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  • Mauvaise foi

29 mai 2008

KG ZG, 29 mai 2008, A3 2008 39 (d)

sic! 1/2009, p. 39-42, « Resonanzetikette III » ; action, action en remise du gain, violation d’un brevet, preuve, estimation, péremption, prescription, délai, registre des brevets, faute, dol, mauvaise foi, diligence, intérêts ; art. 2 al. 2 CC, art. 8 CC, art. 42 al. 2 CO, art. 60 al. 2 CO, art. 73 CO, art. 423 CO, art. 81 LBI, art. 70 al. 3 aCP.

Il n'est pas possible d'appliquer l'art. 42 al. 2 CO par analogie afin de procéder à une estimation lorsque, faute d'une comptabilité en règle, l'entreprise, gérante (art. 423 CO), n'est pas en mesure de prouver les coûts de revient qu'elle allègue (c. 3.3). L'action en délivrance du gain n'est pas périmée (art. 2 al. 2 CC) en raison du fait qu'elle n'est déposée, vu la complexité de la situation, que deux ans après la connaissance de la violation du brevet, ce d'autant qu'il n'y a pas lieu d'admettre que le lésé entendait ainsi profiter économiquement de la violation du brevet (c. 4.4). L'action qui découle de la violation intentionnelle d'un brevet est soumise au délai de prescription pénal de 5 ans (art. 60 al. 2 CO, art. 81 LBI, art. 70 al. 3 aCP). La seule présomption légale de la connaissance du contenu du registre des brevets européens ne suffit pas à établir l'existence d'une violation intentionnelle (dol ou dol éventuel) (c. 5.3). Afin de prétendre à la restitution du gain, le lésé doit prouver la mauvaise foi ou la faute du gérant (art. 423 CO, art. 8 CC). Viole son devoir de diligence et est de mauvaise foi la personne qui, avant de fabriquer et de commercialiser un produit (dans un domaine très spécialisé), néglige de s'assurer qu'une telle activité ne viole pas les brevets de tiers (c. 7.3). En cas de restitution du gain, un intérêt compensatoire de 5 % (art. 73 CO) est dû à partir du moment où le fait dommageable a eu des effets financiers (c. 8.1).

14 janvier 2009

TC VD, 14 janvier 2009, CM08.032409 (f) (mes. prov.)

sic! 6/2009, p. 431-439, « Ferrari II » ; concurrence déloyale, droit des marques, mauvaise foi, faute, risque de confusion, risque de confusion indirect, réputation, exploitation de la réputation, force distinctive, force distinctive faible, comportement parasitaire, publicité, mesures provisionnelles, vraisemblance, préjudice irréparable, urgence, transfert d’une marque litigieuse, sûretés ; art. 2 LCD, art. 3 lit. d LCD.

La LPM et la LCD s'appliquent de manière cumulative en fonction des objectifs différents qu'elles poursuivent (c. III). L'application de la LCD n'implique ni l'existence d'une relation de concurrence entre l'auteur et le lésé ni la mauvaise foi ou la faute de l'auteur (c. IV.a et IV.b). La notion de risque de confusion est identique dans la LPM et la LCD. Un risque de confusion est notamment présent lorsque la réputation d'autrui est indûment exploitée par la création d'un risque de confusion. Le produit protégé par l'art. 3 lit. d LCD doit être doté d'une certaine force distinctive (c. IV.c). L'art. 2 LCD interdit notamment d'exploiter la bonne réputation d'un tiers de façon parasitaire, c'est-à-dire en privant ce tiers du fruit de ses efforts par la reprise directe de son produit et l'économie des investissements nécessaires. Même en l'absence d'un risque de confusion, la reprise, dans sa propre publicité, du produit d'un tiers peut s'avérer parasitaire (c. IV.d). Le fait de se référer directement à l'histoire et à la marque d'un tiers pour promouvoir ses propres produits et justifier leur prix élevé, ainsi que le fait de reprendre de nombreuses caractéristiques des produits de ce tiers (design du véhicule, éléments figurant dans sa marque), crée un risque de confusion (indirect) et constitue un comportement parasitaire (c. IV.e). Ce n'est que si la marque antérieure est dotée d'une faible force distinctive que le fait d'y ajouter un élément verbal ou graphique permet d'éviter un risque de confusion (c. V). Des mesures provisionnelles doivent être justifiées par la vraisemblance d'un dommage difficilement réparable (c. VI). Il y a urgence lorsque l'efficacité du jugement rendu à l'issue de la procédure ordinaire risquerait d'être compromise, en l'espèce par le transfert de la marque attaquée (c. VII). Les mesures provisionnelles interdisant à la défenderesse de transférer une marque qui n'est pas encore utilisée sur le marché, il paraît justifié d'astreindre le requérant à fournir des sûretés à hauteur de 80 000 francs (c. VIII).

