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20 août 2012

TF, 20 août 2012, 2C_146/2012 (d)

sic! 1/2013, p. 30-37, « Tarif A Fernsehen» ; medialex 4/2012, p. 230-232 (rés.), « Tarif A Fernsehen » ; gestion collective, décision, approbation des tarifs, tarifs des sociétés de gestion, recours en matière de droit public, interprétation des tarifs, tarif contraignant pour les tribunaux, droits voisins, vidéogramme disponible sur le marché, support disponible sur le marché ; art. 12 CR, art. 2 lit. b WPPT, art. 2 lit. c WPPT, art. 15 WPPT, art. 95 lit. a LTF, art. 35 LDA, art. 60 LDA.

Contre un arrêt du TAF concernant une décision d'approbation d'un tarif par la CAF, c'est le recours en matière de droit public qui est ouvert, même si la décision a interprété une notion de droit civil de la LDA à titre préjudiciel, d'autant qu'il faut aussi trancher dans la procédure tarifaire la question de principe du devoir de payer une rémunération (c. 1). En ce qui concerne les critères de l'art. 60 LDA, la CAF bénéficie d'une certaine liberté d'appréciation en tant qu'autorité spécialisée, que les tribunaux doivent respecter. En revanche, les tarifs ne peuvent pas définir les droits autrement que la loi. L'interprétation de ces tarifs est une question de droit que le TF examine avec pleine cognition sur la base de l'art. 95 lit. a LTF (c. 2.2). La question litigieuse est de savoir si c'est l'enregistrement ou un format déterminé de celui-ci qui doit être disponible sur le marché pour que le droit à rémunération de l'art. 35 LDA trouve application. Ni le texte de cette disposition (c. 3.3), ni les travaux préparatoires (c. 3.4) ne donnent une réponse claire. En cas de doute, on doit admettre que l'art. 35 LDA transpose l'art. 12 CR et l'art. 15 WPPT (c. 3.5.1). Or, l'art. 12 CR prévoit une rémunération pour les phonogrammes publiés à des fins de commerce et pour les reproductions de ceux-ci. Cela pourrait laisser entendre que ce n'est pas le phonogramme concrètement utilisé pour la diffusion qui doit être disponible sur le marché (c. 3.5.2). L'art. 35 LDA va au-delà du droit international, dans la mesure où il prévoit une rémunération non seulement pour les phonogrammes, mais aussi pour les vidéogrammes. Toutefois, comme le législateur a voulu placer ces deux notions sur un pied d'égalité, les dispositions conventionnelles concernant les phonogrammes peuvent aussi être utilisées pour interpréter la notion de vidéogrammes. Or, d'après l'art. 2 lit. b WPPT, un phonogramme est une fixation des sons provenant d'une interprétation ou exécution ou d'autres sons, ou d'une représentation de sons. La fixation est elle-même définie, d'après l'art. 2 lit. c WPPT, comme l'incorporation de sons, ou des représentations de ceux-ci, dans un support qui permette de les percevoir, de les reproduire ou de les communiquer à l'aide d'un dispositif. Cela laisse entendre que la notion de phonogramme concerne la fixation, c'est-à-dire l'enregistrement, et non un format déterminé de celui-ci (c. 3.5.3). D'un point de vue téléologique, l'art. 35 LDA semble avoir pour but de consacrer une redevance là où le prix de vente ne contient pas de rémunération pour les utilisations secondaires du support. Mais l'interprétation de la loi ne peut pas dépendre de la question de savoir si, dans les faits, une rémunération a été convenue contractuellement (c. 3.6.2). C'est plutôt la motivation à la base de la licence légale et de la gestion collective obligatoire qui doit être prise en considération, à savoir assurer une rémunération aux ayants droit aussi simplement que possible, car ils ne sont pas en mesure d'exercer eux-mêmes leurs droits dans les faits. Or, puisque les télévisions n'utilisent pas des formats disponibles sur le marché, rattacher la notion de vidéogrammes à ces formats aurait pour conséquence que les ayants droit devraient exercer individuellement leurs droits, ce qui ne serait guère praticable (c. 3.6.3). En résumé, cette notion concerne donc l'enregistrement lui-même et non le format de celui-ci. [VS]

17 décembre 2012

CAF, 30 novembre et 17 décembre 2012 (d)

« Tarif commun 12 » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun 12, recours obligatoire aux sociétés de gestion, pouvoir de cognition, participation de tiers à la procédure tarifaire, qualification juridique, question préalable, tarif contraignant pour les tribunaux, Commission arbitrale fédérale, moyens de preuve nouveaux, allégué tardif, grief irrecevable, télévision de rattrapage, usage privé, copie privée, triple test, obligation de gérer, vide tarifaire, tarifs complémentaires, droits à rémunération ; art. 32 al. 2 PA, art. 19 al. 1 lit. a LDA, art. 19 al. 2 LDA, art. 19 al. 3 lit. a LDA, art. 20 al. 2 LDA, art. 46 al. 2 LDA, art. 59 al. 2 LDA.

La procédure d'élaboration des tarifs se déroule entre les sociétés de gestion et les associations représentatives des utilisateurs. Dans l'ATF 135 II 172, (c. 2.3.1 ; cf. N 42, vol. 2007-2011), la qualité de partie a été reconnue à des ayants droit parce que les sociétés de gestion voulaient exercer des droits dans des domaines où ces ayants droit étaient actifs jusque-là. En l'espèce, on ne se trouve pas dans la même situation: il s'agit de savoir si une nouvelle utilisation (la télévision de rattrapage), pour laquelle ni les ayants droit ni les sociétés de gestion ne sont encore intervenus, est soumise obligatoirement à la gestion collective (c. 2.2). Les sociétés de gestion ont tenu compte de la volonté de certains ayants droit en excluant la télévision de rattrapage du tarif commun 12. Ces ayants droit ne se trouvent donc pas dans une situation particulière par rapport aux autres ayants droit, si bien que leur participation à la procédure n'apparaît pas comme nécessaire (c. 2.3). Au surplus, la qualification juridique de la télévision de rattrapage est effectuée par la CAF à titre préjudiciel, uniquement pour déterminer sa compétence par rapport au tarif ; cette qualification ne lie pas les tribunaux ordinaires (c. 2.4). D'après l'art. 32 al. 2 LDA des allégués tardifs des parties sont admissibles s'ils paraissent décisifs. En l'espèce, les pièces complémentaires ont été produites avant l'audience, conformément à ce que la CAF a exigé dans des décisions antérieures. Elles sont donc admissibles. Il est toutefois surprenant que le montant des redevances soit critiqué seulement quelques jours avant l'audience, alors qu'il ne l'a pas été durant les négociations ou dans la réponse à la requête des sociétés de gestion. Cela pourrait avoir des conséquences lors de la répartition des frais de la procédure (c. 2.6). La télévision de rattrapage qualifie un service par lequel l'utilisateur donne l'ordre d'enregistrer non pas une œuvre, mais un ou plusieurs programmes de télévision. Les émissions sont ensuite enregistrées dans une mémoire centrale appartenant au prestataire de service. Selon les cas, le consommateur déclenche lui-même le processus de copie ou, pour des raisons techniques, il bénéficie d'un enregistrement réalisé suite à un ordre précédent d'un autre consommateur. Pendant une durée déterminée, le consommateur peut appeler et visionner les émissions figurant dans les programmes enregistrés (c. 4). La télévision de rattrapage relève de la copie privée au sens de l'art. 19 al. 1 lit. a LDA, réalisée grâce à un tiers au sens de l'art. 19 al. 2 LDA. Ce dernier doit payer une redevance d'après l'art. 20 al. 2 LDA. Il importe peu que le consommateur soit lui-même à l'origine du processus de copie ou qu'il bénéficie d'un enregistrement réalisé suite à l'ordre d'un autre consommateur. En revanche, le prestataire de service ne peut pas réaliser les copies à l'avance, sans qu'un consommateur les ait demandées (c. 8). La limite de l'art. 19 al. 3 lit. a LDA n'est pas applicable, car le programme ou l'émission enregistré est une suite d'œuvres ou d'autres éléments de programmes, et pas un exemplaire d'œuvre disponible sur le marché (c. 9). La qualification de copie privée est conforme au triple test prévu par les traités internationaux. En effet, comme la possibilité d'accéder aux émissions est limitée dans le temps, la dérogation au droit exclusif concerne certains cas spéciaux. De plus, la télévision de rattrapage ne porte pas atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre, vu que la vidéo à la demande (VoD), conformément au système des fenêtres d'exploitation, intervient après la période réservée aux cinémas, mais avant que l'œuvre soit diffusée en télévision. En outre, avec la télévision de rattrapage, l'accès à l'œuvre n'est possible que pendant une durée relativement courte. Enfin, les intérêts légitimes des ayants droit sont sauvegardés puisqu'ils bénéficient d'un droit à rémunération. Dans la pesée des intérêts, l'intérêt du public à bénéficier des émissions avec une certaine flexibilité temporelle l'emporte sur celui des ayants droit à la gestion individuelle (c. 11). [VS]

20 juin 2013

AG BS, 20 juin 2013, ZB.2012.54 (d)

« Basel Tattoo » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun Ka, règle du ballet, spectacle, chorégraphie, fanfare, musique (fonction subordonnée ou d’accompagnement), interprétation du contrat, Basel Tattoo, interprétation des tarifs, tarif contraignant pour les tribunaux, cartel, approbation des tarifs ; art. 8 CC, art. 3 al. 2 LCart, art. 2 al. 2 lit. h LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA ; cf. N 607 (Zivilgericht BS, 27 juin 2012, P.2010.238).

