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« Tarif commun Y » ; gestion collective, recours obligatoire aux sociétés de gestion, droit de diffusion, approbation des tarifs, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun Y, tarif commun S, obligation de gérer, Commission arbitrale fédérale, moyens de preuve nouveaux, obligation de collaborer, égalité de traitement, pouvoir de cognition, équité du tarif, règle du film, augmentation de redevance, épuisement de la redevance, gestion individuelle, rabais tarifaire, estimation de la redevance, surveillance des prix ; art. 12 PA, art. 32 al. 2 PA, art. 40 al. 3 LDA, art. 45 al. 2 LDA, art. 60 al. 1 lit. b LDA ; cf. N 601 (CAF, 17 novembre 2011, « Tarif commun 4e 2010-2011 ») et N 608 (TF, 20 août 2012, 2C_146/2012 ; sic! 1/2013, p. 30-37, « Tarif A Fernsehen »).

Dans sa décision annulée du 18 mars 2010 sur le TC 4e, la CAF avait estimé que les parties devaient produire leurs nouvelles pièces au moins cinq jours ouvrables avant l'audience. Dans d'autres décisions, elle a indiqué que de telles nouvelles pièces ne pouvaient pas être produites seulement lors de l'audience, mais devaient l'être dès que possible (cf. par ex. N 601). Vu le devoir de collaboration des parties, et malgré les art. 12 et 32 al. 2 PA, la CAF confirme que les pièces nouvelles doivent être produites avant l'audience afin de donner à la partie adverse l'occasion de répliquer de manière appropriée. En cas de production tardive, le retard doit être justifié (c. 2). Lors de l'approbation d'un tarif, la CAF doit aussi tenir compte du principe d'égalité de traitement. Elle ne peut pas adopter sans nécessité des règles différentes pour des états de fait semblables. Le tarif commun Y et le tarif commun S sont tous les deux des tarifs qui s'appliquent aux droits de diffusion. Le fait que des diffuseurs soumis au premier tarif soient financés essentiellement par la publicité, alors que les diffuseurs soumis au second tarif sont financés par des abonnements, ne justifie pas une réglementation différente sous l'angle du droit d'auteur. Mais si le premier tarif a été approuvé essentiellement parce qu'il n'était pas contesté, cela ne dispense par la CAF d'examiner en détail le caractère équitable du second tarif lorsqu'il y a des indices qu'il pourrait être inéquitable (c. 4). La règle du film veut que la musique soit valorisée à raison d'un à deux tiers par rapport aux autres éléments protégés du film. Lorsqu'une télévision diffuse des films musicaux, des films de concerts ou des vidéoclips durant plus de deux tiers du temps d'émission, il n'est pas inéquitable qu'elle paie une redevance majorée puisque l'art. 60 al. 1 lit. b LDA exige que l'on tienne compte du nombre et du genre des œuvres, prestations, phonogrammes, vidéogrammes ou émissions utilisés. La règle du film découle indirectement de l'art. 60 al. 1 lit. b et c LDA. Les 10 % prévus à l'art. 60 al. 2 LDA concernent la musique uniquement, pas les autres éléments protégés du film. Pour les droits voisins, un épuisement des 3 % mentionnés par cette disposition se justifie car les droits voisins concernent aussi d'autres éléments que la musique. L'introduction d'une nouvelle catégorie tarifaire pour les télévisions qui diffusent des films liés à la musique durant plus de deux tiers du temps d'émission conduit à un affinement de la redevance, donc à plus d'équité (c. 7). Une augmentation tarifaire, même importante, est admissible si elle est échelonnée dans le temps, si l'ancien tarif prévoyait des redevances insuffisantes, si elle découle d'un changement de système de calcul objectivement justifié ou si elle est la conséquence d'une redevance plus juste. En l'espèce, le nouveau système tarifaire est plus juste si bien qu'un doublement ou un triplement de la redevance n'apparaît pas comme inéquitable (c. 8). Comme le TC Y existe depuis des années, un épuisement des pourcentages prévus par l'art. 60 al. 2 LDA se justifie (c. 9). Le fait que les télévisions auront déjà à payer plus de droits voisins en raison des arrêts du TF et du TAF, rendus dans une autre affaire, précisant la notion de vidéogrammes disponibles sur le marché (cf. N 608-2012), ne peut pas être pris en compte. De même, dans un régime de gestion collective obligatoire, il n'est pas possible de tenir compte de paiements effectués par les diffuseurs à d'autres personnes que les sociétés de gestion. Pour les droits d'auteur, cela découle de l'art. 40 al. 3 LDA, qui ne prévoit la gestion individuelle qu'en faveur de l'auteur lui-même ou de ses héritiers (c. 10). Le tarif doit être équitable même sans tenir compte des rabais. L'octroi de ceux-ci n'est pas soumis au contrôle de l'équité mais les sociétés de gestion doivent respecter l'égalité de traitement (c. 11). Une clause selon laquelle une facture établie sur la base d'estimations devient définitive après un certain délai pourrait se trouver dans un contrat de licence et n'est donc pas inéquitable (c. 12). La CAF est tenue d'examiner un projet de nouveau tarif présenté par les sociétés de gestion, et de l'approuver s'il est équitable, cela même lorsque le Préposé à la surveillance des prix recommande la prolongation de l'ancien tarif (c. 13). [VS]