24 mai 2012

OG ZH, 24 mai 2012, LK020010-O/U (d)

sic! 7-8/2013, p. 445-461, « Tunnels d’Arrissoules » ; œuvre, droit d’auteur, tunnel, œuvre du génie civil, projet, partie d’œuvre, œuvre d’architecture, individualité, liberté de création, protection des idées, contenu scientifique, calcul, plan, offre, enseignement technique, responsabilité de la collectivité publique pour ses agents, acte illicite, concurrence déloyale, exploitation d’une prestation d’autrui, remise du gain, mauvaise foi, gestion d’affaires, faute, enrichissement illégitime ; art. 3 CC, art. 4 CC, art. 41 CO, art. 55 CO, art. 62 CO, art. 423 CO, art. 2 LDA, art. 5 lit. a LCD, art. 5 lit. b LCD, art. 9 LCD, art. 11 LCD.

Un projet de construction de tunnels autoroutiers comportant un rapport technique, des commentaires, des calculs, des dessins et des plans, peut constituer une œuvre protégée au sens du droit d'auteur si les contingences techniques, juridiques et fonctionnelles (y compris naturelles) qui ont présidé à sa réalisation ont laissé à son auteur une marge de manœuvre suffisante pour qu'il ait néanmoins pu réaliser des choix créateurs autonomes débouchant sur un résultat individuel ; ce qui n'a pas été admis en l'espèce (c. IV.3-5). Les œuvres d'architecture, au sens de l'art. 2 al. 2 lit. e LDA, sont toutes les œuvres par lesquelles l'espace est structuré par une intervention humaine. Les productions des architectes, ingénieurs, architectes d'intérieur, paysagistes et décorateurs peuvent être protégées par la LDA. Les tunnels sont aussi mentionnés par la doctrine comme pouvant constituer des œuvres architecturales s'ils satisfont aux conditions de protection du droit d'auteur (c. IV.3.5.1). La forme des œuvres architecturales est souvent déterminée par leur but et d'autres contraintes (fonction, emplacement, dispositions en matière de police des constructions, moyens financiers du maître de l'ouvrage). La liberté de création de l'architecte est ainsi limitée, et ses réalisations peuvent donc bénéficier de la protection du droit dès qu'elles présentent un degré d'individualité, même réduit (c. IV.3.5.2). Les œuvres d'un ingénieur civil dépendent encore plus de contingences techniques (topographies, matériaux, tracé des voies, lois de la physique, problèmes de statique) et la liberté créatrice passe à l'arrière-plan. Dès qu'une forme d'exécution est imposée par les contingences techniques et qu'il n'existe pas d'alternative dépourvue d'impact sur l'effet image technique recherché, la réalisation ne présente pas d'individualité et appartient au domaine public. C'est souvent le cas pour les constructions du génie civil (ponts, routes et tunnels) qui, malgré leur caractère parfois esthétique, sont généralement dépourvues d'individualité étant donné les conditions qui ont présidé à leur réalisation comme les propriétés du sol, les exigences techniques et la dépendance aux matériaux utilisés. Si toutefois les conditions particulières à un cas d'espèce ont laissé une certaine marge de manœuvre à l'auteur de la réalisation considérée, plusieurs variantes étant imaginables pour résoudre le problème technique ou scientifique donné, les choix effectués par l'auteur du projet lui confèrent un caractère individuel (c. IV.3.5.3). Tel n'a pas été le cas en l'espèce. Le contenu scientifique ou technique de plans, calculs, projets, dessins techniques, etc., n'est pas protégé par le droit d'auteur. Il peut l'être par le droit des brevets ou par le fait de demeurer secret, mais n'entre pas en ligne de compte pour déterminer si la réalisation à laquelle il est lié est individuelle et bénéficie de la protection du droit d'auteur (c. IV.3.6). La LCD ne protège pas les idées ou les méthodes. Ainsi, la simple idée de renoncer à un dispositif de drainage d'un tunnel pour laisser les eaux s'infiltrer dans la montagne n'est pas protégée par la LCD (c. IV.7.3). Par contre, la reprise et l'utilisation par un tiers de calculs, offres et plans, sans l'autorisation de leur auteur, constituent un acte de concurrence déloyale dont les auteurs sont non seulement celui qui a lancé l'appel d'offres, mais aussi les tiers qui utilisent ou exécutent les résultats de cet appel d'offres (c. IV.7.4). Tel n'est pas le cas si ces tiers ont développé leurs activités sur la base de leurs propres calculs (c. IV.7.5). La remise du gain selon l'art. 423 CO suppose la mauvaise foi du gérant (c. IV.14.4). La bonne foi est présumée. Toutefois, en vertu de l'art. 3 al. 2 CC, ne peut se prévaloir de sa bonne foi celui qui, en déployant l'attention que les circonstances permettaient d'exiger de lui, n'aurait pas pu être de bonne foi (c. IV.14.5). Le fait de renoncer à vérifier si un acte est susceptible de violer les droits de tiers, lorsqu'on a des raisons de penser que tel pourrait être le cas, est constitutif de mauvaise foi (c. IV.14.9.1). Dans le cas d'espèce toutefois, le tribunal n'a retenu ni la mauvaise foi (en raison d'une attention insuffisante), ni la faute du défendeur (c. IV.14.10). Du moment qu'il ne peut être reproché au défendeur ni un manque d'attention, ni un défaut de surveillance, il ne peut pas non plus lui être reproché une violation de ses obligations de vérification et de surveillance au sens du droit de la concurrence, ce qui ne laisse pas place à une action en restitution de l'enrichissement illégitime au sens de l'art. 62 CO (c. IV.15). [NT]

