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  • de la revendication

18 août 2011

TAF, 18 août 2011, B-3245/2010 (d)

sic! 1/2012, p. 48-51, « Panitumumab » ; certificat complémentaire de protection, brevet, revendication, interprétation de la revendication, combinaison thérapeutique, effets du brevet, imitation, non-évidence, libre appréciation des preuves, expertise, expertise complémentaire ; art. 19 PA, art. 51 al. 2 et 3 LBI, art. 66 lit. a LBI, art. 140b al. 1 lit. a LBI, art. 40 PCF.

En vertu de l'art. 140b al. 1 lit. a LBI, un certificat complémentaire de protection (CCP) ne peut être délivré que pour un produit protégé par un brevet (c. 2.3). Bien que la procédure administrative soit régie par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 19 PA, art. 40 PCF), le juge ne peut s'écarter du résultat d'une expertise que pour de justes motifs. S'il a des doutes sur l'exactitude d'une expertise, il doit ordonner une expertise complémentaire (c. 4). En vertu de l'art. 51 al. 2 et 3 LBI, les revendications — à interpréter grâce à la description et aux dessins — déterminent l'étendue de la protection conférée par le brevet (c. 5.1). La protection conférée par le brevet peut toutefois être plus large étant donné qu'elle s'étend non seulement aux utilisations, mais également aux imitations au sens de l'art. 66 lit. a LBI, pour autant que ces imitations ne découlent pas d'une manière évidente de l'état de la technique (c. 5.2). En l'espèce, la substance active Panitumumab ne remplit pas la condition de la non-évidence (c. 5.2). Par ailleurs, le brevet protège la combinaison thérapeutique — inventive — de deux substances actives et non pas les substances actives elles-mêmes, telles que le Panitumumab (c. 5.1, 5.3-5.4 et 6). N'y change rien le fait que les substances actives puissent être administrées séparément (c. 5.1 in fine et 6).

02 octobre 2014

TF, 2 octobre 2014, 4A_142/2014 (f)

sic! 1/2015, p. 49-53, « Couronne dentée II », brevets, horlogerie, couronne dentée, affichage, mécanisme d’affichage, guichet de cadran, cadran, grande date, mouvement, montre, dispositif d’affichage, homme du métier, action en interdiction, action en constatation de la nullité d’un brevet, action en fourniture de renseignements, action en cessation, action échelonnée, action en dommages-intérêts, nouveauté en droit des brevets, non-évidence, fardeau de la preuve, fardeau de l’allégation, maxime de disposition, décision partielle, décision incidente, demande auxiliaire, garantie d’un procès équitable, expertise, évaluation du dommage, dommage, indépendance des prétentions, interprétation de la revendication, état de la technique, extension illicite de l’objet du brevet ; art. 123 al. 2 CBE 2000, art. 29 al. 1 Cst., art. 29 al. 2 Cst., art. 42 al. 2 LTF, art. 91 lit. a LTF, art. 93 al. 1 LTF, art. 37 al. 1 LTFB, art. 37 al. 2 LTFB, art. 37 al. 3 LTFB, art. 1 al. 1 LBI, art. 7 al. 1 LBI, art. 7 al. 2 LBI, art. 8 al. 1 LBI, art. 8 al. 2 LBI, art. 26 al. 1 lit. a LBI, art. 26 al. 1 lit. c LBI, art. 51 LBI, art. 58 al. 2 LBI, art. 66 lit. a LBI, art. 72 LBI, art. 73 al. 1 LBI, art. 55 al. 1 CPC, art. 56 CPC, art. 57 CPC, art. 125 lit. a CPC, art. 133 lit. e CPC, art. 237 CPC; cf. N 925 (TFB, 30 janvier 2014, O2012_033 ; sic! 6/2014, p. 376-388, « Couronne dentée ») et N 929 (TFB, 2 juin 2015, O2012_033 ; sic! 12/2015, p. 695-696, « Couronne dentée III »).

