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06 mars 2007

KG AI, 6 mars 2007, K 6/06 (d)

sic! 12/2007, p. 917-918 (rés.), « MFC Merchant Bank S.A. / MFC Finanz GmbH » ; motifs relatifs d’exclusion, signes similaires, abréviation, sigle, similarité des produits ou services, risque de confusion, raison de commerce, MFC Merchant Bank S.A., MFC Finanz GmbH, usage à titre de raison de commerce, registre du commerce, doute, tribunal civil, impression générale, statuts, action en cessation, faute, dommage, intérêt pour agir, concurrence déloyale ; art. 951 CO, art. 956 al. 2 CO, art. 3 al. 1 lit. b LPM, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 13 LPM, art. 55 LPM, art. 3 lit. d LCD, art. 9 LCD.

Ce ne sont pas les autorités du registre du commerce, mais le juge qui tranche la question de savoir s’il existe un risque de confusion entre deux raisons de commerce. Les autorités du registre du commerce se limitent à refuser l’enregistrement d’une raison de commerce identique à une autre préexistante et, dans le doute, elles doivent plutôt admettre l’enregistrement puisque c’est au tribunal qu’il revient de décider en dernier ressort (c. 8). L’examen de l’existence d’un risque de confusion est fonction de l’impression d’ensemble que les raisons de commerce considérées laissent dans la mémoire d’une personne bénéficiant d’une capacité de distinction normale et déployant une attention usuelle dans les affaires. Même si les raisons de commerce doivent être comparées de manière globale, certains de leurs éléments caractéristiques marquent l’impression d’ensemble qui s’en dégage. Leur reprise ou leur imitation peut suffire à créer un risque de confusion, sans que la présence d’autres éléments dont la force distinctive serait faible ne permette de faire la différence entre les raisons de commerce considérées (c. 7). Dans le cas d’espèce, les deux raisons de commerce comportent le sigle «MFC ». Elles se différencient par les termes «Merchant Bank » et « Finanz » et par la mention de leur forme juridique (SA/Sàrl). C’est le sigle qui se trouve au début de chacune des deux raisons de commerce qui constitue l’élément marquant de celles-ci (c. 9-11). Sa reprise, même avec l’ajout d’un terme générique comme « Finanz » et l’indication que la deuxième société est une Sàrl, génère un risque de confusion qui doit être compris au sens de l’ensemble du droit des signes distinctifs et dans l’examen duquel la concordance des buts statutaires des parties doit être prise en compte (c. 9). L’action en suppression du trouble de l’art. 956 al. 2 CO suppose uniquement une utilisation indue,même sans faute, de la raison de commerce considérée ; il suffit que, d’après les circonstances, un dommage soit susceptible de se produire (c. 12). La demanderesse a un intérêt juridiquement protégé à ce que la cause soit également jugée du point de vue du droit des marques, puisque la défenderesse n’utilise pas le signe « MFC » uniquement à titre de raison de commerce (c. 14). Les marques de la demanderesse et la raison de commerce de la défenderesse sont très semblables et même partiellement identiques en ce qui concerne leur élément caractéristique « MFC ». Les prestations offertes par les deux parties se recoupent également au moins partiellement. La composition graphique du papier à lettres de la défenderesse, qui met en évidence le signe « MFC » par l’utilisation de couleur et de gros caractères, augmente même le risque de confusion du point de vue du droit des marques. Comme les marques enregistrées qui sont formées d’acronymes doivent fondamentalement être traitées de la même manière que les autres marques, un risque de confusion doit être admis et l’action en suppression du trouble de l’art. 55 LPM également, indépendamment même de toute faute de la partie défenderesse (c. 16-17). L’admission d’une violation de la protection accordée aux raisons de commerce et du droit des marques ne dispense pas le tribunal de l’examen d’une éventuelle violation des dispositions de la LCD (c. 18). La protection des indications de provenance industrielle, selon l’art. 3 lit. d LCD, intervient en effet autant dans l’intérêt de la communauté que dans celui des particuliers. Dans la mesure où le droit des raisons de commerce et/ou celui des marques n’ont pas vocation à s’appliquer, il convient d’examiner, du point de vue spécifique du droit contre la concurrence déloyale, si le comportement concret d’une partie est propre à provoquer des confusions. La théorie selon laquelle l’application de la LCD ne doit pas permettre d’obtenir une protection que les droits de la propriété intellectuelle auraient refusée doit être abandonnée au vu du développement du droit de la concurrence (c. 19). Du point de vue de l’art. 3 lit. d LCD aussi, un risque de confusion doit être admis en l’espèce (c. 20), indépendamment même d’une éventuelle absence de dessein de provoquer la confusion (c. 21), vu notamment le refus de la défenderesse de modifier sa raison de commerce et sa présence sur le marché en dépit de l’identité des éléments marquants « MFC », de la proximité géographique des entreprises et du recoupement partiel de leur clientèle au vu de leurs buts statutaires (c. 21).

