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  • Traités internationaux

« Tarif commun 4e 2010-2011 » ; gestion collective, copie privée, usage privé, comparaison avec l'étranger, support propre à l'enregistrement d'œuvres, appareils multifonctionnels, support utilisé à des fins professionnelles, exonération pour les copies réalisées à partir de sources légales en ligne, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun 4e, supplément sur la redevance, effet rétroactif, équité du tarif, calcul de la redevance, rabais tarifaire, négociation des tarifs, moyens de preuve nouveaux, témoin, traités internationaux, triple test, smartphone ; art. 14 PA, art. 19 LDA, art. 19 al. 3bis LDA, art. 20 al. 3 LDA, art. 46 al. 2 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA, art. 83 al. 2 LDA, art. 9 ODau.

La situation juridique en Suisse concernant une redevance sur les smartphones est difficilement comparable aux différentes réglementations dans les pays d'Europe. Pour cette raison, la CAF renonce à entreprendre en l'espèce une comparaison avec l'étranger, comme elle l'avait fait de manière exceptionnelle dans la procédure concernant le tarif commun 4 (décision de la CAF du 21.12.1993, ch. II/d) (c. 19). En raison du texte de l'art. 20 al. 3 LDA, la CAF considère que la redevance sur les supports vierges s'appliquent aux supports propres à l'enregistrement d'œuvres, indépendamment de tout aspect quantitatif. Selon la jurisprudence du TF, sont assujettis à la redevance les supports qui, d'après leur destination et leurs propriétés d'enregistrement et de lecture, se prêtent à l'enregistrement d'œuvres protégées et sont vraisemblablement utilisés à cette fin (cf. ATF 133 II 263 [N 27, vol. 2007-2011], c. 7.2.2). Les smartphones sont utilisés principalement pour téléphoner et envoyer des SMS et ils permettent aussi de photographier, filmer, accéder à Internet, etc. Néanmoins, même si les supports ne servent pas principalement à reproduire des œuvres protégées, ils peuvent aussi être assujettis à la redevance, puisqu'il est démontré que les smartphones sont non seulement appropriés pour la copie des œuvres, mais également utilisés à cette fin avec une grande vraisemblance et dans une mesure importante (c. 6). La multifonctionnalité des smartphones est toutefois à prendre en considération dans le cadre du calcul de la redevance (contrôle de l'équité du tarif). Selon le TF, le fait que le droit suisse ne connaisse pas la redevance sur les appareils n'est pas un obstacle à l'introduction d'une redevance sur les supports intégrés dans des appareils principalement destinés à la reproduction d'œuvres sonores et audiovisuels (cf. ATF 133 II 275, c. 7.3.1). Mais on ne peut pas en tirer la conclusion inverse qu'une telle redevance serait exclue si le support est intégré dans un appareil qui n'a pas pour fonction principale la reproduction de musique (c. 6). Il n'y a pas de smartphones utilisés exclusivement à des fins privées ou, au contraire, exclusivement à des fins professionnelles. En tout cas, un tarif forfaitaire ne permet pas de distinguer selon que l'acheteur entend ou non utiliser l'appareil comme téléphone musical (c. 9). D'après l'arrêt Padawan de la Cour de justice de l'Union européenne (C-467/08), la simple capacité des appareils à réaliser des copies suffit à justifier l'application de la redevance pour la copie privée, à la condition que lesdits appareils aient été mis à la disposition des personnes physiques en tant qu'utilisateurs privés (c. 56). Il n'est cependant pas exclu de réduire la redevance pour tenir des utilisations de l'appareil effectuées à des fins professionnelles (c. 9). Pour interpréter l'art. 19 al. 3bis LDA, la jurisprudence du TF rendue en 2007 (cf. ATF 133 II 263 [N 27, vol. 2007-2011], c. 10.2) n'est pas forcément pertinente, puisque cette disposition est entrée en vigueur postérieurement (c. 15); de plus, le cas des smartphones diffère de celui des lecteurs MP3, en ce sens que les œuvres peuvent être téléchargées directement à partir d'Internet dans le premier cas, ce qui est rare dans le second. Sur la