Fig. 1a – Tunnel d’Arrissoules, Amtsprojket
Fig. 1a – Tunnel d’Arrissoules, Amtsprojket
Fig. 1b – Tunnel d’Arrissoules, Projektvariante A____AG
Fig. 1b – Tunnel d’Arrissoules, Projektvariante A____AG
Fig. 1c – Tunnel d’Arrissoules, Ausführungsprojekt
Fig. 1c – Tunnel d’Arrissoules, Ausführungsprojekt

10 juillet 2013

TF, 10 juillet 2013, 4A_100/2013 (f)

sic! 11/2013, p. 718-720, « Noir Mat » ; recours en matière civile, instance cantonale unique, marque, raison de commerce, enseigne, nom de domaine, action en constatation de la nullité d’une marque, établissement des faits, rectification de l’état de fait, enregistrement abusif, intention déloyale, confusion, mauvaise foi, notoriété ; art. 42 al. 1 LTF, art. 42 al. 2 LTF, art. 74 al. 2 lit. b LTF, art. 75 al. 2 lit. a LTF, art. 97 al. 1 LTF, art. 105 al. 1 LTF, art. 105 al. 2 LTF, art. 108 al. 1 lit. b LTF, art. 162 al. 5 ORC, art. 31 al. 2 LPM, art. 2 LCD, art. 3 LCD.