Selon la règle dite du ballet, le pourcentage de redevance pour les droits d'auteur sur la musique est réduit de moitié lorsque celle-ci est exécutée en accompagnement d'une autre œuvre ou pour soutenir cette dernière. D'après le tarif commun Ka de SUISA et Swissperform, cette réduction implique que l'autre œuvre soit protégée par le droit d'auteur, et que la musique ait une fonction subordonnée ou d'accompagnement (c. 4.1). Vu l'art. 59 al. 3 LDA, il n'est pas admissible que les tribunaux remettent en cause le caractère équitable de cette réglementation tarifaire. Les prétentions fondées sur la propriété intellectuelle ne sont soumises que de manière limitée à la loi sur les cartels (art. 3 al. 2 LCart.). De même, le besoin de protéger la partie la plus faible, reconnu en droit contractuel, ne vaut pas pour les tarifs de droits d'auteur soumis à une procédure d'approbation officielle compliquée, si bien que les règles d'interprétation des conditions générales contractuelles ne sont pas applicables (c. 4.2). D'après l'art. 8 CC, c'est au débiteur de la redevance de prouver qu'il a droit à la réduction découlant de la règle du ballet (c. 4.3). Pour savoir si cette règle s'applique, ce n'est pas le rôle de la musique par rapport à l'ensemble du spectacle qui est déterminant, mais plutôt sa fonction subordonnée ou d'accompagnement (par rapport à d'autres œuvres protégées) dans chacun des numéros du spectacle (c. 4.4). La prestation du metteur en scène relève normalement des droits voisins, et non du droit d'auteur, si bien qu'elle n'est pas pertinente pour déterminer si la musique a une fonction subordonnée ou d'accompagnement. Au contraire, les mouvements des fanfares, dans un spectacle « Tattoo », peuvent être une chorégraphie au sens de l'art. 2 al. 2 lit. h LDA, même si les fanfares ne dansent pas ; ils peuvent donc entraîner l'application de la règle du ballet. En revanche, en l'espèce, la protection du droit d'auteur ne peut pas être retenue pour l'éclairage et les costumes. Quant aux commentaires du modérateur, même s'ils étaient protégés par le droit d'auteur, ils n'auraient pas une fonction de rang supérieur par rapport à la musique (c. 4.6). En application des critères susmentionnés, la règle du ballet n'est applicable qu'à un nombre limité de numéros figurant dans les spectacles à juger en l'espèce (c. 4.7.3). [VS]

28 novembre 2013

TAF, 28 novembre 2013, B-2429/2013 (d)

« Tarif A Radio (Swissperform) (2013-2016) » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif A Radio, pouvoir de cognition, tarifs contraignants pour les tribunaux, question préalable, équité du tarif, devoir d’informer les sociétés de gestion, obligation d’informer les sociétés de gestion, droits voisins ; art. 51 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA.

Le TAF examine avec une pleine cognition les griefs de violation du droit fédéral, de constatation inexacte ou incomplète des faits et d'inopportunité. Cependant, il fait preuve de retenue là où la CAF, en tant qu'autorité judiciaire indépendante et spécialisée, a tranché des questions complexes concernant la gestion collective ou a respecté l'autonomie tarifaire des sociétés de gestion (c. 2.1). D'après la doctrine et la jurisprudence, les autorités et les tribunaux administratifs peuvent examiner des questions préalables relevant d'autres domaines juridiques si la loi ne l'interdit pas et si les autorités compétentes ne se sont pas encore prononcées (c. 3.1). D'après l'art. 59 al. 3 LDA, les tribunaux civils ne peuvent plus examiner l'équité d'un tarif, c'est-à-dire le niveau de la redevance. En revanche, un tarif ne peut pas prévoir un droit à rémunération incompatible avec des dispositions légales impératives. Il s'ensuit que les tribunaux civils ne sont pas liés par les décisions des autorités tarifaires sur des questions préalables relevant du droit d'auteur matériel (c. 3.2). De telles décisions doivent obligatoirement être prises si elles sont nécessaires pour déterminer l'équité du tarif, mais elles ne peuvent donc pas créer une sécurité juridique absolue. La pratique de la CAF, qui consiste à ne pas trancher les questions préalables de droit matériel non liées à l'équité du tarif, est justifiée. En l'espèce, d'après le tarif, le taux de redevance varie en fonction de la part de phonogrammes diffusés protégés par les droits voisins. La question de savoir jusqu'où s'étend cette protection relève de l'application du tarif, et non de son équité. La CAF n'avait donc pas à l'examiner (c. 3.3 et 3.4). Une disposition concernant l'objet tarifaire ne doit pas figurer dans la partie du tarif qui concerne les redevances (c. 4.2). D'après l'art. 51 al. 1 LDA, tous les renseignements nécessaires à l'application du tarif et à la répartition des redevances doivent être fournis aux sociétés de gestion. Cette obligation n'existe toutefois que dans la limite du raisonnable, par quoi il faut comprendre qu'elle ne doit pas entraîner de frais excessifs pour l'utilisateur. Le devoir d'information est une obligation accessoire découlant de la licence légale, qui peut faire l'objet d'une action civile et d'une redevance complémentaire dans le tarif en cas de violation (c. 5.1.2). Il est inutile de préciser dans ce tarif que le code ISRC (servant à l'identification d'un enregistrement musical) ne doit être communiqué par le diffuseur à la société de gestion que s'il est effectivement remis à ce diffuseur par le fournisseur de l'enregistrement (c. 5.2). L'obligation d'annoncer systématiquement le code ISRC à la société de gestion occasionnerait d'importants coûts pour le diffuseur, car ce dernier serait tenu de veiller continuellement à ce que le code soit intégré dans ses systèmes informatiques. Cette obligation dépasse donc la limite du raisonnable au sens de l'art. 51 LDA (c. 5.3.1). Il n'est pas nécessaire de prévoir dans le tarif une obligation à charge du diffuseur de veiller à ce que ses systèmes informatiques futurs puissent lire le code ISRC, puisque ce diffuseur s'est déjà engagé devant la CAF à agir en ce sens (c. 5.3.3). [VS]

19 mars 2014

TF, 19 mars 2014, 4A_482/2013 (d)

sic! 7-8/2014, p. 448-453, « Gemeinsamer Tarif K / Basel Tattoo » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun K, tarif contraignant pour les tribunaux, motivation du recours, règle du ballet, droit d’être entendu, œuvre, individualité de l’œuvre, œuvre chorégraphique, droits voisins, recueil ; art. 29 al. 2 Cst., art. 42 LTF, art. 106 al. 2 LTF, art. 2 al. 2 lit. h LDA, art. 4 LDA, art. 34 al. 3 LDA, art. 59 al. 3 LDA, art. 60 LDA.

