Disposition

          LRTV (RS 784.40)

04 juin 2019

Cour suprême du canton de Berne, Tribunal de commerce, 4 juin 2019, HG 18 92 (d)

« Quote-part du produit de la redevance » ; instance cantonale unique, tarifs des sociétés de gestion, équité du tarif, tarif contraignant pour les tribunaux, quote-part du produit de la redevance ; art. 59 al. 3 LDA, art. 60 LDA, art. 5 al. 1 lit. a CPC, art. 59 CPC, art. 40 LRTV.

Les litiges contractuels qui portent sur l’inexécution ou la mauvaise exécution d’un contrat licence relatif à un bien immatériel relèvent de la compétence de l’instance cantonale unique au sens de l’art. 5 al. 1 lit. a CPC (c. 16.2). L’allégation qu’un tarif viole une norme légale impérative supérieure relève du fond et ne concerne pas une condition de recevabilité de l’action au sens de l’art. 59 CPC (c. 17). D’après l’art. 59 al. 3 LDA, le juge civil ne peut pas vérifier une nouvelle fois l’équité d’un tarif, mais il doit contrôler qu’un tel tarif ne prévoit aucun droit à rémunération contraire à la loi dans le cas particulier (c. 23.1 et 23.2). En l’espèce, il convient de vérifier si le tarif commun S est compatible avec la LDA, la LRTV et la LSu (c. 24). En ce qui concerne la LDA, le TF et la doctrine admettent que les subventions servant à couvrir les coûts ou un déficit sont des recettes au sens de l’art. 60 al. 1 lit. a LDA (c. 25.1 et 25.2). Selon le TF, il en va de même de la quote-part du produit de la redevance selon l’aLRTV et des autres aides financières de la Confédération dont bénéficient les diffuseurs privés (c. 25.3). Par un arrêt plus récent, le TF a aussi confirmé que les économies permises par le sponsoring privé et les subventions publiques étaient des recettes au sens de l’art. 60 al. 1 lit. a LDA, cela même lorsque l’événement est déficitaire (c. 25.4). Le tarif commun S est donc conforme à la LDA (c. 25.5). Selon l’art. 40 al. 3 LRTV, la LSu est applicable par analogie à la quote-part du produit de la redevance. En d’autres termes, celle-ci est considérée comme une subvention (c. 26.1). La LRTV ou la LSu n’interdisent ni à un diffuseur de radio d’utiliser les subventions pour payer les indemnités tarifaires selon la LDA, ni aux sociétés de gestion de prendre en compte les recettes provenant de la quote-part dans les bases de calcul de ces indemnités (c. 26.3 et 26.4). La LRTV ne règle que les relations entre l’Etat et les bénéficiaires des subventions, elle ne s’adresse pas aux sociétés de gestion. Au surplus, elle n’exige pas que les revenus de la quote-part soient utilisés seulement pour la réalisation des émissions prévues par le mandat de prestation (c. 26.5). Ils peuvent être employés pour tout le programme, y compris pour acquérir et diffuser de la musique protégées par la LDA, cela même dans des émissions non prévues par le mandat de prestation (c. 26.7). Le tarif commun S n’est donc pas non plus contraire à la LRTV, à la LSu ou à la concession de la défenderesse (c. 26.8). La motion Candinas 163849 avait pour but que les diffuseurs des régions périphériques et de montagne ne doivent plus payer d’indemnité de droit d’auteur sur les subventions qu’ils reçoivent, mais elle a été rejetée par le Parlement. Il n’y a aucune raison de changer la pratique actuelle : au contraire, le rejet de la motion Candinas montre que le législateur souhaite toujours considérer les revenus de la redevance de réception comme des recettes au sens de l’art. 60 al. 1 lit. a LDA (c. 27.2.1). Le Conseil fédéral, qui peut régler le montant de la quote-part par voie d’ordonnance, avait lui aussi recommandé le rejet de la motion Candinas pour ce qui concerne cette quote-part (c. 27.2.2). Il a motivé son point de vue en répondant à une question de la Conseillère nationale Viola Amherd du 17 février 2016 : selon lui, la quote-part est versée pour le financement de tout le programme, pas seulement pour la réalisation du mandat de prestation (c. 27.2.3). Enfin, la CAF considère que les revenus de la quote-part font partie des recettes brutes selon l’art. 60 al. 1 lit. a LDA (c. 27.3) et il n’y a aucune raison de penser que la révision du droit d’auteur changera la situation (c. 27.4). Il convient donc en l’espèce de s’en tenir à la jurisprudence actuelle (c. 27.5). [VS]