02 juillet 2013

TAF, 2 juillet 2013, B-2612/2011 (d)

medialex 4/2013, p. 203-204 (rés.), « Tarif commun S » ; gestion collective, surveillance de la Confédération, droit d’auteur, droits voisins, gestion individuelle, tarifs des sociétés de gestion, tarifs communs, tarif commun S, équité du tarif, règle des 10 %, règle des 3 %, calcul de la redevance, convention internationale, applicabilité directe, interprétation téléologique, comparaison avec l’étranger, preuve, Commission arbitrale fédérale, allégué tardif, moyens de preuve nouveaux, réparation d’un vice de procédure en instance de recours, réparation de la violation du droit d’être entendu ; art. 11bis ch. 2 CB, art. 15 WPPT, art. 16 WPPT, art. 29 al. 2 Cst., art. 32 al. 2 PA, art. 47 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA, art. 9 ODAu.

Une raison fréquente de la gestion collective surveillée par la Confédération est d'éviter que la gestion individuelle rende difficiles ou impossibles des formes populaires d'utilisations massives d'œuvres et de prestations protégées. En revanche, il ne s'agit pas de rendre les redevances meilleur marché pour les exploitants, lesquels bénéficient déjà d'une simplification pour l'acquisition des licences. D'après les art. 15 WPPT, 60 al. 2 LDA et 11bis al. 2 CB, la redevance doit être équitable. Par la gestion collective, les ayants droit ne doivent donc pas être moins bien traités qu'ils ne le seraient dans un marché libre (c. 3.1.1). L'équité s'apprécie cependant de manière globale, et non pour chaque œuvre ou prestation en particulier (c. 3.1.1 et 3.1.2). Le fait de prévoir un supplément sur la redevance concernant les droits voisins (et non sur celle concernant les droits d'auteur) n'est pas contraire à l'art. 47 LDA si les bases de calcul des redevances sont identiques pour les deux types de droits (c. 6). Un accord donné par une société de gestion à l'occasion d'une procédure tarifaire précédente ne la lie pas dans le cadre de la nouvelle procédure (c. 7.2). Les limites de l'art. 60 al. 2 LDA (10 % pour les droits d'auteur et 3 % pour les droits voisins) peuvent être dépassées si elles risquent de conduire à des redevances inéquitables. Cela est cohérent par rapport à l'interprétation téléologique selon laquelle la gestion collective doit rapporter aux ayants droit autant que ce qu'ils pourraient obtenir dans un marché libre. Ces limites ne doivent donc pas seulement être dépassées dans des cas exceptionnels. Ce n'est que si les preuves ne sont pas suffisantes pour déterminer des valeurs du marché fictives qu'elles peuvent servir d'aide pour fixer les redevances. Par conséquent, il n'y a pas de rapport fixe 10:3 entre les droits d'auteur et les droits voisins (c. 7.3). L'autorité tarifaire doit dépasser les limites chiffrées de l'art. 60 al. 2 LDA si cela est nécessaire pour que les redevances soient équitables au regard des valeurs du marché réelles ou hypothétiques (c. 7.4). Ainsi interprété, l'art. 60 al. 2 LDA est conforme aux art. 15 al. 1 et 16 WPPT. Cette dernière disposition n'est pas d'application directe (self-executing) pour les justiciables (c. 7.5). Comme il peut être difficile de connaître les valeurs du marché réelles, l'autorité tarifaire doit opérer sur la base d'une fiction, pour laquelle les conditions pratiquées à l'étranger n'ont qu'une importance limitée (c. 8.3 et 8.4). En l'espèce, les moyens de preuve apportés par la recourante sont insuffisants pour procéder à cette fiction (c. 8.7). Les moyens de preuve doivent en principe être produits avec la requête d'approbation tarifaire, c'est-à-dire au moins sept mois avant l'entrée en vigueur prévue du tarif (art. 9 al. 1 et 2 ODAu). Mais la CAF admet encore les pièces produites au moins cinq jours avant l'audience, parce que des allégués tardifs des parties sont admissibles s'ils paraissent décisifs (art. 32 al. 2 PA). Ces règles sont impératives pour la CAF, d'après la doctrine dominante. Leur violation peut cependant être réparée en instance de recours, par la production par la partie recourante des pièces que la CAF a refusé à tort (c. 4.3.2). De même, une violation du droit d'être entendu, due à un défaut de motivation de la décision de première instance sur certains points, peut être réparée en instance de recours, si la CAF s'explique suffisamment dans sa prise de position devant le TAF (c. 4.3.3). [VS]

