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16 septembre 2008

TPF, 16 septembre 2008, BB.2008.45 et BB.2008.46 (f)

Séquestre, banque, compte bancaire, plainte, qualité pour agir, vente, programme d'ordinateur, contrefaçon, CD-ROM, usage frauduleux d'une marque, infraction par métier, présomption, proportionnalité, blanchiment d'argent ; art. 62 al. 1 et 2 LPM, art. 65 PPF, art. 214 al. 2 PPF.

Dans le cadre d'une mesure de séquestre d'un compte bancaire, seul le titulaire du compte ou, dans des situations exceptionnelles, la banque elle-même, est directement et personnellement touché par la mesure et est ainsi légitimé à se plaindre (art. 214 al. 2 PPF). Tel n'est en revanche pas le cas de l'ayant droit économique d'une entité titulaire (c. 1.2). Il est tout à fait vraisemblable qu'il y a eu en l'espèce (par la vente d'au moins 26 835 CD-ROM contrefaits contenant le logiciel E.) usage frauduleux d'une marque (art. 62 al. 1 et 2 LPM) et, compte tenu du nombre de produits écoulés, que cette infraction a été commise par métier, ce qui est constitutif d'un crime en droit suisse. En l'état du dossier, les présomptions de culpabilité sont suffisantes pour justifier le maintien du séquestre prononcé (c. 3.2). Vu le temps écoulé depuis l'ouverture de l'enquête, le séquestre (art. 65 PPF) ne saurait être maintenu (proportionnalité), dans le cadre de l'enquête ouverte en Suisse pour blanchiment d'argent, au-delà du montant établi par la justice civile américaine augmenté de sa plus-value et des intérêts (c. 4.1). La plainte est dès lors partiellement admise (c. 4.2).

16 décembre 2014

TF, 16 décembre 2014, 6B_56/2014 (d)

Secret de fabrication ou d’affaires, procédure pénale, administration des preuves, plainte pénale, délai, prescription, acte d’accusation, principe de l’accusation ; art. 31 CP, art. 162 al. 1 CP, art. 9 al. 1 CPP, art. 325 CPP, art. 329 al. 2 CPP, art. 343 CPP, art. 349 CPP, art. 350 al. 1 CPP, art. 353 al. 1 lit. c CPP, art. 355 al. 3 lit. a CPP, art. 356 al. 1 CPP.

Il résulte de l’interprétation historique de l’art. 329 al. 2 CPP, qu’un renvoi de l’accusation au Ministère public pour complément de preuve n’est que très exceptionnellement admissible. Il est du devoir du Tribunal d’administrer les éventuelles nouvelles preuves, de compléter celles qui auraient déjà été administrées de manière incomplète et de réitérer l’administration de celles qui ne l’auraient pas été correctement dans la procédure préliminaire au sens des art. 343 et 349 CPP (c. 1.6.2). L’art. 325 CPP mentionne de manière exhaustive les indications que doit comporter l’acte d’accusation. Cette disposition ne prescrit pas que l’acte d’accusation devrait également indiquer que les conditions à l’ouverture de l’action pénale sont remplies et qu’aucun empêchement d’ordre procédural n’est donné. C’est au tribunal qu’il incombe d’examiner quand la personne habilitée à déposer plainte pénale a eu connaissance de l’acte délictueux et de son auteur; quand donc le délai pour déposer plainte pénale de l’art. 31 CP a commencé à courir ; si une déclaration assimilable à une plainte pénale est intervenue dans le délai de 3 mois et si elle a été formée par une personne habilitée à le faire (c. 2.3). Une infraction ne peut faire l’objet d’un jugement que si le Ministère public a déposé auprès du tribunal compétent l’acte d’accusation dirigé contre une personne déterminée, sur la base de faits précisément décrits (art. 9 al. 1 CPP). Le tribunal est lié par l’état de fait décrit dans l’acte d’accusation, mais pas par l’appréciation juridique qu’en fait le Ministère public (art. 350 al. 1 CPP). Lorsque, comme dans le cas d’espèce, c’est l’ordonnance pénale rendue par le Ministère public qui tient lieu d’acte d’accusation (au sens des art. 355 al. 3 lit. a en lien avec l’art. 356 al. 1 2ème phrase CPP), son état de fait correspond aux faits qui sont imputés au prévenu par l’ordonnance pénale selon l’art. 353 al. 1 lit. c CPP. L’autorité précédente devait ainsi, selon le principe de l’accusation, juger des propos tenus par le recourant tels qu’ils ressortaient de l’ordonnance pénale. Elle n’avait pas à juger d’autres propos non relatés par l’acte d’accusation. Elle n’aurait donc pas dû juger également les informations données par le recourant et ressortant des courriels évoqués par ce dernier, mais non reproduites dans l’acte d’accusation et ne pouvant ainsi pas être retenues à sa charge (c. 6.2). Le jugement rendu contre le recourant ne respecte ainsi pas le principe de l’accusation et doit donc être levé (c. 6.3.3). Les conditions d’application de l’art. 162 CP ne sont remplies que si les informations transmises et qualifiées de secrets sont véridiques (c. 5.3.1). Cette disposition ne protège ainsi la confidentialité que des faits vrais (c. 5.3.2). Un fait qui n’est ni notoire, ni généralement accessible constitue un secret au sens de l’art. 162 CP. Une certaine confidentialité suffit. Un fait est généralement accessible lorsqu’il existe une haute probabilité que des tiers en aient pris connaissance sans avoir eu un gros obstacle à surmonter pour le faire. Une impossibilité d’accès absolue n’est pas exigée (c. 7.1). L’art. 162 CP ne protège pas seulement la confidentialité des faits absolument inconnus, mais aussi celle de ceux qui ne sont ni publics, ni généralement accessibles. Le fait qu’un expert n’ait dans le cadre de ses recherches rien trouvé sur les éléments concernés constitue une preuve suffisante que ces derniers n’étaient, au moment de leur communication à un tiers, ni publics, ni généralement accessibles (c. 7.2.7). Pour que l’art. 162 CP s’applique, il ne suffit pas que l’auteur de l’infraction concernée ait communiqué un fait se rapportant à un secret d’affaires ou de fabrication qui n’était ni public, ni généralement accessible. Il faut en plus que le détenteur du secret sur ce fait ait eu la volonté de le conserver secret et ait eu un intérêt justifié à le faire. Il convient en outre que la communication de ce fait soit de nature à influer sur la situation économique de son détenteur, et que le fait soit ainsi doté d’un certain impact économique (c. 8.1). Admission partielle du recours par le TF qui renvoie la cause à l’autorité précédente pour qu’elle détermine si les conditions de l’application de l’art. 162 CP, autres que celles concernant le caractère non généralement public des faits considérés, sont remplies en l’espèce. [NT]

