Disposition

          

Traité CH-D (1967) (RS 0.232.111.191.36)

30 août 2017

TAF, 30 août 2017, B-1428/2016 (d)

sic! 2/2018, p. 63 (rés.), «DEUTSCHER FUSSBALL-BUND (fig.) », ; motifs d’exclusion absolus, signe trompeur, signe contraire au droit en vigueur, signe appartenant au domaine public, nom géographique, indication géographique, indication de provenance, réputation, restriction à certains produits ou services, patronyme, raison sociale, Allemagne, Deutscher, aigle, association sportive, logo, football, cercle des destinataires pertinent, consommateur final, intermédiaires, spécialistes, degré d'attention normal, impression d'ensemble, changement de pratique de l’Institut, intérêt légitime, merchandising, recours admis ; art. 2 al. 4 Traité CH-D (1967), art. 2 lit. c LPM, art. 47 LPM.


DEUTSCHER FUSSBALL-BUND.PNG

DEUTSCHER FUSSBALL-BUND (fig.)

Liste des produits et services revendiqués

Une large palette de produits en classes 3, 5, 8, 9, 11, 12, 14, 16, 18, 20, 21, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33 et 34 (Etat de fait A.).

Cercle des destinataires pertinent

Étant donné la large palette de produits revendiqués, il peut être considéré que le cercle des destinataires pertinent est composé des consommateurs finaux, des intermédiaires et des spécialistes des différents domaines. Les consommateurs finaux ne font pas preuve d'un degré d'attention accru (c. 4)

Motif absolu d’exclusion examiné 

Signes propres à induire en erreur (art. 2 lit. c LPM)

Conclusion

Il n'est pas contesté entre les parties que le terme allemand « deutscher » est perçu comme une indication géographique et que, par conséquent, le signe examiné est perçu comme une indication de provenance au sens de l'art. 47 LPM (c. 5). L'autorité précédente considère que la présence dans le signe examiné d'une représentation d'un aigle – susceptible d'être confondu avec l'aigle héraldique allemand – lui confère per se le caractère d'indication de provenance indirecte, et exclut ainsi le signe examiné du champ d'application de l'exception pour les associations sportives (c. 5.1). Cependant, l'IPI se fourvoie lorsqu'elle examine l'élément figuratif de manière isolée et qu'elle lui attribue, de plus, une importance considérable. Quand bien même l'aigle du signe examiné pourrait être confondu avec l'aigle héraldique allemand et que le signe contient l'élément « DEUTSCHER », l'élément verbal « FUSSBALL-BUND » domine l'impression d'ensemble. Les destinataires y voient en conséquence le logo d'une association sportive. La grande notoriété de la sélection nationale allemande contribue également à ce résultat. Les destinataires s'intéressent dans un second temps seulement à la provenance des produits, mais ils ne s’attendent pas particulièrement à une provenance d'Allemagne des produits revendiqués, car ils reconnaissent le logo de l'association sportive. L'IPI admet elle-même que le signe examiné ne suscite aucune fausse attente en lien avec l'indication de provenance (c. 5.2). Ainsi, dans l'application de l'exception en faveur des associations sportives, l'impression d'ensemble est déterminante, et un élément figuratif ne doit pas être apprécié séparément. Le signe « DEUTSCHER FUSSBALL-BUND (fig.) » ne suscite aucune fausse attente quant à la provenance des produits, quel que soit le risque de confusion de l'élément figuratif de l'aigle avec l'aigle héraldique allemand (c. 5.3). L'IPI argue que l’exception en faveur des associations sportives ne s'applique pas aux produits qui jouissent d'une réputation particulière (voitures allemandes, bières, vins et spiritueux allemands, etc.) (c. 6). La newsletter de l'IPI « changement de pratique de l’IPI concernant l’examen des marques contenant une désignation protégée par un traité bilatéral utilisée sous une forme modifiée » est une ordonnance administrative qui n'est pas une source du droit administratif et ne lie donc pas le TAF (c. 6.2). La réputation particulière d’un produit ne doit être examinée que pour déterminer si une exception aux attentes en rapport avec les indications de provenance existe. Le signe examiné est perçu comme le logo d'une association sportive, même pour les produits qui jouissent d'une réputation particulière, et n’est pas compris comme une indication de provenance (c. 6.2). Il n’est pas contesté que, par le biais du Traité entre la Confédération Suisse et la République fédérale d’Allemagne sur la protection des indications de provenance et d’autres dénominations géographiques (RS 0.232.111.191.36), l'élément « DEUTSCHER » est réservé exclusivement à des produits provenant d'Allemagne (c. 6.3). L'art. 2 al. 4 du Traité prévoit que les dispositions de l'accord ne s'appliquent pas à l'usage de patronymes homonymes à des indications géographiques et s'il existe un intérêt légitime à l'utilisation de ce patronyme. Le signe « DEUTSCHER FUSSBALL-BUND (fig.) » peut bénéficier de cette disposition. Par ailleurs, pour la demanderesse, il existe un intérêt légitime à pouvoir organiser un merchandising. Ainsi, le signe « DEUTSCHER FUSSBALLBUND (fig.) » ne suscite pas de fausses attentes au regard de la provenance des produits, même sans restreindre la liste des produits (c. 6.3). Le signe examiné n'est ni trompeur, ni contraire au droit en vigueur pour les produits revendiqués. Il n'appartient pas plus au domaine public. Le recours est admis et le signe doit être admis à l'enregistrement (c.7). [AC]