Lorsque le droit fédéral prévoit une instance cantonale unique, le recours en matière civile est recevable indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 lit. b LTF) et, contrairement à la règle générale (art. 75 al. 2 LTF), le tribunal supérieur désigné comme autorité cantonale de dernière instance n'a pas à statuer sur recours (art. 75 al. 2 lit. a LTF) (c. 1.1). Compte tenu de l'exigence de motivation de l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 lit. b LTF), le TF n'examine en principe que les griefs invoqués. Il n'est pas tenu de traiter toutes les questions juridiques qui se posent lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (c. 1.3). Le TF conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La recourante qui entend remettre en cause les constatations de l'autorité précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, faute de quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui retenu dans la décision attaquée. Une rectification de l'état de fait ne peut être demandée que si elle est de nature à influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF) (c. 1.4). Celui qui dépose à titre de marque un signe déjà utilisé par un tiers ne pourra se prévaloir de son enregistrement s'il a agi avec une intention déloyale. Pour déterminer le caractère abusif ou non d'un enregistrement, le tribunal doit apprécier l'ensemble des faits. Il s'agit de définir l'intention, au moment du dépôt, de celui qui est devenu titulaire de l'enregistrement. Il faut tenir compte des buts et motifs du déposant à ce moment-là. Des circonstances postérieures au dépôt peuvent être prises en compte si elles permettent de fournir des indices quant à l'intention du titulaire au moment du dépôt de la marque. Savoir quelle était l'intention de la recourante au moment du dépôt de la marque en Suisse est une question de fait, et non de droit. Le même raisonnement peut être appliqué mutatis mutandis s'agissant de son intention lors de la réquisition d'inscription d'une raison de commerce (c. 2.2). Parmi les indices permettant d'admettre le caractère frauduleux d'un enregistrement, le TF mentionne le fait que le déposant connaissait les activités de celui dont il a repris les éléments distinctifs dans sa marque; le fait que ce dernier ait disposé d'une clientèle importante et exploité une enseigne réputée avec laquelle le déposant a toujours entretenu la confusion (en particulier en recevant à plusieurs reprises du courrier et des téléphones destinés à l'exploitant de l'enseigne, sans jamais l'en tenir informé). L'enregistrement d'un nom de domaine similaire à l'enseigne, avant même le dépôt de la marque litigieuse, est aussi un indice pris en compte par le TF. Enfin, la modification du but social de celui qui a déposé la marque litigieuse pour se rapprocher de celui de l'exploitant de l'enseigne est également un indice pertinent (c. 2.3). L'absence d'opposition à une demande d'inscription d'une raison de commerce au registre du commerce n'exclut pas une action ultérieure devant un juge civil. En matière de raison de commerce, le renvoi devant un tribunal est d'ailleurs explicitement prévu par le législateur (art. 162 al. 5 ORC). Il en va de même en matière de marque en cas d'absence d'opposition dans le délai de trois mois prévu par l'art. 31 al. 2 LPM. Le juge civil peut en effet être actionné en tout temps ; même à considérer qu'une opposition aurait été formée devant l'IPI, le juge civil ne serait d'ailleurs pas lié par la décision prise par l'IPI (c. 2.4). [NT]

LCD (RS 241)

- Art. 3

- Art. 2

LPM (RS 232.11)

- Art. 31

-- al. 2

LTF (RS 173.110)

- Art. 108

-- al. 1 lit. b

- Art. 75

-- al. 2 lit. b

-- al. 2 lit. a

- Art. 42

-- al. 2

-- al. 1

- Art. 105

-- al. 1

-- al. 2

- Art. 97

-- al. 1

- Art. 74

-- al. 2 lit. b

ORC (RS 221.411)

- Art. 162

-- al. 5

28 mars 2012

TFB, 28 mars 2012, O2012_010 (d)

sic! 9/2012, p. 566-569, « fixateur interne » ; droit à la délivrance du brevet, invention de service, fonction publique, université, base légale, action en constatation de la nullité d’un brevet, action en cession du droit au brevet, secret de fabrication ou d’affaires, coinventeur, péremption, droit à la délivrance du brevet, usurpation, mauvaise foi ; art. 3 al. 1 CC, art. 8 CC, art. 332 CO, art. 3 LBI, art. 26 al. 1 lit. d LBI, art. 29 al. 1 LBI, art. 31 al. 1 LBI, art. 31 al. 2 LBI.