Le TF n’est lié ni par l’argumentation du recourant, ni par celle de l’autorité de première instance. Cependant, vu l’obligation de motiver le recours (art. 42 al. 1 et 2 LTF), le TF ne traite en principe que des griefs allégués, sauf si d’autres lacunes juridiques sont évidentes. En matière de violation des droits fondamentaux et de violation du droit cantonal ou intercantonal, il existe un devoir de motivation qualifié : le grief doit être invoqué et motivé précisément (art. 106 al. 2 LTF). Par exemple, il ne suffit pas de prétendre que la décision attaquée est arbitraire. Il faut montrer dans les détails pourquoi elle est manifestement insoutenable (c. 1.3). D’après l’art. 59 al. 3 LDA, les tarifs lient le juge lorsqu’ils sont en vigueur. Cette disposition sert la sécurité du droit : le juge civil ne doit pas à nouveau examiner l’équité d’un tarif puisque cette question est traitée dans le cadre de la procédure administrative d’approbation de ce tarif. Toutefois, le juge civil peut et doit vérifier que les sociétés de gestion, sur la base d’un tarif, ne font pas valoir de droits à rémunération incompatibles avec les dispositions impératives de la loi, en particulier lorsque l’utilisation est libre d’après la LDA (c. 2.2.1). Les critères de l’art. 60 LDA servent à la fixation des redevances tarifaires et à leur contrôle par les autorités judiciaires administratives, mais ils ne donnent pas un droit individuel à ce que les rémunérations dues sur la base des tarifs correspondent à ces critères dans chaque cas. La compatibilité avec l’art. 60 al. 1 lit. c LDA des conditions tarifaires d’octroi d’une réduction de la redevance (fondée sur l’exécution simultanée d’autres prestations en application de la règle du ballet) est une question qui relève exclusivement de la procédure administrative d’approbation du tarif. Elle ne peut pas être réexaminée par le juge civil (c. 2.2.2). La règle du ballet a pour but de tenir compte de l’existence dans le spectacle d’autres œuvres protégées par le droit d’auteur, dont les droits ne sont pas gérés collectivement. Il s’agit de faire de la place pour ces autres œuvres. S’il n’y a pas d’autres ayants droit protégés par le droit d’auteur, la règle du ballet ne doit pas être appliquée. Il convient d’interpréter le chiffre 15 de l’ancien tarif K dans ce sens (c. 2.2.3). Le droit d’être entendu implique que l’autorité motive ses décisions, mais pas qu’elle traite en détail et contredisent tous les arguments des parties. Il suffit que la décision puisse être attaquée de manière appropriée (c. 3.1). Le caractère individuel d’une œuvre n’implique pas une originalité dans le sens que l’œuvre devrait porter l’empreinte personnelle de son auteur. Le caractère individuel doit provenir de l’œuvre elle-même. Il n’est pas contesté que les différents numéros du « Basel Tattoo » 2007 et 2009 puissent être des œuvres chorégraphiques au sens de l’art. 2 al. 2 lit. h LDA. En revanche, il n’est pas démontré que les spectacles dans leur ensemble aient le caractère individuel nécessaire pour être protégés (c. 3.2.2). De même, il n’est pas démontré que ces spectacles soient des recueils au sens de l’art. 4 LDA, ce qui impliquerait qu’ils aient une certaine unité en raison du choix et de la disposition du contenu. Du reste, dans ce cas, l’élément protégé serait l’agencement des différentes parties, ce qui n’entrainerait pas l’application de la règle du ballet vu l’exigence de simultanéité entre la musique et l’autre prestation protégée (c. 3.2.3). La prestation du metteur en scène relève des droits voisins (cf. art. 34 al. 3 LDA) et il n’est pas prouvé qu’elle soit aussi protégée par le droit d’auteur (c. 3.2.4). Par conséquent, il est juste d’examiner pour chaque numéro du spectacle si les conditions d’application de la règle du ballet sont réalisées. Pour décider si la musique a un rôle subordonné, la durée de celle-ci dans le spectacle n’est pas déterminante puisque le chiffre 14 du tarif tient déjà compte de la règle pro rata temporis (c. 3.3). Les mouvements de fanfares militaires relèvent fréquemment de la tradition et paraissent fortement répondre à des normes préétablies. On ne peut donc pas partir du principe que la protection du droit d’auteur soit donnée facilement (c. 4.1.2). [VS]

Cst. (RS 101)

- Art. 29

-- al. 2

LDA (RS 231.1)

- Art. 34

-- al. 3

- Art. 4

- Art. 59

-- al. 3

- Art. 60

- Art. 2

-- al. 2 lit. h

LTF (RS 173.110)

- Art. 106

-- al. 2

- Art. 42

09 octobre 2014

TF, 9 octobre 2014, 2C_53/2014 (d)

ATF 140 II 483 ; sic! 2/2015, p. 89-92, « Tarif A Radio (Swissperform II) [2013-2016] », JdT 2015 II 206 ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif A télévision, tarif contraignant pour les tribunaux, recours en matière de droit public, question préalable, autonomie des sociétés de gestion, qualité pour agir des sociétés de gestion ; art. 82 lit. a LTF, art. 86 al. 1 lit. a LTF, art. 90 LTF, art. 35 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA.

Contre une décision du TAF concernant l’approbation d’un tarif par la CAF, c’est le recours en matière de droit public qui est ouvert (c. 1.1). La question de savoir si un tarif permet ou non de calculer la redevance dans une situation donnée (en l’espèce l’existence de plusieurs canaux de distribution pour le même programme) relève de l’interprétation de ce tarif. Il s’agit donc d’une question de droit et non de fait (c. 3). D’après l’art. 59 al. 3 LDA, les tarifs lient le juge lorsqu’ils sont en vigueur. Cette disposition sert la sécurité du droit: le juge civil ne doit pas à nouveau examiner l’équité d’un tarif puisque cette question est traitée dans le cadre de la procédure administrative d’approbation de ce tarif. Toutefois, le juge civil peut et doit vérifier que les sociétés de gestion, sur la base d’un tarif, ne font pas valoir de droits à rémunération incompatibles avec les dispositions impératives de la loi. De plus, l’application et l’interprétation d’un tarif approuvé dans un cas concret sont des questions juridiques qui relèvent de la compétence des tribunaux civils (c. 5.2). Les autorités d’approbation tarifaire doivent éclaircir les questions juridiques qui ont une influence sur le champ d’application du tarif (c. 6.2). Lorsque la gestion collective obligatoire est prévue, ce sont les sociétés de gestion qui peuvent faire valoir les actions civiles prévues par la LDA (gesetzliche Prozessstandschaft). Elles peuvent aussi demander par la voie civile le paiement des simples droits à rémunération, quand bien même l’action n’est pas directement prévue par la LDA. La créance se base alors sur le tarif. Il en découle que les sociétés de gestion, dans les domaines surveillés par la Confédération, ne peuvent faire valoir des redevances que s’il existe un tarif. Mais, à l’inverse, l’inexistence d’un tarif valable ne signifie pas que les rémunérations prévues par la loi ne seraient pas dues (c. 6.4). Dans une affaire antérieure, la recourante avait intenté une action en constatation pour éclaircir la question de savoir si certains actes étaient couverts par l’art. 35 LDA. Le TF avait alors nié l’existence d’un intérêt digne de protection, au motif que la question devait être éclaircie dans le cadre de la procédure d’approbation du tarif (c. 6.6). Dans l’intérêt de la sécurité juridique, les autorités tarifaires doivent examiner à quels droits s’applique le tarif et, en cas de contestation à ce sujet, quels sont les droits qui existent; cela même si la question n’influe pas sur l’équité du tarif. Le fait que cette question puisse aussi être examinée par les tribunaux civils n’y change rien. Le tarif n’est certes pas contraignant pour les tribunaux civils s’agissant des aspects de droit matériel. Mais si l’affaire est portée jusqu’au TF, celui-ci pourra coordonner sa décision sur les questions matérielles avec la Iiere Cour de droit civil, ce qui assurera la sécurité du droit au plus haut niveau et réduira le nombre de procès civils (c. 6.6 et 6.7). Si plusieurs solutions tarifaires sont équitables, il n’appartient pas à la CAF de restreindre l’autonomie tarifaire des sociétés de gestion et le pouvoir de négociation des partenaires tarifaires en imposant la solution qui lui paraît appropriée (c. 7.3). Un tarif n’est pas inéquitable du seul fait qu’il contient des clauses non contestées, qui peuvent ne pas être absolument nécessaires. En effet, de telles clauses peuvent éclairer le lecteur qui ne connaît pas la loi suisse ou la jurisprudence fédérale (c. 7.4). La détermination dans le tarif des conditions de protection d’un phonogramme en Suisse, litigieuses entre les parties, n’est pas une question d’application du tarif, mais plutôt une question juridique abstraite sur l’étendue de la protection qui doit être tranchée par les autorités tarifaires même si elle pourrait aussi être éclaircie par les tribunaux civils (c. 8.4). Une clause tarifaire destinée à être appliquée uniquement si le point de vue juridique de la société de gestion est confirmé ne doit pas être biffée. En effet une telle clause est nécessaire pour que la société de gestion puisse exercer les droits, à supposer que son point de vue juridique soit fondé (c. 9.2). [VS]

