Mot-clé

  • Interprétation
  • des tarifs

20 août 2012

TF, 20 août 2012, 2C_146/2012 (d)

sic! 1/2013, p. 30-37, « Tarif A Fernsehen» ; medialex 4/2012, p. 230-232 (rés.), « Tarif A Fernsehen » ; gestion collective, décision, approbation des tarifs, tarifs des sociétés de gestion, recours en matière de droit public, interprétation des tarifs, tarif contraignant pour les tribunaux, droits voisins, vidéogramme disponible sur le marché, support disponible sur le marché ; art. 12 CR, art. 2 lit. b WPPT, art. 2 lit. c WPPT, art. 15 WPPT, art. 95 lit. a LTF, art. 35 LDA, art. 60 LDA.

Contre un arrêt du TAF concernant une décision d'approbation d'un tarif par la CAF, c'est le recours en matière de droit public qui est ouvert, même si la décision a interprété une notion de droit civil de la LDA à titre préjudiciel, d'autant qu'il faut aussi trancher dans la procédure tarifaire la question de principe du devoir de payer une rémunération (c. 1). En ce qui concerne les critères de l'art. 60 LDA, la CAF bénéficie d'une certaine liberté d'appréciation en tant qu'autorité spécialisée, que les tribunaux doivent respecter. En revanche, les tarifs ne peuvent pas définir les droits autrement que la loi. L'interprétation de ces tarifs est une question de droit que le TF examine avec pleine cognition sur la base de l'art. 95 lit. a LTF (c. 2.2). La question litigieuse est de savoir si c'est l'enregistrement ou un format déterminé de celui-ci qui doit être disponible sur le marché pour que le droit à rémunération de l'art. 35 LDA trouve application. Ni le texte de cette disposition (c. 3.3), ni les travaux préparatoires (c. 3.4) ne donnent une réponse claire. En cas de doute, on doit admettre que l'art. 35 LDA transpose l'art. 12 CR et l'art. 15 WPPT (c. 3.5.1). Or, l'art. 12 CR prévoit une rémunération pour les phonogrammes publiés à des fins de commerce et pour les reproductions de ceux-ci. Cela pourrait laisser entendre que ce n'est pas le phonogramme concrètement utilisé pour la diffusion qui doit être disponible sur le marché (c. 3.5.2). L'art. 35 LDA va au-delà du droit international, dans la mesure où il prévoit une rémunération non seulement pour les phonogrammes, mais aussi pour les vidéogrammes. Toutefois, comme le législateur a voulu placer ces deux notions sur un pied d'égalité, les dispositions conventionnelles concernant les phonogrammes peuvent aussi être utilisées pour interpréter la notion de vidéogrammes. Or, d'après l'art. 2 lit. b WPPT, un phonogramme est une fixation des sons provenant d'une interprétation ou exécution ou d'autres sons, ou d'une représentation de sons. La fixation est elle-même définie, d'après l'art. 2 lit. c WPPT, comme l'incorporation de sons, ou des représentations de ceux-ci, dans un support qui permette de les percevoir, de les reproduire ou de les communiquer à l'aide d'un dispositif. Cela laisse entendre que la notion de phonogramme concerne la fixation, c'est-à-dire l'enregistrement, et non un format déterminé de celui-ci (c. 3.5.3). D'un point de vue téléologique, l'art. 35 LDA semble avoir pour but de consacrer une redevance là où le prix de vente ne contient pas de rémunération pour les utilisations secondaires du support. Mais l'interprétation de la loi ne peut pas dépendre de la question de savoir si, dans les faits, une rémunération a été convenue contractuellement (c. 3.6.2). C'est plutôt la motivation à la base de la licence légale et de la gestion collective obligatoire qui doit être prise en considération, à savoir assurer une rémunération aux ayants droit aussi simplement que possible, car ils ne sont pas en mesure d'exercer eux-mêmes leurs droits dans les faits. Or, puisque les télévisions n'utilisent pas des formats disponibles sur le marché, rattacher la notion de vidéogrammes à ces formats aurait pour conséquence que les ayants droit devraient exercer individuellement leurs droits, ce qui ne serait guère praticable (c. 3.6.3). En résumé, cette notion concerne donc l'enregistrement lui-même et non le format de celui-ci. [VS]

13 novembre 2012

TF, 13 novembre 2012, 2C_580/2012 (d)

sic! 3/2013, p. 154-157, « GT 3a » ; medialex 1/2013, p. 49-50, « Tarif commun 3a, chambres d’hôtels et d’hôpitaux, logements de vacances » (Egloff Willi, Hinweis) ; gestion collective, recours en matière de droit public, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun 3a, interprétation des tarifs, perception de redevances, redevances, divertissement de fond ou d’ambiance, obligation de gérer ; art. 95 LTF, art. 44 LDA, art. 46 LDA ; cf. N 604 (TAF, 14mai 2012, B-3896/2011 ; medialex 3/2012, p. 173-174 [rés.] ; arrêt du TAF dans cette affaire).

