« Tarif
A Fernsehen (Swissperform) » ; tarifs
des sociétés de gestion, pouvoir de cognition de la CAF, pouvoir de
cognition du TAF, arrêt de renvoi, force obligatoire, unité de la
procédure, effet rétroactif, effet suspensif, pouvoir
d’appréciation, renvoi de l’affaire, novae, synchronisation,
droits voisins, phonogramme disponible sur le marché,
vidéogramme disponible sur le marché, support disponible sur le
marché, œuvre musicale non théâtrale, effet rétroactif, devoir
de collaboration accru des parties en procédure tarifaire,
règle du ballet, augmentation de redevance, augmentation du tarif ;
art. 12 CR, art. 15 WPPT, art. 11 LDA, art. 22c LDA, art 24b LDA,
art. 35 LDA, art. 38 LDA, art. 46 LDA, art. 59 LDA.
Lorsque
le TAF a renvoyé antérieurement l’affaire à l’autorité
précédente et qu’il y a un nouveau recours sur la nouvelle
décision de cette dernière, aussi bien l’autorité précédente
que le TAF sont liés par le dispositif de la décision de renvoi,
lequel forme le cadre de la nouvelle procédure de recours (c. 1.2).
Lorsque le renvoi portait sur un nouvel examen du montant de la
redevance, les mesures à prendre pour éviter une augmentation
abrupte et la date d’entrée en vigueur de la redevance font partie
du cadre fixé par la décision de renvoi (c. 1.2 et 1.3). L’effet
contraignant de celle-ci ne s’oppose pas à la prise en compte de
novae, pour autant que le droit de procédure et le principe de
l’unité de la procédure le permettent (c. 1.4). A supposer que
l’obligation de paiement de la redevance soit reportée en raison
de l’interdiction de l’effet rétroactif, c’est aussi l’entrée
en vigueur de toutes les autres dispositions tarifaires qui devrait
être retardée, y compris de celles en défaveur des ayants droit
(c. 3.3). En l’espèce, le tarif a produit ses effets dès la date
d’entrée en vigueur prévue, car les recours n’ont pas eu
d’effet suspensif. En cas de redevance tarifaire trop basse, un
recours serait rendu illusoire si la redevance ne pouvait pas être
augmentée dès la date d’entrée en vigueur du tarif. De plus, les
utilisations déjà entreprises seraient illicites si le tarif
corrigé ne pouvait pas les couvrir, ce qui conduirait à des
négociations sur les dommages-intérêts. En l’espèce, on est en
présence d’un tarif qui est entré en vigueur à la date prévue,
mais qui a été modifié suite à un recours. Le cas se distingue
des affaires 2C_685/2016 et 2C_806/2016 tranchées par le TF, où un
nouveau tarif devait entrer en vigueur pour la première fois à
titre rétroactif. Il n’y a donc pas ici d’effet rétroactif non
autorisé (c. 3.4). Les tarifs doivent faciliter les utilisations
d’œuvres en instaurant une redevance homogène, prévisible et
praticable dans l’intérêt des ayants droit et des utilisateurs.
La CAF fixe son niveau en ayant pour but un équilibre objectif des
intérêts entre les parties concernées, et en respectant
l’autonomie tarifaire des sociétés de gestion. Un devoir de
collaboration accru des parties les oblige à fournir les chiffres et
statistiques permettant le contrôle de l’équité. Le TAF se
prononce avec un plein pouvoir de cognition, mais il fait
preuve de retenue là où la CAF, en tant qu’autorité judiciaire
spécialisée indépendante, a traité de questions complexes
concernant la gestion collective ou a pesé les intérêts en
présence tout en respectant l’autonomie des sociétés de gestion.
En fin de compte, cela revient à rechercher si la CAF a excédé son
pouvoir d’appréciation ou en a abusé (c. 4.1). Un tarif est
équitable lorsqu’il repose sur un équilibre approprié, semblable
en substance à ce qui aurait découlé d’un accord entre les
parties dans une situation de concurrence. Les difficultés
d’application sont à prendre en compte. Des forfaits et des
approximations sont admissibles pour mieux couvrir toutes les
utilisations et améliorer la praticabilité. L’art. 12 CR et
l’art. 15 WPPT ne donnent aucune garantie minimum valable dans tous
les cas particuliers (c. 4.3). Le tarif concerne l’utilisation de
phonogrammes disponibles sur le marché, sans considération d’une
protection éventuelle sur les images. Il est donc compréhensible
que la CAF n’ait pas différencié la redevance selon que les
phonogrammes sont ou non synchronisés avec des images (c. 5.1). Une
utilisation moins intensive des supports lorsqu’ils sont
synchronisés n’est pas constatable. La règle du ballet, qui
justifierait une diminution de 50% de la redevance, n’est donc pas
applicable (c. 5.2). Il est compréhensible également que la CAF,
lorsqu’elle s’oppose aux augmentations abruptes de redevance, ne
prenne en compte que la charge tarifaire des utilisateurs, et non les
montants à répartir aux ayants droit : cette charge détermine
en effet les offres des utilisateurs sur le marché et le calcul de
leurs prix, alors qu’elle n’a que peu d’influence sur les
cachets que touchent les titulaires de droits voisins. Mais il est
vrai que la CAF évite les augmentations abruptes unilatéralement en
faveur des utilisateurs, alors qu’elle ne recherche pas à assurer
la continuité des recettes tarifaires pour les ayants droit, par
exemple en évitant des périodes sans tarif ou des retards dans
l’approbation des tarifs pour des raisons de procédure. Ainsi,
l’interdiction des augmentations abruptes (principe de la
continuité) n’est pas un critère qui relève du contrôle de
l’équité. Une partie de la doctrine le prétend, mais cela ne
découle pas de la loi. Le TF a aussi plusieurs fois admis qu’une
augmentation importante de la redevance était admissible en cas de
changement dans les bases de calcul justifié objectivement, et
qu’elle pouvait même démontrer que la redevance antérieure était
trop basse. Ainsi, le principe de la continuité ne sert pas à
distinguer une charge tarifaire équitable d’une charge inéquitable
mais, en aval, au choix d’une solution préférable parmi plusieurs
solutions tarifaires équitables. Il est alors permis d’y recourir
et de le mettre en œuvre par un
échelonnement annuel des taux tarifaires ou des montants maximaux à
payer (c. 6.3). En l’espèce, le plafonnement des redevances ne
peut pas être confirmé car le nouveau tarif se base sur un
changement des bases de calcul justifié objectivement (c. 6.4.1),
les forfaits avaient été payés précédemment expressément « sans
valeur de précédent » (c. 6.4.2), depuis 2013 ils n’étaient
versés qu’à titre d’acomptes (c. 6.4.3) et, enfin, parce que le
plafonnement a été calculé par la CAF en fonction de l’intégralité
des recettes tarifaires, alors qu’il a été appliqué uniquement
sur la redevance due pour l’utilisation de supports synchronisés,
ce qui défavorise les interprètes dont la prestation figure sur de
tels supports (c. 6.4.4). L’introduction d’un système de calcul
proportionnel à l’utilisation, vingt ans après l’entrée en
vigueur de la LDA, plaide contre un échelonnement de l’augmentation,
ce qui rend inutile un deuxième renvoi à l’autorité précédente
(c. 6.5). [VS]