« Tarif
commun 5 » ; tarifs des sociétés de gestion, négociation
des tarifs, devoir de collaboration accru des parties en
procédure tarifaire, devoir d’informer les sociétés de gestion,
location, prêt , épuisement, recettes brutes, augmentation de
redevance, augmentation du tarif, équité du tarif, valeur
litigieuse, frais de procédure, interprétation conforme au droit
international, interprétation téléologique, égalité de
traitement; art. 12 PA, art. 13 al. 1 PA, art. 63 al. 4bis PA, art. 1
lit. a OFIPA, art. 2 OFIPA, art. 14 à 18 OFIPA, art. 8 CC, art. 13
LDA, art. 46 al. 2 LDA, art. 47 al. 1 LDA, art. 51 LDA, art. 60 LDA,
art. 16a ODAu, art. 16b ODAu.
Même
si les associations d’utilisateurs n’avaient pas négocié
sérieusement le tarif, cela ne constituerait pas un motif de renvoi
de la requête d’approbation (c. 1). En adressant celle-ci en
commun à la CAF, les sociétés de gestion ont satisfait à
l’obligation prévue à l’art. 47 al. 1 LDA (c. 2). Selon la
jurisprudence du TF, les parties à une procédure tarifaire ont un
devoir de collaboration accru d’après l’art. 13 al. 1 PA, qui
relativise la maxime officielle prévue par l’art. 12 PA et en fait
même partie. Ce devoir existe indépendamment de la question de
savoir si la partie en question supporte les conséquences de
l’absence de preuve. En tant que requérantes, les sociétés de
gestion ont le fardeau de la preuve par application analogique de
l’art. 8 CC, cela même si les utilisateurs ont l’obligation de
les informer d’après l’art. 51 LDA (c. 4.1). Avant de contrôler
l’équité d’un tarif, la CAF doit examiner si les utilisations
visées par ce tarif sont réservées aux ayants droit et si elles
sont soumises à la surveillance de la Confédération (c. 5). En
l’espèce, il s’agit d’interpréter l’art. 13 LDA. La
location contre paiement fait l’objet d’un droit à rémunération
en faveur des auteurs, au contraire du prêt gratuit. En Allemagne,
le prêt est aussi assujetti à un droit à rémunération (c. 6.1).
La doctrine considère l’art. 13 LDA comme une exception au
principe de l’épuisement ou comme un correctif à celui-ci (c.
6.2). En plus de l’interprétation grammatico-littérale,
systématique, historique ou téléologique, une interprétation de
droit comparé avec l’Europe est admissible, le TF ayant relevé la
volonté du législateur d’harmoniser le droit d’auteur suisse
avec le droit européen (c. 8). L’interprétation
grammatico-littérale de l’art. 13 LDA n’exclut pas qu’il
puisse y avoir une location au sens de cette disposition, si le loyer
est payé forfaitairement et non pour chaque transaction (c. 8.1).
L’interprétation systématique n’apporte rien sur cette question
(c. 8.2). Dans le cadre des discussions parlementaires sur la LDA,
l’introduction d’un droit de prêt était une question discutée,
mais le législateur a finalement renoncé à un tel droit. Le
Conseil fédéral est parti de l’idée que les bibliothèques
procédaient à du prêt, pas à de la location, ce qui ne correspond
plus à la situation actuelle. L’interprétation historique ne
permet donc pas d’exclure de l’art. 13 LDA les mises à
disposition contre paiement d’un forfait (c. 8.3). D’un point de
vue téléologique, l’art. 13 LDA doit réaliser un équilibre
équitable entre les intérêts des ayants droit, d’une part, et
ceux de la communauté en général d’autre part, basés sur les
libertés d’opinion et d’information de même que sur la
politique culturelle et de la formation. Cet équilibre repose sur le
caractère payant ou non de la mise à disposition. La loi ne
considère pas que les ayants droit seraient à ce point redevables à
la société qu’ils devraient renoncer à une participation lorsque
leurs œuvres génèrent des revenus. Elle exonère du droit à
rémunération non pas certains utilisateurs – comme les
bibliothèques – mais certains actes, à savoir la mise à
disposition gratuite d’exemplaires d’œuvres. Les bibliothèques
sont assujetties à ce droit à rémunération dès lors qu’elles
reçoivent un paiement, indépendamment de la question de savoir
comment celui-ci est structuré (c. 8.4). L’interprétation de
droit comparé avec le droit européen n’apporte rien vu les
différences avec le droit suisse. Tout en plus peut-on constater que
