« Dénonciation »,
gestion collective, sociétés de gestion, surveillance
des sociétés de gestion,
dénonciation,
frais de procédure, témérité, principe
de l’équivalence,
principe de la proportionnalité, causalité ;
art. 127 al. 1 Cst, art. 46a LOGA, art. 13 al. 1 LIPI, art. 71 PA,
art. 1 O-PA, art. 10 O-PA, art. 2 al. 1 OGEmol, art. 3 al. 2 OGEmol,
art. 53 LDA, art. 16d ODAu, art. 2 OTa-IPI.
Au
sens de l'art. 53 LDA, la surveillance de la gestion est étendue et
permet à l'IPI d'examiner si les sociétés de gestion exécutent
leurs tâches selon des règles déterminées, respectivement si les
tarifs sont respectés (c. 3.2). La dénonciation est une procédure
non contentieuse par laquelle un administré peut attirer l'attention
d'une autorité hiérarchiquement supérieure sur une situation de
fait ou de droit qui justifierait à son avis une intervention de
l'Etat dans l'intérêt public (c. 4.1). La jurisprudence et la
doctrine retiennent que celui qui dépose une plainte auprès de
l'IPI en raison d'une mesure prise par une société de gestion est
considéré comme un dénonciateur au sens de l'art. 71 PA. Cette
disposition est en effet applicable par analogie (c. 4.3). Selon
l'art. 71 al. 2 PA, le dénonciateur n'a aucun des droits reconnus à
la partie. L'autorité saisie décide, d’après son pouvoir
d'appréciation, si elle donne suite on non à la dénonciation. La
seule qualité de dénonciateur ne donne pas le droit de recourir
contre la décision prise à la suite de la dénonciation ; le
dénonciateur doit encore pouvoir invoquer un intérêt digne de
protection à ce que l'autorité de surveillance intervienne (c.
4.4). Le principe de la légalité en droit fiscal, érigé en droit
constitutionnel indépendant à l'art. 127 al. 1 Cst, s'applique à
toutes les contributions publiques (c. 5.1). Si la qualité de
contribuable et l'objet de l'impôt doivent toujours être définis
dans une loi formelle, la jurisprudence a assoupli cette exigence en
ce qui concerne le mode de calcul de certaines contributions. La
compétence d'en fixer le montant peut ainsi être déléguée à
l'exécutif lorsqu'il s'agit d'une contribution dont la quotité est
limitée par des principes constitutionnels contrôlables, tels que
ceux de la couverture des frais et de l'équivalence (c. 5.2). Ce
dernier est l'expression du principe de la proportionnalité en
matière de contributions publiques : le montant de la
contribution exigée d'une personne déterminée doit être en
rapport avec la valeur objective de la prestation fournie à celle-ci
(c. 5.3). L’assouplissement du principe de la légalité en matière
fiscale ne vaut pas lorsqu'une contribution ne permet de couvrir
qu'une partie des dépenses effectives. Dans ce cas, les principes de
l'équivalence et de la couverture des frais ne permettent pas
d'encadrer de manière suffisante la contribution en cause (c. 5.4).
Il est notoire que les émoluments encaissés par les tribunaux et
les administrations n'arrivent pas, et de loin, à couvrir leurs
dépenses effectives (c. 5.5). Lorsque les activités du secteur
privé sont soumises à la surveillance étatique, l'autorité
responsable peut prélever des émoluments pour couvrir ses frais. En
principe, c’est à l’administré surveillé qu’il incombe de
les payer, conformément à l’art. 2 al. 1 OGEmol (c. 5.6.1). Les
prestations de surveillance peuvent entraîner des émoluments dus en
contrepartie de prestations déterminées ou une taxe annuelle (c.
5.6.3). L'art. 46a LOGA constitue une base légale permettant au
Conseil fédéral d'édicter des dispositions prévoyant la
perception d'émoluments pour les décisions et les autres
prestations de l'administration fédérale (c. 6.1). Le cercle des
contribuables doit être fixé dans une loi au sens formel. Force est
de constater que l’art. 13 al. 1 LIPI ne dit pas clairement qui
doit supporter les taxes perçues par l’IPI pour la surveillance
des sociétés de gestion. La logique veut cependant que ce soit ces
dernières (c. 6.2.3). Cela découle aussi des interprétations
historique, téléologique (c. 6.2.4) et systématique (c. 6.2.5).
L'application des dispositions réglementaires sur les frais et
émoluments n'aboutit pas à un résultat différent (c. 7). Les art.