27 février 2014

TF, 27 février 2014, 2C_783/2013 (d)

ATF 140 II 305 ; sic! 6/2014, p. 362-364, « Gemeinsamer Tarif Sender (GT S) », medialex 2/2014, p. 111, « Tarif commun S », JdT 2015 II 206 ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarifs communs S, recours en matière de droit public, redevance équitable, pouvoir de cognition, équité du tarif, règle des 10%, règle des 3%, calcul de la redevance, déduction des frais d’acquisition de la publicité, comparaison avec l’étranger ; art. 15 WPPT, art. 16 WPPT, art. 190 Cst., art. 82 lit. a LTF, art. 86 al. 1 lit. a LTF, art. 90 LTF, art. 49 PA, art. 47 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA.

Contre une décision du TAF concernant l’approbation d’un tarif par la CAF, c’est le recours en matière de droit public qui est ouvert (c. 1.1). Les critères de l’art. 60 LDA sont contraignants pour la CAF et ils ne représentent pas seulement des lignes directrices pour l’exercice de son pouvoir d’appréciation. Ce sont des notions juridiques indéterminées, dont le TF revoit l’interprétation et l’application. Toutefois, ce dernier fait preuve d’une certaine retenue dans le contrôle des décisions prises par des autorités spécialisées, lorsque des aspects techniques particuliers sont en discussion. Cette retenue vaut aussi pour le TAF, malgré sa cognition illimitée selon l’art. 49 PA (c. 2.2.1). Comme la CAF est une autorité spécialisée, le TAF doit respecter son pouvoir d’appréciation dans l’application des critères de l’art. 60 LDA, ce qui revient finalement à ne sanctionner que les abus ou les excès (c. 2.2.2). D’après la systématique de l’art. 15 WPPT, des réserves au sens de l’alinéa 3 ne sont nécessaires que s’il s’agit de déroger au principe de l’alinéa 1, c’est-à-dire à la redevance équitable elle-même. Aussi longtemps qu’une telle redevance équitable est prévue, l’art. 16 WPPT ne s’applique pas (c’est-à-dire notamment l’obligation de ne pas instaurer, dans le domaine des droits voisins, des exceptions plus larges qu’en droit d’auteur) (c. 6.2). Ni l’art. 12 CR, ni l’art. 15 WPPT, ne précisent ce qu’il faut entendre par redevance équitable. Les législateurs nationaux ont donc une marge de manœuvre relativement large pour transposer les obligations internationales. Le simple fait que les droits d’auteur et les droits voisins doivent tous deux être protégés ne signifie pas qu’ils doivent être valorisés de la même manière : la valeur des droits voisins est indépendante de celle des droits d’auteur et la relation entre ces deux catégories de droits varie selon les circonstances. Il est possible de leur attribuer la même valeur, mais cela n’est pas obligatoire (c. 6.3). Les pourcentages de 10 %, respectivement de 3 %, prévus par l’art. 60 LDA, ne représentent pas des taux normaux, mais sont des limites supérieures qui ne peuvent être dépassées qu’à la condition prévue par l’art. 60 al. 