Les prétentions en dommages et intérêts et en publication du jugement sont indépendantes de celles en fourniture d’informations et en interdiction. Le jugement accueillant une demande auxiliaire en reddition de comptes, ayant pour objet les renseignements nécessaires à l’évaluation du dommage, est une décision incidente. Le recours au TF, contre une telle décision, n’est pas assujetti aux conditions restrictives de l’art. 93 al. 1 LTF (c. 1). Le juge instructeur a la faculté de limiter la procédure à des questions ou à des conclusions déterminées, dans la perspective de régler séparément certaines des prétentions en cause, par une décision partielle, ou de régler séparément certaines questions de fait ou de droit par une décision incidente, selon l’art. 237 CPC. Il n’en a toutefois, sous réserve d’un abus de son pouvoir d’appréciation, pas l’obligation, même si les parties l’en requièrent. L’art. 125 CPC n’exclut pas que le tribunal rende une décision partielle, relative à certaines prétentions, ou incidente, relative à certaines questions de fait ou de droit, alors même que la procédure n’a pas été préalablement, ni formellement limitée. L’art. 133 lit. e CPC n’impose pas non plus d’annoncer l’éventualité d’une décision partielle ou incidente dans l’invitation aux débats (c. 2). L’homme du métier n’est pas un individu réel, mais une fiction juridique. Il a reçu une formation classique dans le domaine technique en cause et il est doté de compétences et de connaissances moyennes dans ce même domaine. Il n’est pas exempt des idées habituellement préconçues dans ledit domaine. L’homme du métier est typiquement le professionnel appelé à réaliser l’objet décrit dans le brevet ou chargé de résoudre le problème correspondant. Aux termes de l’art. 56 CPC, le tribunal interpelle les parties lorsque leurs actes ou déclarations sont peu clairs, contradictoires, imprécis ou manifestement incomplets. Il leur donne l’occasion de les clarifier et de les compléter. Il incombe au tribunal d’élucider la situation juridique sur la base des faits régulièrement établis dans le procès. Le tribunal doit statuer selon les règles de répartition du fardeau de la preuve lorsque des faits importants n’ont pas été régulièrement allégués puis prouvés. Il n’est pas autorisé à se prononcer sur la conséquence juridique de faits autres que ceux dûment établis et il doit s’abstenir de spéculer sur l’issue de la cause dans l’hypothèse où les parties auraient procédé différemment. Il ne peut rendre aucun jugement grevé de réserves ou fondé sur des conjectures. En se référant dans le cas d’espèce au rapport de deux experts, dont les connaissances et les aptitudes personnelles permettent de présumer qu’ils se sont référés aux connaissances et aptitudes typiques d’un professionnel appelé à réaliser l’objet décrit dans le brevet ou chargé de résoudre le problème correspondant, le TFB a, implicitement au moins, recouru à la notion d’homme du métier telle qu’elle est décrite ci-dessus. Comme le procès civil est soumis à la maxime des débats selon l’art. 55 al. 1 CPC, et qu’aucune dérogation n’est prévue en matière de brevet d’invention, il appartenait aux parties d’alléguer et de prouver, le cas échéant, que des connaissances particulières et inhabituelles, différentes de celles des deux experts, auraient été nécessaires pour apprécier la validité et la portée du brevet concerné (c. 5). La nouveauté d’une invention n’est détruite que lorsque toutes ses caractéristiques ont été rendues accessibles au public avant le dépôt de la demande de brevet. L’examen de la nouveauté consiste dans une comparaison individuelle entre chaque solution déjà divulguée et l’invention en cause. La nouveauté de cette invention n’est détruite que lorsqu’une antériorité en présente identiquement toutes les caractéristiques. Il est suffisant, mais nécessaire que l’enseignement technique revendiqué soit déjà apporté à l’homme du métier par une solution connue. Il appartient à la partie qui invoque l’absence de nouveauté de la prouver. Tel n’est pas le cas lorsque trois caractéristiques du brevet dont la validité est contestée ne se retrouvent pas dans le brevet antérieur qui lui est opposé au titre d’antériorité détruisant la nouveauté (c. 6). Pour qu’une invention soit brevetable, l’objet du brevet doit être le résultat d’une activité inventive, car la protection légale n’est pas accordée à ce que l’homme du métier peut logiquement développer en connaissance de l’état de la technique et par la simple mise en œuvre de compétences moyennes ; l’invention brevetable est le résultat d’une sagacité plus considérable. L’activité inventive doit être appréciée d’après ce qui était objectivement réalisable à la date déterminante. À la différence du critère relatif à la nouveauté de l’invention, l’appréciation de l’activité inventive nécessite d’appréhender l’état de la technique dans sa globalité. Tous les enseignements et toutes les antériorités accessibles au public constituent dans leur ensemble le patrimoine technique dont un homme du métier, doté