sic! 9/2021, p. 487 (rés.) « Sherlock + Sherlock’s » ; Demande de radiation d’une marque, procédure administrative en radiation, abus de droit, qualité pour agir, légitimation active, swissness, usage de la marque, preuve du défaut d’usage, preuve de l’usage d’une marque, défaut d’usage, fardeau de la preuve ; art. 2 CC, art. 35a LPM
La recourante conteste la demande de radiation concernant les marques N°517'858 « SHERLOCK’S », et N°461’529 « SHERLOCK » effectuée par l’intimée au motif que celle-ci commet un abus de droit dans la mesure où elle a pour seul objectif d’agir contre les marques de la recourante mais ne prévoit pas d’utiliser elle-même les marques ainsi radiées (état de fait A et B). Bien que l’abus de droit n’ait été invoqué que lors du recours, les documents déposés par la recourante qui se rapportent à des faits produits avant l’admission des demandes de radiation doivent être pris en compte (c. 2.2). Comme l’abus de droit invoqué concerne la légitimation de l’intimée et qu’il s’agit d’une condition procédurale, le TAF doit l’examiner dans la procédure de recours et entendre les arguments de la recourante (c. 2.3). La demande de radiation pour défaut d’usage de l’art. 35a LPM est entrée en vigueur avec le paquet Swissness et a pour but de permettre une procédure plus simple et moins coûteuse que l’alternative qu’est la procédure civile (c. 3.2). Une marque n’est protégée que si elle est utilisée (c. 3.3). C’est le demandeur qui supporte le fardeau de la preuve de la vraisemblance du non-usage d’une marque. Le titulaire peut contester les éléments rendant vraisemblable le non-usage, démontrer qu’il utilise bien sa marque ou faire valoir des motifs légitimes (c. 3.4). La recourante considère que l’intimée commet un abus de droit dans la mesure où aucun intérêt à agir ne légitime sa demande de radiation (c. 4.1). L’intimée a respecté les prescriptions de forme et payé les frais afférents à sa demande de radiation (c. 5). La demande, ouverte à « toute personne », est fondée sur l’intérêt public à la bonne tenue du registre. De plus, la protection s’éteint non pas dès la radiation, mais dès que la marque n’est pas utilisée. Cette ouverture est limitée par la difficulté pour le demandeur de rendre vraisemblable le non-usage, mais est justifiée par l’insécurité juridique générée lorsqu’une marque est enregistrée mais pas utilisée (c. 5.1). Cette obligation de motivation doit prévenir les abus de droit (c. 5.2). C’est donc à raison que l’instance précédente a admis à l’intimée un intérêt à agir (c. 5.3). La demande peut cependant être abusive nonobstant l’intérêt public à la tenue du registre. Le TAF a ainsi considéré que l’abus de droit ne peut être invoqué dans une procédure d’opposition que contre les arguments disponibles dans cette procédure par exemple si la titulaire de la marque attaquée est responsable du non-usage de la marque opposante (c. 6.1). L’intérêt pour agir qui peut exceptionnellement faire défaut dans une procédure d’opposition, par exemple lorsque le demandeur ne peut ou ne doit pas utiliser le signe en question. Cette pratique ne se fonde pas sur l’interdiction de l’abus de droit de l’art. 2 CC, mais sur la nécessité d’un intérêt privé à la protection juridique dans la procédure civile qui n’existe pas dans la procédure administrative de radiation fondée sur l’intérêt public à la tenue du registre (c. 6.2). Le fait que l’intimée soit un « troll » des marques n’impacte pas sa légitimité pour agir (c. 7.1). La recourante n’a pas déposé de preuves supplémentaires destinées à rendre l’usage de ses marques vraisemblable (c. 7.2). L’intimée a demandé la radiation de deux marques et rendu vraisemblable leur non-usage. C’est à raison que l’instance précédente a admis la demande de radiation. Le recours est rejeté (c. 7.4). [YB]