2 LDA, à savoir que lesdits pourcentages ne suffisent pas à procurer une rémunération équitable aux ayants droit. A cette condition, un dépassement est alors possible (c. 6.4). Pour juger de ce qui est équitable, il est difficile de se baser sur des valeurs du marché réelles, car la gestion collective obligatoire empêche justement le développement d’un marché comparable. Si l’on voulait rechercher des valeurs du marché fictives, il faudrait tenir compte des difficultés pratiques auxquelles se heurterait la gestion individuelle, qui conduiraient souvent à une rémunération moindre, voire à une disparition de la rémunération. La détermination d’un prix concurrentiel fictif semble donc plutôt hypothétique (c. 6.5). Dans ces conditions, il ne peut être reproché au législateur d’avoir concrétisé la notion d’équité sur la base d’une appréciation politique, et d’avoir attribué aux droits voisins une autre valeur qu’aux droits d’auteur. Le rapport légal 10 : 3 est compatible avec les traités internationaux et lie le TF d’après l’art. 190 Cst. La loi prévoit certes expressément une possibilité de déroger aux limites maximales, donc au rapport 10 : 3, s’il y a pour cela des raisons particulières. Une interprétation ayant pour conséquence une dérogation générale à ce rapport ne serait toutefois plus conforme à la loi, et n’est pas imposée par l’art. 15 al. 1 WPPT (c. 6.6). La déduction des frais d’acquisition de la publicité de l’assiette de la redevance peut être rediscutée dans le cadre d’un tarif futur, mais le rapport 10 : 3 s’oppose à ce qu’elle soit compensée par un supplément seulement pour les droits voisins, et pas pour les droits d’auteur (c. 7.1). Il n’est pas démontré que le marché en ligne soit comparable à celui de la radio et de la télévision, et l’affirmation selon laquelle les droits de reproduction étaient plus valorisés avant d’être soumis à la gestion collective obligatoire (le 1er juillet 2008) n’est pas suffisamment étayée (c. 7.2). D’après la jurisprudence du TF, les comparaisons tarifaires avec l’étranger sont certes admissibles et judicieuses ; elles n’ont cependant qu’une valeur limitée, vu que les législations nationales connaissent des critères différents et que les circonstances de fait peuvent varier. Néanmoins, étant donné les difficultés à apprécier la rémunération équitable, la comparaison avec l’étranger est encore l’un des critères les moins discutables, pour autant que l’on puisse tenir compte de manière appropriée des différences pertinentes (c. 7.3.1). [VS]

Tarif commun S ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun S, procédure tarifaire en cours, mesures provisionnelles, vide tarifaire, effet suspensif ; art. 56 PA, art. 74 al. 2 LDA ; cf. N 614 (vol. 2012-2013 ; TAF, 24 janvier 2013, B-6540/2012) et N 615 (vol. 2012-2013 ; TAF, 13 février 2013, B-8558/2010 ; sic! 7-8/2013, p. 434-439, Gemeinsamer Tarif Z)