de capacités de combinaison normales, dispose librement pour aborder le problème à résoudre. Il faut examiner si l’état de la technique a suggéré une combinaison évidente d’éléments distincts, compte tenu de leur fonction au sein de l’ensemble ; il importe toutefois de ne pas considérer de manière erronée et artificielle, dans une approche rétrospective issue de la connaissance de la solution en cause, une combinaison comme résultant à l’évidence de l’état de la technique (c. 7). Tant selon l’art. 26 al. 1 lit. c LBI, que l’art. 123 al. 3 CBE 2000, le juge peut être requis de constater la nullité du brevet lorsque son objet va au-delà du contenu de la demande de brevet dans la version qui a déterminé sa date de dépôt. L’art. 26 al. 1 lit. c LBI se rattache à l’art. 58 al. 2 LBI qui interdit de modifier les pièces techniques, pendant la procédure d’examen de la demande de brevet, de manière à ce que l’objet de la demande modifiée aille au-delà de leur contenu. Avant le 1er juillet 2008, selon l’art. 58 al. 2 lit. a LBI, la date de dépôt de la demande de brevet était reportée à celle du dépôt des pièces modifiées qui, le cas échéant, en étendaient l’objet. Ce report devait toutefois s’accomplir formellement au cours de la procédure d’examen ; à défaut, le brevet délivré était nul selon l’art. 26 al. 1 ch. 3bis aLBI. L’extension ainsi interdite peut consister aussi bien dans l’adjonction que dans la suppression d’informations. La modification est en revanche admise si elle a pour seul effet de préciser l’invention ou d’éliminer une contradiction. La substitution ou la suppression d’une caractéristique, dans une revendication, est admissible s’il apparaît directement et sans ambiguïté à l’homme du métier que cette caractéristique n’est pas présentée comme essentielle dans la divulgation de l’invention, qu’elle n’est pas indispensable en tant que telle à la réalisation de l’invention, eu égard aux problèmes techniques que celle-ci propose de résoudre et que sa suppression ou sa substitution n’impose pas de vraiment modifier en conséquence d’autres caractéristiques. Si une caractéristique est remplacée par une autre, il est indispensable que celle-ci soit couverte par les pièces techniques initiales. Le TF confirme le jugement du TFB, qui a considéré que, quoiqu’elles aient été importantes, la présence de 8 différences entre le libellé de la revendication No 1 du brevet dans la demande initialement déposée et dans le brevet finalement obtenu, n’a pas étendu l’objet du brevet par rapport à celui figurant dans la demande, en se fondant sur l’analyse de deux experts qui ont retenu que pour l’homme du métier les caractéristiques présentes dans le libellé final de la revendication étaient aisément reconnaissables dans les pièces techniques initiales. Le TF relève que la présence d’une expertise dissidente, qui ne motive pas ses conclusions de manière intelligible, ne suffit pas à démontrer que les modifications apportées seraient incompatibles avec l’art. 26 al. 1 lit. c LBI dont le sens ne peut être qu’un avis d’expert même déraisonnable ou non pertinent suffirait à établir une extension inadmissible de l’objet du brevet, au sens de l’art. 26 al. 1 LBI (c. 8). Le brevet confère à son titulaire le droit d’exiger la cessation d’une utilisation illicite de l’invention, en particulier de l’utilisation à titre professionnel par un tiers, au sens de l’art. 8 al. 1 et 2 LBI et de réclamer la réparation du dommage causé par cette utilisation illicite (art. 66 lit. a, 72 et 73 al. 1 LBI). L’invention est définie par les revendications du brevet, au besoin interprétées d’après la description et les dessins (art. 51 LBI). Les revendications doivent être interprétées comme l’homme du métier les comprend. Les pièces techniques et, en particulier le libellé des revendications s’adressent à l’homme du métier ; l’enseignement technique doit être mis en œuvre par lui et il faut par conséquent apprécier de son point de vue ce qui est rendu accessible par le brevet. La sécurité juridique exige que l’homme du métier puisse savoir à quoi s’en tenir à la seule lecture du brevet. Lorsqu’un doute subsiste parce que la revendication et la description sont équivoques, c’est le titulaire qui doit en pâtir et non les tiers. Le fascicule du brevet peut conférer un sens spécial à un terme technique, divergent du sens courant. Ce qui amène le TF a admettre qu’en l’espèce la notion de « denture » périphérique est un entraînement constitué de dents en nombre indéterminé, y compris, s’il y a lieu, une dent unique ; et que rien ne justifie d’interpréter ce mot, dans le libellé de la revendication, en ce sens que la couverture du brevet serait restreinte aux entraînements périphériques comprenant deux dents au minimum. Le recours de la défenderesse, qui avait conclu reconventionnellement à la constatation de la nullité du brevet et qui contestait également que son mécanisme à dent unique tombait dans la revendication No 1 du brevet qui décrivait une denture à cet emplacement et pour cette fonction, est rejeté. [NT]