19 décembre 2013

TF, 19 décembre 2013, 4A_412/2013 (f)

Registre du commerce, fondation de prévoyance, intérêt digne de protection, réinscription au registre du commerce ; art. 164 al. 2 ORC.

Le recourant qui entend faire condamner une fondation de prévoyance à lui verser des prestations d'invalidité, puis, si nécessaire et au stade de l'exécution forcée, se faire céder la prétention correspondante de la débitrice contre une autre compagnie, a un intérêt digne de protection au sens de l'art. 164 al. 2 ORC, pour autant que l'obligation de la fondation soit vraisemblable. Il peut donc requérir la réinscription d'une entité juridique radiée (c. 2). Le recours est admis et la réinscription de la Fondation de prévoyance est ordonnée (c. 4). [AC]

07 mars 2014

HG ZH, 7 mars 2014, HG130059 (d)

sic 4/2015, p. 250-254, « Unirenova / Unirenova Bau AG » ; droits conférés par la marque, droit absolu, reprise d’une marque antérieure, raison de commerce, registre du commerce, risque de confusion admis, similarité des signes, marque verbale, marque combinée, cercle des destinataires pertinent, principe de la proportionnalité, liquidation forcée, mesures de contrainte, mesures d’exécution, but social, immobilier, construction, concurrence déloyale ; art. 944 CO, art. 954a al. 1 CO, art. 13 al. 2 lit. e LPM, art. 55 al. 1 lit. a LPM, art. 55 al. 1 lit. b LPM, art. 236 al. 3 CPC, art. 343 al. 1 lit. d CPC ; cf. N 863 (HG ZH, 18 décembre 2014, HG 140055 ; sic! 10/2015, p. 593- 595, « Unirenova II »).

L’art. 954a al. 1 CO imposant au titulaire d’une raison de commerce de l’utiliser, l’inscription d’une raison de commerce au registre du commerce constitue déjà un usage dans les affaires au sens de l’art. 13 al. 2 lit. e LPM (c. 3.3.2). Il existe un risque de confusion chez les destinataires pertinents entre les deux signes en cause, qui sont presque identiques. Les droits conférés à la plaignante par les marques verbale et combinée qu’elle a déposées en classes 36 et 37 couvrent partiellement le but social de la défenderesse. Le but principal de la défenderesse, à savoir l’exécution de travaux de constructions et de transformations, de rénovations et la conduite de travaux, est identique à celui de la défenderesse (c. 3.4.1). Il existe donc une atteinte aux droits absolus de la plaignante au sens de l’art. 13 al. 2 lit. e LPM (c. 3.4.2). Il est par conséquent fait interdiction à la défenderesse d’utiliser en Suisse le signe « Unirenova » en relation avec des services relatifs au bâtiment, isolément ou en combinaison avec d’autres signes, comme raison de commerce, sur des papiers à en-tête, dans sa publicité ou de toute autre manière dans les affaires (c. 3.5.2). La demanderesse requiert la suppression de l’élément « Unirenova » de la raison de commerce de la défenderesse. Comme il est douteux que la raison « Bau AG » remplisse les conditions posées par l’art. 944CO, il se justifie d’ordonner, à titre de mesure d’exécution, la radiation de l’ensemble de la raison de commerce. Cette mesure apparaît conforme au principe de la proportionnalité (c. 3.6.2). Le tribunal ordonne par conséquent à la défenderesse de faire radier sa raison de commerce du registre du commerce (c. 3.6.3). En raison du comportement qu’elle a adopté durant la procédure, le tribunal considère qu’il faut s’attendre à ce qu’elle ne respecte pas ses injonctions (c. 5.3.1). Il la menace par conséquent de faire procéder à sa liquidation forcée si elle ne donne pas suite dans les délais à l’obligation judiciaire de modifier sa raison de commerce. L’art. 343 al. 1 lit. d CPC prévoit expressément deux mesures de contrainte, mais il se déduit de la formulation « telle que» que d’autres mesures peuvent être adoptées. La mesure choisie respecte le principe de la proportionnalité (c.5.3.2). Lorsque le tribunal ordonne des mesures d’exécution sur requête de la partie qui a obtenu gain de cause, au sens de l’art. 236 al. 3 CPC, il décide librement des mesures à ordonner, en respectant le principe de la proportionnalité et sans être lié par les demandes qu’elle a formulées (c. 5.3.3). [SR]