D’après l’art. 56 PA, des mesures provisionnelles sont possibles pour maintenir intact un état de fait existant ou pour sauvegarder des intérêts menacés. Dans son arrêt du 13 février 2013 (cf. N 615, vol. 2012-2013), le TAF a estimé que la CAF pouvait ordonner de telles mesures pour éviter un vide tarifaire, même sans base légale expresse. L’art. 56 PA concerne la procédure de recours, mais il est applicable par analogie en première instance. Les mesures provisionnelles peuvent être ordonnées par l’autorité compétente sur le fond, aussi par le président ou la présidente en cas d’autorité collégiale. Si elles concernent la période entre le moment où la décision de première instance est rendue et celui où l’autorité de recours peut prendre d’autres mesures provisionnelles, elles peuvent être ordonnées dans la décision finale ou rendues séparément (c. 1). De telles mesures supposent toutefois une situation d’urgence, de même qu’un dommage difficile à réparer. À ce sujet, une pesée des intérêts en présence devra être effectuée, pour laquelle un pronostic sur l’issue du litige sera pris en compte s’il est clair. En cas d’incertitudes sérieuses sur les faits ou sur le droit, des mesures provisionnelles ne seront ordonnées qu’avec retenue, car la procédure principale devra encore éclaircir la situation. L’urgence, le dommage difficile à réparer, la pesée des intérêts et, le cas échéant, le pronostic sur l’issue du litige seront étudiés à l’aune du principe de la proportionnalité. Pour l’exécution anticipée d’une prestation pécuniaire, comme en matière d’effet suspensif, il faut en outre que le pronostic sur l’issue du litige soit positif et que le remboursement éventuel de la prestation soit assuré (c. 3). D’après le TAF, le droit d’être entendu implique celui de recevoir une décision motivée (cf. N 614, vol. 2012-2013). En l’espèce, la motivation écrite de la décision d’approbation du nouveau tarif ne pourra pas être rendue avant l’échéance de l’ancien tarif. Un vide tarifaire est donc inévitable. Comme le tarif commun S concerne des droits exclusifs, ce vide aurait pour conséquence qu’aucune licence ne pourrait être donnée et que les utilisations d’œuvres et de prestations ne pourraient pas être entreprises (c. 4). D’après la jurisprudence constante de la CAF, un tel vide tarifaire doit si possible être évité, au besoin par des mesures provisionnelles (c. 5). La prolongation de l’ancien tarif jusqu’à l’issue du délai de recours contre l’approbation du nouveau tarif est une mesure provisionnelle opportune. Comme les associations d’utilisateurs ont consenti à cette prolongation, une pesée des intérêts en présence est inutile. En outre, la mesure est urgente. Les parties ne sont pas d’accord entre elles sur la question de savoir si un décompte selon le nouveau tarif doit être réservé. La CAF ne doit examiner cette question que pour le cas où l’approbation du nouveau tarif ne serait pas frappée de recours. Dans le cas contraire, c’est au juge instructeur du TAF de statuer sur un effet suspensif à l’encontre de la décision de la CAF, conformément à l’art. 74 al. 2 LDA (c. 7). Comme le nouveau tarif prévoit une date d’entrée en vigueur antérieure à l’échéance des mesures provisionnelles, il est opportun de réserver un décompte selon le nouveau tarif. On peut s’abstenir de procéder à un pronostic sur l’issue du litige puisque la CAF a déjà approuvé le nouveau tarif (quand bien même la motivation écrite est encore pendante) (c. 8). [VS]

« Tarif commun S » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun S, négociation des tarifs, redevance de réception radio, redevance de réception TV, quote-part du produit de la redevance, recettes brutes, déduction des frais d’acquisition de la publicité, égalité de traitement, augmentation de redevance, équité du tarif, devoir d’informer les sociétés de gestion, rabais tarifaire, témoin, audition ; art. 8 al. 2 Cst., art. 14 PA, art. 45 al. 2 LDA, art. 46 al. 2 LDA, art. 51 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA, art. 9 al. 3 ODAu; cf. N 788 (CAF, 4 novembre 2013) et N 789 (TF, 27 février 2014, 2C_783/2013 ; ATF 140 II 305 ; sic! 6/2014, p. 362-364, « Gemeinsamer Tarif Sender (GT S) » ; medialex 2/2014, p. 111, « Tarif commun S »).