CBE 2000 (RS 0.232.142.2)

- Art. 123

-- al. 2

CPC (RS 272)

- Art. 237

- Art. 133

-- lit. e

- Art. 125

-- lit. a

- Art. 57

- Art. 56

- Art. 55

-- al. 1

Cst. (RS 101)

- Art. 29

-- al. 1

-- al. 2

LBI (RS 232.14)

- Art. 58

-- al. 2

- Art. 8

-- al. 2

-- al. 1

- Art. 73

-- al. 1

- Art. 72

- Art. 66

-- lit. a

- Art. 51

- Art. 26

-- al. 1 lit. a

-- al. 1 lit. c

- Art. 1

-- al. 1

- Art. 7

-- al. 2

-- al. 1

LTF (RS 173.110)

- Art. 91

-- lit. a

- Art. 93

-- al. 1

- Art. 42

-- al. 2

LTFB (RS 173.41)

- Art. 37

-- al. 3

-- al. 2

-- al. 1

07 octobre 2015

TFB, 7 octobre 2015, O2013_006 (d)

Compétence internationale, droit applicable, internationalité, droit international privé, vraisemblance, action en nullité, divulgation antérieure, revendication, interprétation de la revendication, homme de métier, nouveauté, moyens de preuve, preuve, prise en considération de décisions étrangères, limitation de revendications, répartition des frais de justice ; art. 22 ch. 4 CL, art. 28 LBI, art. 107 al. 1. lit. f CPC, art. 1 al. 2 LDIP ; cf. N 936 (TFB, 11 février 2015, S2014_001 ; sic! 9/2015, p. 522-525, « Dibenzothiazepinderivat »).

Le TFB applique le droit international privé suisse à un état de fait international (c. 2.1 et 2.2 ; cf. N 936). Il rappelle également que l’action en nullité d’un brevet appartient à toute personne qui peut justifier d’un intérêt juridique (art. 28 LBI, c. 2.3). Concernant l’usage antérieur, il convient de distinguer entre la façon dont l’invention aurait effectivement été divulguée et la question de savoir si l’objet divulgué est effectivement couvert par les revendications. Pour déterminer si une divulgation a effectivement eu lieu, il faut établir une chaîne d’éléments substantifiés qui permette d’établir concrètement qui, avant la date de priorité, a rendu public quel objet technique, à quel moment et dans quelles conditions. La certitude absolue ne peut pas être exigée. Il suffit que le tribunal n’ait plus de doutes sérieux quant à la réalité des faits allégués ou que les doutes qui demeurent apparaissent légers. Cette preuve peut se faire de différentes manières : en fournissant une facture ou un bulletin de livraison à un tiers non tenu au secret, daté, pour autant qu’un lien concret puisse être établi avec l’objet technique en question (par ex. un numéro d’identification tel que le numéro de la machine) ; en soumettant un document qui permette d’attribuer un enseignement technique spécifique à l’objet en question (tel que, par exemple, un dessin technique qui porte un numéro d’identification ou auquel ce dernier peut être clairement attribué, que ce soit directement ou indirectement) (c. 4.1.1. et 4.1.2.). La preuve de l’état du développement technique de l’objet appartient également au demandeur (c. 4.1.3). L’interprétation d’une revendication qui se fonde sur la description de l’invention doit se faire au travers des yeux de l’homme de métier et à la lumière de l’état de la technique, des désavantages qui en découlent et de la solution que le brevet se propose d’apporter (c. 4.2.2.2). Prise en compte de décisions de l’OEB et de décisions étrangères (c. 4.2.2.3). Le Tribunal fédéral des brevets peut restreindre les revendications (c. 5). La limitation substantielle des revendications par la défenderesse entraîne un désistement d’action proportionnelle du demandeur (c. 6). Une limitation répétée des revendications par la défenderesse qui n’est pas considérée comme nécessaire par le tribunal entraînera une répartition des frais défavorable à la défenderesse (c. 6). [DK]