23 mai 2019

TF, 23 mai 2019, 4A_22/2019 (d)  

« Otto’s » ; droit des marques, risque de confusion, priorité, usage de la marque en Allemagne, motifs d’exclusion relatifs, vente par correspondance, vente de produits sur Internet, action en radiation d’une marque, territorialité, péremption, concurrence déloyale ; art. 5 du Traité entre la Suisse et l’Allemagne sur l’usage de la marque, art. 3 al. 1 LPM, art. 6 LPM, art. 11 LPM, art. 13 LPM.

Le
droit à la marque confère, selon l’art. 13 LPM, au titulaire le
droit exclusif de faire usage de la marque pour distinguer les
produits ou les services enregistrés et d’en disposer. Le
titulaire peut interdire à des tiers l’usage des signes qui sont
similaires à une marque antérieure et destinés à des produits ou
services identiques ou similaires, lorsqu’il en résulte un risque
de confusion (art. 13 al. 2 LPM en lien avec l’art. 3 al. 1 lit. c
LPM). Un tel risque existe lorsque le signe le plus récent porte
atteinte à la force distinctive de la marque antérieure. Tel est le
cas lorsqu’il doit être craint que les cercles des destinataires
pertinents soient induits par la similitude des signes et attribuent
les produits qui portent l’un ou l’autre de ceux-ci au mauvais
titulaire de la marque ; ou lorsque le public fait bien la
différence entre les signes, mais déduit de leur similitude de faux
liens entre leurs titulaires (c. 2.1). L’autorité précédente a
constaté que l’intimée No 1 a enregistré ses marques
« OTTO-Versand » pour la Suisse en 1979 et « OTTO »
en 1994, alors que la recourante a déposé elle ses marques
« OTTO’S » et « OTTO’S » (fig.) en 1998
et 1999 (c. 2.2). L’intimée peut ainsi prétendre à un droit de
priorité pour les produits et services enregistrés par les deux
parties, au sens de l’art. 6 LPM (c. 2.2.1). Ne peut par contre pas
être suivi le point de vue de l’autorité précédente selon
lequel la prestation de service « vente par correspondance »
pour laquelle l’intimée 1 bénéficie d’un droit de priorité
par rapport à la recourante, concernerait la vente de produits sur
Internet. La simple vente ou distribution de produits n’entre pas
dans la notion de prestations de service de commerce de détail,
indépendamment du type de canaux de vente par lesquels elle
intervient. La vente de marchandise sur catalogue ou par Internet ne
constitue pas un service au sens du droit des marques ; au
contraire, les produits vendus sont distingués par la marque, quel
que soit leur mode de distribution (c. 2.2.2). L’art. 11 al. 1 LPM
prévoit qu’après l’échéance du délai de carence de l’art.
12 LPM, la marque est protégée pour autant qu’elle soit utilisée
en relation avec les produits ou les services enregistrés. Cette
obligation d’usage correspond à la fonction commerciale de la
marque et tend simultanément à empêcher que des marques soient
enregistrées quasiment à titre de réserve. En cas de non usage,
une action en radiation peut être intentée (c. 2.3). En vertu du
principe de la territorialité, le droit à la marque n’est donné
que par le dépôt et l’usage en Suisse. L’intimée No 1 n’a,
de manière incontestée, pas utilisé ses marques en Suisse. La
recourante aurait ainsi en principe pu agir en radiation de ces