Le recours en matière de droit public est ouvert contre une décision finale du TAF concernant un différend touchant à la surveillance fédérale sur l'application des tarifs de droit d'auteur (c. 1). Un tarif ne peut pas prévoir des redevances pour une utilisation libre d'après la LDA. L'approbation d'un tarif par la CAF ne peut pas créer des droits à rémunération qui ne découlent pas de la loi. À l'inverse, une redevance prévue par la loi ne peut pas être exercée s'il n'existe pas un tarif valable et approuvé (c. 2.2). Les tarifs au sens de l'art. 46 LDA sont fondés sur le droit fédéral. Des règlements édictés par des particuliers sur la base du droit fédéral sont eux-mêmes du droit fédéral au sens de l'art. 95 lit. a LTF. L'interprétation des tarifs est ainsi une question de droit fédéral que le TF examine avec un plein pouvoir de cognition (c. 2.3). Si certains cercles d'utilisateurs n'ont pas été impliqués dans la négociation du tarif — même à bon droit — une interprétation restrictive du tarif se justifie, conformément au principe in dubio contra stipulatorem (c. 2.5). La liste des lieux mentionnés au ch. 2.1 du tarif commun 3a n'est certes pas exhaustive, mais le fait qu'elle ne mentionne pas les chambres d'hôtel, d'hôpitaux et les logements de vacances appuie l'interprétation selon laquelle ce tarif ne vise que des lieux accessibles au public ou du moins à un grand nombre indéterminé de personnes (c. 2.6). Pour l'interprétation de la notion de divertissement de fond ou d'ambiance au sens du ch. 2.1 al. 2 du tarif commun 3a, c'est la perception de l'émission en tant qu'activité principale ou non qui est déterminante, et non la raison d'un séjour dans un hôtel ou un hôpital (c. 2.7). Les motivations du téléspectateur ou de l'auditeur sont certes difficiles à déterminer. Mais il faut se baser sur des situations typiques (c. 2.8). L'art. 44 LDA oblige les sociétés de gestion à n'être actives que vis-à-vis des ayants droit, il ne peut pas fonder un devoir de paiement à charge des utilisateurs dans les cas où il n'y a pas de tarif (c. 2.9). En résumé, le tarif commun 3a n'est pas applicable à la réception d'émissions dans des chambres d'hôtels, d'hôpitaux ou dans des logements de vacances. [VS]

20 juin 2013

AG BS, 20 juin 2013, ZB.2012.54 (d)

« Basel Tattoo » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun Ka, règle du ballet, spectacle, chorégraphie, fanfare, musique (fonction subordonnée ou d’accompagnement), interprétation du contrat, Basel Tattoo, interprétation des tarifs, tarif contraignant pour les tribunaux, cartel, approbation des tarifs ; art. 8 CC, art. 3 al. 2 LCart, art. 2 al. 2 lit. h LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA ; cf. N 607 (Zivilgericht BS, 27 juin 2012, P.2010.238).

Selon la règle dite du ballet, le pourcentage de redevance pour les droits d'auteur sur la musique est réduit de moitié lorsque celle-ci est exécutée en accompagnement d'une autre œuvre ou pour soutenir cette dernière. D'après le tarif commun Ka de SUISA et Swissperform, cette réduction implique que l'autre œuvre soit protégée par le droit d'auteur, et que la musique ait une fonction subordonnée ou d'accompagnement (c. 4.1). Vu l'art. 59 al. 3 LDA, il n'est pas admissible que les tribunaux remettent en cause le caractère équitable de cette réglementation tarifaire. Les prétentions fondées sur la propriété intellectuelle ne sont soumises que de manière limitée à la loi sur les cartels (art. 3 al. 2 LCart.). De même, le besoin de protéger la partie la plus faible, reconnu en droit contractuel, ne vaut pas pour les tarifs de droits d'auteur soumis à une procédure d'approbation officielle compliquée, si bien que les règles d'interprétation des conditions générales contractuelles ne sont pas applicables (c. 4.2). D'après l'art. 8 CC, c'est au débiteur de la redevance de prouver qu'il a droit à la réduction découlant de la règle du ballet (c. 4.3). Pour savoir si cette règle s'applique, ce n'est pas le rôle de la musique par rapport à l'ensemble du spectacle qui est déterminant, mais plutôt sa fonction subordonnée ou d'accompagnement (par rapport à d'autres œuvres protégées) dans chacun des numéros du spectacle (c. 4.4). La prestation du metteur en scène relève normalement des droits voisins, et non du droit d'auteur, si bien qu'elle n'est pas pertinente pour déterminer si la musique a une fonction subordonnée ou d'accompagnement. Au contraire, les mouvements des fanfares, dans un spectacle « Tattoo », peuvent être une chorégraphie au sens de l'art. 2 al. 2 lit. h LDA, même si les fanfares ne dansent pas ; ils peuvent donc entraîner l'application de la règle du ballet. En revanche, en l'espèce, la protection du droit d'auteur ne peut pas être retenue pour l'éclairage et les costumes. Quant aux commentaires du modérateur, même s'ils étaient protégés par le droit d'auteur, ils n'auraient pas une fonction de rang supérieur par rapport à la musique (c. 4.6). En application des critères susmentionnés, la règle du ballet n'est applicable qu'à un nombre limité de numéros figurant dans les spectacles à juger en l'espèce (c. 4.7.3). [VS]

