sic! 2021, p. 252-261, « Viagogo » ; concurrence déloyale, indication publicitaire fallacieuse, indication publicitaire inexacte, méthode de vente particulièrement agressive, légitimation active, intérêt public, territorialité, cercle des destinataires pertinent, consommateur moyen, degré d’attention accru, indication de prix, nom de domaine, site Internet, adresse électronique, vente de billets, Google AdWords, Viagogo, recours rejeté ; art. 2 LCD, art. 3 al. 1 lit. b LCD, art. 3 al. 1 lit. h LCD, art. 9 al. 1 LCD, art. 9 al. 2 LCD, art. 10 al. 3 LCD.
La
société Viagogo, défenderesse, exploite une plateforme de revente
de billets en ligne, sur laquelle elle n’agit pas en tant que
vendeuse, mais permet des transactions entre utilisateurs moyennant
une rémunération. Elle est titulaire du domaine www.viagogo.com,
ainsi que de nombreuses sous-pages spécifiques à différents pays.
Les prix des billets sont fixés par les vendeurs, et servent de base
pour le calcul des frais perçus par la société. Lorsqu’un
utilisateur effectue une recherche de billets et consulte une offre,
il lui est indiqué que d’autres personnes regardent la même offre
et que les billets sont très demandés. Après que l’utilisateur
ait confirmé sa volonté d’acheter un billet, un compte à rebours
apparaît. La Confédération suisse, recourante (représentée par
le Secrétariat d’Etat à l’économie), considère que le
comportement de la défenderesse tombe sous le coup de la LCD et de
l’ordonnance sur l’indication des prix (OIP). Elle reproche à
l’instance précédente d’avoir violé l’art. 10 al. 3 LCD, en
posant des exigences trop élevées quant à la preuve de la
légitimation active (c. 4). L’art. 10 al. 3 LCD prévoit que la
Confédération peut intenter les actions prévues à l’art. 9 al.
1 et 2 LCD si elle le juge nécessaire à la protection de l’intérêt
public (c. 4.1). L’introduction du droit de la Confédération
d’intenter une action visait à prévenir les pratiques déloyales
commises à partir de la Suisse, et non à introduire de manière
générale l’applicabilité extraterritoriale de la LCD. La
Confédération a pour mission de protéger la réputation de la
Suisse à l’étranger, et non d’appliquer le droit suisse de la
concurrence déloyale dans le monde entier, sans conditions
préalables, en ce qui concerne les offres en ligne qui sont
exploitées par des entreprises établies en Suisse. On ne saurait
reprocher à l’instance inférieure une violation du droit fédéral
lorsqu’elle a considéré que l’offre Internet mondiale de la
défenderesse ne suffisait pas en elle-même à fonder la capacité
d’ester en justice de la recourante. L’instance précédente a
nié cette capacité concernant l’absence d’adresse électronique
dans l’impressum, l’utilisation de l’expression « pas de
file d’attente » dans les publicités Google et l’absence
de fourniture des coordonnées des fournisseurs commerciaux, en
considérant qu’il n’existait pas d’intérêt public,
concernant ces problématiques, à agir sur le fondement de l’art.
10 al. 3 LCD. C’est à tort que la recourante soutient que le
simple fait que la plateforme soit accessible à un grand nombre de
personnes sur Internet suffit à fonder sa légitimation active (c.
4.2-4.5). Selon le jugement attaqué, les destinataires sont des
consommateurs du monde entier qui achètent des billets pour des
évènements sur Internet à des fins privées. Le consommateur moyen
n’est pas averti, mais dispose d’un niveau de connaissances
normal. Etant donné que l’achat d’un billet se fait de manière
consciente, l’instance précédente considère qu’on peut
admettre un degré d’attention assez élevé (c. 5.1). La
recourante ne parvient pas à démontrer que l’instance précédente
aurait violé le droit fédéral par ces considérations. Notamment,
le fait que l’achat d’un billet pour un évènement ne représente
pas un « investissement particulièrement important » ne
conduit pas à un faible niveau d’attention du consommateur moyen
(c. 5.2). Contrairement à ce que considère le jugement attaqué, la
recourante soutient que la défenderesse a adopté un comportement
trompeur tombant sous le coup des art. 2 et 3 al. 1 lit. b LCD (c.
