Le signe revendiqué « BVLGARI »
ne correspond pas à un mot existant (c. 10.1.2). La suite de
consonnes « BVLG » est difficilement prononçable et donc
inattendue, mais le signe « BVLGARI » reste très proche
du mot « Bulgarie », sur les plans sonores et visuels (c.
10.1.3-10.1.4.3). En conséquence, le signe revendiqué doit être
considéré comme un nom géographique appartenant en principe au
domaine public (c. 10.1.5). Cela ne signifie cependant pas encore
que, concrètement, le signe revendiqué n’est pas considéré
comme une référence à la provenance industrielle et non
géographique des produits et services revendiqués (c. 10.2.2). Rien
n’impose qu’un nom géographique se soit imposé comme marque au
sens de l’article 2 let. a LPM pour constituer un cas d’application
de l’article 47 al. 2 (c. 11.2.2-11.2.2.3). Il ne suffit pas que
celui-ci se soit imposé comme marque pour nier son caractère
trompeur selon l’article 2 let. c LPM. En effet, rien n’exclue
qu’un signe imposé par l’usage n’induise pas en erreur les
consommateurs sur la provenance géographique des produits ou
services revendiqués (c. 12.1.2.1). Afin d’être protégé comme
marque, un signe géographique doit avoir acquis un « secondary
meaning », soit
une autre signification qui devient prédominante au point d’exclure
un risque de tromperie. L’examen du « secondary
meaning »
nécessite d’appliquer les exigences en matière d’imposition par
l’usage avec une rigueur particulière (c.12.1.2.2). En
conséquence, les six exceptions identifiées par le Tribunal fédéral
ne s’appliquent pas de la même manière lors de l’examen de
l’appartenance au domaine public d’un signe ou de son caractère
trompeur (c. 12.2.1). Certes, dans l’ATF 128 III 454 « YUKON »,
le Tribunal fédéral prévoit qu’un signe qui remplit l’une des
six conditions n’est pas propre à induire en erreur, mais il
poursuit en ajoutant qu’un tel examen dépend du cas d’espèce
(c. 12.2.2.1-12.2.2.2). Contrairement à l’avis de la recourante,
il est justifié qu’un signe qui n’est pas doté d’une
signification propre clairement prédominante soit refusé à
l’enregistrement (c. 12.4). Il faut donc, en l’espèce,
déterminer si les éléments apportés par la recourante permettent
de retenir que le signe « BVLGARI » dispose d’une
signification propre prédominante (c. 13.2). La recourante peut se
prévaloir de son histoire plus que centenaire (c. 14.1.1.1), de son
développement soutenu (14.1.1.2), ainsi que de la force de son
réseau de distribution (c. 14.1.1.3). La recourante est implantée
en Suisse depuis la fin du XIXe
siècle, dispose d’un grand prestige dans le domaine des objets de
luxe et réalise un chiffre d’affaires conséquent depuis de
nombreuses années (c. 14.1.2.1-14.1.2.3). De plus, l’autorité
inférieure retient que la marque « BVLGARI » peut se
prévaloir d’un « secondary meaning » en lien avec
divers produits en classes 3, 9, 14 et 18 (c. 14.1.3). En
conséquence, la marque « BVLGARI » jouit d’un degré
de connaissance hors du commun (c. 14.2). De l’autre côté, aucun
élément dans le signe revendiqué ne vient affirmer un lien avec la
Bulgarie (c. 15.1.1). Il n’existe pas de rapport particulier entre
les produits et services revendiqués et la Bulgarie (c. 15.1.2), et
les importations en Suisse de produits provenant de Bulgarie sont
faibles (c. 15.1.3). Enfin, la graphie particulière et omniprésente,
soit l’utilisation d’un « V » à la place d’un
« U », conduit au fait que le signe « BVLGARI »
sera compris comme une référence commerciale à la recourante et
non géographique (c. 16.2). Les produits revendiqués ne sont pas
proches des produits dont la recourante peut déjà se prévaloir
d’un « secondary meaning », mais il est commun pour les
entreprises de diversifier leurs offres, parfois dans des domaines
très éloignés (c. 17). En conséquence, le signe « BVLGARI »
n’est pas compris comme une référence à l’Etat de Bulgarie,
mais bien comme une référence à la recourante (c. 18.1.1.1). Une
telle qualification ne découle pas de l’éventuelle haute renommée
de la marque « BVLGARI » (c. 18.2.2.2).
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