt B-1736/2014 du 2 septembre 2015. La concentration
cognitive des utilisateurs ne constitue pas un critère de fixation
de l’indemnité au sens de l’art. 60 LDA (c. 5.5.3). La
formulation « en relation avec la diffusion d’émissions »
utilisée par l’art. 22c LDA ne contient pas de composante
temporelle et doit être comprise de manière fonctionnelle. La
condition peut être réalisée même si l’émission reste
disponible sur Internet pour une longue période, dépassant 7 jours
suivant la première diffusion. Selon l’interprétation
fonctionnelle, la condition de l’art. 22c LDA est réalisée
lorsque la musique est contenue dans une émission et que cette
dernière, et non les morceaux de musique de manière isolée, est
mise à disposition sur Internet (c. 6.6.2). Une limitation
temporelle n’est pas nécessaire pour que l’art. 22c LDA soit
compatible avec le test des trois étapes prévu par les art. 16 al.
2 WPPT et 13 ADPIC (c. 6.6.3 et 6.6.4). Les recettes au sens de
l’art. 60 LDA ne correspondent pas au bénéfice, mais au chiffre
d’affaires c’est-à-dire au revenu brut. Elles font partie des
bases de calcul de la redevance si elles proviennent de l’utilisation
des biens protégés. Elles doivent avoir un rapport direct avec les
utilisations régies par le tarif (c. 7.5.1). Une déduction
forfaitaire sur les recettes brutes est prévue par le tarif commun
S. Par conséquent, une telle déduction dans le tarif A radio ne
représente pas une dérogation à un principe constant ou un
changement de système inutile et injustifié (c. 7.5.2). Cette
réglementation correspond à ce que les parties ont convenu à
l’amiable jusqu’ici et elle apparaît justifiée vu l’abolition
prévue de la possibilité de déduire les frais d’acquisition de
la publicité : il faut en effet éviter les augmentations de
redevances abruptes (c. 7.5.3). Une déduction forfaitaire facilite
en outre l’application du tarif, car elle évite à la SSR de
devoir prouver ses frais d’acquisition et à Swissperform de devoir
les contrôler. Des forfaitisations sont dans une certaine mesure
inévitables en matière tarifaire (c. 7.5.4). Les recettes provenant
de la vente de programmes sans musique ne sont pas dans un rapport
direct avec l’activité de diffusion. En effet, les phonogrammes
disponibles sur le marché ne contribuent pas à ces recettes (c.
8.6.2). D’après la systématique de l’art. 60 LDA, il faut
d’abord déterminer les bases de calcul de la redevance – alinéa
1 – puis ensuite fixer la participation des ayants droit – alinéa
2. Les deux étapes poursuivent toutefois l’objectif d’une
indemnité équitable. Il n’y a pas d’ordre de priorité entre
les deux et le principe de la participation des ayants droit peut
aussi servir à fixer les recettes prises en compte pour calculer la
redevance. Cela ne conduit pas à une double déduction. Les frais
pour déterminer les programmes sans musique devraient rester
raisonnables, si bien que l’art. 45 LDA est respecté (c. 8.6.3).
Le devoir d’information selon l’art. 51 LDA englobe tout ce qui
permet aux sociétés de gestion de connaître les œuvres utilisées
et l’ampleur de l’utilisation. Il n’existe cependant que dans
la mesure du raisonnable. Il faut entendre par là qu’il ne doit
pas occasionner des coûts disproportionnés pour l’utilisateur
d’œuvres (c. 9.6.2). Le tarif prévoit que le code ISRC doit être
annoncé s’il est livré à la SSR en même temps que
l’enregistrement, ou après coup en référence à un
enregistrement donné (c. 9.6.3). Le but de la gestion collective est
notamment un encaissement simple, praticable et prévisible des
redevances, ce qui est aussi dans l’intérêt des utilisateurs.
Pour cette raison, l’interprétation de l’art. 51 al. 1 LDA doit
tenir compte de l’art. 45 al. 1 LDA, qui oblige les sociétés de
gestion à administrer leurs affaires selon les règles d’une
gestion saine et économique. Le code ISRC s’est imposé comme un
standard mondial pour les enregistrements musicaux. Il est juste que
la SSR doive le fournir à Swissperform, lorsqu’elle l’a reçu,
car ce code est nécessaire pour assurer à long terme une gestion
saine et économique. Dans son arrêt 2A.539/1996 du 20 juin 1997, c.
6b, le TF a aussi estimé qu’un tarif pouvait obliger les
utilisateurs à fournir des codes d’identification (c. 9.6.4). Les
coûts pour la SSR paraissent raisonnables (c. 9.6.5). Un tarif peut
contenir des règles sur les obligations d’annonce et sur les
conséquences en cas d’inobservation. L’exécution du devoir
d’information a lieu par la voie civile. Vu l’importance du code
ISRC dans le secteur musical et son rôle pour assurer une gestion
saine et économique, le tarif peut renforcer le devoir d’information
en mettant à la charge de la SSR les frais de recherche démontrés
dus à une violation de son obligation de déclarer le code ISRC (c.
10.5.2). [VS]