16d ODAu et 2 OTa-IPI renvoient à l’OGEmol (c. 7.1.1 et c. 7.1.2).
L’art. 2 al. 1 de cette ordonnance consacre le principe de
causalité. Selon celui-ci, des frais de procédure sont mis à la
charge de celui qui les a causés (c. 7.2.2). La causalité naturelle
entre deux événements (rapport de cause à effet) est un lien tel
que sans le premier événement, le second ne se serait pas produit ;
il n'est pas nécessaire que l'événement en question soit la cause
unique ou immédiate du résultat. Il y a causalité adéquate
lorsque le comportement incriminé était propre, d'après le cours
ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, à
entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit. La
causalité adéquate peut être interrompue par un événement
extraordinaire ou exceptionnel auquel on ne pouvait s'attendre, et
qui revêt une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus
immédiate du dommage (c. 7.3). En l’espèce, l'existence même de
la recourante comme société de gestion est l'événement sine
qua non de la mesure de surveillance (causalité naturelle) (c.
7.5.1). Sous l'angle de la causalité adéquate, le principe de
causalité ou du perturbateur conduit à conclure que c'est la
société de gestion qui est tenue de payer les frais de sa
surveillance (c. 7.5.2). L'entité surveillée doit objectivement
s'attendre à faire parfois l'objet de dénonciations. Cela entre
dans le champ raisonnable des possibilités objectivement
prévisibles. En ce sens, la dénonciation ne peut pas être vue en
l'espèce comme un facteur d'interruption de la chaîne causale (c.
7.5.2). L'art. 3 al. 2 OGEmol dispose qu'il est possible de renoncer
à percevoir des émoluments lorsque la décision ou la prestation
sert un intérêt public prépondérant ou que la décision ou la
prestation engendre des coûts insignifiants (c. 9.1). Cette
disposition est de nature potestative (c. 9.2). La surveillance des
sociétés de gestion, aussi importante soit-elle, ne protège pas un
intérêt public aussi prépondérant que, par exemple, la
surveillance des denrées alimentaires. Quant aux coûts engendrés
par l'enquête, du fait qu'une décision a dû être rendue à la
suite d'une procédure d'instruction, ceux-ci ne sauraient être vus
comme insignifiants (c. 9.3). L'art. 1 O-PA suit le principe
consistant à mettre les frais à la charge de la partie qui
succombe. Ce principe ne s'applique, conformément à l’art. 10
O-PA, que pour autant que la dénonciation soit téméraire (c.
10.1.2) ou d’une ampleur extraordinaire, ou qu’elle présente des
difficultés particulières. L'imputation de frais de justice à un
dénonciateur est contraire au principe d'intérêt public de la
surveillance et ne devrait être prévue que dans des cas
exceptionnels. En particulier, il faut éviter que des administrés
renoncent à déposer des dénonciations par crainte d'un éventuel
impact financier (c. 10.2.1). Agit par témérité ou légèreté la
partie qui, en faisant preuve de l'attention et de la réflexion que
l'on peut attendre d'elle, sait ou devait savoir que les faits
invoqués à l'appui de ses conclusions n'étaient pas conformes à
la vérité ou qui, malgré l'absence évidente de toute chance de
succès, persiste dans sa volonté de recourir. Tombe également sous
le coup de cette disposition la partie qui forme un recours
manifestement dénué de chances de succès, dont s'abstiendrait tout
plaideur raisonnable et de bonne foi (c. 10.2.4). En l'espèce, au vu
de la longueur et de la densité de l'analyse contenue dans la
décision attaquée (19 pages), la dénonciation n'apparaît pas
comme téméraire. Une dénonciation téméraire aurait été écartée
autrement plus simplement et plus rapidement, car la témérité est
quelque chose de manifeste (c. 10.2.5). La dénonciation n’était
pas non plus d’une ampleur extraordinaire et ne pouvait être vue
comme présentant des difficultés particulières (c. 10.3). Le
montant de l’émolument demandé est conforme aux principes de
l’équivalence et de la couverture des frais (c. 11). La décision
attaquée rétablit une situation conforme au droit. L'ancienne
pratique de l’IPI ne correspondait pas à la volonté du
législateur et c'est avec raison qu’elle a été changée (c.
12.2). Quant au grief tiré de l'inopportunité, il ressort de ce qui
précède que la décision attaquée ne découle que de la simple
application du droit. Partant, il n'y a pas de place ici pour le
grief d'inopportunité (c. 13). [VS]