13 avril 2012

TAF, 13 avril 2012, A-2811/2011 (d)

sic! 11/2012, p. 716-719, « Radioempfangsgebühr bei Breitbandinternetanschluss » ; redevance de réception radio, appareils multifonctionnels, ordinateur, égalité de traitement ; art. 8 al. 1 Cst., art. 68 LRTV, art. 57 ORTV.

La question est de savoir si un ordinateur disposant d'une connexion Internet à haut débit est un appareil destiné à la réception de programmes, prêt à être exploité au sens de l'art. 68 al. 1 LRTV, et donc assujetti à la redevance (c. 5.1). D'après l'art. 57 lit. a ORTV, l'obligation de payer la redevance concerne les appareils destinés à la réception de programmes ou comprenant des éléments conçus exclusivement pour la réception. En outre, en vertu de l'art. 57 lit. b ORTV, cette obligation vaut aussi pour les appareils multifonctionnels, s'ils sont équivalents aux appareils mentionnés à l'art. 57 lit. a ORTV quant à la diversité des programmes qu'ils permettent de recevoir et à la qualité de réception (c. 5.2). Sur la base d'une interprétation littérale, il faut considérer qu'un ordinateur est un appareil multifonctionnel au sens de l'art. 68 al. 1 LRTV (c. 5.4.2). Cela est confirmé par l'interprétation historique. En effet, cette notion a été introduite à la suite d'une intervention parlementaire qui voulait exonérer de redevance les ordinateurs permettant la réception de programmes de radio par Internet. Cette intervention a été rejetée, et l'art. 68 al. 1 LRTV complété pour préciser que les appareils multifonctionnels pouvaient aussi — sur le principe — être assujettis à la redevance, tout en laissant au Conseil fédéral le soin de déterminer les catégories d'appareils concernés (c. 5.4.3). Un ordinateur disposant d'une connexion Internet à haut débit permet de recevoir autant de programmes qu'un appareil de radio conventionnel, et dans la même qualité. La technique de transmission utilisée n'est pas déterminante d'après l'art. 57 lit. b ORTV (c. 5.6). Dans le domaine de la télévision par Internet, il n'est pas contraire au principe d'égalité prévu par l'art. 8 al. 1 Cst. d'exiger en plus la conclusion d'un abonnement ou l'enregistrement auprès d'un fournisseur. En effet, contrairement à la réception radio, la réception télévision n'est pas (encore) équivalente à la réception traditionnelle, au sens de l'art. 57 lit. b LRTV, si ces conditions ne sont pas remplies (c. 6.3.1). Dans le domaine de la réception à titre professionnel, la redevance n'est pas due s'il existe une directive écrite interdisant aux employés de recevoir des programmes de radio à leur place de travail. Toutefois, cette possibilité n'est pas donnée si l'entreprise n'est constituée que d'une personne. C'est donc le rapport de subordination, et par conséquent l'obligation de respecter la directive, qui fonde l'exonération. Puisqu'une telle obligation n'existe pas dans le domaine de la réception à titre privé, la différence de traitement est objectivement justifiée (c. 6.3.2). [VS]