base d'une interprétation littérale de la norme, dont les résultats ne sont démentis ni par l'interprétation historique ni par l'interprétation téléologique, il faut admettre que l'art. 19 al. 3bis LDA n'exonère de redevance que les premières copies, c'est-à-dire celles réalisées au moment des téléchargements (c. 15). Ces dernières sont autorisées gratuitement par la loi et les fournisseurs en ligne ne peuvent pas les licencier, car ils ne détiennent pas les droits nécessaires (ni en vertu de la loi, ni en vertu de contrats). L'art. 19 al. 3bis LDA a pour fonction de rétablir l'équilibre entre le commerce en ligne et le commerce de supports physiques : celui qui achète un disque dans un magasin peut l'écouter sans devoir confectionner une copie supplémentaire; l'art. 19 al. 3bis LDA fait donc en sorte que l'utilisateur d'un magasin en ligne n'ait pas d'obligation du seul fait qu'il doit obligatoirement confectionner une copie pour bénéficier de l'œuvre (c. 15). Mais si le CD acheté en magasin est ensuite reproduit sur un support vierge, la redevance pour la copie privée est due. Il doit donc en aller de même en cas d'acquisition d'un exemplaire électronique. Par conséquent, l'art. 19 al. 3bis LDA ne peut pas exonérer d'autres copies que celles réalisées au moment du téléchargement (c. 15). Enfin, cette disposition n'impose qu'une déduction forfaitaire sur la redevance et ne donne aucun droit à un utilisateur individuel d'être libéré de celle-ci dans le cas où il reproduirait exclusivement des œuvres provenant de magasins en ligne légaux (c. 15). La pratique de remplacer l'entrée en vigueur rétroactive d'un tarif par un supplément sur les taux est due au fait que la redevance sur les supports vierges, en cas d'effet rétroactif, ne peut plus être répercutée dans le prix de vente des supports (c. 22). Toutefois, en l'espèce, un supplément conduirait à un doublement de la redevance, vu la longue durée de la procédure. D'après la jurisprudence du TF, l'effet rétroactif d'une réglementation n'est admissible que s'il est expressément ordonné ou s'il découle du sens de cette réglementation, s'il est limité dans le temps et justifié par des raisons pertinentes, s'il ne conduit pas à des inégalités de traitement choquantes et s'il ne porte pas atteinte à des droits acquis (cf. ATF 125 I 182 [N 27, vol. 2007-2011], c. 2.b.cc). L'art. 83 al. 2 LDA n'est applicable qu'aux rémunérations dues dès l'entrée en vigueur de la loi, pas à celles qui naissent ultérieurement (c. 22). Mais cette disposition n'exclut pas non plus un effet rétroactif en l'espèce. Son but est en effet d'éviter qu'il y ait une lacune entre l'entrée en vigueur de la loi et l'adoption du tarif, impliquant que les ayants droit ne soient pas rémunérés. Ce problème existe aussi en cas d'apparition d'une nouvelle utilisation d'œuvres et de prestations protégées (c. 22). La limitation dans le temps de l'effet rétroactif est liée à des impératifs de prévisibilité pour les personnes concernées. Comme la CAF avait approuvé une première fois le tarif litigieux le 18 mars 2010 et que le TAF, avant d'annuler cette décision, avait expressément signalé que les décomptes pourraient être dus après coup (mais dès l'entrée en vigueur prévue par la décision attaquée), les utilisateurs devaient compter avec un effet rétroactif d'au moins 18 mois (c. 22). Il y a en l'espèce des raisons pertinentes à cet effet rétroactif, car les ayants droit peuvent prétendre à être rémunérés pendant la durée de la procédure et parce que la méthode du supplément conduirait à un doublement de la redevance, laquelle serait supportée uniquement par d'autres consommateurs que ceux ayant copié des biens protégés avant l'adoption du tarif (c. 22). Compte tenu des circonstances, on pouvait exiger des producteurs et importateurs qu'ils constituent des provisions en vue d'un éventuel paiement ultérieur de la redevance et qu'ils augmentent préventivement leur prix. Ils auraient certes dû rembourser les consommateurs si le tarif n'avait finalement pas été adopté, mais cela n'aurait pas été impossible bien que lié à certaines