Design, montres, cadran, décision finale, jugement partiel, impression générale, élément caractéristique essentiel, caractère techniquement nécessaire, imitation, similarité des designs, souvenir à court terme, liberté de création, couleurs, expertise privée, étendue de la protection ; art. 90 LTF, art. 2 al. 2 LDes, art. 2 al. 3 LDes, art. 4 lit. c LDes, art. 8 LDes, art. 9 lit. e ODes, art. 3 al. 1 lit. d LCD.
Une décision intitulée « jugement séparé » constitue une décision finale au sens de l’art. 90 LTF lorsqu’elle met un terme à l’ensemble de la procédure (in casu : rejet intégral tant de la demande que de la demande reconventionnelle) (c. 1.2). L’art. 8 LDes prévoit que la protection d’un design enregistré s’étend aux designs qui présentent les mêmes caractéristiques essentielles et qui, de ce fait, produisent la même impression générale. Les critères de cette disposition peuvent être comparés à ceux utilisés pour établir le caractère d’originalité exigé par l’art. 2 al. 3 LDes (c. 3). Concrètement, le juge doit comparer le design enregistré par le demandeur au design suspecté d’être une imitation tel qu’il est utilisé dans le commerce par le défendeur. Dans un premier temps, le juge doit déterminer les caractéristiques essentielles de chacun de ces designs. Dans un deuxième temps, il lui incombe d’effectuer la comparaison à proprement parler, soit d’examiner si la prétendue imitation présente ou non les mêmes caractéristiques essentielles que le design enregistré et si elle produit, de ce fait, la même impression générale (c. 3.1). Le design est la forme du produit (dans le sens où elle révèle l’apparence de celui-ci) et non pas le produit lui-même. Il s’agit donc de comparer la prétendue imitation avec le design qui fait l’objet de l’enregistrement, c’est-à-dire exclusivement sur la base des représentations ou illustrations figurant au registre (cf. art. 9 lit. e ODes) et non sur la base des modèles effectivement commercialisés par le titulaire de l’enregistrement (c. 3.2). Un design susceptible de revêtir différentes positions doit être déposé puis enregistré dans une position déterminée. Comme il s’agit de se fonder sur ce qui est visible, il est exclu de tenir compte des concepts sous-tendant le design. De même, l’activité créatrice à l’origine du design, le style sous-jacent, le processus de fabrication ou les principes techniques ne peuvent être pris en considération. La valeur du produit n’étant pas un élément du design, la gamme de prix dans laquelle s’insère le produit ne joue aucun rôle au moment de déterminer l’impression générale (c. 3.2). L’impression générale qui se dégage d’un design doit être déterminée en fonction des caractéristiques essentielles du design (soit les éléments qui lui confèrent son empreinte caractéristique), et non sur la base de points de détail. Font partie de ces caractéristiques essentielles principalement les proportions, la disposition des divers éléments composant le design et, dans une certaine mesure, l’originalité des symboles graphiques. Cette énumération n’est pas exhaustive. Une caractéristique ne peut toutefois être qualifiée d’essentielle de manière abstraite, mais seulement en rapport avec le design concret objet de l’examen. Le critère déterminant est l’impression qui subsiste à court terme dans la mémoire d’un acheteur intéressé qui aurait été en mesure de comparer les designs litigieux dans un laps de temps relativement bref, sans toutefois les mettre côte à côte. Les caractéristiques essentielles doivent respecter les exigences du droit au design en ce qu’elles doivent contribuer à la nouveauté du design enregistré (art. 2 al. 2 LDes) et à ce que celui-ci se distingue de manière essentielle des designs existant à la date du dépôt ou de priorité (art. 2 al. 3 LDes). Les caractéristiques qui sont techniquement nécessaires ne sont pas essentielles (cf. art. 4 lit. c LDes). Des éléments à la fois fonctionnels et esthétiques ne sont par contre pas exclus de la protection (c. 3.3). Si les caractéristiques essentielles des designs objets de la comparaison concordent et qu’il en résulte une même impression générale, on est en présence d’une imitation (art. 8 LDes). Pour qu’il y ait imitation, il n’est toutefois pas nécessaire que toutes les caractéristiques essentielles soient reprises. Il suffit que les caractéristiques essentielles imitées ou légèrement modifiées, le cas échéant en combinaison avec d’autres éléments, produisent la même impression générale. Un design particulièrement original bénéficiera d’une sphère de protection plus large qu’un design faiblement original, dont la sphère de protection à l’encontre de formes semblables sera relativement réduite (c. 3.4.1). Si l’impression générale de similitude est retenue, peu importe qu’un nombre significatif de détails diffère par rapport à un design antérieur. Les détails peuvent toutefois jouer un rôle plus important dans les secteurs où la possibilité de création est restreinte. Dans ces domaines, il faut tenir compte du fait que les destinataires du produit consacrent plus d’attention au détail et que la perception des acheteurs est influencée par cette circonstance. Les différences de couleurs ne sont pas déterminantes, à tout le moins lorsque le design est déposé en noir et blanc. L’adjonction d’une marque ne modifie en principe pas l’impression générale, pas plus que l’utilisation d’un autre matériau, à moins que ces apports ne contribuent à donner une impression différente à l’aspect extérieur du produit (c. 3.4.2). Pour décider si un design se distingue suffisamment d’un autre design, ce qui est une question de droit, il n’y a pas lieu de se fonder sur l’opinion de spécialistes. S’agissant des déclarations contenues dans une expertise privée ou faites en audience par l’expert-témoin, celles-ci sont considérées comme de simples allégations d’une partie (c. 3.4.3). Dans le domaine de l’horlogerie, l’emploi d’une lunette de forme circulaire est parfaitement banal et les modèles floraux sont très répandus. Ces éléments ne confèrent donc pas leur empreinte caractéristique aux designs considérés dans le cas particulier, et la perception par l’acheteur potentiel d’une ressemblance s’agissant de ces éléments est sans incidence sur l’impression générale déterminante qui n’est pas la même du moment que les caractéristiques essentielles des designs comparés ne concordent pas (c. 4.2). In casu, l’acheteur potentiel sera d’autant plus attentif aux différences marquées entre les caractéristiques essentielles des deux designs qu’il est en présence de produits fabriqués par un secteur de l’industrie dans lequel une multitude de nouveaux objets sont développés et produits chaque année. Force est ainsi de constater que les caractéristiques essentielles des designs comparés ne concordent pas et que l’impression générale qui se dégage de chacun d’eux n’est pas la même, de sorte que le design du modèle comportant une marguerite sur son cadran ne saurait être qualifié d’imitation du design du modèle de la demanderesse dont le motif principal consiste en un soleil qui s’étend sur la quasi-totalité du cadran (c. 4.2). Une comparaison portant sur le concept à l’origine des produits (indication des heures par le biais d’un papillon placé sur une des pétales en mouvement de la fleur ornant le cadran pour le défendeur, indication de l’heure au moyen de pétales (ou de rayons du soleil) qui s’illuminent progressivement sur le cadran pour le demandeur) n’a pas lieu d’être, l’examen devant se limiter à une comparaison optique des deux designs (c. 4.4). Le fait que deux designs produisent une impression générale différente est insuffisant à écarter automatiquement tout risque de confusion au sens de l’art. 3 al. 1 lit. d LCD. Un risque de confusion indirect peut en effet subsister si l’auteur a fait naître l’idée que deux produits, en soit distincts, proviennent de la même entreprise (c. 5.1). Le fait que chacune des parties ait apposé sa marque sur ses produits tend à exclure le risque de confusion (c. 5.2). Le recours est rejeté. [NT]