30 mars 2015

TAF, 30 mars 2015, B-1298/2014 (d)

« Tarif A Fernsehen (Swissperform) » ;  gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif A télévision, tarif contraignant pour les tribunaux, tarifs séparés, question préalable, pouvoir d’appréciation, pouvoir de cognition, autonomie des sociétés de gestion, synchronisation, droits voisins, phonogramme disponible sur le marché, vidéogramme disponible sur le marché, support disponible sur le marché, reproduction à des fins de diffusion, droit à rémunération, intégrité de l’œuvre, œuvre musicale non théâtrale, films musicaux ; art. 11 LDA, art. 22c LDA, art. 24b LDA, art. 35 LDA, art. 38 LDA, art. 46 LDA, art. 47 LDA, art. 59 LDA ; cf. N 608 (vol. 2012-2013 ; TF, 20 août 2012, 2C_146/2012 ; sic! 1/2013, p. 30-37, « Tarif A Fernsehen ») et N 800 (TF, 4 juin 2015, 2C_394/2015 ; sic! 10/2015, p. 603-605, « Tarif A Fernsehen II (Swissperform) »).

Lorsque la gestion des droits est soumise à la surveillance de la Confédération, les sociétés de gestion ne peuvent exercer ces droits que sur la base de tarifs valables. Ces derniers doivent certes respecter la réglementation légale des droits exclusifs et des utilisations autorisées et ils ne peuvent pas instaurer de prérogatives incompatibles avec la loi. Mais ils lient le juge en ce qui concerne leur caractère équitable et fondent les prétentions civiles des sociétés de gestion. Grâce à des tarifs formulés en termes généraux et approuvés par l’autorité, la gestion collective doit résoudre les difficultés pratiques qu’occasionnent le recensement et le contrôle des utilisations massives (c. 2.1). Lorsqu’elle vérifie l’équité d’un tarif, la CAF poursuit l’objectif d’un équilibre approprié des intérêts des ayants droit et des utilisateurs, qui doit aussi servir la sécurité juridique, et elle s’appuie sur le critère d’une rémunération conforme au marché. Elle doit en particulier examiner à titre préjudiciel l’existence des droits couverts par le tarif et l’assujettissement au contrôle fédéral des utilisations qu’il vise. Elle doit faire en sorte que des utilisations connexes d’un point de vue économique soient si possible réglées par le même tarif, même si elles relèvent de la compétence de sociétés de gestion différentes. La CAF ne doit cependant pas interférer dans l’autonomie tarifaire des sociétés de gestion plus que le nécessite un équilibre approprié des intérêts entre ayants droit et utilisateurs. Si plusieurs solutions sont possibles, elle ne peut pas imposer la sienne contre la volonté des sociétés de gestion. Elle dispose d’un plein pouvoir d’examen, mais doit respecter une certaine liberté de disposition et l’autonomie des sociétés de gestion (c. 2.2). Le TAF examine l’affaire avec une pleine cognition. Cependant, il fait preuve de retenue là où la CAF, en tant qu’autorité judiciaire indépendante et spécialisée, a tranché des questions complexes concernant la gestion collective ou a pesé les intérêts en présence en respectant l’autonomie tarifaire des sociétés de gestion. Cela revient à ne sanctionner que les excès ou les abus du pouvoir d’appréciation de la CAF (c. 2.3). La synchronisation va au-delà de l’intégration d’un phonogramme dans un vidéogramme: elle implique une interaction coordonnée dans le temps entre le son et l’image (c. 3.3) et la création d’un arrangement ou d’une œuvre dérivée, de même que l’enregistrement d’un phonogramme dans un vidéogramme. Elle n’est pas couverte par l’art. 35 LDA (c. 3.4). L’art. 35 LDA doit permettre d’indemniser les ayants droit pour les utilisations secondaires du support disponible sur le marché, qui ne sont pas comprises dans le prix d’achat de ce support. Comme la synchronisation n’est ni visée par l’art. 35 LDA, ni comprise dans le prix d’achat du support, elle doit être autorisée par les ayants droit (c. 4.1). L’art. 24b LDA n’y change rien, puisqu’il réserve l’art. 11 LDA. Cette réserve concerne aussi les droits voisins, étant donné le renvoi de l’art. 38 LDA. Vu la théorie de la finalité, l’accord des ayants droit englobe toutes les copies qui sont nécessaires pour la synchronisation. Par conséquent, celles-ci ne doivent pas être couvertes par le tarif, d’autant plus qu’elles ne sont pas visées par l’art. 24b LDA (c. 4.2). Le TF a estimé contraire à la volonté du législateur qu’un phonogramme intégré dans un vidéogramme soit exclu du droit à rémunération, cela aussi lorsque le vidéogramme n’est pas disponible sur le marché (cf. N 608, vol. 2012-2013) (c. 5). La demande d’enregistrements sonores synchronisés à des fins de diffusion dans des propres productions du diffuseur est en augmentation (c. 6.2). Les art. 24b et 35 LDA instaurent la gestion collective pour des raisons pratiques, les ayants droit n’étant plus en mesure de faire valoir leurs droits individuellement. Pour ces ayants droit, licencier la diffusion de leurs enregistrements en même temps que leur synchronisation pourrait être difficile, car la réalité et la fréquence de la diffusion ne sont pas forcément connues au moment où la synchronisation est autorisée. Pour cette raison, la gestion collective prévue par les art. 35 et 24b LDA s’impose (c. 6.3). Il est donc juste, comme le veut la recourante, que le tarif A Télévision englobe aussi la diffusion de phonogrammes du commerce synchronisés dans des propres productions du diffuseur. L’affaire doit ainsi être renvoyée à la CAF pour qu’elle examine l’équité de la redevance compte tenu de cette constatation juridique (c. 6.4). Les vidéos musicales, les vidéoclips et les films musicaux sont disponibles sur le marché en tant que tels et ne tombent pas sous le coup de la notion de musique de film ayant fait l’objet de l’arrêt du TF 2A_288/2002 du 24 mars 2003. Les films d’opéras, de danse, de concerts ou de comédies musicales sont des films musicaux et leur diffusion relève traditionnellement des grands droits. Dans un film musical, l’image suit la musique (d’un point de vue dramaturgique) et la souligne d’une manière théâtrale (c. 7.2). Pour cette raison, les art. 22c et 24b LDA ne s’appliquent pas aux films musicaux (c. 7.3). [VS]

30 juin 2015

TF, 30 juin 2015, 4A_203/2015 (d)

sic! 11/2015, p. 639-640, « Vergütung für die Vervielfältigung in Netzwerken » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif contraignant pour les tribunaux, recours en matière civile, valeur litigieuse, obligation d’alléguer, motivation du recours, droit d’être entendu, sécurité du droit, interprétation des tarifs, usage privé, ProLitteris, réseau numérique, copie analogique, copie numérique ; art. 29 al. 2 Cst., art. 42 LTF, art. 74 al. 2 lit. b LTF, art. 106 LTF, art. 19 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA, art. 55 CPC, art. 58 CPC.