difficultés (c. 22). L'importance de ces dernières est moindre par rapport à l'importance de constituer des réserves pour assurer le paiement de la redevance. Enfin, un effet rétroactif ne conduirait à aucune inégalité choquante, ni à des distorsions de concurrence, si bien que cet effet rétroactif peut être prononcé (c. 22). La redevance pour la copie est calculée sur la base des coûts investis par le consommateur, donc du prix de vente du matériel de reproduction. À défaut d'autres indications, c'est le prix de vente des smartphones sans abonnement qui fait foi, et non le prix plus bas annoncé au consommateur lorsque ce dernier accompagne son achat de la conclusion d'un abonnement auprès d'un opérateur de téléphonie mobile (c. 12). Un calcul de la redevance basé sur les économies réalisées par les consommateurs grâce à la copie privée gratuite ne peut avoir qu'une fonction de contrôle du caractère équitable de la redevance basée sur les coûts (c. 18). En cas de nouveau tarif, un rabais d'introduction est admissible pour la première période de validité du tarif. Cependant, si le tarif entre en vigueur tardivement par rapport aux conclusions de sociétés de gestion, un supplément sur la redevance, compensant la période de non-encaissement, est possible également (c. 17 et 23). Lorsqu'une association d'utilisateurs ne veut plus participer aux négociations, les sociétés de gestion ne sont pas tenues de poursuivre ces négociations avec les autres associations (c. 3). Les parties doivent alléguer les faits et produire leurs preuves le plus tôt possible dans le cadre de la procédure. Exceptionnellement, elles peuvent encore actualiser leur dossier ultérieurement en cas de procédure de longue durée (c. 2). L'art. 14 PA ne permet l'audition de témoins que si l'état de fait ne peut pas être établi d'une autre manière. Depuis la création du TAF, cette disposition ne mentionne plus la CAF parmi les autorités qui peuvent ordonner une audition de témoins. Cette possibilité n'est pas non plus prévue par l'ODAu (c. 2). Lorsqu'une décision de la CAF est annulée par le TAF, la procédure est replacée dans l'état où elle se trouvait avant la décision. Les parties peuvent donc reprendre les conclusions que la CAF avaient rejetées et, cas échéant, les diminuer (c. 2). Les restrictions au droit de reproduction ne sont tolérées par le droit conventionnel international que si elles ne portent pas atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du détenteur du droit (art. 9 al. 2 CB, art. 13 ADPIC). Ce test dit des trois étapes doit être pris en compte en matière d'exceptions au droit de reproduction pour l'usage privé (c. 7). Le droit à rémunération de l'art. 20 al. 3 LDA assure la compatibilité du droit suisse avec le droit international. Il instaure en effet une compensation financière pour l'exception prévue par l'art. 19 al. 1 lit. a LDA. Restreindre la portée de cette compensation, seulement en raison de la multifonctionnalité des smartphones, serait contraire au droit international (c. 7). Le droit suisse n'interdit pas le téléchargement à partir de sources illégales. Les ayants droit n'ont aucun moyen de droit civil ou de droit pénal à son encontre. Mais en contrepartie, ils bénéficient d'une compensation par le biais de la redevance sur les supports vierges. On ne voit pas en quoi ce système serait contraire aux traités internationaux (c. 15). [VS]

03 janvier 2012

TAF, 3 janvier 2012, B-1769/2010 (d)

medialex 2/2012, p. 107-109 (rés.) « Tarif A télévision (Swissperform) » ; gestion collective, décision, approbation des tarifs, tarifs des sociétés de gestion, tarif A télévision, qualité pour recourir, effet rétroactif, pouvoir de cognition, autonomie des sociétés de gestion, tarifs séparés, obligation de collaborer, traités internationaux, applicabilité directe, droits voisins, support disponible sur le marché, intégration d'un enregistrement sonore dans un vidéogramme ; art. 19 CR, art. 2 lit. b WPPT, art. 5 Cst., art. 5 PA, art. 48 PA, art. 49 PA, art. 1 LDA, art. 33 LDA, art. 35 LDA, art. 46 LDA, art. 47 LDA, art. 74 al. 1 LDA, art. 9 al. 1 ODAu.