11 février 2015

TFB, 11 février 2015, S2014_001 (d) (mes. prov.)

sic! 9/2015, p. 522-525, « Dibenzothiazepinderivat » ; mesures provisionnelles, compétence internationale, droit international privé, compétence matérielle, for, internationalité, langue de la procédure, anglais, vraisemblance, nullité d’un brevet, revendication, interprétation de la revendication, non-évidence, décision étrangère, médicament ; art. 2 ch. 1 CL, art. 60 ch. 1 lit. a CL, art. 26 al. 1 lit. b LTFB, art. 36 al. 3 LTFB, art. 343 al. 1 lit. b CPC ; cf. N 923 (TFB, 7 octobre 2015, O2013_006).

Lorsque la demanderesse a son siège à l’étranger (en l’espèce en Suède) et la défenderesse en Suisse, l’état de fait est international; la compétence à raison du lieu s’établit ainsi sur la base de la convention de Lugano (art. 1 al. 2 LDIP en relation avec les articles 1ss CL). Le Tribunal fédéral des brevets (TFB) est compétent à raison de la matière et du lieu sur la base des art. 2 ch. 1 CL en relation avec l’art. 60 ch. 1 lit. a CL de même que l’art. 26 al. 1 lit. b LTFB (c. 2.1.). L’anglais peut être utilisé avec l’accord du Tribunal, même si la langue de procédure est une des langues nationales (en l’espèce l’allemand, cf. art. 36 al. 3 LTFB) (c. 2.2.). Selon les articles 261 al. 1 CPC et 77 LBI, le tribunal peut ordonner les mesures provisionnelles nécessaires si la partie qui les requiert rend vraisemblable qu’une prétention dont elle est titulaire est l’objet d’une atteinte ou risque de l’être (lit. a) et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (lit. b). Une allégation est rendue vraisemblable même lorsque le juge n’est pas totalement convaincu de sa véracité, mais la considère comme en bonne partie véridique ; certains doutes peuvent demeurer. Il suffit également à la partie adverse de rendre ses objections vraisemblables. Ceci vaut également pour l’objection de la nullité d’un droit de propriété intellectuelle. Si le défendeur rend une telle nullité vraisemblable, l’atteinte au droit du titulaire ne l’est pas. Enfin, un certain degré d’urgence doit également exister et la mesure à ordonner doit être proportionnée (c. 4.1.). L’objection de la nullité d’un brevet est vraisemblable du seul fait que ce dernier a été déclaré nul dans cinq pays européens (c. 4.2.). Les revendications ne s’adressent pas à des profanes, mais à des spécialistes, qui lisent les textes techniques dans leurs domaines de manière à leur donner un sens. Les revendications du brevet doivent ainsi être lues de manière à ce qu’en ressorte le sens habituel des termes utilisés dans un domaine particulier, à moins qu’un terme nécessite une définition particulière (c. 5.5). L’activité inventive s’évalue selon l’approche problème-solution, qui comporte trois étapes : (1) la détermination de l'état de la technique le plus proche; (2) l’établissement du problème technique objectif à résoudre, et (3) l’examen de la question de savoir si l'invention revendiquée, en partant de l'état de la technique le plus proche et du problème technique objectif, aurait été évidente pour l'homme du métier. En général, l’examen de ces questions auquel il a été procédé dans des procédures ordinaires d’autres juridictions européennes peut être pris en considération par le TFB. Dans le cas d’espèce, les procédures sommaires d’autres juridictions européennes relatives au brevet litigieux ne peuvent pas être prises en compte, car la validité du brevet n’y a fait l’objet d’aucun examen (c. 5.6 à 5.9). Le droit d’obtenir une décision motivée ne signifie pas que le tribunal doive se prononcer expressément sur chaque allégation de fait et chaque objection de droit. Il suffit – mais il est également nécessaire – que le tribunal se prononce sur les éléments qui lui paraissent déterminants (c. 7). [DK]

07 avril 2017

TF, 7 avril 2017, 4A_520/2016 (f)

Nespresso, Ethical Coffee Compagnie, machine à café, café, action en cessation, brevet défensif, recours en matière civile, conclusion nouvelle, modification des conclusions, étendue de la protection, champ de protection, interprétation de la revendication, interprétation d’un brevet, principe de la confiance, expert ; art. 99 al. 2 LTF, art. 8 al. 1 LBI, art. 51 al. 1 LBI, art. 51 al. 2 LBI, art. 51 al. 3 LBI, art. 66 lit. c LBI, art. 72 LBI, art. 73 LBI.

