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  • Décision
  • de l'IPI en force

04 juillet 2017

TFB, 4 juillet 2017, S2016_009 (d) (mes. prov.)

sic! 12/2017 p. 745, « Sevelamer » ; Certificat complémentaire de protection, réintégration en l’état antérieur, décision de l’IPI en force, motifs de nullité; art. 44 PA, art. 48 PA, art. 26 LBI, art. 47 LBI, art. 65 LBI, art. 77 LBI, art 140k LBI, art. 140m LBI, art. 261 al. 1 let. a CPC, art 261 al. 1 let. b CPC.
La défenderesse prétend que le rétablissement du délai par l'IPI pour le dépôt d’un certificat complémentaire de protection (CCP) a été effectué à tort en violation de l'art. 47 LBI et qu’elle est en droit de l'invoquer dans une procédure civile en violation de CCP pour faire annuler le CCP. La décision de l'IPI d'accorder un CCP touche une partie qui a l'intention de mettre sur le marché un médicament générique du médicament breveté après l'expiration du brevet et qui a donc un intérêt digne de protection à l’annulation du CCP. Une telle partie est au courant de la délivrance du CCP, car, dès la publication de la demande de brevet, elle surveille attentivement si Swissmedic accorde une autorisation de mise sur le marché pour le médicament correspondant. Dans l’affirmative, pendant les 18 mois qui suivent, elle contrôle si une demande de CPP est publiée et si un CPP est accordé (délai de six mois pour le dépôt plus un an pour une éventuelle demande de réintégration en l’état antérieur de l'art. 47 al. 2 LBI). Si à l'époque - en 2006 - la défenderesse avait un intérêt correspondant, elle avait donc le droit de recourir contre l'ordonnance en question (art. 44 aPA en liaison avec l'art. 48 lit. a aPA [état au 9 décembre 2003]). La défenderesse aurait ainsi eu le pouvoir de contester l'octroi du CCP, la procédure judiciaire lui étant ouverte, en invoquant la violation du droit fédéral, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation ou la constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 49 lit a et b aPA). La voie du recours à la Commission de recours en matière de propriété intellectuelle lui était ouverte dans les 30 jours (art. 50 a PA et 59c aLBI). Elle aurait ainsi pu contester la décision incidente relative à la restauration du délai en même temps que l’octroi du CCP (art. 45 al. 3 aPA). La défenderesse ne l'a pas fait et a donc perdu son droit de contester la validité du CCP sur cette base. La décision d'octroi du CCP est donc entrée en force (c. 3.6). Il est possible qu’à l'époque (2006) - la défenderesse (productrice de génériques) n'ait pas encore eu l'intention de mettre sur le marché, après l'expiration du brevet, une version générique du médicament breveté; si un tel intérêt apparaît plus tard, elle doit vivre avec la situation de l'époque, à savoir un CCP accordé sur la base d’une décision définitive. La sécurité juridique en faveur du propriétaire du CCP l’exige (c.3.6). Il n’y a pas de base légale pour annuler un CCP dans une procédure civile en raison d’une restauration d’un délai contraire au droit. Les motifs de nullité énumérés à l'art. 140k LBI doivent être considérés comme exhaustifs (c. 3.6). L'expression « est nul si » de l’art. 140k LBI correspond au libellé de l'art. 26 LBI relatif à la nullité des brevets ; or, il n’est pas contesté que la liste des motifs de nullité de l’art. 26 LBI est exhaustive. Une référence au droit européen ne mène pas à une conclusion différente. L’art. 15 al. 1 lit. a du règlement  (CE) No 469/2009  du 6 mai 2009 concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, énumère des motifs concrets de nullité, auxquelles correspondent les motifs du droit suisse (cf. le message du Conseil fédéral relatif à la révision de l'art. 140k LBI, FF 1993 III 709). Il n'y a donc aucune raison de ne pas considérer la liste de l'art. 140k de la loi sur les brevets comme exhaustive. Le rétablissement contraire au droit du délai de dépôt n'y figure pas ; par conséquent, il ne peut pas être invoqué comme motif de nullité. [DK]

CPC (RS 272)

- Art. 261b

- Art. 261

-- al. 1 let. b

-- al. 1 let. a

LBI (RS 232.14)

- Art. 140m

- Art. 65

- Art. 140k

- Art. 47

- Art. 77

- Art. 26

PA (RS 172.021)

- Art. 44

- Art. 48

20 octobre 2017

TF, 20 octobre 2017, 4A_208/2017 (d)

sic! 3/2018, p. 142, « Pemetrexed II » ; Brevet, doctrine des équivalents ; champ de protection; art. 69 CBE, art. 1 Protocole interprétatif de l’art. 69 de la convention de brevet européen, art. 2 Protocole interprétatif de l'art. 69 de la convention de brevet européen, art. 51 LBI, art. 66 lit. a LBI ; cf. N 739 (vol. 2012-2013 ; HG SG, 25 octobre 2013, HG.2013.148/149/153 (d)).