Il n'existait, en 1988 (moment de la réalisation de l'invention litigieuse), dans le canton de Berne, aucune règle de droit positif concernant les inventions de service réalisées au sein de la fonction publique, les bases légales correspondantes n'ayant été créées que dans le courant des années 1990. L'Université de Berne (respectivement le canton de Berne avant l'entrée en vigueur de la loi sur l'Université de 1996 qui l'a dotée d'une certaine autonomie) n'a ainsi acquis aucun droit au brevet sur l'invention à la réalisation de laquelle un de ses professeurs, employé à plein temps, avait participé à l'époque, puisqu'il ne s'agissait pas d'une invention de service. Selon l'art. 29 al. 1 LBI, l'ayant droit peut agir en cession ou en constatation de la nullité d'un brevet si la demande de brevet a été déposée par une personne qui n'avait pas droit au brevet au sens de l'art. 3 LBI (c. 8.3). La demande en cession doit être introduite sous peine de péremption dans les deux ans à compter de la date officielle de la publication de l'exposé de l'invention (art. 31 al. 1 LBI), sauf si elle dirigée contre un défendeur de mauvaise foi (art. 31 al. 2 LBI). Le défendeur est de mauvaise foi s'il savait ou s'il aurait dû savoir en faisant preuve du soin nécessaire (art. 3 al. 2 CC) qu'il n'était pas le seul ayant droit au brevet. Le déposant est de mauvaise foi s'il a pris connaissance de l'invention d'une manière contraire au droit, par exemple en surprenant des secrets de fabrication ou en incitant des tiers à violer un contrat ou en utilisant de manière indue des informations qui lui avaient été confiées. La bonne foi n'est pas non plus donnée lorsque le déposant savait ou aurait dû admettre, d'après les circonstances, que l'inventeur s'apprêtait à déposer une demande de brevet sur l'invention (c. 9.1). Tel n'était pas le cas en l'espèce puisque le coinventeur, administrateur de la société qui a déposé le brevet, avait pris licitement connaissance de l'invention dans le cadre de sa collaboration avec le professeur de l'Université de Berne pour la réaliser. Comme la bonne foi est présumée en vertu de l'art. 3 al. 1 CC, c'est à celui qui agit en cession du brevet après le délai de deux ans de l'art. 31 al. 1 LBI d'établir la mauvaise foi du déposant (c. 9.2). In casu, le TFB expose, après s'être livré à un examen attentif de l'état des pratiques au sein des différentes hautes écoles suisses dans les années 1980, qu'il ne pouvait pas être généralement admis que les hautes écoles entendaient être investies des droits de propriété intellectuelle sur les inventions de leurs employés au moment où l'invention considérée a été effectuée, et que tel n'était en tout cas pas la pratique de l'Université de Berne. Par conséquent, la mauvaise foi du déposant n'a pas été retenue, même s'il savait que l'employé de la haute école y travaillait à plein temps au moment de sa participation à la réalisation de l'invention et qu'il avait eu recours à l'infrastructure de l'Université de Berne pour le faire. L'art. 26 al. 1 lit. b LBI ne pose pas les mêmes exigences de mauvaise foi et de délai pour agir que l'art. 31 LBI. Toutefois, l'action en constatation de la nullité du brevet prévue par l'art. 26 al. 1 lit. d LBI suppose que le demandeur soit l'unique ayant droit à la délivrance du brevet. Tel n'est pas le cas lorsque, comme en l'espèce, deux ou plusieurs inventeurs ont participé à la réalisation de l'invention (c. 11). [NT]

08 février 2013

TF, 8 février 2013, 4A_474/2012, 4A_478/2012 et 4A_584/2012 (f)

sic! 6/2013, p. 360-362, « Pneus-Online II » ; concurrence déloyale, rectification d’un jugement, délai de recours, action en remise du gain, remise du gain, vraisemblance, preuve, lien de causalité, concours de causes, comportement parasitaire, mauvaise foi, nom de domaine, pneus-online.com, risque de confusion, signe appartenant au domaine public ; art. 423 CO, art. 2 LCD, art. 3 al. 1 lit. d LCD, art. 9 al. 3 LCD, art. 334 al. 4 CPC ; cf. N 354 (vol. 2007-2011 ; TF, 19 juillet 2010, 4A_168/2010 ; sic! 11/2010, p. 797-801, « Pneus-Online » ; medialex 4/2010, p. 236 [rés.]).