marques. L’intimée No 1, dont le siège est en Allemagne, peut
toutefois de prévaloir de la convention entre la Suisse et
l’Allemagne du 13 avril 1892 (RS O.232.149.136) dont l’art. 5.1
prévoit qu’un usage de la marque en Allemagne vaut usage de la
marque en Suisse, le droit suisse déterminant ce qui est retenu
comme constitutif d’usage. Sur la base de ses marques antérieures
« OTTO » et « OTTO-Versand », l’intimée No
1 pourrait interdire à la recourante l’utilisation de sa marque
postérieure « OTTO’S » en vertu de l’art. 3 al. 1
LPM dans la mesure où il en résulte un risque de confusion. La
recourante s’est cependant prévalue de la péremption. Une
péremption du droit d’agir ne doit pas être admise à la légère
puisque seul l’abus manifeste d’un droit n’est pas protégé.
L’exercice tardif d’un droit peut ainsi être abusif lorsqu’il
repose sur une méconnaissance fautive de la violation de ce droit et
que l’auteur de la violation peut avoir considéré de bonne foi
que l’absence de réaction constituait une tolérance de cette
violation. La jurisprudence exige en plus que l’auteur de la
violation se soit constitué dans l’intervalle une situation digne
de protection. Si l’autorité précédente s’est bien basée sur
ces principes pour examiner la question de la péremption du droit
d’agir, elle aurait dû considérer que les conditions d’une
péremption du droit d’agir étaient remplies en l’espèce, en
particulier étant donné l’étendue de la position digne de
protection que s’est constituée la recourante et le fait que
l’intimée a non seulement toléré l’utilisation du signe
postérieur, mais a expressément renoncé à se prévaloir de son
droit de priorité. L’intimée No 1 ne peut ainsi pas se prévaloir
de son droit à la marque prioritaire pour interdire à la recourante
l’usage du signe « OTTO’S » (c. 2.3.2). L’autorité
précédente peut être suivie sur le point que la péremption du
droit d’agir de l’intimée No 1 vis-à-vis de la recourante ne
débouche pas sur une perte du droit à la marque prioritaire qui, au
contraire, en tant que droit absolu demeure vis-à-vis de tous les
autres participants au marché. Il n’existe aucune raison pour que
la recourante puisse de son côté, sur la base de l’art. 3 al. 1
LPM, exclure l’intimée No 1, en tant que titulaire d’un droit
prioritaire, de la protection du droit des marques (c. 2.3.3). Il en
résulte que chacune des parties peut utiliser ses marques pour
distinguer les produits et les services qui ont été revendiqués,
sans que l’autre partie puisse lelui interdire sur la base du droit
des marques (c. 2.3.4). Les dispositions de la loi contre la
concurrence déloyale disposent d’un domaine d’application propre
indépendant de celui du droit des marques (c. 3). L’autorité
précédente a omis à tort de vérifier si l’extension envisagée
de l’activité commerciale de l’intimée était susceptible de
créer un risque de confusion au sens de l’art. 3 lit. d LCD.
L’autorité précédente a ainsi violé l’art. 3 al. 1 lit. d LCD
en limitant à un seul canal de vente l’accès au marché sur
lequel l’intimée souhaitait développer son activité sous ses
marques et en niant par-là, de manière erronée, la priorité
temporelle de la recourante sur ce segment de marché (c. 3.6). Le
recours est partiellement admis. [NT]