Les décisions de la CAF sont des décisions au sens de l'art. 5 al. 1 PA, qui peuvent faire l'objet d'un recours au TAF (c. 1.1). La SRG SSR, unique partenaire de négociation et unique personne obligée par le tarif, est destinataire de la décision d'approbation de ce tarif et est donc spécialement atteinte par celle-ci (c. 1.1). Elle a un intérêt digne de protection à sa modification, même si elle n'est pas une association d'utilisateurs au sens de l'art. 46 al. 2 LDA (c. 1.1). Lorsqu'un recours est déposé au TAF contre la décision d'approbation d'un tarif et qu'un effet suspensif est décrété, le tarif peut entrer en vigueur avec effet rétroactif s'il est approuvé par le TAF (c. 1.2). La CAF examine un tarif avec pleine cognition en veillant à sa conformité aux exigences légales, mais en respectant une certaine liberté de disposition et l'autonomie tarifaire des sociétés de gestion. Elle veille à trouver un équilibre des intérêts entre titulaires de droits et utilisateurs, qui serve la sécurité juridique. En cas de dispositions tarifaires approximatives ou d'inégalité de traitement, elle examine s'il faut empiéter sur l'autonomie tarifaire des sociétés de gestion. Des utilisations semblables d'un même cercle d'utilisateurs, ressortissant à la même société de gestion, doivent être réglées au sein d'un même tarif sauf s'il existe des raisons objectives pour créer plusieurs tarifs. Des utilisations non soumises à redevance d'après la loi doivent être exclues du tarif (c. 2.1). En matière tarifaire, la cognition du TAF n'est pas limitée. Il fait toutefois preuve d'une certaine retenue lorsque la CAF, en tant qu'autorité spécialisée, a examiné des questions complexes de droit de la gestion collective, lorsqu'elle a pesé les intérêts en présence ou lorsqu'elle a sauvegardé l'autonomie tarifaire des sociétés de gestion. Pour cette raison, le TAF n'examine en principe des formulations tarifaires qu'avec un effet cassatoire. Il ne peut les modifier lui-même qu'exceptionnellement (c. 2.2). En procédure tarifaire, les parties ont un devoir de collaboration. En cas de recours, elles doivent expliquer en détail pourquoi elles ne sont pas d'accord avec la décision de la CAF et prouver leurs allégations. La CAF ne doit s'écarter de l'état de fait allégué par les parties que si elle a des indices qu'il n'est pas correct. Si une partie manque à son devoir de collaboration, la CAF peut se baser uniquement sur les faits allégués par l'autre partie (c. 2.3). Les traités internationaux et le droit suisse forment un système unitaire, si bien que les premiers n'ont pas besoin d'être transposés en droit interne (c. 3.2). Un traité est directement applicable s'il contient des règles claires et suffisamment déterminées qui permettent une décision dans un cas concret, pas s'il s'adresse uniquement au législateur. Les WCT et WPPT ne sont que partiellement directement applicables, mais l'art. 15 WPPT dispose de cette qualité (c. 3.2). La notion de fixation, utilisée à l'art. 33 LDA, n'est pas liée à un support de données physique déterminé. Elle est un synonyme d'enregistrement, terme que l'on trouve aussi à l'art. 33 al. 2 lit. c LDA. En revanche, les mots phonogramme et vidéogramme employés par l'art. 35 LDA sont encore compris en relation avec des supports de données physiques. Mais ils n'impliquent pas une forme de publication particulière. La notion « disponible sur le marché » de l'art. 35 LDA doit être rapportée à la fixation plutôt qu'au support de données physique utilisé concrètement. Peu importe par conséquent que le support utilisé pour la diffusion ne soit pas disponible sur le marché si la fixation qu'il contient l'est quant à elle. L'interprétation de la loi doit tenir compte de l'évolution technique, si bien qu'il serait faux de réserver la notion « disponible sur le marché » aux seuls produits physiques. La fixation peut aussi être mise à disposition sur Internet à des fins de téléchargement gratuit ou payant (c. 5 et 6). L'intégration d'un enregistrement sonore dans un vidéogramme nécessite l'accord des titulaires de droits voisins sur cet enregistrement. Le droit voisin sur le vidéogramme s'étend ensuite aussi à la bande son (c. 7). [VS]

14 mars 2014

TAF, 14 mars 2014, B-6540/2012 (d)

sic! 10/2014, p. 618-623, « Zusatztarif zumGT 3a », medialex 3/2014, p. 166-167, «Uhreberrechtsentschädigungen für Sendeempfang in Gästezimmern » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarifs communs 3a complémentaire, tarifs séparés, question préalable, négociation des tarifs, devoir de négocier, traités internationaux, applicabilité directe, interprétation conforme au droit international, économie de procédure, droit d’être entendu, droit de retransmission, droit de faire voir ou entendre, chambres d’hôtes, usage privé ; art. 8 WCT, art. 5 al. 4 Cst., art. 29 Cst., art. 190 Cst., art. 1 al. 2 LDA, art. 10 al. 2 lit. e LDA, art. 10 al. 2 lit. f LDA, art. 19 al. 1 lit. a LDA, art. 22 al. 2 LDA, art. 46 al. 2 LDA, art. 47 al. 1 LDA ; cf. N 802 (TAF, 8 juillet 2015, B-3865/2015).