L'étendue de la protection  du brevet est déterminée par les revendications (art. 51 al. 2 LBI, art. 69 al. 1 première phrase CBE). Les instructions techniques contenues dans les revendications doivent être interprétées comme l'homme du métier les comprendrait. Le texte des revendications constitue le point de départ de chaque interprétation. La description et les dessins servent à interpréter les revendications (art. 51 al. 3 LBI, 69 al. 1 2ème phrase CBE). Les connaissances techniques générales de l’homme de métier peuvent le cas échéant également être prises en compte en tant qu’état de la technique « liquide ». En revanche, selon la doctrine dominante, la genèse, respectivement la procédure de délivrance n'est en principe pas déterminante pour l'interprétation des revendications et donc pour la détermination de l'étendue de la protection, bien que les dossiers liés à l’octroi du brevet soient accessibles au public (c. 4.3). Les dérogations et limitations que le déposant a formulées dans la procédure de délivrance ne doivent alors être prises en compte que dans la mesure où elles sont exprimées dans les revendications et, le cas échéant, dans la description (c. 4.3.). On ne peut conclure à un comportement contradictoire de la part du titulaire du brevet – et encore moins d’un comportement abusif - du  simple fait que des limitations aient été faites à une caractéristique et que, par la suite, il agisse contre une imitation sur la base de cette revendication limitée (c. 4.5 et 4.6). Commet un acte de contrefaçon de brevet celui qui utilise illicitement l'invention brevetée ; l'imitation est considérée comme une utilisation (art. 66 lit. a LBI, c. 5.1). Selon l’art. 2 du  Protocole interprétatif de l'art. 69 de la convention de brevet européen (RS 0.232.142.25), pour la détermination de l'étendue de la protection conférée par le brevet européen, il est dûment tenu compte de tout élément équivalent à un élément indiqué dans les revendications.  Afin de déterminer si l’enseignement breveté a été utilisé avec des moyens équivalents, trois questions sont généralement posées, à savoir 1) si la caractéristique modifiée remplit objectivement la même fonction que celle qui est brevetée pour réaliser l’enseignement technique (principe de la fonction équivalente), 2) si la caractéristique modifiée est évidente pour l’homme de métier sur la base de l’enseignement breveté (principe de l’évidence) et 3) si l’homme de métier considérerait que l’exécution modifiée présente une solution équivalente (principe de l’équivalence). Dans cette analyse, il convient de tenir compte du fait que d’après l’art. 1 du Protocole interprétatif de l'art. 69 de la convention de brevet européen, cet article ne doit pas être interprété comme signifiant que l'étendue de la protection conférée par le brevet européen est déterminée au sens étroit et littéral du texte des revendications et que la description et les dessins servent uniquement à dissiper les ambiguïtés que pourraient recéler les revendications. Il ne doit pas davantage être interprété comme signifiant que les revendications servent uniquement de ligne directrice et que la protection s'étend également à ce que, de l'avis d'un homme du métier ayant examiné la description et les dessins, le titulaire du brevet a entendu protéger. L'art. 69 doit, par contre, être interprété comme définissant entre ces extrêmes une position qui assure à la fois une protection équitable au titulaire du brevet et un degré raisonnable de sécurité juridique aux tiers (c. 5.1). Une caractéristique est fondamentalement la même si elle résout le problème technique sous-jacent à l'invention avec le même effet; cela ne peut être jugé ni par une simple comparaison individuelle, ni par une évaluation globale de l’effet. Au lieu de cela, le mode de réalisation modifié doit procurer tous les effets qui, selon la compréhension de l'homme du métier, doivent être obtenus sur la base des caractéristiques techniques revendiquées prises individuellement et en interaction (c. 5.3.3). Selon la jurisprudence non seulement du Tribunal fédéral, mais aussi de la Cour suprême fédérale allemande et des précédents en Grande-Bretagne, il est exigé que la caractéristique modifiée soit suggérée à l'homme du métier par l'enseignement breveté («évidence»). L'homme de métier du domaine en question doit, sur la base de ses connaissances générales, être stimulé par l'invention brevetée à y apporter des modifications; si la modification à son tour découle d'une activité inventive, elle ne sera pas considérée comme évidente (c. 5.4.1). Enfin, pour répondre à la troisième question, il faut déterminer si le tiers expert, à la lecture objective du fascicule de brevet, conclut que le titulaire du brevet a formulé la revendication - pour quelque raison que ce soit - si étroitement qu'il ne revendique pas la protection d'un mode d'exécution tout aussi efficace et identifiable (c. 5.5.1). Le champ de protection s'étend en principe au-delà de l'application parfaitement littérale des revendications pour tenir compte du fait qu'il est impossible, même avec une rédaction des plus minutieuses, de nommer tous les modes d'exécution possibles dans une explication technique. Il en découle que la protection devrait également s’étendre au-delà d'une interprétation littérale trop stricte, pour autant que les explications techniques indiquent à l'homme de métier la façon dont l'invention peut être réalisée. Il faut donc des raisons particulières pour que le destinataire compétent (l'homme de métier) puisse et doive accepter que la protection du brevet n’est pas revendiquée pour des modes d'exécution qu’il juge aussi efficaces, sur la base de ses connaissances générales relatives à l’invention (c. 5.5.3). [DK]