Contre une décision d’un tribunal civil cantonal concernant l’application d’un tarif, le recours en matière civile est recevable, indépendamment de la valeur litigieuse d’après l’art. 74 al. 2 lit. b LTF (c. 1.1). Le TF applique le droit d’office (art. 106 al. 1 LTF). Il n’est donc lié ni par l’argumentation du recourant, ni par celle de l’autorité de première instance. Cependant, vu l’obligation de motiver le recours (art. 42 al. 1 et al. 2 LTF), le TF ne traite en principe que des griefs allégués, sauf si d’autres lacunes juridiques sont évidentes. Il n’est pas tenu d’examiner toutes les questions juridiques abordées en première instance, si celles-ci ne lui sont plus soumises. En matière de violation des droits fondamentaux et de violation du droit cantonal ou intercantonal, il existe un devoir de motivation qualifié: le grief doit être invoqué et motivé précisément conformément à l’art. 106 al. 2 LTF (c. 1.2). En l’espèce, le grief de violation du droit d’être entendu est manifestement infondé : le recourant reproche plutôt à l’autorité précédente de ne pas avoir suivi son point de vue juridique (c. 2). D’après l’art. 59 al. 3 LDA, les tarifs lient le juge lorsqu’ils sont en vigueur. Cette disposition sert la sécurité du droit: le juge civil ne doit pas à nouveau examiner l’équité d’un tarif puisque cette question est traitée dans le cadre de la procédure administrative d’approbation de ce tarif. Toutefois, le juge civil peut et doit vérifier que les sociétés de gestion, sur la base d’un tarif, ne font pas valoir de droits à rémunération incompatibles avec les dispositions impératives de la loi, en particulier lorsque l’utilisation est libre d’après la LDA. Au surplus l’application et l’interprétation d’un tarif dans un cas particulier sont des questions juridiques du ressort des tribunaux civils (c. 3.3). La réglementation concernant l’usage privé, comme toute la LDA, est technologiquement neutre. Elle vaut pour les copies effectuées sur une base analogique comme pour les copies numériques (c. 3.4.1). Pour cette raison, les principes de l’ATF 125 III 141 concernant les photocopies sont aussi applicables aux reproductions réalisées sur l’intranet d’une entreprise. Dans cet arrêt le TF a estimé admissible qu’une redevance soit forfaitaire et qu’elle soit due indépendamment du fait qu’une œuvre soit on non reproduite. Cela peut certes s’avérer insatisfaisant dans des cas particuliers, mais est inévitable dans le domaine des utilisations massives incontrôlables. La simple possibilité de reproduire une œuvre dans le cadre de la licence légale de l’art. 19 al. 1 lit. c LDA suffit donc à justifier la redevance (c. 3.4.2). Le projet de révision de la LDA du 15 septembre 2004 prévoyait une redevance sur les appareils, ainsi qu’une exonération pour les petites et moyennes entreprises qui ne reproduisent qu’accessoirement des œuvres à des fins d’information interne ou de documentation. Le législateur a cependant renoncé à une telle réglementation, cela à une époque (2007) où l’environnement numérique existait déjà. Le recourant doit donc s’acquitter de la redevance tarifaire, même s’il se peut qu’il n’utilise pas son réseau numérique pour des actes de copie. Les art. 55 et 58 CPC n’impliquent pas que ProLitteris allègue les différents actes de reproduction du recourant (c. 3.4.3). [VS]

13 décembre 2017

TF, 13 décembre 2017, 2C_685/2016, 2C_806/2016 (d)

« Tarif commun 3a complémentaire » ; jonction de causes, motivation du recours, décision incidente, tarifs des sociétés de gestion, tarifs complémentaires, divertissement de fond ou d’ambiance, test des trois étapes, triple test, usage privé, équité du tarif, tarif contraignant pour les tribunaux, cognition de la CAF, pouvoir de cognition de la CAF, pouvoir de cognition du TAF, pouvoir de cognition du TF, effet rétroactif, effet suspensif; art. 11bis CB, art. 8 WCT, art. 6 WPPT, art. 8 Cst, art. 42 LTF, art. 71 LTF, art. 93 al. 3 LTF, art. 95 LTF, art. 97 LTF, art. 105 LTF, art. 106 LTF, art. 107 al. 2 LTF, art. 10 al. 2 lit. e LDA, art. 10 al. 2 lit. f LDA, art. 19 al. 1 lit. a LDA, art. 22 LDA, art. 46 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA, art. 83 al. 2 LDA, art. 24 PCF ; N 797 (CAF, 2 mars 2015)

Les recours concernent le même jugement, ils contiennent pour l’essentiel les mêmes conclusions et ils soulèvent des questions juridiques identiques. Il se justifie donc de joindre les procédures (c. 1.1). Contre une décision du TAF concernant l’approbation d’un tarif par la CAF, c’est le recours en matière de droit public qui est ouvert (c. 1.2). Le TF revoit l’interprétation du droit fédéral et des traités internationaux avec un plein pouvoir de cognition. Il base sa décision sur l’état de fait constaté par l’autorité inférieure, mais il peut le rectifier ou le compléter s’il apparaît manifestement inexact ou s’il a été établi en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (c. 1.3). Le TF applique le droit d’office et n’est pas lié par les arguments des parties ou par les considérants de la décision attaquée (c. 1.4). Les motifs du recours doivent exposer succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit. Cela implique que le recourant doit se pencher au moins brièvement sur ses considérants. En matière de violation des droits fondamentaux et de violation du droit cantonal ou intercantonal, il existe un devoir de motivation qualifié : le grief doit être invoqué et motivé précisément d’après l’art. 106 al. 2 LTF (c. 1.5). Les tarifs approuvés et entrés en force sont contraignants pour les tribunaux. Toutefois, un tarif ne peut pas prévoir de redevance pour une utilisation libre d’après la LDA. En cas de litige, il appartient au juge civil de décider de ce qui est couvert ou non par le droit d’auteur. L’approbation d’un tarif par la CAF ne peut pas créer des droits à rémunération qui ne découlent pas de la loi. A l’inverse, une redevance prévue par la loi ne peut pas être exercée s’il n’existe pas un tarif valable et approuvé. Les tarifs des sociétés de gestion sont donc soumis à un double contrôle complémentaire, d’une part par la CAF et d’autre part par les tribunaux civils (c. 2.2). Si une partie veut attaquer une décision incidente avec la décision finale, elle doit prendre une conclusion spéciale à cet effet, la motiver et expliquer en quoi la décision incidente influe sur la décision finale. Ces exigences sont implicitement respectées en l’espèce (c. 2.2). Lorsqu’un hôtel reçoit des programmes de radio et de télévision grâce à sa propre antenne et les diffuse dans les chambres, il y a un acte de retransmission au sens de l’art. 10 al. 2 lit. e LDA et non de « faire voir ou entendre » au sens de l’art. 10 al. 2 lit. f LDA, car il y a une nouvelle restitution à un cercle indéterminé de destinataires (c. 5.1). Il paraît douteux que l’exception de l’art. 22 al. 2 LDA puisse s’appliquer, vu le texte de la disposition («destinées à un petit nombre d’usagers ») et vu que le législateur voulait avant tout éviter la multiplication d’antennes sur le toit des maisons (c. 5.2.3). Il faut aussi prendre en compte le droit international, qui a évolué depuis 1993, en particulier le test des trois étapes prévu par la CB et les accords ADPIC, et les droits des art. 11bis CB, 8 WCT et 6 WPPT (c. 5.2.4). La CJUE a estimé, dans son arrêt du 7 décembre 2006 C-306/05, que les art. 11bis al. 1 chiffre 2 et 3 CB et 8 WCT s’opposaient à ce que la diffusion d’émissions dans des chambres d’hôtel soit libre sous l’angle du droit d’auteur. Cette décision n’est certes pas contraignante pour les tribunaux suisses, mais elle peut servir à l’interprétation de dispositions juridiques peu claires. Et le TF a déjà reconnu que l’idée d’une harmonisation avec le droit européen avait inspiré le droit d’auteur suisse (c. 5.2.5). Au vu de ce qui précède et des critiques de la doctrine, il faut admettre que la retransmission d’œuvres dans des chambres d’hôtel est une communication publique au sens de l’art. 11bis al. 1 CB, en partie au contraire de ce qui avait été retenu par l’ATF 119 II 51. L’art. 22 al. 2 LDA n’est donc pas applicable (c. 5.2.6). Un but lucratif est incompatible avec l’exception d’usage privé au sens de l’art. 19  al. 1 lit. a LDA. En cas de retransmission d’émissions dans des chambres d’hôtel, l’utilisation d’œuvres est réalisée par l’hôtelier et pas par le client de celui-ci. Cela résulte déjà du fait que les actes d’utilisation de l’art. 10 al. 2 lit. a à f se situent en amont de la jouissance de l’œuvre (c. 5.3.2). La « convergence des technologies » n’y change rien : l’obligation de payer des redevances dépend de l’ampleur de l’infrastructure mise à la disposition du client (c. 5.3.3). En cas de recours au TF, les griefs doivent porter sur les considérants de l’arrêt du TAF, pas sur ceux de la décision de la CAF (c. 6.1). L’industrie de l’électronique qui loue des appareils de réception n’est pas dans la même situation que l’hôtelier : il n’y a donc pas de violation de l’égalité de traitement si elle ne doit pas payer de redevance de droit d’auteur (c. 6.3). La redevance de réception selon la LRTV ne couvre pas les droits d’auteur et les droits voisins : elle profite à d’autres ayants droit et elle relève du droit public, alors que l’indemnité tarifaire relève du droit privé (c. 6.4). Les critères de l’art. 60 LDA sont contraignants pour la CAF et ils ne représentent pas seulement des lignes directrices pour l’exercice de son pouvoir d’appréciation. Ils sont des notions juridiques indéterminées, dont le TF revoit l’interprétation et l’application. Toutefois, ce dernier fait preuve d’une certaine retenue dans le contrôle des décisions prises par des autorités spécialisées, lorsque des aspects techniques particuliers sont en discussion. Cette retenue vaut aussi pour le TAF, malgré sa cognition illimitée selon l’art. 49 PA (c. 7.2.1). Comme la CAF est une autorité spécialisée, le TAF doit respecter son pouvoir d’appréciation dans l’application des critères de l’art. 60 LDA, ce qui revient finalement à ne sanctionner que les abus ou les excès (c. 7.2.2). En l’espèce le TAF s’est tenu à juste titre à ces exigences (c. 7.2.3). En ce qui concerne l’entrée en vigueur d’un tarif, il faut s’en tenir en principe à l’interdiction d’un effet rétroactif. Pour éviter d’autres retards, le TF peut renoncer à renvoyer l’affaire à la CAF et trancher lui-même la question de l’entrée en vigueur et de la durée de validité du tarif, en application de l’art. 107 al. 2 LTF (c. 8.3). La jurisprudence distingue entre la rétroactivité véritable et la rétroactivité impropre. Dans le premier cas, un acte applique le nouveau droit à un état de fait révolu au moment de son entrée en vigueur. Pour que cette rétroactivité proprement dite soit admissible, il faut qu’elle soit expressément prévue par la loi ou qu’elle en résulte clairement, qu'elle soit raisonnablement limitée dans le temps, qu'elle ne conduise pas à des inégalités choquantes, qu'elle réponde à un intérêt public digne de protection et, enfin, qu'elle respecte les droits acquis. En cas de rétroactivité improprement dite, la nouvelle règle s'applique à un état de fait durable, qui a débuté sous l’ancien droit mais qui n’est pas entièrement révolu au moment de l’entrée en vigueur du nouveau droit. La rétroactivité impropre est en principe admise si elle ne porte pas atteinte à des droits acquis. En ce qui concerne l’exigence de la limitation dans le temps, un effet rétroactif d’une année a déjà été admis. Cette exigence découle du principe de la proportionnalité, et avant tout de ce qui est raisonnable. Lorsque la rétroactivité favorise certaines personnes et en désavantage d’autres, comme en l’espèce, les conditions susmentionnées doivent être remplies (c. 8.4). Une entrée en vigueur rétroactive d’un tarif n’est pas exclue, mais elle doit être limitée dans le temps (c. 8.5.1). En l’espèce, la CAF a admis un effet rétroactif de deux ans et deux mois, ce qui est excessif. Les recourantes devaient certes s’attendre à l’introduction du tarif, mais on ne peut pas leur reprocher d’avoir retardé la procédure de manière inconvenante (c. 8.5.3). Une si longue rétroactivité poserait aussi des problèmes pratiques et soulèverait des questions d’égalité de traitement, par exemple lorsque des hôtels ont cessé leur activité ou ont changé de propriétaires (c. 8.5.4). La question de l’effet rétroactif doit cependant être distinguée de celle de la liquidation de l’effet suspensif ordonné suite aux recours (c. 8.6). En principe, l’effet suspensif ne doit pas favoriser matériellement la partie qui succombe au détriment de la partie qui l’emporte (c. 8.6.1). Lorsque le recours est rejeté ou qu’il est irrecevable, l’effet suspensif tombe et un examen du cas particulier conduit en général à admettre que la décision attaquée entre en vigueur avec effet au moment où elle a été rendue, pour ne pas favoriser indûment le recourant (c. 8.6.2). En l’espèce, l’effet suspensif n’avait été ordonné que partiellement et les redevances litigieuses sont perçues depuis le 8 juillet 2015. Il ne paraît pas justifié que le tarif entre en vigueur le 2 mars 2015, soit à la date de la décision de la CAF (c. 8.6.3). Pour les raisons pratiques et juridiques déjà évoquées en relation avec la rétroactivité, il se justifie que le tarif entre en vigueur au 8 juillet 2015. Cela permet aussi d’accorder un délai d’introduction aux recourantes, ce qui se justifie vu la longueur de la procédure qui ne leur est pas imputable (c. 8.6.4). [VS]