30 juin 2015

TF, 30 juin 2015, 4A_203/2015 (d)

sic! 11/2015, p. 639-640, « Vergütung für die Vervielfältigung in Netzwerken » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif contraignant pour les tribunaux, recours en matière civile, valeur litigieuse, obligation d’alléguer, motivation du recours, droit d’être entendu, sécurité du droit, interprétation des tarifs, usage privé, ProLitteris, réseau numérique, copie analogique, copie numérique ; art. 29 al. 2 Cst., art. 42 LTF, art. 74 al. 2 lit. b LTF, art. 106 LTF, art. 19 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA, art. 55 CPC, art. 58 CPC.

Contre une décision d’un tribunal civil cantonal concernant l’application d’un tarif, le recours en matière civile est recevable, indépendamment de la valeur litigieuse d’après l’art. 74 al. 2 lit. b LTF (c. 1.1). Le TF applique le droit d’office (art. 106 al. 1 LTF). Il n’est donc lié ni par l’argumentation du recourant, ni par celle de l’autorité de première instance. Cependant, vu l’obligation de motiver le recours (art. 42 al. 1 et al. 2 LTF), le TF ne traite en principe que des griefs allégués, sauf si d’autres lacunes juridiques sont évidentes. Il n’est pas tenu d’examiner toutes les questions juridiques abordées en première instance, si celles-ci ne lui sont plus soumises. En matière de violation des droits fondamentaux et de violation du droit cantonal ou intercantonal, il existe un devoir de motivation qualifié: le grief doit être invoqué et motivé précisément conformément à l’art. 106 al. 2 LTF (c. 1.2). En l’espèce, le grief de violation du droit d’être entendu est manifestement infondé : le recourant reproche plutôt à l’autorité précédente de ne pas avoir suivi son point de vue juridique (c. 2). D’après l’art. 59 al. 3 LDA, les tarifs lient le juge lorsqu’ils sont en vigueur. Cette disposition sert la sécurité du droit: le juge civil ne doit pas à nouveau examiner l’équité d’un tarif puisque cette question est traitée dans le cadre de la procédure administrative d’approbation de ce tarif. Toutefois, le juge civil peut et doit vérifier que les sociétés de gestion, sur la base d’un tarif, ne font pas valoir de droits à rémunération incompatibles avec les dispositions impératives de la loi, en particulier lorsque l’utilisation est libre d’après la LDA. Au surplus l’application et l’interprétation d’un tarif dans un cas particulier sont des questions juridiques du ressort des tribunaux civils (c. 3.3). La réglementation concernant l’usage privé, comme toute la LDA, est technologiquement neutre. Elle vaut pour les copies effectuées sur une base analogique comme pour les copies numériques (c. 3.4.1). Pour cette raison, les principes de l’ATF 125 III 141 concernant les photocopies sont aussi applicables aux reproductions réalisées sur l’intranet d’une entreprise. Dans cet arrêt le TF a estimé admissible qu’une redevance soit forfaitaire et qu’elle soit due indépendamment du fait qu’une œuvre soit on non reproduite. Cela peut certes s’avérer insatisfaisant dans des cas particuliers, mais est inévitable dans le domaine des utilisations massives incontrôlables. La simple possibilité de reproduire une œuvre dans le cadre de la licence légale de l’art. 19 al. 1 lit. c LDA suffit donc à justifier la redevance (c. 3.4.2). Le projet de révision de la LDA du 15 septembre 2004 prévoyait une redevance sur les appareils, ainsi qu’une exonération pour les petites et moyennes entreprises qui ne reproduisent qu’accessoirement des œuvres à des fins d’information interne ou de documentation. Le législateur a cependant renoncé à une telle réglementation, cela à une époque (2007) où l’environnement numérique existait déjà. Le recourant doit donc s’acquitter de la redevance tarifaire, même s’il se peut qu’il n’utilise pas son réseau numérique pour des actes de copie. Les art. 55 et 58 CPC n’impliquent pas que ProLitteris allègue les différents actes de reproduction du recourant (c. 3.4.3). [VS]