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2/2022, p. 84-86, « Ausstand im patentgerichtlichen Verfahren
II » ; récusation, partialité, tribunal fédéral des
brevets, juge de formation technique, violation d’un brevet,
recours rejeté ; art. 30 al. 1 Cst., art. 47 CPC.
En
novembre 2017, la recourante a intenté une action en contrefaçon de
brevet contre l’intimée auprès du Tribunal fédéral des brevets.
En janvier 2020, une autre société (ci-après « deuxième
plaignante ») a ouvert une action similaire, visant les mêmes
produits (des stylos injecteurs), contre l’intimée. En février
2020, l’intimée a requis la récusation du juge spécialisé
officiant dans la première procédure, au motif qu’il travaille
comme conseil en brevets dans une étude d’avocats exerçant des
activités purement administratives pour le compte de la deuxième
plaignante, consistant à fournir un domicile de notification pour la
correspondance de l’OEB ou de l’IPI. Comme l’a à juste titre
considéré l’instance précédente, cette activité n’est pas en
elle-même problématique, car elle n’implique pas la nécessité
pour l’étude d’adopter le point de vue de son client, ce qui
limiterait pour son employé la possibilité de juger en toute
indépendance (c. 4.1). L’étude, qui fait partie des plus grandes
études de conseils de brevets en Suisse, exerce pour la deuxième
plaignante une activité qui porte sur près de 100 droits de
propriété intellectuelle, depuis plus de 15 ans, et dont l’ampleur
doit par conséquent être relativisée (c. 4.2). L’apparence de
partialité, fondant un devoir de récusation, peut toutefois
résulter de l’incidence du premier procès sur le second, qui
concerne les mêmes produits de l’intimée (c. 5). L’instance
précédente n’a pas violé le droit fédéral en concluant à la
nécessité d’une récusation sur la base de son appréciation des
circonstances du cas d’espèce, et en particulier de l’interaction
entre les deux procédures concernées (c. 5.3). Le présent cas
illustre de manière exemplaire les difficultés qui peuvent surgir,
sous l’angle de l'art. 30 al. 1 Cst., en relation avec les
tribunaux spécialisés dont la plupart des juges travaillent à
temps partiel, en raison de la petite taille de la Suisse. Concernant
le Tribunal fédéral des brevets, le faible nombre de juges pouvant
officier comme juges spécialisés et le fait que certains juges
ordinaires ne puissent travailler qu'à temps partiel pour le
tribunal, et exercent par ailleurs d'autres fonctions dans le domaine
du droit des brevets, constituent des difficultés supplémentaires.
Ces problématiques ne sauraient toutefois contrebalancer la grande
importance que revêt la garantie d'un juge indépendant et
impartial, qui peut justement être affectée par des circonstances
organisationnelles. Au contraire, il convient dans de tels cas de
veiller tout particulièrement à l'indépendance du juge, tout en
tenant compte de l'organisation voulue par le législateur dans le
cadre de l'appréciation toujours nécessaire du cas d'espèce. Dans
le présent contexte, cela signifie notamment que les activités
purement administratives de l’étude d'un juge fédéral des
brevets doivent être soumises à une appréciation moins stricte que
les activités typiques d’un avocat ou d’un conseil en brevets.
Toute activité administrative n'est pas suffisante pour justifier
une apparence de partialité. Il faut plutôt que des circonstances
objectives indiquent une certaine intensité de la relation.
Toutefois, compte tenu de la grande importance que revêt le droit à
un tribunal indépendant et impartial selon l'art. 30 al. 1 Cst. pour
la crédibilité de la justice, le seuil pour un motif de récusation
ne doit pas être fixé trop haut, même pour des activités
administratives. L'instance précédente a respecté ces principes,
et a procédé à une pesée appropriée des circonstances du cas
d'espèce (c. 6). Le recours est rejeté (c. 8). [SR]