CB (RS 0.231.15)

- Art. 11bis

Cst. (RS 101)

- Art. 8

LDA (RS 231.1)

- Art. 83

-- al. 2

- Art. 59

- Art. 22

- Art. 60

- Art. 46

- Art. 19

-- al. 1 lit. a

- Art. 10

-- al. 2 lit. e

-- al. 2 lit. f

LTF (RS 173.110)

- Art. 71

- Art. 93

-- al. 3

- Art. 106

- Art. 107

-- al. 2

- Art. 42

- Art. 95

- Art. 105

- Art. 97

PCF (RS 273)

- Art. 24

WCT (RS 0.231.151)

- Art. 8

WPPT (RS 0.231.171.1)

- Art. 6

21 février 2018

TF, 21 février 2018, 4A_549/2017 (f)

« Gestion économique » ; instance cantonale unique, compétence matérielle, commission arbitrale fédérale, tribunal civil, recours en matière civile, recours en matière de droit public, tarifs des sociétés de gestion, tarif contraignant pour les tribunaux, gestion collective, gestion économique, société de gestion ; art. 42 al. 2 LTF, art. 74 al. 2 lit. b LTF, art. 75 al. 2 lit. a LTF, art. 45 al. 1 LDA, art. 46 LDA, art. 53 al. 1 LDA, art. 55 LDA, art. 59 al. 3 LDA, art. 74 al. 1 LDA.

Lorsque le droit fédéral prévoit une instance cantonale unique, le recours en matière civile est recevable quelle que soit la valeur litigieuse selon l’art. 74 al. 2 lit. b LTF ; de plus, le tribunal supérieur n’a pas à statuer sur recours d’après l’art. 75 al. 2 lit. a LTF (c. 1.2). En cas de recours en matière civile, le TF n’est pas lié par l’argumentation des parties et il apprécie librement la portée juridique des faits, mais il s’en tient d’ordinaire aux questions juridiques que la partie recourante a soulevées (c. 1.3). Une fois entrés en force, les tarifs d’une société de gestion lient le juge en vertu de l’art. 59 al. 3 LDA, si bien que les autorités civiles ne sont pas compétentes pour revoir la décision de la CAF sur le caractère équitable du tarif. Celle-ci peut faire l’objet d’un recours au TAF, puis d’un recours en matière de droit public au TF (c. 2.3.1). La gestion économique des sociétés selon l’art. 45 al. 1 LDA implique des tarifs forfaitaires et une répartition des redevances simplifiée. Elle contraint les sociétés à faire l’impossible pour comprimer les frais administratif. L’IPI veille au respect de cette obligation, qui ne peut pas non plus être contrôlée par le juge civil. Les décisions de l’IPI à ce sujet doivent faire l’objet d’un recours au TAF, puis d’un recours en matière de droit public au TF (c. 2.3.2). En revanche, le juge civil peut vérifier qu’un tarif approuvé ne contrevienne pas à des règles légales impératives, en particulier qu’il ne prévoit pas de redevances pour des activités non soumises à rémunération selon la loi. La décision est alors susceptible de recours en matière civile au TF (c. 2.3.3). En l’espèce, le recourant est débiteur d’une redevance en contrepartie de son exploitation d’une photocopieuse et d’un réseau informatique. Il ne supporte pas une participation aux frais de fonctionnement de la société de gestion. Cette participation et son calcul ne concernent que les membres de la société. En reprochant à cette dernière de ne pas administrer ses affaires selon les règles d’une gestion saine et économique, le recourant soulève une question relevant de la compétence exclusive de l’IPI, qui ne peut pas être examinée par l’autorité judiciaire civile (c. 2.4). [VS]

LDA (RS 231.1)

- Art. 55

- Art. 59

-- al. 3

- Art. 74

-- al. 1

- Art. 53

-- al. 1

- Art. 45

-- al. 1

- Art. 46

LTF (RS 173.110)

- Art. 75

-- al. 2 lit. a

- Art. 42

-- al. 2

- Art. 74

-- al. 2 lit. b

04 juin 2019

Cour suprême du canton de Berne, Tribunal de commerce, 4 juin 2019, HG 18 92 (d)

« Quote-part du produit de la redevance » ; instance cantonale unique, tarifs des sociétés de gestion, équité du tarif, tarif contraignant pour les tribunaux, quote-part du produit de la redevance ; art. 59 al. 3 LDA, art. 60 LDA, art. 5 al. 1 lit. a CPC, art. 59 CPC, art. 40 LRTV.