« Tarif commun 3a complémentaire » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif 3a complémentaire, décision sur recours, instructions impératives à l’autorité précédente, divertissement de fond ou d’ambiance, divertissement ciblé, équité du tarif, forfait, redevance de réception radio, redevance de réception TV, effet rétroactif, entrée en vigueur rétroactive, approbation des tarifs rétroactive, introduction d’une redevance, édition du dossier, effets de la décision d’approbation, hôtellerie, logement de vacances ; art. 26 al. 1 Cst., art. 61 al. 1 PA, art. 46 LDA, art. 47 LDA, art. 60 LDA, art. 83 al. 2 LDA, art. 68 LRTV ; cf. N 27 (vol. 2007-2011 ; TF, 19 juin 2007, ATF 133 II 263 ; sic! 10/2007, p. 722-735, « MP3-Player II » ; JdT 2007 I 146) ; N 601 (vol. 2012- 2013 ; CAF, 17 novembre 2011) ; N 603 (vol. 2012-2013 ; TAF, 3 janvier 2012, B-1769/2010 ; medialex 2/2012, p. 107-109 (rés.), « Tarif A télévision (Swissperform) ») ; N 609 (vol. 2012-2013 ; TF, 13 novembre 2012, 2C_580/2012 ; sic! 3/2013, p. 154-157, « GT 3a » ; medialex 1/2013, p. 49-50 ; N 611 (vol. 2012-2013 ; CAF, 30 novembre 2012) ; N 790 (TAF, 14 mars 2014, B-6540/2012 ; sic! 10/2014, p. 618-623, « Zusatztarif zumGT 3a ») , N 802 (TAF, 8 juillet 2015, B-3865/2015, « Tarif commun 3a complémentaire ») et N 1040 (TF,13 décembre 2017, 2C_685/2016, 2C_806/2016).