CP (RS 311.0)

- Art. 31

- Art. 162

-- al. 1

CPP (RS 312.0)

- Art. 356

-- al. 1

- Art. 355

-- al. 3 lit. a

- Art. 353

-- al. 1 lit. c

- Art. 350

-- al. 1

- Art. 349

- Art. 343

- Art. 329

-- al. 2

- Art. 325

- Art. 9

-- al. 1

12 février 2020

TF, 12 février 2020, 6B_1275/2019 (f)

Recours en matière pénale, œuvre d’architecture, ordonnance de non-entrée en matière, droit à l’intégrité de l’œuvre, plainte pénale, tardiveté, délai pour déposer plainte pénale, prescription, unité naturelle d’actions, unité juridique d’actions, délit « continu », délit successif ; art. 67 LDA, art. 30 CP, art. 31 CP, art. 98 lit. b CP, art. 98 lit. c CP.

Le délit défini à l’art. 67 LDA est poursuivi sur plainte. La plainte pénale au sens des art. 30ss CP est une déclaration de volonté inconditionnelle par laquelle le lésé demande l’introduction d’une poursuite pénale. L’art. 31, première phrase, CP prévoit que le droit de porter plainte se prescrit par trois mois. Le délai court du jour où l’ayant droit a eu connaissance de l’auteur de l’infraction (art. 31, 2ème phrase, CP) mais aussi de l’infraction elle-même. En présence d’une pluralité d’infractions, la détermination du début du délai de plainte s’opère par analogie avec la fixation du point de départ de la prescription. Le TF a abandonné la figure de l’unité sous l’angle de la prescription – et donc par analogie de la plainte pénale –, le délai de plainte devant dorénavant être calculé pour chaque infraction de manière séparée. Il existe toutefois des exceptions pour les infractions représentant une unité juridique ou naturelle d’actions, celles-ci devant toujours être considérées comme un tout et le délai de prescription ne commençant alors à courir qu’avec la commission du dernier acte délictueux ou la cessation des agissements coupables (art. 98 lit. b et c CP). L’unité juridique d’actions existe lorsque le comportement défini par la norme présuppose, par définition, de fait ou typiquement la commission d’actes séparés, tels le brigandage (art. 140 CP), mais aussi lorsque la norme définit un comportement durable se composant de plusieurs actes, par exemple les délits de gestion fautive (art. 165 CP) ou de services de renseignements politiques ou économiques (art. 272 et 273 CP). L’unité naturelle d’actions existe lorsque des actes séparés procèdent d’une décision unique et apparaissent objectivement comme des événements formant un ensemble en raison de leur relation étroite dans le temps et dans l’espace. Elle vise ainsi la commission répétée d’infractions – par exemple une volée de coups – ou la commission d’une infraction par étapes successives – par exemple le sprayage d’un mur avec des graffitis pendant plusieurs nuits successives –, une unité naturelle étant cependant exclue si un laps de temps assez long s’est écoulé entre les différents actes, quand bien même ceux-ci seraient liés entre eux. La notion d’unité naturelle d’actions doit être interprétée restrictivement afin de ne pas réintroduire sous une autre forme la figure du délai successif ou celle de l’unité du point de vue de la prescription. Il s’agit d’une question de droit (c. 2.2). Le comportement défini par l’art. 67 LDA ne présuppose pas l’accomplissement d’actes séparés ni un comportement durable, de sorte que l’on ne saurait retenir une unité juridique d’actions. Dans le cas particulier, les travaux de substitution ordonnés par les copropriétaires ne constituaient pas non plus une unité d’actions dite naturelle (c. 2.3.1). La plainte pénale était donc tardive (c. 2.3.2) et les conditions de l’ouverture de l’action pénale manifestement pas réunies (c. 2.4). Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. [NT]