02 mars 2015

HG ZH, 2 mars 2015, HG140169 (d)

Droits conférés par la marque, droit absolu, usage de la marque, risque de confusion admis, registre du commerce, raison de commerce, reprise d’une marque antérieure, similarité des produits ou services, similarité des signes, marque verbale, marque combinée, force distinctive forte, force distinctive faible, cercle des destinataires pertinent, immobilier, construction, concurrence déloyale ; art. 954a al. 1 CO, art. 13 al. 1 LPM, art. 13 al. 2 lit. e LPM, art. 55 al. 1 lit. a LPM, art. 55 al. 1 lit. b LPM, art. 2 LCD, art. 3 al. 1 lit. d LCD, art. 9 al. 1 lit. a LCD, art. 9 al. 1 lit. b LCD.

L’inscription au registre du commerce constitue déjà un usage dans les affaires au sens de l’art. 13 al. 2 lit. e LPM, car l’art. 954a al. 1 CO impose au titulaire d’une raison de commerce de l’utiliser (c. 4.1.2). Le signe de la défenderesse reprend celui de la demanderesse en y ajoutant un élément. Le signe repris possède une forte force distinctive. L’élément ajouté, qui est une abréviation usuelle dans le domaine technique ou technologique, possède une faible force distinctive. Considérés ensemble, les deux signes sont donc très semblables, et on peut craindre des confusions chez le public (c. 4.2.3). Les marques verbales et combinées de la demanderesse sont enregistrées en classes 35 à 37, 42 et 45. Les prestations offertes par la demanderesse couvrent notamment le développement, la réalisation et l’exploitation de biens immobiliers et projets de construction de tous types ainsi que la conception et la mise en œuvre de constructions et rénovations, en particulier en tant qu’entrepreneur général pour le compte de tiers. Le but principal de la défenderesse consiste en la planification et la réalisation d’installations techniques du bâtiment comme entrepreneur général. Les prestations offertes par les deux parties sont similaires, et il existe donc un grand risque de confusion chez les destinataires pertinents (c. 4.2.4). Ainsi, par l’inscription et l’utilisation de sa raison de commerce, la défenderesse viole le droit exclusif de la demanderesse de faire usage de sa marque pour désigner ses commerces et ses services (c. 4.2.5). Le tribunal interdit par conséquent à la défenderesse d’utiliser en Suisse le signe de la demanderesse en relation avec des services relatifs au bâtiment, isolément ou en combinaison avec d’autres signes, comme raison de commerce, sur des papiers à en-tête, dans sa publicité ou de toute autre manière dans les affaires (c. 4.3.4). Il lui est en outre ordonné de faire radier sa raison de commerce du registre du commerce cantonal (c. 4.4.4). Par ses agissements, la défenderesse crée aussi un risque de confusion au sens de l’art. 3 lit. d LCD (c. 5.2.1). L’action de la demanderesse doit donc être admise sur ce point également (c. 5.2.2). [SR]

CO (RS 220)

- Art. 954a

-- al. 1

LCD (RS 241)

- Art. 3

-- al. 1 lit. d

- Art. 9

-- al. 1 lit. b

-- al. 1 lit. a

- Art. 2

LPM (RS 232.11)