Les litiges contractuels qui portent sur l’inexécution ou la mauvaise exécution d’un contrat licence relatif à un bien immatériel relèvent de la compétence de l’instance cantonale unique au sens de l’art. 5 al. 1 lit. a CPC (c. 16.2). L’allégation qu’un tarif viole une norme légale impérative supérieure relève du fond et ne concerne pas une condition de recevabilité de l’action au sens de l’art. 59 CPC (c. 17). D’après l’art. 59 al. 3 LDA, le juge civil ne peut pas vérifier une nouvelle fois l’équité d’un tarif, mais il doit contrôler qu’un tel tarif ne prévoit aucun droit à rémunération contraire à la loi dans le cas particulier (c. 23.1 et 23.2). En l’espèce, il convient de vérifier si le tarif commun S est compatible avec la LDA, la LRTV et la LSu (c. 24). En ce qui concerne la LDA, le TF et la doctrine admettent que les subventions servant à couvrir les coûts ou un déficit sont des recettes au sens de l’art. 60 al. 1 lit. a LDA (c. 25.1 et 25.2). Selon le TF, il en va de même de la quote-part du produit de la redevance selon l’aLRTV et des autres aides financières de la Confédération dont bénéficient les diffuseurs privés (c. 25.3). Par un arrêt plus récent, le TF a aussi confirmé que les économies permises par le sponsoring privé et les subventions publiques étaient des recettes au sens de l’art. 60 al. 1 lit. a LDA, cela même lorsque l’événement est déficitaire (c. 25.4). Le tarif commun S est donc conforme à la LDA (c. 25.5). Selon l’art. 40 al. 3 LRTV, la LSu est applicable par analogie à la quote-part du produit de la redevance. En d’autres termes, celle-ci est considérée comme une subvention (c. 26.1). La LRTV ou la LSu n’interdisent ni à un diffuseur de radio d’utiliser les subventions pour payer les indemnités tarifaires selon la LDA, ni aux sociétés de gestion de prendre en compte les recettes provenant de la quote-part dans les bases de calcul de ces indemnités (c. 26.3 et 26.4). La LRTV ne règle que les relations entre l’Etat et les bénéficiaires des subventions, elle ne s’adresse pas aux sociétés de gestion. Au surplus, elle n’exige pas que les revenus de la quote-part soient utilisés seulement pour la réalisation des émissions prévues par le mandat de prestation (c. 26.5). Ils peuvent être employés pour tout le programme, y compris pour acquérir et diffuser de la musique protégées par la LDA, cela même dans des émissions non prévues par le mandat de prestation (c. 26.7). Le tarif commun S n’est donc pas non plus contraire à la LRTV, à la LSu ou à la concession de la défenderesse (c. 26.8). La motion Candinas 163849 avait pour but que les diffuseurs des régions périphériques et de montagne ne doivent plus payer d’indemnité de droit d’auteur sur les subventions qu’ils reçoivent, mais elle a été rejetée par le Parlement. Il n’y a aucune raison de changer la pratique actuelle : au contraire, le rejet de la motion Candinas montre que le législateur souhaite toujours considérer les revenus de la redevance de réception comme des recettes au sens de l’art. 60 al. 1 lit. a LDA (c. 27.2.1). Le Conseil fédéral, qui peut régler le montant de la quote-part par voie d’ordonnance, avait lui aussi recommandé le rejet de la motion Candinas pour ce qui concerne cette quote-part (c. 27.2.2). Il a motivé son point de vue en répondant à une question de la Conseillère nationale Viola Amherd du 17 février 2016 : selon lui, la quote-part est versée pour le financement de tout le programme, pas seulement pour la réalisation du mandat de prestation (c. 27.2.3). Enfin, la CAF considère que les revenus de la quote-part font partie des recettes brutes selon l’art. 60 al. 1 lit. a LDA (c. 27.3) et il n’y a aucune raison de penser que la révision du droit d’auteur changera la situation (c. 27.4). Il convient donc en l’espèce de s’en tenir à la jurisprudence actuelle (c. 27.5). [VS]

21 janvier 2020

HG AG, 21 janvier 2020, HOR.2019.9/ts/ts (d)

« Responsabilité de l’organe d’une association » ; responsabilité, violation des droits de propriété intellectuelle, dommage, preuve du dommage, faute, fixation du dommage, tarifs des sociétés de gestion, tarif contraignant pour les tribunaux, obligation d’informer les sociétés de gestion, estimation de la redevance ; art. 55 al. 3 CC, art. 41 CO, art. 10 LDA, art. 35 LDA, art. 51 al. 1 LDA, art. 59 al. 3 LDA, art. 62 al. 2 LDA.

 Les organes d’une personne morale sont personnellement responsables de leurs fautes d’après l’art. 55 al. 3 CC. Tel est le cas lorsque le comportement de l’organe remplit les conditions d’une norme de droit matériel concernant la responsabilité. La jurisprudence rendue sous l’aLDA a retenu que la responsabilité personnelle de l’organe était engagée vis-à-vis des tiers en cas d’exécution illicite de musique lors d’une manifestation associative (c. 4.2.2). Lorsqu’un droit de l’auteur selon l’art. 10 al. 1 LDA est violé, des dommages-intérêts peuvent être demandés selon l’art. 62 al. 2 LDA, en relation avec l’art. 41 CO. Comme l’établissement du dommage est fréquemment impossible, la jurisprudence du TF admet un calcul hypothétique du gain manqué selon la méthode de l’analogie avec la licence. Le dommage correspond alors à la redevance hypothétique qui aurait été convenue par des parties raisonnables à un contrat de licence. On peut se référer aux tarifs des sociétés de gestion. La méthode de l’analogie n’est toutefois admissible, selon le TF, que s’il s’avère qu’un contrat de licence aurait pu être conclu. D’après l’art. 35 LDA, les artistes interprètes ont une prétention en paiement lorsque des phonogrammes disponibles sur la marché sont utilisés, notamment à des fins de représentation. Il s’agit cependant d’un droit à rémunération légal, qui n’est pas soumis aux conditions de l’art. 41 CO (c. 5.2.1). D’après l’art. 51 al. 1 LDA et le tarif commun Hb, les organisateurs de manifestations récréatives avec de la musique doivent renseigner les sociétés de gestion. Les informations nécessaires sont à fournir dans les 30 jours, sinon les données peuvent être estimées par SUISA. En outre, le tarif commun Hb prévoit que la redevance peut être doublée lorsque la musique est utilisée sans autorisation ou lorsque l’utilisateur fournit des données fausses ou lacunaires afin de se procurer un avantage indû. Si l’utilisateur ne communique toujours pas les informations nécessaires, par écrit, dans les 30 jours suivant l’estimation, celle-ci est alors considérée comme reconnue (c. 5.2.2). Les tarifs des sociétés de gestion sont contraignants pour les tribunaux civils, sauf s’ils sont contraires à des dispositions légales impératives (c. 5.2.3). En l’espèce, des exécutions publiques de musique ont eu lieu sans que l’organisateur n’ait requis d’autorisation. Il y a donc une violation de l’art. 10 LDA et ainsi une illicéité par rapport au dommage causé. Le rapport de causalité entre les exécutions musicales et le dommage existe également. En ce qui concerne la faute, une personne raisonnable idéale qui organise chaque année une manifestation réunissant environ 1'000 personnes doit se préoccuper des exigences réglementaires. Une prolongation de l’heure normale de fermeture peut ainsi être nécessaire, de même qu’une patente ou un dispositif de sécurité. En effectuant de telles recherches, le défendeur aurait constaté l’obligation d’annoncer la manifestation à la demanderesse et de requérir une licence. Sa faute doit donc être reconnue (c. 5.3.1.2). Le défendeur a agi comme organe au sens de l’art. 55 al. 3 CC et a violé l’art. 10 LDA. Le dommage subi par la demanderesse est ainsi intervenu illicitement et l’exigence du rapport de causalité est remplie. En outre, le défendeur est en faute car il ne s’est pas suffisamment préoccupé des aspects réglementaires et n’a pas satisfait aux exigences de la demanderesse. Il répond ainsi personnellement et solidairement de la violation du droit d’auteur (c. 5.3.1.3). En revanche, l’art. 35 LDA prévoit une licence légale et n’est pas une norme qui justifierait une responsabilité solidaire et personnelle du défendeur en tant qu’organe. Seule l’association organisatrice est responsable du paiement de la redevance découlant du droit à rémunération (c. 5.3.2). Le dommage doit être calculé selon la méthode de l’analogie avec la licence. Il n’apparaît pas que le tarif commun Hb soit contraire à la loi. En particulier, le doublement de la redevance qu’il prévoit en l’absence d’autorisation a été admis par le TF, comme peine conventionnelle de droit privé. Puisque le défendeur, en tant qu’organe, a violé son devoir d’information vis-à-vis de la demanderesse, celle-ci était en droit de procéder à une estimation. Le tarif prescrit en outre un supplément de CHF 40.- lorsqu’aucune liste des morceaux exécutés n’est remise à la demanderesse. Mais seule la moitié de ce montant peut être ajoutée à la créance en réparation du dommage pour violation du droit d’auteur, l’autre moitié concernant la créance basée sur l’art. 35 LDA pour les droits voisins (c. 5.3.3). [VS]

