sic! 6/2018,
p. 313-319, « Swiss Military » (Gregor Wild,
Anmerkung); Procédure
d’opposition, protection de la confiance, imposition par l’usage,
garantie de la propriété,
champ de protection, signe contraire au droit en vigueur, identité
des signes, identité des produits ou services, risque de confusion,
armoiries publiques, signes publiques ; art. 16 al. 1 ADPIC,
art. 26 Cst., art. 2 lit. c LPM, art. 2 lit. d LPM, art. 3 lit. a
LPM, art. 6 aLPAP, art. 6 LPAP, art. 9 LPAP.
Les
motifs absolus d’exclusion, comme la violation du droit, doivent
être pris en compte également dans le cadre d’une procédure
d’opposition, en particulier pour déterminer le champ de la
protection de la marque opposante. Le TAF vérifie donc si le signe
« Swiss Military » viole la LPAP pour prendre en compte
une éventuelle violation dans la détermination du champ de
protection dont bénéficie la marque opposante (c. 5.1). Le terme
« Swiss » peut aussi bien constituer une indication de
provenance se rapportant à notre pays qu’une référence aux
autorités administratives de celui-ci. En tant qu’indication de
provenance, le terme appartient au domaine public et ne peut pas être
monopolisé par un enregistrement de marque, de sorte qu’il reste
d’une utilisation libre pour les tiers même s’il fait l’objet
d’un enregistrement dans le cadre d’une marque comportant
d’autres éléments distinctifs. En tant que référence aux
autorités administratives de la Suisse, son utilisation peut être
interdite. Les termes « militaire » et « armée »
sont synonymes et font référence de manière non équivoque à la
Confédération également dans leur traduction anglaise de
« Military » (c. 5.2.2). Le fait que la marque opposante
considérée soit enregistrée pour des montres qui sont assimilées
par la jurisprudence à des éléments du matériel militaire
augmente le risque de confusion avec la Confédération plutôt qu’il
ne l’exclut selon l’art. 6 aLPAP. En vertu de cette disposition
en vigueur jusqu’au 1er janvier 2017, le signe « Swiss
Military » revendiqué pour des montres ne pouvait ainsi pas
être utilisé par d’autres entités que la Confédération (c.
5.2.3). Depuis le 1er janvier 2017, date de l’entrée en
vigueur des art. 6 et 9 LPAP, l’utilisation d’une dénomination
désignant la Suisse comme entité administrative est exclusivement
réservée à cette dernière indépendamment même de l’existence
d’un risque de confusion. Selon le Message, les désignations
officielles ne doivent plus être utilisées que par les
collectivités ainsi désignées et leurs organes (ou éventuellement
les entités tierces exerçant une activité étatique ou
semi-étatique) au sens de l’art. 9 al. 2 LPAP. La marque opposante
viole donc la LPAP révisée dans la mesure où le signe « Swiss
Military » doit être qualifié de désignation officielle au
sens de l’art. 6 LPAP ou est susceptible d’être confondu avec
une désignation officielle et n’est pas utilisé par la
collectivité qu’il désigne (au sens de l’art. 9 al. 1 LPAP). A
la différence de ce qui valait sous l’ancien art. 6 LPAP, l’art.
9 al. 1 LPAP interdit désormais l’utilisation per se d’une
désignation officielle et des termes susceptibles d’être
confondus avec elle, par toute autre personne que la collectivité
concernée. Ceci qu’il en résulte ou non un risque de confusion.
Seules les exceptions des alinéas 2 et 3 de l’art. 9 entrent en
ligne de compte ; soit pour les personnes exerçant une activité
étatique ou semi-étatique selon l’alinéa 2 ; ou pour les
utilisations en combinaison avec d’autres éléments verbaux ou
figuratifs pour autant qu’un tel emploi ne soit ni trompeur, ni
contraire à l’ordre public, aux bonnes mœurs ou au droit (al. 3)
(c. 5.3.1). Le caractère contraire au droit d’un signe au sens de
l’art. 2 lit. d LPM ne peut pas être réparé par un long usage
selon la doctrine dominante et constante (c. 6.2). Un courant
minoritaire paraît admettre une imposition par l’usage, mais
uniquement pour un signe trompeur au sens de l’art. 2 lit. c LPM
qui aurait acquis avec le temps une autre signification de sorte
qu’il ne serait plus susceptible d’induire le public en erreur
(c. 6.2.1). En l’espèce, la marque opposante étant constituée
uniquement de signes qui ne peuvent pas être utilisés par sa
déposante selon la LPAP, elle ne dispose par conséquent pas d’un
champ de protection qui la dote d’une force d’interdiction lui
permettant de faire opposition à la deuxième marque bien que
celle-ci soit identique et destinée à des produits identiques (c.
7). L’enregistrement d’une marque ne crée pas de droits acquis à
une prétention en interdiction [l’examen de la validité d’une
marque demeurant de la compétence des tribunaux civils]. A
fortiori, la simple privation d’un droit d’action entre
parties, comme c’est le cas en l’espèce puisque le rejet de
l’opposition n’empêchera pas les parties de saisir le juge civil
pour déterminer laquelle d’entre elles dispose d’un droit
préférable à la marque, ne saurait porter atteinte à la garantie
de la propriété (c. 8.1). Le recours est admis. [NT]