- Art. 55

-- al. 1 lit. b

-- al. 1 lit. a

- Art. 13

-- al. 2 lit. e

-- al. 1

11 septembre 2014

KG GR, 11 septembre 2014, ZK2 13 11 (d)

sic! 2/2015 p. 93-94, « Army Knife (fig.) » ; action en constatation de la nullité d’une marque, non entrée en matière, qualité pour défendre, personnalité juridique, titularité de la marque, registre étranger, reconnaissance d’une décision, déclaration sous serment, preuve, réinscription au registre du commerce, registre du commerce, radiation d’une marque ; art. 52 LPM, art. 59 al.1 CPC, art. 59 al. 2 lit. c CPC, art. 60 CPC, art. 66 CPC, art. 29 al. 1 lit. a LDIP, art. 29 al. 1 lit. b LDIP.

L’action en constatation de la nullité d’une marque, au sens de l’art. 52 LPM, est intentée contre son titulaire. Si la marque est enregistrée au nom d’une personne morale qui a été radiée du registre du commerce, il faut en principe requérir la réinscription de cette dernière avant de pouvoir intenter une action en constatation contre elle. Ce n’est que lorsque la réinscription est impossible, par exemple parce qu’elle n’est pas prévue dans le pays de la société radiée, qu’on peut y renoncer et que l’action peut être dirigée contre tout éventuel titulaire de la marque (c. 3). Tel n’est pas le cas en l’espèce, et la société attaquée n’a dès lors pas la capacité d’être partie (c. 3b). Par conséquent, le tribunal doit rendre une décision de non-entrée en matière (c. 3c). Par ailleurs, pour la reconnaissance de la décision de radiation du registre de l’État étranger, l’attestation d’entrée en force prévue par l’art. 29 al. 1 lit. b LDIP doit émaner d’une autorité de cet État. Une déclaration sous serment n’est pas suffisante pour établir la preuve de l’entrée en force de la décision (c. 4). [SR]

26 novembre 2013

HG ZH, 26 novembre 2013, HE130273 (d)

ZR 113/2014, p. 121-125 ; concurrence déloyale, risque de confusion admis, nom de domaine, domaine de premier niveau, domaine de deuxième niveau, transfert de nom de domaine, registre du commerce, raison de commerce, procédure sommaire, force distinctive, impression générale, cercle des destinataires pertinent, élément verbal, immocoach, immocoa.ch, immobilier, Internet, site Internet, siège ; art. 3 al. 1 lit. d LCD, art. 9 al. 1 lit. a LCD, art. 9 al. 1 lit. b LCD, art. 248 lit. b CPC, art. 257 CPC.

La plaignante est inscrite au registre du commerce sous la raison de commerce « Immocoach AG ». Le terme « Immocoach » se compose de manière évidente des éléments « Immo » (diminutif d’« Immobilie ») et « coach » (communément employé comme synonyme d’entraîneur ou conseiller). Ce terme possède une certaine force distinctive, bien qu’elle ne soit pas forte. Il ne s’agit pas d’une dénomination spécifique. Le domaine « www.immocoa.ch » de la défenderesse ne se différencie d’« Immocoach » que par le point qui figure avant le domaine de premier niveau (TLD). Bien que le domaine de deuxième niveau ne s’énonce que comme « immocoa », le public va garder en mémoire le lien avec son TLD et ne va pas percevoir le point comme un élément différenciateur. L’impression d’ensemble que produit le nom de domaine de la défenderesse concorde avec celle qu’éveille le terme « Immocoach » de la demanderesse, et crée un risque d’association entre le site Internet de la défenderesse et l’activité commerciale de la demanderesse, ou laisse en tout cas supposer au public qu’il existe un rapport entre eux. Le risque de confusion est encore favorisé par le recoupement des cercles de destinataires pertinents, surtout du fait que les deux sociétés sont actives dans le domaine de l’immobilier et que la défenderesse exploite une agence à Zurich, au siège de la plaignante. L’activité commerciale de la demanderesse bénéficiant de l’antériorité, la création du risque de confusion, par l’utilisation du domaine « www.immocoa.ch », est déloyale au sens de l’art. 3 al. 1 lit. d LCD (c. 4.4). Le tribunal interdit par conséquent à la défenderesse d’utiliser ce nom de domaine ou d’activer son site web, et lui ordonne de faire procéder au transfert inconditionnel du domaine « www.immocoa.ch » à la plaignante (c. 4.5). [SR]

