sic!
9/2019 p. 491 (rés), « Think different/Tick different »
(fig.) ; Motifs d’exclusion relatifs, marque verbale, marque
figurative, marque notoirement connue, fardeau de la preuve, maxime
inquisitoire, fait notoire, légitimation active, slogan, apple,
défaut d’usage, droit
étranger américain ; art. 13 PA,
art. 3 al. 2 lit. b LPM, art. 11 LPM, art. 12 LPM.
La recourante est titulaire de la
marque « THINK DIFFERENT ». Invoquant l’article 3 al. 1
lit b LPM, elle considère que l’instance précédente a, à tort
nié la notoriété de sa marque en lui imposant des exigences trop
importantes en matière de preuve (c. 4.1). La titulaire de marque
opposante « TICK DIFFERENT », enregistrée en Suisse le
19 octobre 2015 conteste la qualité pour agir de la recourante et,
subsidiairement le caractère notoire de la marque opposante (c. 4.2). C’est « l’untersuchungsmaxime »
(maxime inquisitoire) qui s’applique dans la procédure
d’opposition. Or,
les parties sont tenues de collaborer à la constatation des faits,
d’amener les éléments de preuve et d’invoquer les droits sur
lesquels elles fondent leurs conclusions. En particulier dans
l’examen du caractère notoire d’une marque, le devoir de
collaborer est fondamental. Chaque partie est en effet la plus à
même de produire les documents nécessaires à l’établissement
d’un tel caractère. (c. 5). Aux Etats-Unis, il n’est pas
obligatoire d’enregistrer un signe afin de bénéficier de la
protection du droit des marques. Une marque non-enregistrée voit sa
protection limitée aux produits et services pour lesquels elle est
utilisée, et à l’aire géographique dans laquelle elle est
également utilisée (c. 6.1). Celui qui se fonde sur la notoriété
d’une marque non enregistrée doit au moins rendre vraisemblable
son droit à s’opposer, de la même manière que le titulaire d’une
marque enregistrée doit définir la marque sur laquelle se fonde
l’opposition. En l’espèce, la recourante doit démontrer que sa
marque existe encore aux Etats-Unis au moment du dépôt de la marque
attaquée (c. 6.3). La recourante a déposé de nombreux éléments,
mais aucun n’est daté. Toutefois,
il est possible d’en déduire une date approximative. La notion de
notoriété, au sens de la LPM ne doit pas être confondue avec les
faits qui sont notoires pour l’autorité en procédure. On attend
donc d’une partie qu’elle démontre l’utilisation et
l’existence de sa marque au moyen de preuves. Il n’est pas
exorbitant d’exiger de la recourante qu’elle amène des preuves
permettant de dater ses documents, et quand c’est possible, de
préciser cette datation avec des éléments complémentaires. En
effet, c’est la recourante qui est la plus à même de savoir
quand, sous quelle forme et pour quels produits elle a utilisé sa
marque (c. 6.5). La recourante parvient à rendre vraisemblable
l’utilisation de la marque « THINK DIFFERENT » entre
1997 et 2002, puis depuis 2014 en rapport avec des ordinateurs en
classe 9. Bien qu’elle ait produit deux photographies de montres,
rien ne permet de les dater, si bien que rien ne laisse supposer un
usage pour des produits en classe 14, le signe « THINK
DIFFERENT » était bien utilisé au moment du dépôt de la
marque attaquée. La recourante dispose donc bien de la légitimation
active, dans la mesure où la similarité des produits et services
n’est pas une condition d’entrée en matière (c. 6.6 et 6.7).
Une marque peut être notoirement connue, et cette caractéristique
peut être un fait notoire pour le tribunal, mais les deux notions ne
sont pas synonymes (c. 7.1). La notoriété d’une marque n’est
pas facilement admise (7 à refaire). La
marque « THINK DIFFERENT » est un très bon slogan court
et frappant, très lié à la politique marketing de la recourante
comme à son fondateur, Steve Jobs, mais cela ne suffit pas à rendre
sa notoriété au sens de la LPM notoire pour le tribunal (c.
7.2.1-7.3.3). Au sein des divers éléments invoqués, divers
articles publiés dans des rubriques « médias et
informatique » permettent de rendre vraisemblable la notoriété
de la marque « THINK DIFFERENT » pour les destinataires
pertinents jusqu’à 2006. Cependant,
la recourante ne parvient pas à prouver un usage en suisse ou à
l’étranger de sa marque au moment du dépôt de la marque
attaquée. Si une marque, même non utilisée, peut rester notoire
pour les consommateurs, elle peut également perdre sa notoriété
des suites de sa non-utilisation
(c. 7.3.4). En l’espèce, la marque opposante a avant tout servi à
caractériser Steve Jobs et sa philosophie jusqu’à à son décès.
A partir de 2009, la recourante ne parvient plus à démontrer la
notoriété de sa marque, et ne peut démontrer un usage sérieux au
sens des articles 11 et 12 LPM. C’est donc à raison que l’instance
précédente a reconnu la qualité pour agir à la recourante tout en
rejetant son opposition au motif que la marque « THINK
DIFFERENT » n’était pas notoire au sens de l’article 3
al.1 lit. b LPM (c. 7.3.5-8). [YB]