7). La juridiction inférieure a constaté que, lors de recherches en
ligne sur Google, la défenderesse apparaissait souvent avant même
les canaux de distribution officiels, que ce soit de manière
naturelle ou au moyen d’annonces Google. Sur le site
www.viagogo.ch, la société indique notamment que les prix sont
fixés par les vendeurs et peuvent être supérieurs ou inférieurs
au prix d’origine, ainsi que le fait que les billets peuvent avoir
été achetés à l’origine par un tiers. La recourante critique
notamment les déclarations qui figurent dans les annonces Google, la
position de la défenderesse dans les résultats de recherche, ainsi
que le fait qu’elle ne rendrait pas les utilisateurs suffisamment
attentifs à son caractère de simple plateforme de revente, et non
de canal de vente officiel. Le jugement attaqué ne considère pas
ces comportements comme déloyaux (c. 7.1.1). Il faut partir du
principe que les destinataires moyens ne sont vraisemblablement pas
familiers avec le détail du fonctionnement des recherches sur
Internet, et qu’il est douteux qu’ils connaissent l’influence
des AdWords sur les résultats de recherche. En revanche, la
recourante ne parvient pas à invalider l'hypothèse de l'instance
précédente selon laquelle il est reconnaissable pour les
destinataires moyens que les annonces sont des annonces payantes, qui
apparaissent généralement avant les résultats de recherche, et
selon laquelle ils sont en mesure de distinguer les annonces marquées
en conséquence des autres résultats de recherche. Contrairement à
ce que soutient la recourante, on ne voit donc pas pourquoi de telles
annonces seraient propres à faire croire au destinataire moyen qu’il
a affaire au vendeur officiel de billets. Il ne peut être reproché
à l’instance précédente de violer l’art. 3 al. 1 lit. b LCD ou
l’art. 2 LCD (c. 7.1.2). Le jugement attaqué nie l’existence
d’un devoir d’information sur les faits que les billets peuvent
être personnalisés ou libellés à un autre nom et qu’ils ne
donnent pas toujours accès à l’évènement. Selon lui, le
destinataire moyen perçoit le site de l’intimée comme une
plateforme de revente, et est bien conscient, lorsqu’il y achète
des billets, que l’accès à un évènement peut poser des
problèmes. Il ne s’attend pas à recevoir d’indications sur
d’éventuels problèmes, car ces indications ne sont pas
habituelles. Par conséquent, l’absence d’information ne
constitue pas, selon l’instance précédente, un comportement
déloyal (c. 7.2.1). La recourante ne peut être suivie lorsqu’elle
affirme que le destinataire moyen ne reconnaît pas qu’il a affaire
à une plateforme de revente, ce qui entraînerait une obligation
d’information (c. 7.2.2). Pour ce motif, on ne peut non plus
admettre qu’il existe une obligation d’informer sur les prix des
autres vendeurs (c. 7.3), et la recourante ne parvient pas non plus à
prouver la déloyauté de l’allégation « prix bas »
dans les annonces Google de la défenderesse (c. 8.2). L’instance
précédente a constaté que le prix réel à payer n’était pas
indiqué dès le départ. Au début du processus de commande, un prix
pour les billets était affiché, qui n'incluait pas encore les frais
de livraison, la TVA et les frais de réservation, ajoutés par la
suite. Le fait que ces éléments étaient exclus du prix initial
était expressément indiqué. Selon son texte même, l’art. 3 al.
1 lit. b LCD vise aussi les indications de prix. Le jugement attaqué
considère que le consommateur moyen s’intéresse, en matière de
prix, au prix réel à payer. Par conséquent, ce prix doit être
connu avant la conclusion du contrat. Selon l’instance précédente,
il n’existe pas de pratique commerciale exigeant que le prix réel
à payer soit indiqué au début du processus de vente en ligne, et
l’ajout ultérieur de suppléments constitue une pratique répandue.
Le consommateur moyen connaissant, au moment de la décision finale
d’achat, le prix qu’il devra effectivement payer, il n’y a
selon elle aucun risque de tromperie ou d’induction en erreur en
raison de l’indication d’un prix initial inférieur. Le
consommateur moyen comprend que, dans ce type de vente
(contrairement, par exemple, à une vente dans un magasin physique)
le prix initialement affiché ne correspond pas au prix définitif
(c. 9.1). La recourante ne parvient pas à démontrer en quoi ces
considérations seraient contraires au droit fédéral (c. 9.2). Elle
reproche enfin au jugement attaqué d’avoir nié l’existence de
méthodes de vente particulièrement agressives au sens de l’art. 3
al. 1 lit. h LCD (c. 10). L’instance précédente a constaté que
la défenderesse utilisait sur son site les mentions « les
billets sont très demandés », « il ne reste que
quelques billets », « les billets sont presque tous
vendus » et, sur certaines pages, un compte à rebours. La
société indiquait en outre le nombre de billets disponibles, sans
préciser s’ils étaient épuisés sur les autres sites de vente,
mais en indiquant, lorsqu’on cliquait sur la rubrique appropriée,
que l’information ne concernait que la plateforme. Selon l’instance
précédente, l’utilisation d’un compte à rebours, indiquant la
durée pendant laquelle les billets sélectionnés sont réservés à
l’utilisateur, est habituelle pour ce type de vente, et la
restriction de la durée de réservation de billets est nécessaire
lorsque les billets font l’objet d’une demande particulièrement
élevée, afin de garantir le bon déroulement du processus de vente.
Ces éléments ne doivent par conséquent pas être qualifiés, selon
elle, de méthodes de vente particulièrement agressives. Il est vrai
qu’ils peuvent inciter le consommateur moyen à ne pas traîner au
moment d’effectuer un achat, et qu’ils peuvent ainsi à tout le
moins être désagréables pour lui, mais le consommateur est habitué
à ce type de pratiques, usuelles dans le secteur, et ne se sent donc
pas mis sous pression. Selon l’instance précédente, le
consommateur moyen n’est pas influencé en ce qui concerne le choix
de l’évènement et la décision d’achat elle-même. Il ne
conclut pas le contrat en raison de la méthode de vente, mais en
définitive toujours en raison de l’objet de l’achat. Il ne se
trouve pas dans une situation de contrainte qui entrave sensiblement
sa liberté de choix, et il sait également que des billets sont
encore disponibles sur le marché secondaire auprès d'autres
fournisseurs. Lorsqu'il recherche un produit, il visite ces
plateformes en ligne de son propre chef. Il n'est pas pris par
surprise ou mis sous pression, comme c'est le cas notamment pour le
démarchage à domicile ou pour la vente par téléphone. Par
conséquent, le comportement de la défenderesse ne tombe selon le
jugement attaqué pas sous le coup de l’art. 3 al. 1 lit. h LCD. Il
ne constitue pas non plus une tromperie au sens de l’art. 3 al. 1
lit. b LCD ou une violation de l’art. 2 LCD, les informations
fournies n’ayant pas créé une impression fausse ou ambigüe quant
à la disponibilité des billets (c. 10.1). La recourante ne parvient
là encore pas à démontrer que les considérations du jugement
attaqué son erronées (c. 10.2). Le recours est rejeté (c. 11).
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