Si la CAF entend modifier elle-même la proposition tarifaire des sociétés de gestion, elle doit accorder aux parties le droit d’être entendu (c. 2.2). Dans le domaine du droit d’auteur, en matière de droit à rémunération, les autorités doivent tenir compte du droit international public. Les traités internationaux et le droit interne font partie d’un système juridique uniforme, les particuliers ne pouvant se prévaloir des premiers que s’ils ont un caractère « self executing ». Tel est le cas lorsqu’un traité contient des normes claires et suffisamment déterminées permettant de trancher un cas particulier, pas lorsqu’il s’adresse au législateur en prescrivant comment une matière doit être réglementée (c. 3.2). En revanche, les tribunaux suisses n’ont pas à respecter la jurisprudence européenne, lorsqu’il y a des raisons objectives de consacrer une solution différente (c. 3.3). La LDA doit être interprétée de manière compatible avec les accords ADPIC (c. 3.4). Les garanties minimales découlant du droit d’être entendu englobent le droit à une orientation préalable, à pouvoir s’exprimer, à être écouté, à consulter le dossier et à recevoir une décision motivée. Les parties ont le droit de recevoir toutes les écritures déposées, qu’elles apportent ou non des éléments nouveaux ou importants, et de prendre position à leur sujet (c. 4.4.1). Une violation du droit d’être entendu peu importante peut exceptionnellement être réparée si la partie concernée a la possibilité de s’exprimer en procédure de recours. Même en cas de violations graves, il faut renoncer à un renvoi afin d’éviter le formalisme excessif et les retards inutiles. Mais la doctrine s’exprime majoritairement pour un renvoi en cas de telles violations graves du droit d’être entendu (c. 4.4.3). En l’espèce, la CAF a invité les sociétés de gestion à déposer un tarif totalement nouveau, qu’elle a approuvé sans en informer les parties adverses et le Préposé à la surveillance des prix, et sans requérir leur détermination. De plus, le tarif aurait dû entrer en vigueur dès avant la motivation écrite de la décision d’approbation (c. 5.1). Ces violations du droit d’être entendu sont graves, elles n’étaient pas justifiées par des impératifs de rapidité ou par des droits de tiers et n’étaient pas proportionnées. Elles ne peuvent être réparées en procédure de recours, car les parties lésées seraient privées d’une instance judiciaire. La décision doit donc être annulée (c. 5.4). En l’espèce, on peut se demander si le devoir de négocier au sens de l’art. 46 al. 2 LDA a été respecté, car les mêmes positions ont été répétées de fois en fois, sans entrer en matière sur les arguments des parties adverses. Mais la question peut rester ouverte, car le devoir de négocier a de toute manière été violé s’agissant du nouveau projet tarifaire déposé directement devant la CAF, ce qui était une raison supplémentaire pour que celle-ci requière la détermination des parties adverses (c. 6.2). Enfin, la CAF a négligé de demander l’avis du Préposé à la surveillance des prix sur ce nouveau projet (c. 6.3). Nonobstant le renvoi, pour des questions d’économie de procédure, il convient de trancher déjà les questions préalables de droit matériel et celle de savoir si des tarifs séparés sont possibles (c. 7.2 et 7.3). Le droit de retransmission de l’art. 10 al. 2 lit. e LDA n’est pas identique à celui que consacrait l’aLDA, dans la mesure il n’exige pas une communication publique. On ne peut donc pas déduire de l’ATF 119 II 62 (c. 3b) que la distribution d’un signal dans des chambres d’hôtes représenterait une retransmission (c. 8.5). Le droit de faire voir ou entendre une émission au sens de l’art. 10 al. 2 lit. f LDA implique qu’il n’y ait pas d’autres installations entre l’appareil de réception et le public, mis à part les amplificateurs et les haut-parleurs. Ce droit englobe tout ce qui ne représente pas un usage privé au sens de l’art. 19 al. 1 lit a et b LDA. En d’autres termes, il concerne la réception publique (c. 8.6). Ce qui est public en droit d’auteur n’est défini que pour le droit de divulgation (art. 9 al. 3 LDA) et qualifie un grand nombre de personnes ne constituant pas un cercle privé au sens de l’art. 19 al. 1 lit. a LDA. Cette notion est vague et doit être interprétée (c. 8.7). Pour déterminer ce qui était une communication publique dans le cadre du droit de retransmission de l’aLDA, le TF ne