25 mars 2019

TF, 25 mars 2019, 4A_590/2018 (d)

sic! 7-8/2019, p. 436-439, « Riverlake / RiverLake » ; raison de commerce, raison sociale, signe fantaisiste, néologisme, force distinctive moyenne, reprise d’une raison de commerce, terme générique, terme descriptif, droit de la personnalité, risque de confusion indirect, risque de confusion admis, impression générale, registre du commerce, droit au nom, usurpation, nom de domaine, transfert de nom de domaine, site Internet, anglais, Riverlake, RiverLake Capital AG, riverlake.com, transport maritime, finance, services financiers ; art. 29 al. 2 CC, art. 951 CO, art. 956 al. 2 CO.

Un prestataire logistique genevois, actif notamment dans le transport maritime de marchandises et ayant fait inscrire entre 1985 et 2011 quatre raisons de commerce contenant principalement le terme « Riverlake », a attaqué une entreprise zougoise, « RiverLake Capital AG », fournissant des services dans le domaine de la finance, suite à l’inscription en 2017 de sa raison de commerce dans le registre du commerce du canton de Zoug. Dans son jugement, l’instance précédente a interdit à la société zougoise d’utiliser l’élément « RiverLake » dans sa raison sociale, ainsi que dans les affaires en Suisse, notamment sur son site Internet, pour la désigner ou pour désigner ses services. Selon l’instance précédente, le terme « Riverlake », bien que composé de deux désignations génériques, constitue un néologisme. Elle considère qu’il s’agit d’un signe fantaisiste doté d’une force distinctive au moins moyenne, et que ni l’élément descriptif « Capital AG », ni l’utilisation d’un « L » majuscule dans la raison de commerce de la recourante ne lui permettent de se distinguer suffisamment nettement de la raison de commerce antérieure de la défenderesse, d’une manière qui permettrait d’exclure tout risque de confusion indirect (c. 2.2). Dans l’examen de l’existence d’un risque de confusion entre les raisons de commerce litigieuses, c’est à raison que l’instance cantonale s’est fondée sur l’impression d’ensemble produite sur le public, doté de connaissances moyennes de l’anglais. Elle n’a pas violé le droit fédéral en considérant que l’expression « Riverlake », considérée dans son ensemble, ne constitue pas une désignation descriptive, mais bien plutôt une désignation fantaisiste, certes dénuée d’originalité particulière. Contrairement à ce que soutient la recourante, et à l’inverse de ce qui prévaut en droit des marques, les raisons de commerce sont aussi protégées contre leur emploi par des entreprises actives dans d’autres branches. Par ses considérations, l’instance précédente n’a commis aucune violation de l’art. 951 CO, en lien avec l’art. 956 al. 2 CO (c. 2.3). Selon l’art. 29 al. 2 CC, celui qui est lésé par une usurpation de son nom peut intenter action pour la faire cesser. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l’usage du nom d’autrui porte atteinte à ses intérêts lorsque l’appropriation du nom entraîne un risque de confusion ou de tromperie ou que cette appropriation est de nature à susciter dans l’esprit du public, par une association d’idées, un rapprochement qui n’existe en réalité pas entre le titulaire du nom et le tiers qui l’usurpe sans droit. Le degré d’atteinte requis par la loi est réalisé lorsqu’une association d’idées implique le titulaire du nom dans des relations qu’il récuse et qu’il peut raisonnablement récuser. L’usurpation du nom d’autrui ne vise pas seulement l’utilisation de ce nom dans son entier, mais aussi la reprise de sa partie principale si cette reprise crée un risque de confusion (c. 3.1). Dans son mémoire de recours, la demanderesse ne démontre pas que l’instance inférieure ait commis une violation de l’art. 29 al. 2 CC (c. 3.2). La recourante, qui s’est vu ordonner par l’instance précédente de transférer à la défenderesse le nom de domaine www.riverlake.com dans les 30 jours suivant le prononcé du jugement, ne traite pas dans son mémoire des considérations de la décision attaquée. Elle affirme seulement que le domaine de premier niveau « .com » ne s’adresse pas seulement à la population suisse, et doit pouvoir continuer à être utilisé dans le monde entier. Comme l’explique à raison la défenderesse, les noms de domaine en « .com » peuvent être consultés depuis la Suisse, et atteignent donc aussi le public Suisse. L’atteinte produit des effets en Suisse. Le blocage d’un nom de domaine ne peut être limité ni territorialement, ni sur le fond. La recourante n’explique pas en quoi la décision de l’instance précédente serait disproportionnée, et ne met pas en cause le fondement de la prétention au transfert du nom de domaine (c. 4). Le recours est rejeté (c. 5). [SR]