A teneur de l’art. 99 al. 2 LTF, toute conclusion nouvelle est irrecevable. Le justiciable ne peut pas modifier l’objet du litige devant le TF en demandant davantage ou autre chose que ce qu’il avait requis devant l’autorité précédente. Tel n’est pas le cas lorsque la modification apportée aux conclusions dans le cadre du recours ne fait qu’exprimer la manière dont doivent être interprétées les conclusions de la demande et la revendication principale du brevet. La recevabilité des conclusions est ainsi liée à l’objet même du litige, de sorte qu’il convient d’entrer en matière et de procéder à l’examen au fond (c. 1.2). Le brevet confère à son titulaire le droit d’interdire à des tiers d’utiliser l’invention à titre professionnel (art. 8 al. 1 LBI). Le titulaire peut notamment demander la cessation d’une utilisation illicite de l’invention et la réparation du dommage causé par un tel acte (art. 66 lit. a, art. 72 et 73 LBI). L’invention est définie par les revendications du brevet qui déterminent l’étendue de la protection conférée par le brevet (art. 51 al. 1 et al. 2 LBI), et partant les droits du titulaire du brevet au sens de l’art. 8 LBI. La description et les dessins servent à interpréter les revendications (art. 51 al. 3 LBI). Les revendications doivent être interprétées selon le principe de la confiance. La lettre même des revendications constitue le point de départ de l’interprétation. Les directives techniques qu’elles contiennent doivent être interprétées telles que l’homme du métier les comprend. Si le sens d’une expression ne peut être établi avec une certitude suffisante en consultant la littérature spécialisée, le tribunal doit s’adjoindre les services d’un expert dans la mesure où il est lui-même dépourvu de connaissances spéciales. La description et les dessins servent à l’interprétation, mais ils ne sauraient conduire à compléter les revendications. Le titulaire du brevet doit donc décrire précisément l’objet de l’invention dans les revendications ; il supporte le risque d’une définition inexacte, incomplète ou contradictoire (c. 3.2). Les conclusions ne sauraient aller au-delà de la protection conférée par le brevet, qui découle elle-même des revendications. Dans le cas d’espèce, le litige porte sur le point de savoir si le dispositif décrit dans la revendication a pour effet d’entraîner la rétention de toute capsule introduite dans la cage à capsule, pour autant que la capsule soit en matériau déformable au contact de l’eau chaude. Le problème d’interprétation ne porte pas directement sur une question technique, comme le montre l’argumentation de la recourante qui se concentre sur le sens de l’expression générique « toute capsule ». L’interprétation littérale qui se dégage objectivement de la revendication concernée du brevet est que l’expression « toute capsule » désigne n’importe quelle capsule « constituée d’un matériau déformable au contact de l’eau chaude », étant entendu que ladite capsule doit avoir une taille lui permettant d’être « disposée dans la cage » à capsule de la machine à café. L’agencement de la cage à capsule (en l’occurrence, « relief de type harpon ») est tel qu’il entraîne une déformation au moins partielle de n’importe quelle capsule de ce genre, une fois mise au contact de l’eau chaude ; cette déformation conduit elle-même à ce que la capsule soit retenue dans la cage. L’expression « soit retenue » implique un résultat, et non une possible survenance du phénomène décrit. En bonne logique, l’agencement de la cage doit entraîner une déformation certaine et non une éventuelle déformation (c. 3.4). Le recours est rejeté. [NT]

14 octobre 2016

TF, 14 octobre 2016, 4A_371/2016 (d)

Revendication, interprétation de la revendication, étendue de la protection, champ de la protection ; art. 69 al. 1 CBE 2000, art. 51 al. 2 LBI, art. 51 al. 3 LBI.

Selon l’art. 51 al. 2 LBI, respectivement l’art. 69 al. 1 1ère phrase CBE 2000, les revendications de la demande de brevet déterminent la portée matérielle du brevet. La lettre même des revendications est ainsi le point de départ de toute interprétation. La description et les dessins sont néanmoins aussi à prendre en compte dans l’interprétation des revendications. Les connaissances professionnelles générales constituent, en tant qu’état de la technique disponible, également un moyen d’interprétation. Les indications techniques formulées dans les revendications doivent ainsi être interprétées de la façon dont l’homme du métier les comprend (c. 5.3). [NT]