29 novembre 2019

HG AG, 29 novembre 2019, HOR.2018.49/ts/ts (d)

« Tarifs communs 8 et 9 » ; tarifs des sociétés de gestion, tarif contraignant pour les tribunaux, obligation d’informer les sociétés de gestion, estimation de la redevance, fardeau de l’allégation, fardeau de la preuve ; art. 8 CC, art. 19 al. 1 lit. c LDA, art. 20 al. 2 LDA, art. 51 al. 1 LDA, art. 59 al. 3 LDA.

La notion d’entreprise utilisée à l’art. 19 al. 1 lit. c LDA doit être comprise largement. Elle concerne tout le monde du travail, qu’il soit public ou privé, des personnes indépendantes aux multinationales en passant par la fonction publique, les associations ou les organisations de défense d’intérêts (c. 3.2). La répartition du fardeau de l’allégation entre les parties suit celle du fardeau de la preuve selon l’art. 8 CC. Celui qui prétend à un droit ou à un rapport juridique doit donc alléguer les faits pertinents (c. 4.1). Pour la reproduction d’œuvres en entreprise au sens de l’art. 19 al. 1 lit. c LDA, une rémunération doit être payée selon l’art. 20 al. 2 LDA. D’après la jurisprudence du TF, celle-ci est due déjà de par la possibilité de reproduire des œuvres, c’est-à-dire de par la possession d’un photocopieur ou d’un réseau informatique interne. A l’inverse, celui qui ne dispose pas de tels appareils ne doit aucune redevance. L’art. 51 al. 1 LDA, de même que le chiffre 8.4 des tarifs communs 8 et 9, consacre un devoir d’information des utilisateurs vis-à-vis des sociétés de gestion. Le chiffre 8.2 de ces tarifs dispose que les informations doivent être fournies au moyen d’un formulaire à retourner dans les 30 jours. Si cela n’est pas fait même après un rappel écrit et un délai supplémentaire, ProLitteris peut estimer les données nécessaires et procéder à la facturation sur cette base. Si l’utilisateur ne communique toujours pas les informations nécessaires, par écrit, dans les 30 jours suivant l’estimation, celle-ci est alors considérée comme reconnue (c. 5.4.3). Les tarifs des sociétés de gestion sont normalement contraignants pour les tribunaux. Cela sert la sécurité juridique et évite qu’un tarif approuvé par la CAF, le cas échéant par le TF, soit remis en question dans une action en paiement contre un utilisateur récalcitrant. Le juge civil ne peut donc pas contrôler un tarif entré en force sous l’angle de son équité. Cependant, cela ne signifie pas que les sociétés de gestion pourraient se fonder sur un tarif approuvé pour faire valoir devant les tribunaux civils des droits à rémunération contraires à des dispositions légales impératives. Le droit tarifaire ne peut pas l’emporter sur le droit impératif découlant de la loi (c. 5.4.2). L’allégation implicite de la demanderesse selon laquelle la défenderesse disposerait d’un photocopieur et d’un réseau informatique interne a été contestée. Elle n’est ni motivée, ni prouvée, quand bien même la demanderesse supporte le fardeau de la preuve selon l’art. 8 CC. A défaut d’appareil de reproduction ou de réseau interne, la défenderesse ne doit pas de redevance. Comme elle ne tombe pas dans le champ d’application des art. 19 al. 1 lit. c et 20 al. 2 LDA, la reconnaissance de l’estimation, telle que prévue par le tarif, demeure sans effet. Le droit tarifaire ne peut pas l’emporter sur le droit impératif de la loi. Ainsi, la demanderesse ne peut faire valoir aucune prétention contre la défenderesse (c. 5.5). [VS]

29 novembre 2019

HG AG, 29 novembre 2019, HOR.2018.52/ts/ts (d)

« Tarifs communs 8 et 9 » ; tarifs des sociétés de gestion, tarif contraignant pour les tribunaux, obligation d’informer les sociétés de gestion, estimation de la redevance ; art. 8 CC, art. 19 al. 1 lit. c LDA, art. 20 al. 2 LDA, art. 51 al. 1 LDA, art. 59 al. 3 LDA.

La notion d’entreprise utilisée à l’art. 19 al. 1 lit. c LDA doit être comprise largement. La personnalité juridique ou un établissement stable ne sont pas nécessaires. Cette notion concerne tout le monde du travail, qu’il soit public ou privé, des personnes indépendantes aux multinationales en passant par la fonction publique, les associations ou les organisations de défense d’intérêts (c. 2.2). L’allégation implicite de la demanderesse selon laquelle la défenderesse disposerait d’un réseau informatique interne a été contestée. Elle n’est ni motivée, ni prouvée, quand bien même la demanderesse supporte le fardeau de la preuve selon l’art. 8 CC. A défaut d’un tel réseau, la défenderesse ne doit pas de redevance. Le droit tarifaire ne peut pas l’emporter sur le droit impératif de la loi (c. 3.3.5). [VS]

05 juin 2019

HG ZH, 5 juin 2019, HG180235-O U/dz (d)

« ProLitteris » ; tarifs des sociétés de gestion, tarif contraignant pour les tribunaux, obligation d’informer les sociétés de gestion, estimation de la redevance ; art. 45 al. 1 LDA, art. 51 al. 1 LDA, art. 59 al. 3 LDA.

D’après l’art. 51 LDA et le chiffre 8 du tarif commun 9, il existe une obligation d’informer les sociétés de gestion. Ce tarif prévoit en outre un devoir de déclarer par un formulaire le fait de ne pas disposer d’un réseau informatique interne soumis à redevance. D’après l’art. 59 al. 3 LDA, le juge civil est lié par cette disposition, qui s’explique par l’obligation des sociétés de gestion de gérer leurs affaires de manière économique, conformément à l’art. 45 LDA. L’application et l’interprétation d’un tarif approuvé restent toutefois l’affaire des tribunaux civils (c. 1.2). Si l’obligation d’informer n’est toujours pas respectée malgré un rappel et un délai supplémentaire, le tarif prévoit que la demanderesse peut estimer les données nécessaires et procéder à une facturation sur cette base. Celle-ci est considérée comme reconnue par l’utilisateur s’il ne fournit pas les données manquantes dans les 30 jours. Lors de la facturation, il est procédé de manière forfaitaire, sans tenir compte de l’utilisation individuelle dans le cas particulier (c. 1.3). La défenderesse a refusé de communiquer le nombre de ses employé-e-s. La demanderesse était donc en droit d’évaluer ce nombre et de facturer le supplément de CHF 100.- pour ses frais administratifs prévu par le tarif. La défenderesse avait connaissance de cette estimation et ne l’a pas contestée, si bien que l’évaluation, qui n’était pas arbitraire, doit être considérée comme reconnue (c. 2.3). L’objection selon laquelle aucun réseau informatique interne n’est utilisé n’a pas été formulée au moyen du formulaire prévu par le tarif, si bien qu’elle n’a pas à être prise en compte (c. 3.2). [VS]