16 juillet 2019

TF, 16 juillet 2019, 4A_125/2019 (d)

« altrimo/atrimos » ; Raison de commerce, raison sociale, risque de confusion direct, risque de confusion indirect, force distinctive, force distinctive forte, force distinctive faible, signe fantaisiste, signe descriptif, impression générale, registre du commerce, risque de confusion nié, concurrence déloyale, maxime de disposition, maxime des débats, altrimo AG, atrimos immobilien gmbh, services financiers, services de conseil, immobilier ; art. 951 CO, art. 3 al. 1 lit. d LCD, art. 55 CPC, art. 58 al. 1 CPC.

Altrimo AG (plaignante) est une société anonyme inscrite au registre du commerce du canton d’Appenzell-Rhodes-Intérieures sous le nom « altrimo ag » depuis le 29 décembre 2000, et active en particulier dans les domaines de la fiducie, de l’audit, de l’immobilier et de la finance. Atrimos immobilien gmbh est une société à responsabilité limitée inscrite au registre du commerce du canton de Saint-Gall le 29 octobre 2013, active dans les domaines de l’administration, de la location et du courtage de biens immobiliers, ainsi que dans la fourniture de services de conseil dans les domaines de l’immobilier et de la fiducie immobilière. La notion de risque de confusion est la même pour l’ensemble du droit des signes distinctifs, et il s’agit d’une question de droit que le Tribunal fédéral revoit librement. Comme les sociétés commerciales peuvent librement choisir leurs raisons de commerce, la jurisprudence pose généralement des exigences élevées concernant leur force distinctive. Selon la jurisprudence constante, les raisons de commerce bénéficient d’une protection également à l’encontre des entreprises qui sont actives dans une autre branche du commerce, mais les exigences concernant la différenciation des raisons de commerce sont plus strictes lorsque les entreprises peuvent entrer en concurrence de par leurs buts statutaires ou s’adressent, pour une autre raison, aux mêmes cercles de clients. Il en va de même en cas de proximité géographique des entreprises. C’est en fonction de l’impression d’ensemble qu’elles laissent auprès du public que doit être tranchée la question de savoir si deux raisons de commerce sont suffisamment différentes pour coexister. Cela doit être vérifié non seulement dans le cadre d’un examen attentif et simultané des raisons de commerce en cause, mais également en fonction du souvenir qu’elles laissent, lequel est marqué par les éléments des raisons de commerce qui sont frappants de par leur effet sonore ou leur signification. Ces éléments revêtent une importance déterminante dans l’examen de l’impression d’ensemble générée par une raison de commerce. Cela vaut en particulier pour les désignations de pure fantaisie, qui bénéficient en général d’une forte force distinctive. Il en va autrement pour les désignations descriptives, qui appartiennent au domaine public. Il y a risque de confusion lorsque la raison de commerce d’une entreprise peut être prise pour celle d’une autre (risque de confusion direct) ou donne l’impression erronée que les entreprises seraient économiquement ou juridiquement liées (risque de confusion indirect). Le droit des raisons sociales n’exclut pas les possibilités de confusion qui demeurent assez peu probables pour le destinataire moyen (c. 2.1). Selon l’instance précédente, l’attention du public se porte avant tout, dans les raisons de commerce litigieuses, sur les termes « altrimo » et « atrimos ». Elle considère que, dans l’appréciation de l’existence d’un risque de confusion, seules les raisons sociales telles qu’inscrites au registre du commerce doivent être prises en compte. Selon elle, les termes « altrimo » et « atrimos » constituent des désignations de fantaisie. Dans la raison de commerce de la défenderesse, le suffixe « -os » suggèrerait une origine grecque, ou pourrait être associé au mot latin « atrium », mais le terme constituerait en réalité une simple désignation fantaisiste, également perçue comme telle par le public, dotée d’un caractère distinctif fort. Selon l’instance précédente, les ajouts doivent être pris en compte même quand ils sont descriptifs, car ils peuvent modifier de manière importante l’aspect visuel d’une raison sociale. Tel serait le cas en l’espèce de l’ajout du terme « immobilier » dans la raison sociale de la défenderesse, qu’il rendrait beaucoup plus longue. Selon l’extrait du registre du commerce, les deux sociétés sont actives dans le secteur immobilier, mais la plaignante aurait un champ d’activité beaucoup plus vaste. Selon l’instance précédente, les