se basait pas sur le nombre d’abonnements, mais sur l’étendue territoriale du réseau. Aujourd’hui, le nombre d’abonnés est déterminant d’après l’art. 22 al. 2 LDA. (c. 8.7.2). Ce nombre, d’emblée, doit être restreint (c. 8.7.3). Quant à elle, la CJUE admet le caractère public d’une diffusion dans des chambres d’hôtel, parce qu’elle prend en compte aussi les personnes se trouvant dans d’autres endroits de l’hôtel et parce que les personnes qui occupent les chambres se succèdent rapidement. Contrairement à ce qui vaut en droit allemand, ce critère n’implique pas que les personnes qui se succèdent consultent la même œuvre (c. 8.7.4). Le droit de communiquer publiquement des émissions de l’art. 11bis al. 1 ch. 2 CB implique l’existence d’un nouveau public. Tel est le cas lorsque la communication intervient dans un but lucratif ou devant un cercle de personnes plus large que celui visé par l’auteur lorsqu’il a accordé son autorisation de diffusion (à l’organisme de radio ou de télévision) (c. 8.7.5). D’après l’art. 8 WCT, la communication est publique si le contenu est disponible pour chacun, de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement. Ce ne sont pas les différents accès qui sont déterminants, mais la mise à disposition effectuée au même moment pour tous. L’art. 8 WCT n’est toutefois pas applicable à la réception d’émissions (c. 8.7.6). Ce qui est public n’est donc pas défini uniformément en droit d’auteur et n’est pas apte à distinguer les utilisations libres et celles qui sont soumises à redevance (c. 8.7.6). L’opposé de l’usage public est l’usage privé au sens de l’art. 19 al. 1 lit. a LDA. Les personnes étroitement liées au sens de cette disposition ne doivent pas être réunies par hasard, leur nombre doit être restreint et il doit exister entre elles une communauté de destin. Tel est le cas entre les élèves d’un internat, entre les habitants d’un même logement ou d’une pension familiale, mais pas entre les clients d’un hôtel qui ne se connaissent que superficiellement et qui changent rapidement (c. 8.8.1). Les chambres d’un hôtel sont toutefois des lieux privés, sous réserve d’une appréciation économique ou de la reconnaissance d’un caractère public parce que les divers occupants se succèdent rapidement (c. 8.8.2). D’un point de vue économique, l’application de l’exception d’usage privé à des actes de nature commerciale peut sembler inadmissible. Cette argumentation est essentiellement fondée sur le texte de l’art. 22 aLDA. Mais même sous l’empire du nouveau droit, l’exception d’usage privé implique que l’utilisation ne procure aucune recette et ne porte pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre (c. 8.8.3). La jurisprudence du TF rendue en application de l’art. 22 aLDA a d’ailleurs été reprise pour interpréter la loi actuelle (c. 8.8.4). Un but lucratif de l’utilisateur d’œuvre est donc incompatible avec l’exception de l’art. 19 al. 1 lit. a LDA (c. 8.9.2). En l’espèce, il faut se demander qui est l’utilisateur d’œuvres (c. 8.9.3). Les actes visés par l’art. 10 al. 2 lit. a-f LDA sont accomplis par des intermédiaires, et non par la personne qui bénéficie de l’œuvre. Ils se produisent avant la consommation de l’œuvre (c. 8.9.4). L’utilisateur d’œuvres dans des chambres d’hôtes n’est donc pas l’occupant de la chambre, mais l’intermédiaire, par exemple l’hôtelier (c. 8.9.6). Cette approche pourrait certes être remise en cause par la convergence des technologies, à savoir le fait que des émissions peuvent être reçues sur les propres appareils du client (tablettes, ordinateurs portables ou smartphones). On peut en effet se demander quel degré d’infrastructure l’hôtelier doit mettre à disposition pour être débiteur de redevances. La fourniture d’un réseau WLAN ne suffit pas. De plus, la perception d’une rémunération lorsqu’il n’y a pas de nouveau public peut paraît inopportune. Il appartient cependant au pouvoir politique d’adapter le droit au progrès technique (c. 8.10). La réception d’émissions dans des chambres d’hôtes est donc soumise à redevance (c. 8.11). Un tarif complémentaire est admissible lorsqu’il s’agit de compléter un tarif existant jusqu’à la fin de sa période de validité, que la situation juridique est incertaine et qu’un vide tarifaire menace. Le tarif complémentaire doit cependant être intégré dans le tarif principal à son échéance, afin que l’art. 47 LDA soit respecté (c. 9.2). [VS]