Les parties à une procédure tarifaire ne sont pas obligées de négocier sans fin lorsque les positions sont arrêtées. Si un accord n’est pas possible en raison de divergences sur des questions de principe, le tarif peut être soumis à la CAF (c. 2). Dans sa décision du 4 novembre 2010 sur le tarif commun S, la CAF a déjà admis que les quotes-parts du produit de la redevance selon la LRTV faisaient partie des bases de calcul tarifaires, même si elles sont affectées à un but déterminé (c. 3.2.b). D’après l’art. 60 al. 1 lit. a LDA, l’indemnité doit être calculée en fonction des recettes provenant de l’utilisation, par quoi il faut entendre les recettes brutes. Le principe dit des recettes brutes a été confirmé aussi bien par le TF que par la CAF. Dans sa décision du 4 novembre 2013 (cf. N 788), la CAF a admis que ce principe impliquait que les revenus de sponsoring et de publicité soient pris en compte sans déduction pour les frais de leur acquisition. Le fait qu’une telle déduction ait été tolérée dans le passé d’un commun accord n’y change rien: les diffuseurs n’ont pas de droit à celle-ci. De même, le fait que d’autres tarifs prévoient cette déduction, d’entente avec les utilisateurs concernés et comme résultat des négociations, n’est pas contraire à l’égalité de traitement. Dans son arrêt du 27 février 2014 (cf. N 789,(c. 7.1)), le TF n’a pas exclu que la déduction des frais d’acquisition de la publicité soit renégociée dans le cadre d’un nouveau tarif commun S. Il n’y a pas non plus d’inégalités de traitement entre diffuseurs soumis à ce tarif: la solution tarifaire retenue est la même pour les diffuseurs qui acquièrent eux-mêmes la publicité que pour ceux qui recourent à une société-tierce. Au contraire, la réglementation actuelle a révélé un certain potentiel d’abus, ce qui est justement problématique pour l’égalité de traitement. Un changement en faveur du principe des recettes brutes n’a pas besoin d’être neutre financièrement, mais il ne doit pas entraîner des augmentations de redevances abruptes. La CAF a déjà accepté des augmentations importantes si elles sont échelonnées dans le temps. Il peut être renoncé à cet échelonnement si les redevances antérieures étaient manifestement insuffisantes, si l’augmentation résulte d’un changement de système objectivement justifié ou si elle est la conséquence d’une redevance plus juste. Ces conditions ne sont pas réalisées en l’espèce. Il n’est certes pas facile de prévoir les effets financiers du nouveau tarif. Mais les augmentations devraient globalement se situer entre 20% et 40% et il devrait y avoir de grandes différences d’un diffuseur à l’autre. L’échelonnement proposé par les sociétés de gestion dans leurs conclusions principales n’est pas équitable. En revanche, il l’est selon leurs conclusions subsidiaires. Une abolition complète de la déduction forfaitaire dans un futur tarif, pour se conformer entièrement au principe des recettes brutes, est fondamentalement possible, mais il faudra alors vérifier si les taux de redevance restent équitables (c. 3.3.c). Une obligation pour les diffuseurs d’annoncer les codes ISRC et ISAN est conforme à l’art. 51 LDA si ces codes sont fournis par les producteurs au moment de la livraison des enregistrements et s’ils peuvent être lus par les systèmes des diffuseurs. Un traitement manuel des codes ou une adaptation coûteuse des systèmes des diffuseurs dépasseraient la limite du raisonnable prévue par l’art. 51 LDA (c. 3.4.c). Par sa décision du 4 novembre 2010, la CAF a déjà estimé inutile de préciser que seuls les spots publicitaires avec de la musique protégée devaient être déclarés. Au surplus, pour ne pas accroître le travail administratif des diffuseurs, il n’y a pas lieu de leur imposer une obligation de vérifier si un morceau de musique est protégé ou non (c. 3.5.c). Un tarif doit être équitable indépendamment des rabais qu’il prévoit. Ceux-ci doivent être octroyés en échange de prestations concrètes de la part des utilisateurs. Tel n’est pas le cas lorsqu’un rabais est prévu en contrepartie de la signature d’un contrat dont le contenu n’est pas précisé. Pour cette raison, la CAF décide de faire dépendre le rabais du respect par les diffuseurs de la procédure de déclaration, et de l’adaptation de leurs systèmes informatiques à celle-ci (c. 4.4). La CAF peut s’abstenir d’examiner en détail, sous l’angle des art. 59 ss LDA, les clauses tarifaires non contestées s’il n’y a pas d’indices qu’elles pourraient être inéquitables (c. 5). D’après l’art. 14 PA, une audition de témoins n’est possible que si les faits ne peuvent pas être suffisamment élucidés d’une autre façon. Au surplus, ladite disposition ne mentionne pas la CAF parmi les autorités qui peuvent entendre des témoins, et ni la LDA ni l’ODAu ne lui donnent cette compétence. Il faut donc, en l’espèce, renoncer à entendre des témoins (c. 6). [VS]

12 octobre 2015

TAF, 12 octobre 2015, B-5587/2015 (d)

medialex 11/2015, « Tarif commun S » ; tarifs des sociétés de gestion, tarif S, effet suspensif, mesures provisionnelles, valeur litigieuse, frais de procédure, contestation pécuniaire ; art. 55 PA, art. 56 PA, art. 63 PA, art. 4 FITAF, art. 74 al. 2 LDA.