la différence entre le prêt et la location se fait aussi sur la
base de considérations économiques (c. 8.5). Un principe
fondamental du droit d’auteur est que les ayants droit doivent
participer à toute exploitation économique de leurs œuvres et
prestations. Le principe des recettes brutes figure à l’art. 60
al. 1 lit. a LDA, tandis que celui de la participation est ancré à
l’art. 60 al. 2 LDA. Selon le principe des recettes brutes, les
subventions font partie des recettes servant de base au calcul de la
redevance ; et selon le principe de la participation, les
auteurs doivent être intéressés au produit économique que des
tiers réalisent grâce à leurs œuvres. La doctrine ne fait pas de
différence entre un paiement forfaitaire et un paiement par
transaction. Encore faut-il préciser que le montant versé doit être
en relation avec l’intensité de l’utilisation par la
bibliothèque. On ne peut pas encore parler d’une utilisation
payante si la bibliothèque ne fait que demander une cotisation
modeste servant à couvrir les coûts de la tenue d’une liste de
ses membres et d’une publication à leur attention (c. 8.6). De
même le paiement forfaitaire reçu par les bibliothèques doit être
réduit pour tenir compte des prestations offertes par elles n’ayant
rien à voir avec la mise à disposition d’exemplaires d’œuvres,
ou pour tenir compte de la part du forfait servant à couvrir leurs
simples frais d’administration. Il s’agit de la conséquence du
fait que seule la mise à disposition payante est soumise à
redevance selon l’art. 13 LDA. Pour des raisons de praticabilité,
il convient d’opérer une déduction forfaitaire. Les sociétés de
gestion n’ont pas démontré pourquoi une déduction de 10% serait
suffisante et ont donc manqué à leur devoir de collaboration. Vu
les difficultés à chiffrer cette déduction, la CAF estime
équitable de la fixer à 50% (c. 9.1). Les frais d’inscription aux
hautes écoles relèvent du droit public et ne peuvent pas être
considérés comme un loyer de location, d’autant plus qu’ils
donnent droit à une multitude de prestations, dont l’utilisation
des bibliothèques représente une très petite partie. Egalement
pour des raisons d’efficience, il ne serait pas opportun de prendre
en compte, dans le cadre du tarif, une partie forcément très
modique de ces écolages (c. 9.2). Cette solution n’est pas
contraire au principe d’égalité de traitement (c. 10). D’après
la jurisprudence de la CAF, les augmentations abruptes de redevance
doivent être évitées. Des augmentations importantes ont parfois
été acceptées si elles étaient échelonnées dans le temps. Mais
il est possible de renoncer à un tel échelonnement si les
redevances antérieures étaient manifestement trop basses, si les
augmentations sont dues à un changement de système tarifaire
justifié objectivement ou si elles permettent une redevance plus
juste. Le TAF a estimé que l’interdiction des augmentations
abruptes devait être rattachée au principe de la continuité
tarifaire, qui peut servir les intérêts de toutes les parties, et
qu’elle ne relevait pas du contrôle de l’équité. Mais cette
décision n’est pas encore entrée en force. En l’espèce,
l’augmentation de redevance doit être échelonnée dans le temps
(c. 13). L’approbation du nouveau tarif n’est pas contraire au
principe de la confiance, car les sociétés de gestion avaient déjà
signalé en 2006 que l’ancien tarif reposait sur des concessions de
leur part. Les tarifs antérieurs n’étaient pas litigieux, si bien
que la CAF a pu les approuver. C’est seulement depuis 2011 qu’elle
doit examiner l’équité des tarifs sur lesquels les parties sont
d’accord. De surcroît, la question litigieuse en l’espèce ne
concerne pas l’équité du tarif (c. 14). La valeur litigieuse de
la présente affaire consiste en la différence de redevances à
payer par année, selon les conclusions des sociétés de gestion,
d’une part, et selon les conclusions des associations
d’utilisateurs d’autre part ; cette différence doit être
multipliée par le nombre d’années de validité du tarif. C’est
cette valeur litigieuse qui sert à fixer les frais de procédure (c.
17.1). Une indemnité de dépens n’est pas prévue en première
instance (c. 17.2). [VS]