En vertu de l’art. 61 al. 1 PA, une décision de renvoi du TAF est contraignante pour la CAF. Si le renvoi est effectué avec la formule « pour nouvelle décision dans le sens des considérants », le caractère impératif s’étend aux considérants. La CAF ne doit donc plus se prononcer sur la base légale du tarif et sur la possibilité d’établir un tarif séparé (c. 3). Dans le cadre de son arrêt du 14mars 2012 (recte : 2014) (cf. N 790), le TAF a estimé que l’utilisateur au sens du droit d’auteur, en cas de réception d’émissions dans des chambres d’hôtel, n’était pas le client,mais l’hôtelier. Il ne s’agit pas de simple divertissement de fond ou d’ambiance, mais de divertissement ciblé dûment choisi, ce qui pourrait plaider pour une utilisation plus intensive.Cependant, les émissions ne sont pas regardées longtemps et elles profitent à un plus petit nombre de personnes qu’en cas de diffusion dans un magasin, par exemple. Dans le cadre d’un tarif qui doit couvrir un grand nombre de situations, une réglementation forfaitaire est justifiée (c. 10). Une probable évolution technologique, qui rendrait désuète la réception d’émissions au moyen d’appareils radio / TV, n’a pas à être prise en compte pour juger de l’équité du tarif (c. 11). Ni la redevance selon l’art. 68 LRTV, ni les droits de retransmission payés par les câblodistributeurs n’empêchent un tarif de droits d’auteur et de droits voisins pour la réception d’émissions dans des chambres d’hôtel (c. 12). Dans le cadre d’un tarif forfaitaire, il n’est pas inéquitable que les exploitants de logements de vacances soient traités comme les hôteliers (c. 13). Un moyen de preuve concernant une question tranchée par le TAF (qui lie la CAF) n’est pas pertinent (c. 14). La question de l’entrée en vigueur du tarif, éventuellement rétroactive, relève du contrôle de l’équité (c. 16). Selon l’ATF 133 II 263 (cf. N 27, vol. 2007-2011, c. 11.2), l’entrée en vigueur rétroactive d’un tarif se décide au cas par cas, en fonction des circonstances de fait et de droit et des différents intérêts en présence. Il semble s’agir d’un examen sui generis, fondé sur d’autres critères que ceux concernant l’effet rétroactif dit « véritable » des actes administratifs, qui fait appel à deux éléments : d’une part la prévisibilité de l’obligation de payer, d’autre part le fait de pouvoir raisonnablement exiger des utilisateurs qu’ils provisionnent les montants litigieux. Les conditions de l’absence d’inégalités choquantes et de l’absence d’atteintes à des droits acquis sont également à observer, car elles valent dans tous les domaines du droit administratif. Le critère de la prévisibilité implique nécessairement une rétroactivité limitée dans le temps, à déterminer en fonction des circonstances du cas particulier. Enfin, le principe de la proportionnalité, fondamental en droit administratif, doit être respecté. Lorsque la CAF a approuvé un tarif, les utilisateurs doivent compter avec l’entrée en vigueur de ce tarif,même lorsque la décision d’approbation fait l’objet d’un recours avec effet suspensif. Sous l’empire de l’aLDA, l’entrée en vigueur et l’application rétroactives d’un tarif étaient exclues, car la loi ne consacrait que des droits exclusifs, si bien que les utilisations ne pouvaient pas être entreprises sans qu’un tarif soit applicable (c. 22). Aujourd’hui, l’art. 83 al. 2 LDA et la jurisprudence du TF dans l’affaire 2A. 142/173/174/1994 du 24 mars 1995 montrent que la procédure d’approbation tarifaire ne doit pas conduire à des périodes d’utilisations sans redevances, cela aussi bien dans le domaine des droits exclusifs que dans celui des droits à rémunération. Sinon le droit de la gestion collective interférerait sur le droit d’auteur matériel, qui est couvert par la garantie de la propriété au sens de l’art. 26 al. 1 Cst. (c. 23). La CAF a déjà accepté l’entrée en vigueur rétroactive d’un tarif, par sa décision du 17 novembre 2011 (cf. N 601, vol. 2012-2013) (c. 25). La doctrine va dans le même sens (c. 26). Il faut distinguer l’approbation avec effet rétroactif d’un tarif en première instance et l’entrée en vigueur rétroactive d’un tarif suite à une procédure de recours. En l’espèce, cette procédure de recours concerne un tarif complémentaire, ayant pour but de compléter un tarif commun dont la durée est limitée à quelques années. Si l’on excluait l’entrée en vigueur rétroactive d’un tarif complémentaire suite à une procédure de recours (qui peut durer deux à trois ans), l’institution même des tarifs complémentaires pourrait devenir obsolète. La procédure d’approbation tarifaire (y compris les éventuels recours) ne doit pas être un moyen d’obtenir des périodes d’utilisation gratuites, sinon les recours deviendront la règle (et la gestion collective ira à l’encontre de ce que permet la gestion individuelle). De plus, les autorités ne doivent pas être livrées aux circonstances de chaque cas particulier pour déterminer si d’autres moyens que l’effet rétroactif (comme un supplément sur la redevance courante) sont admissibles ou non (c. 27). Depuis la première décision de la CAF (cf. N 611, vol. 2012-2013) les utilisateurs devaient compter avec l’introduction d’une redevance. Admettre une réalisation de la condition de prévisibilité seulement si un tarif antérieur existait déjà ne découle ni de l’art. 83 al. 2 LDA, ni de la jurisprudence, en particulier de l’arrêt du TAF du 3 janvier 2012 (cf.N 603, vol. 2012- 2013) (c. 28). D’autre part, on pouvait raisonnablement exiger des utilisateurs qu’ils provisionnent les montants litigieux,même si leurs associations avaient fait recours en contestant la base légale du tarif (c. 29). La longueur de la procédure n’est pas seulement imputable aux sociétés de gestion. Par sa prise de position concernant l’effet suspensif dans la procédure de recours, Hotellerie-suisse a montré qu’elle était consciente du risque que le tarif entre en vigueur rétroactivement (c. 30). Enfin, l’effet rétroactif ne cause pas d’inégalités choquantes ou de distorsions dans les rapports de concurrence, et il ne porte pas atteinte à des droits acquis.Compte tenu des circonstances de fait et de droit et des différents intérêts en présence, il est admissible que le tarif entre en vigueur au 1er janvier 2013. Le TAF a d’ailleurs déjà admis un effet rétroactif d’environ deux ans (cf. N 603, vol. 2012-2013) (c. 31). L’édition du dossier de la procédure de recours devant la CAF n’est pas recevable, car la requérante n’indique pas pour quelles questions concrètes elle entend se prévaloir de ce dossier. De plus, le TAF a probablement déjà retourné les pièces aux parties et il n’est pas sûr que la CAF ait les moyens juridiques d’exiger une telle édition (c. 33). Le TC 3a complémentaire est donc approuvé.Mais, comme les associations d’utilisateurs peuvent difficilement recourir sans disposer de la décision motivée par écrit, il convient de préciser que cette décision ne prendra effet qu’à l’échéance du délai de recours (c. 35). [VS]