éléments « altrimo » et « atrimos » diffèrent considérablement sur le plan sonore. Dans l’appréciation de la similarité de deux raisons sociales, le facteur décisif serait toujours celui de l’impression générale que les signes laissent au public pertinent, tant sur les plans acoustique que visuel ou sémantique. En l’espèce, l’appréciation de l’impression d’ensemble mènerait à la conclusion que, malgré les similitudes qui existent entre les deux raisons sociales sur le plan visuel, elles se distinguent suffisamment. Les deux désignations fantaisistes seraient propres à provoquer des associations très différentes chez le public. Il n’existerait donc aucun risque de confusion entre les deux raisons de commerce, tant en droit des raisons sociales que sous l’angle de l’art. 3 al. 1 lit. d LCD (c. 2.2). Dans son appréciation de l’impression d’ensemble produite par les deux raisons sociales en cause, c’est à raison que l’instance précédente a pris en compte leurs différences sonores et les différences d’association éveillées chez les destinataires, sans s’arrêter à leur similarité sur le plan visuel. Les faits que les termes litigieux « altrimo » et « atrimos » contiennent le même nombre de lettres et soient tous deux inscrits en lettres minuscules au registre du commerce n’entraînent pas de risque de confusion entre les deux raisons sociales, en raison des différences mises en évidence dans la décision attaquée. Il en va de même, sur le plan sonore, des faits qu’elles aient la même lettre initiale, le même nombre de syllabes et la même séquence de voyelles. On ne peut pas non plus reprocher à l’instance précédente une violation du principe de disposition (art. 58 CPC ; la recourante vise sans doute plutôt la maxime des débats de l’art. 55 al. 1 CPC) dans le fait qu’elle a, dans l’appréciation de l’existence d’un risque de confusion (qui constitue une question de droit) émis ses propres considérations sur les associations qu’éveillent les éléments des raisons sociales chez le public pertinent, et sur le fait qu’ « atrimos » suggèrerait une origine grecque. La plaignante ne démontre aucune violation de l’art. 951 CO. Enfin, le fait que l’instance précédente n’ait pas mentionné expressément la proximité géographique des parties ne signifie pas qu’elle n’en a pas tenu compte dans son appréciation juridique (c. 2.3). Contrairement à ce que paraît supposer la recourante, la juridiction inférieure n’a pas non plus considéré que l’élément « immobilier » dans la raison de commerce de la défenderesse suffise à lui seul pour qu’elle se distingue suffisamment de celle de la demanderesse au sens de l’art. 951 CO. Au contraire, elle a considéré à juste titre que cet ajout est descriptif et donc pourvu d’une force distinctive faible. Elle a seulement estimé qu’il allonge la raison de commerce de la défenderesse, et modifie donc aussi son apparence visuelle (c. 2.4). Contrairement à ce qu’affirme la recourante, l’instance précédente a bel et bien examiné l’existence d’un risque de confusion indirect, et a conclu que les deux raisons de commerce se distinguent suffisamment pour l’exclure (c. 2.5). En outre, l’argument de la recourante selon lequel l’instance précédente aurait, en violation de l’art. 951 CO, fondé son examen non sur les raisons de commerce telles qu’inscrites mais sur leur utilisation effective en tant que logos dans le commerce est lui aussi infondé. Bien que la décision attaquée mentionne le logo effectivement utilisé par la requérante dans le cadre de l’examen de sa signification, elle souligne expressément, immédiatement après, que le logo utilisé n’est pas pertinent au regard du droit des raisons sociales (c. 2.6). C’est enfin à tort que la plaignante reproche à l’instance précédente d’avoir exclu de manière infondée l’application de l’art. 3 al. 1 lit. d LCD. L’instance précédente n’a pas ignoré que la LCD et le droit des raisons de commerce peuvent s’appliquer cumulativement. Elle a expressément souligné dans sa décision que, dans l’examen de l’existence d’un risque de confusion sous l’angle de la LCD, on doit se baser non seulement sur les raisons de commerce telles qu’inscrites, mais aussi sur leur utilisation concrète sur le marché. Elle a examiné les logos effectivement utilisés par les parties, et a considéré qu’ils se distinguent suffisamment. Elle a bien pris en compte que l’application de la LCD (notamment de l’art. 3 al. 1 lit. d LCD), reste possible même quand il n’existe aucun risque de confusion sous l’angle du droit des raisons sociales (c. 3). Le recours est rejeté (c. 4). [SR]