La notification de la décision rectifiée au sens de l’art. 334 al. 4 CPC fait courir un nouveau délai de recours, mais uniquement pour les points concernés par la rectification, à l’exclusion des moyens que les parties auraient pu et dû invoquer à l’encontre du premier arrêt. Le recours déjà pendant et dirigé contre le premier jugement entaché d’erreur n’est pas systématiquement privé d’objet par le nouvel arrêt rectificatif. Lorsque la rectification concerne un point du jugement qui n’est pas visé par le recours, respectivement ne revêt aucune incidence sur le recours, celui-ci doit logiquement continuer à produire ses effets (c. 2). La remise du gain selon les dispositions sur la gestion d’affaires imparfaite ou intéressée vise à sanctionner l’ingérence inadmissible dans les affaires d’autrui du gérant dont la volonté est de traiter l’affaire d’autrui comme la sienne propre et de s’en approprier les profits (c. 4.1). Les méthodes de vente ou de publicité propres à faire naître une confusion au sens de l’art. 3 lit. d LCD correspondent à la notion d’usurpation de l’affaire d’autrui liée à l’art. 423 CO (c. 4.1). Le maître doit établir le lien de causalité entre l’usurpation de l’affaire d’autrui et les profits nets réalisés. La vraisemblance prépondérante suffit. Il est majoritairement admis que seule la part de gain imputable à la gestion d’affaires non autorisée est sujette à restitution. Ainsi, lorsque les profits ne sont pas uniquement imputables à l’ingérence illicite,mais à un concours de causes (kombinationseingriff), tels que le marketing adroit du gérant, un bon réseau de distribution, la qualité des services offerts, les prix avantageux pratiqués, etc., le juge déterminera selon sa libre appréciation leurs impacts sur le profit réalisé. En cas de doute quant à l’appréciation des différentes causes, il faut se prononcer contre le gérant (c. 4.2). Le fait de créer délibérément un risque de confusion pour exploiter de façon parasitaire la réputation d’autrui en utilisant sciemment des noms de domaine très similaires à celui de ce dernier constitue un comportement déloyal au sens de la LCD. Cependant, le droit à la remise de gain n’est admis que lorsque l’utilisation déloyale du nom de domaine constituait le motif de la conclusion du contrat générateur de profit. C’est une question de fait que de déterminer les motifs de conclure un contrat, à savoir si les clients ont été amenés à contracter en raison d’une confusion causée par des noms de domaine très semblables, ou si des éléments étaient propres à dissiper cette confusion (c. 5.2). L’action en remise de gain de l’art. 423 CO ne peut être dirigée que contre le gérant qui a agi de mauvaise foi. La preuve de la mauvaise foi incombe au maître (c. 8.1). Agit de mauvaise foi celui qui choisit et utilise sciemment une multitude de noms de domaine très semblables à celui préexistant d’un concurrent en « verrouillant » la quasi-totalité des noms de domaine imaginables en cette matière, en créant ainsi délibérément un risque de confusion pour exploiter de façon parasitaire la réputation déjà acquise par son concurrent. La bonne foi du gérant ne saurait découler automatiquement du seul fait que les noms de domaine enregistrés relèvent du domaine public (c. 8.3). [LG]

19 mars 2014

TFB, 19 mars 2014, O2013_007 (d)

sic! 9/2014, p. 560-562, « Netzstecker » ; action en dommages-intérêts, action en remise du gain, licence exclusive, remise du gain, mauvaise foi, violation d’un brevet, fardeau de la preuve, vraisemblance, pouvoir d’appréciation, frais ; art. 2 CC, art. 42 al. 2 CO, art. 423 CO, art. 73 LBI.