Il convient de traiter sans délai une demande d’effet suspensif, l’art. 55 al. 3 PA étant en l’espèce applicable par analogie (c. 1). Les recours contre les décisions de la CAF n’ont un effet suspensif que si le juge instructeur du TAF l’ordonne. Pour décider, il faut peser les différents intérêts privés et publics en jeu. Il faut déterminer si les raisons qui plaident en faveur d’une exécution immédiate l’emportent sur celles qui plaident pour la solution contraire. La situation à régler par la décision finale ne doit ni être préjugée, ni rendue impossible. Les pronostics sur l’issue de la procédure ne peuvent être pris en compte que s’ils sont clairs. En cas d’incertitudes de fait ou de droit, il faut faire preuve de retenue (c. 2.2). D’après l’art. 56 LDA, d’autres mesures provisionnelles que l’effet suspensif sont possibles pour maintenir intact un état de fait existant durant la procédure de recours, ou pour sauvegarder des intérêts menacés (c. 2.2). Une norme tarifaire qui prévoit la prolongation provisoire de l’ancien tarif jusqu’à l’entrée en vigueur du nouveau tarif serait contraire à l’art. 74 al. 2 LDA, car cette disposition implique qu’un nouveau tarif entre immédiatement en vigueur et qu’il appartient au juge instructeur du TAF d’ordonner la prolongation de l’ancien tarif dans le cadre de sa décision sur l’effet suspensif. En général, une telle prolongation sera préférée à la solution de l’art. 74 al. 2 LDA dans les cas où le recours s’avère manifestement fondé ou infondé, tandis que l’effet suspensif sera décrété dans les cas où la soumission à la surveillance fédérale des utilisations couvertes par le tarif est discutable; en revanche, la solution de l’art. 74 al. 2 LDA (c’est-à-dire l’entrée en vigueur immédiate du nouveau tarif) aura la priorité si la pesée des intérêts conduit à une impasse et qu’aucun intérêt prépondérant de l’une ou l’autre des parties n’apparaît (c. 3). En l’espèce, aucun pronostic clair ne peut être fait sur l’issue de la procédure et le recours ne semble ni manifestement bien fondé, ni manifestement mal fondé. Pour décider sur l’effet suspensif, il faut donc procéder à une pesée des intérêts en présence. Ce sont les intérêts des personnes représentées par les parties qui doivent être pris en considération, à savoir ceux des ayants droit, d’une part, et ceux des utilisateurs d’œuvres, d’autre part (c. 4). L’intérêt des ayants droit à bénéficier du nouveau tarif est d’importance égale par rapport à celui des utilisateurs à payer des redevances plus basses pour des raisons économiques. D’éventuels paiements indus pourraient être compensés avec des créances tarifaires futures. De plus, les intimées au recours ont assuré qu’elles étaient prêtes à rechercher des solutions à l’amiable avec les diffuseurs qui se retrouveraient dans des difficultés financières suite à l’entrée en vigueur du nouveau tarif. La mauvaise situation économique des radios privées, qui n’est d’ailleurs pas démontrée, n’est donc pas une raison prépondérante qui justifierait l’effet suspensif. Au contraire, il serait encore plus délicat pour elles que les intimées au recours, si elles devaient gagner la procédure, puissent après coup leur réclamer un surcroît de redevance à titre rétroactif. Au surplus, sous l’angle de la simplification des déclarations à fournir, aucun argument ne plaide pour l’ancien, respectivement le nouveau tarif. Comme on ne peut dégager aucun intérêt prépondérant en l’espèce, il faut s’en tenir à la solution de l’art. 74 al. 2 LDA et refuser l’effet suspensif (c. 5). Puisque la recourante demande l’annulation du nouveau tarif et, simultanément, la prolongation de l’ancien, la valeur litigieuse est constituée de la différence entre les recettes à attendre selon le nouveau tarif, durant toute sa durée de validité, et celles qui seraient procurées par l’ancien tarif. Le tarif litigieux concerne aussi d’autres associations que la recourante, si bien qu’une réduction proportionnelle de ce montant ne serait pas justifiée. La valeur litigieuse se situe ainsi entre CHF 1 million et CHF 5 millions. Comme les affaires tarifaires sont des contestations pécuniaires, l’échelle pour l’avance de frais est de CHF 7 000.- à CHF 40 000.- (c. 6). [VS]