24 septembre 2019

TF, 24 septembre 2019, 4A_170/2019 (d)

sic! 3/2020, p. 144-146, « Archroma Management GmbH; Archroma IP GmbH; Archroma Consulting Switzerland GmbH / accroma labtec AG » ; raison de commerce, registre du commerce, risque de confusion nié, anglais, syllabes, produits chimiques, recours rejeté ; art. 951 CO, art. 956 al. 2 CO.

Les trois sociétés plaignantes « Archroma Management GmbH », « Archroma IP GmbH » et « Archroma Consulting Switzerland GmbH » appartiennent au groupe Archroma, mondialement actif dans la production et la distribution de colorants et de produits chimiques spéciaux. La défenderesse, « accroma labtec AG », est une société anonyme active dans le développement, la production et la distribution de systèmes d’automatisation de laboratoires. Les plaignantes demandent la radiation de la raison sociale « accroma labtec AG », et qu’il soit fait interdiction à la défenderesse d’utiliser les signes « accroma » ou « accroma labtec » comme signes distinctifs. Dans les raisons de commerce litigieuses, ce sont en particulier les éléments « Archroma » et « accroma » qui sont susceptibles de rester en mémoire. Les autres éléments en anglais (« Management », « IP » et « Consulting Switzerland ») étant purement génériques, ou ayant à tout le moins un caractère largement descriptif (« labtec »). Compte tenu des éléments ajoutés en anglais aux raisons sociales, les éléments « Archroma » et « accroma » doivent être prononcés en anglais, et leur signification doit être appréciée dans cette langue. Les syllabes initiales de ces deux éléments sont sensiblement différentes l’une de l’autre, et éveillent des associations différentes. Les deux éléments se prononcent de manière très différente, et ne sont donc pas similaires sur le plan sonore (c. 2.3.2). En droit des raisons de commerce, l’examen du risque de confusion doit se fonder sur les raisons sociales telles qu’elles sont inscrites au registre du commerce. Il faut ainsi prendre en compte l’orthographe des noms tels qu’ils ont été inscrits, y compris les minuscules et majuscules employées. Pour le destinataire moyen, il existe une différence non négligeable dans l’impression visuelle d’ensemble que produisent les raisons sociales litigieuses. Elles ne coïncident que sur l’élément « roma ». Non seulement les ajouts, mais surtout les syllabes initiales des entreprises diffèrent clairement (c. 2.3.3). La proximité géographique des sièges des parties (qui sont en l’espèce distants d’une dizaine de kilomètres, dans le même canton) n’implique pas qu’il faille poser des exigences de distinction particulièrement élevées entre leurs raisons sociales lorsqu’elles n’ont pas leur siège au même endroit et qu’elles ne sont pas en concurrence (c. 2.3.4). La juridiction inférieure n’a pas violé les art. 951 et 956 al. 2 CO en niant tout risque de confusion entre les raisons sociales litigieuses (c. 2.3.5). Le recours est rejeté (c. 4). [SR]