Le lésé au bénéfice d’une licence exclusive peut agir en dommages-intérêts aux conditions qui prévalent en droit des obligations ou, alternativement, en remise du gain, selon les dispositions applicables en matière de gestion d’affaires sans mandat (art. 423 CO) (c. 4.2). Le gain consiste alors en la différence entre le patrimoine effectif du contrefacteur et la valeur de ce même patrimoine s’il n’avait pas commercialisé les contrefaçons (en l’espèce des prises d’alimentation électrique (Netzstecker). Le revenu net étant déterminant, il convient de déduire les coûts engagés par le contrefacteur. La jurisprudence soumet de surcroît l’action en remise de gain à la condition de la mauvaise foi du contrefacteur. Agit notamment de mauvaise foi celui qui savait, devait savoir ou pouvait savoir qu’il agissait de manière contraire au droit (art. 2 CC). Cette condition est remplie si le contrefacteur maintient son activité litigieuse suite à la réception d’un courrier de mise en demeure l’informant qu’il agit de manière contraire au droit. Il en va de même lorsqu’un commerçant spécialisé dans les appareils high-tech commande, sans effectuer de recherches préalables, un produit potentiellement protégé, dans un pays dont il est connu qu’il n’offre pas une protection adéquate des droits immatériels (c. 4.3). Le fardeau de la preuve du gain manqué est supporté par le lésé. L’art. 42 al. 2 CO s’applique par analogie à l’action en remise du gain lorsqu’il n’est pas possible d’établir le gain manqué de manière exacte. Il suffit au lésé de rendre sa prétention plausible sur le fond et sur son étendue. Il n’est pas nécessaire que des factures détaillées soient produites. La remise du gain est au surplus conditionnée à la violation d’un droit. Il faut alors déterminer dans quelle mesure le droit violé est à l’origine de la décision d’achat ou si d’autres circonstances ont joué un rôle prépondérant dans ce cadre. La réponse à cette question relève du pouvoir d’appréciation du juge (c. 4.3). Les frais d’avocat et d’agent de brevets engagés par le lésé avant le procès en vue de contrôler l’existence d’une violation d’un brevet ou de faire notifier des courriers de demeure à la partie adverse constituent des frais en lien direct avec le procès. Leur remboursement peut être exigé par le lésé (c. 4.5). [FE]

18 mars 2015

TFB, 18 mars 2015, S2013_009 (d)

Assistance judiciaire, chance de succès, violation d’un brevet, revendication, limitation de revendications, juge de formation technique, faute, mauvaise foi, enrichissement illégitime, procédure sommaire ; art. 35 al. 2 LTFB, art. 41 ss CO, art. 62 ss CO, art. 423 CO, art. 117 lit a CPC, art. 117 lit. b CPC.

Le plaignant requiert que l’assistance judiciaire gratuite lui soit accordée en relation avec la violation alléguée de deux brevets. Selon l’art. 117 lit. b CPC, un tel droit existe si la cause ne paraît pas dépourvue de toute chance de succès. En l’espèce, les chances de succès dépendent notamment de la validité des brevets litigieux et de l’existence de violations de ces brevets par les défendeurs. Cette appréciation requiert une expertise technique, justifiant la consultation d’un juge ayant une formation technique au sens de l’art. 35 al. 2 LTFB (c. 6.2). Les brevets en cause contiennent plusieurs limitations de revendications (c. 6.3 et 6.4). Suivant l’avis du juge de formation technique, le juge unique considère qu’il est plausible qu’au moins une des revendications ait été violée (c. 6.7). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l’assistance judiciaire peut être accordée même si le risque de revers est légèrement supérieur aux chances de succès. Le critère décisif est de déterminer si une partie qui aurait les ressources financières nécessaires déciderait raisonnablement d’ouvrir action (c. 7). En l’espèce, la plainte a des chances raisonnables de succès, puisqu’une violation d’une revendication au moins apparaît plausible (c. 7.2). Les deux brevets en cause ayant expiré en 2012 et 2013, le plaignant peut uniquement invoquer des prétentions financières. Les actions fondées sur les art. 41 ss CO et 423 CO supposent respectivement une faute ou la mauvaise foi du défendeur, qui ne peuvent être établies en l’espèce, les violations ayant été commises avant que les revendications, qui étaient originairement invalides, aient été limitées. Seule la restitution fondée sur les art. 62 ss CO est envisageable. L’assistance judiciaire pourra ultérieurement être retirée si l’action fondée sur l’enrichissement illégitime devait apparaître comme étant dénuée de chances de succès (c. 7.3). L’assistance judiciaire est allouée (c. 8). [SR]